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Sentimental/Romanesque
Alice : Firmament mode d’emploi
 Publié le 04/09/15  -  19 commentaires  -  12005 caractères  -  277 lectures    Autres textes du même auteur

C’est le deuxième soir qu’on m’a marché sur la tête.


Firmament mode d’emploi


J’avais vu l’érable avant de voir la maison. C’était un vrai arbre de ville, qui avait grandi en fonction des toits et des fils électriques. La maison, rasée par les branches, était plus tassée sur elle-même, mais plus grande d’un bon mètre que les autres demeures, faites sur le long, des rues environnantes. Ça lui donnait l’air de se tenir debout. En voyant la pancarte indiquant « à vendre », j’avais composé le numéro.


L’agent immobilier avait envers la maison une attitude blasée peu commune dans la profession. Trois fois qu’il la revendait dans sa carrière. Il n’avait vraiment plus rien à vanter et ça me convenait parfaitement.


– Les gens restent jamais longtemps ici. C’est bruyant à cause de l’autoroute pas loin, la maison est très mal adaptée pour les familles, très peu proénergétique en l’état mais elle vaut pas les rénovations qu’on aurait à faire, l’isolation a été mal faite alors ça coule tout le temps dans le sous-sol. Y a pas d’étage, juste un grenier et son plafond est bas et trop incliné pour en faire quelque chose de potable. Le plafond du rez-de-chaussée est trop haut, il mange tout l’espace qui aurait pu être utilisé pour avoir un vrai deuxième étage. En plus ça rend toute la charpente fragile. Je sais pas c’est qui le bozo qui a pensé à ça. Je vais sûrement finir par proposer de démolir et de mettre le terrain en vente pour repartir de zéro.

– Je la prends.

– Vous êtes sérieuse ?

– Parfaitement.


Une maison qu’il faudra quitter a un charme fou. On ne s’attache jamais si rapidement à un endroit qu’en l’imaginant relié à un énième déracinement : aussi considérais-je déjà la baraque souffreteuse avec bienveillance. J’avais trente-trois ans. C’était encore le temps de prendre sous mon aile une grande malade.


La première soirée, il a plu. L’humidité montait du sous-sol. Je me suis fait un thé au citron, une tradition de déménagement. J’ai tout exploré, sauf le bas. Ignorer les problèmes avait toujours été ma spécialité. Le reste me plaisait ; un jaune fané était demeuré sur les murs et flattait bien les poutres en bois sombre, je ne comptais rien y changer. Il y avait des fenêtres brouillées, à l’ancienne, leurs doubles vitres à carreaux admirablement mal isolées, mais au rebord suffisamment conséquent pour qu’on y pose des pots de fleurs. Aidé de son plafond trop haut le rez-de-chaussée paraissait spacieux, et j’ai prévu de remplacer mon plafonnier ovale par un lustre, et mon buffet de un mètre de haut par une armoire plus imposante. Je me suis endormie avant d’avoir commencé à défaire mes cartons.


C’est le deuxième soir qu’on m’a marché sur la tête.


J’ai cru au départ qu’un chat était en train de se déplacer sur le toit. Mais les bruits étaient lourds et étrangement rythmés, comme une personne qui marche et non pas comme un animal qui trotte. Je me suis levée sur le lit pour tenter de me rapprocher de la source du bruit, je n’ai plus rien entendu. Mais une impression diffuse ne quittait pas mes vertèbres.


Sachant que je ne pourrais pas dormir là-dessus, j’ai désentortillé et remis mes vêtements de la journée et suis sortie par la porte avant, reculant jusqu’à ce que, sur le trottoir, j’aie une vue approximative du dessus de la maison.

En voyant la forme, je n’ai pas crié, mais mon cœur s’est crispé douloureusement. Il est reparti à toute vitesse quand la forme a dit bonsoir.


– T’es la nouvelle propriétaire, a déclaré ce qui semblait être une jeune fille sur le ton de l’affirmation.


Je me suis approchée. À l’écoute de la voix fluette et en attribuant le quart de la forme aperçue à une tignasse interminable, la situation est devenue plus perturbante qu’inquiétante.


– Et tu es… ?

– Sur ton toit. Désolée, j’ai fait du bruit. Je t’ai réveillée ?

– Ouais, et tant qu’à ce que je sois réveillée je pense qu’on devrait avoir une p’tite causette.

– Ben monte alors.


Si c’était un cas de déficience mentale autant jouer le jeu.


– Comment t’es montée ?


La tignasse a pointé mon érable, dont les branches les plus hautes chevauchaient la maison. Je n’avais pas grimpé aux arbres depuis une vingtaine d’années, mais il est toujours plus facile de monter que de descendre. Je me suis traînée jusqu’au bord du toit et me suis hissée en y laissant un bouton de chemise. Je me suis redressée et me suis approchée, remontant la pente douce des tuiles imbriquées en tentant d’avoir l’air de trouver ça complètement normal. La lumière du lampadaire du coin m’a finalement révélé la forme autrement qu’à contre-jour.


Au départ, je n’ai vu que des taches de rousseur. Puis une maigreur, exacerbée par une salopette digne d’un sac. Et je me suis arrêtée enfin sur les yeux, histoire de jauger l’éventuel degré d’intoxication. Les pupilles étaient dilatées, mais quelque chose dans leur absence de détours me disait que ce n’était que l’œuvre de la pénombre ambiante. Je me suis assise à un mètre de distance avant de poser la question :


– Qu’est-ce que tu fais ici ?

– Je regarde le ciel.

– Cool ça. Pourquoi t’as besoin de monter sur le toit pour ça ?

– Pour être moins loin.


À titre provisoire, j’ai décidé de faire comme si l’argument était imparable.


– OK. Question métaphysique : pourquoi mon toit ?

– C’est le plus haut de la rue.

– Y a des blocs appartements pas loin, c’est encore plus haut.

– Zéro confortable.

– Quoi ?

– Carré. Les jambes pendouillent trop au bord et pas assez au milieu. En plus c’est pas pratique pour la descente.

– Tiens donc ?


À ma plus grande horreur, elle a opté pour l’illustration. Elle s’est posément couchée de tout son long sur l’arête du toit, a rapproché ses coudes de son corps et, se donnant un élan, s’est mise à rouler sur elle-même le long de la pente.


Comme les enfants sur les buttes herbeuses, dans les parcs. Mais à sept mètres du sol.


J’ai hurlé pendant que l’inclinaison la faisait accélérer.

Arrivant à la gouttière longeant le rebord du toit, elle s’est immobilisée, brusquement, d’un pied et d’une main expertement fichés sur la dernière rangée de tuiles.


– T’es folle !

– Bah la folle elle sait que ça prend cinq tours et demi de l’endroit où elle pose les fesses aux branches de l’arbre. D’ailleurs, coupe jamais celle du dessus, là, celle qui est tordue tu vois ? Quand je perds le compte c’est mon repère visuel.

– Non mais j’hallucine ! Si je peux pas t’empêcher de monter au moins tu vas me faire le plaisir de descendre intelligemment !

– Techniquement, tu peux m’empêcher de monter, t’as des recours légaux pour ça.


Elle est remontée en époussetant sa salopette.


– C’est ben vrai, ai-je bluffé.

– Mais tu le feras pas.

– T’as l’air ben sûre de toi.

– Y le font jamais. Je fais ça depuis que j’ai cinq ans, j’en ai seize. Y se sont tous fâchés, comme toi, mais y dénoncent jamais. Suzanne, Marie-Louise, même son mari le vieux Mario. La première soirée y a sorti son gun. Mais au fur et à mesure y a fini par s’en foutre. Y finissent tous par s’en foutre.

– Je vois mal comment.

– Y en a qui volent, ou qui brisent, ou qui dessinent. Moi je viens, pis je regarde le ciel. Ça te dérange pas, tu le sais juste pas encore.


Je me suis tue pendant qu’elle fixait le ciel trop éclaboussé de ville pour être étoilé. J’avais deux choix. Je classais l’affaire en lui disant que dans le vrai monde on n’utilise pas le toit d’une propriété privée comme terrain de jeu, ou bien je laissais une fille en salopette qui voulait du ciel être une fille en salopette qui voulait du ciel, accessoirement sur mon toit. J’ai regardé son cou, blanc avec des taches de rousseur, j’ai regardé ses yeux à demi verrouillés, ce genre d’yeux qui pouvaient dissimuler un homicide mais pas une envie de sourire, j’ai regardé ses mains, très menues, des mains de petite fille fortiche ; et je me suis sentie loin, très loin de l’appel à la police. À la lumière des gyrophares, la simple poésie prendrait les couleurs de la folie douce, de l’anecdote bon marché. Je n’avais pas vraiment envie de voir ça.


– Si tu veux revenir, tu descends plus comme ça.

– Tu le verrais pas.

– Mais je verrais le cadavre dans mes tulipes.

– T’as pas de tulipes.

– Je vais en avoir.

– Waouh, tu nous vois sur le long terme. Je suis touchée.

– Tu descends plus comme ça.

Deal.


Je me suis levée, suivant à mon tour la pente, mais sur mes deux pieds, en me demandant comment j’allais descendre.


– Le pied droit sur la fourche des deux grosses branches de l’érable sur le bord, le gauche sur le haut de la fenêtre la plus proche, une main sur le bord de la gouttière, l’autre sur la branche que tu vas avoir devant la face, tu t’appuies sur la branche pour te redresser, tu mets ton deuxième pied dans l’arbre pis tu descends comme t’es montée. On lâche pas la grande.


Cinq minutes plus tard, j’avais de l’écorce jusque dans le décolleté. Elle s’était approchée pour m’aider quand j’avais renoncé à mon orgueil, ne lésinant pas sur le sarcasme. À tout le moins, elle n’avait pas roulé.


By the way, moi c’est Natacha.


Elle était plus à l’aise maintenant que j’étais hors de son territoire.


– Quelqu’un sait que t’es ici, Natacha ?

– Non.

– T’as pas ça, des parents ?

– Ben tout le monde a des parents.


Je me le suis tenu pour dit.


***


– Qu’est-ce que t’aimes tant, dans le fait de regarder le ciel ?

– Les étoiles, a-t-elle répondu immédiatement. Elles sont là pis pas là en même temps.

– Ouais, sûr qu’en ville on voit rien…

– J’aime ça. Si les étoiles peuvent être là sans qu’on puisse les voir, y a tellement de choses qui peuvent être là.

– C’est pas fou.

– À l’école, une fois, on nous a fait lire un recueil de poésie qui s’appelait Pleurer ne sauvera pas les étoiles *.

– C’est beau. Ça parlait de quoi ?

– Je me souviens plus. Le titre, c’était assez.


***


– T’habites dans le coin ?

– Tout le monde habite dans le coin par ici.

– Où est-ce que t’habites dans le coin ?

– Par là.


Elle a pointé le doigt droit devant elle, plus vers le ciel que vers le sol, façon Peter Pan. Je ne doutais pas qu’elle avait désigné au hasard. J’étais trop paresseuse et pas suffisamment curieuse pour que l’idée de la suivre me paraisse alléchante, et on le savait toutes les deux.


Je posais mes questions tranquillement, elle répondait tranquillement, mais rarement aux questions. J’avais d’abord cru qu’elle contournait parce que parler de sa famille très hypothétique, de sa vie à fuir sur le toit des autres, la blessait. Ça ne la blessait pas. Ça l’ennuyait.


Elle ne préservait pas exactement une intimité, ni ne l’exposait. Simplement, elle montrait tout, et tout était une intimité. Je m’y grignotais sans prétention une place pendant quelques heures de contemplation d’absence d’étoiles, forte de savoir qu’elle n’était pas folle, et que ce n’était donc pas par pitié ou par peur que j’avais laissé tomber si vite. Elle n’était pas folle, pas vraiment. Elle était juste de ces êtres qui vivent en étant intensément conscients de vivre.


***


– Tu montes pas ce soir ?

– Y pleut.

So what?

– Fais attention en descendant. Ça va être glissant.

– Comme tu veux.

– Chouettes nuages. Les étoiles sont loin ce soir, hein ?

– Pas plus que d’habitude.


***


La maison, elle est à moi depuis vingt-cinq ans. J’ai rénové le désastre sans conviction : les recoins du sous-sol chuchotent encore pendant la pluie. Mais le toit, il est parfait. Et je vais m’assurer que personne n’en fabrique un plus haut. L’érable n’a grandi qu’en largeur. Certains diront que ce sont les fils électriques, mais la vraie raison c’est qu’il n’a jamais vraiment eu besoin que de se rendre au toit. Et moi, perchée sur ma grande malade qui prend l’eau, je veille scrupuleusement à débroussailler la vue sur la branche au bas de la pente ; celle du dessus, la tordue. Au cas où.


Elle a quarante et un ans mais je sais qu’elle roule.




* Un magnifique recueil de François Guerrette.


 
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   AlexC   
15/8/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Joli sujet. Doux et léger. Servi par une écriture adéquate, aux dialogues marquants.

Je trouve la phrase de conclusion un chouia obscure. Qu'entendez-vous par "roule" ? Je m'attendais à un "encore" derrière...

Merci bien pour cette lecture pleine de fraicheur et de papillons.

   costic   
21/8/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Beaucoup aimé l'histoire pleine d'émotions un peu brutes.
J'aime aussi beaucoup l'idée qu'on puisse tomber amoureuse d'une maison à cause d'un arbre. Les descriptions du vendeur, de la maison, des fenêtres sont drôles et assez burlesques.
et j'adore la dernière phrase!
Quelques maladresses au niveau de l'écriture n'empêchent pas d’adhérer à l'histoire.
PX:
"faites sur le long"
"j’ai désentortillé et remis mes vêtements"
Les dialogues sont percutants. On s'attache aux deux personnages, un peu en marge mais attendrissantes, désarmantes.
Bon moment de lecture!

   Pepito   
4/9/2015
Et bonjour Alice !

Forme : comme d'hab, mimi tout plein avec de petits couacs saugrenus... mais n'est-ce point ce qui en fait le charme ?

C'est parti !
"faites sur le long, des rues environnantes. " crévendiou, c'est du local ? "construites le long des rues environnantes" je suppose
"était plus tassée sur elle-même, mais plus grande d’un bon mètre" bon, faut savoir ? Disons... "plus tassé grande d'un bon mètre..." ;=)
"proénergétique" je n'ai trouvé que "BAC pro Énergétique"... c'est pas ça, hein ?
"sur le trottoir," > "depuis le trottoir" ou alors modifier le virgulage
"Je me suis levée sur le lit" c'est pas faut, mais j'ai douté un moment... "Je suis montée debout sur le lit" peut-être ... ?

"... c’est qu’il n’a jamais vraiment eu besoin que de se rendre au toit." "plus haut que le toit" non ?

"Elle a quarante et un ans mais je sais qu’elle roule. " j'ai du prendre ma calculette pour être sûr de savoir de qui on parlait. J’aurai bien vu un "toujours" ou un "encore" en fin de phrase.

Et puis des délices :

"Ignorer les problèmes avait toujours été ma spécialité." c'est pas le genre maison, mais je vois bien à quoi cela fait allusion. ;=)
"C’est le deuxième soir qu’on m’a marché sur la tête." ouha ! la bascule, du grand art !

– Et tu es… ?
– Sur ton toit.

Déliiicieuuux ! Dans la foulée, pour "– Comment t’es montée ?" j'aurai ajouté "Comme un ouistiti !"... Bon d'accord, désolé... ;=(

"le ciel trop éclaboussé de ville pour être étoilé." miam

"ou bien je laissais une fille en salopette qui voulait du ciel être une fille en salopette qui voulait du ciel, accessoirement sur mon toit." il m'a fallu le relire celui là... avant de l'approuver.

"- Tout le monde habite dans le coin par ici." ben oui !...

Puis là, j'ai lu avè l'accent, faut l'faire :
"devant la face"
"– T’as pas ça, des parents ?"
"Elles sont là pis pas là en même temps"

Fond : ben oui, quoi ?! Si on peut plus s'promener sur les toits des autres à la belle étoile ?! Non mais...

Bon d'accord, ça lui dure un poil... Quarante ans à tournicoter sur les tuiles, on doit s'lasser avant. Mais après tout pourquoi pas...

Puis faut bien voir une chose, personne qu'est mort avant la fin de la nouvelle, c'est quand même pas rien !

Quel affreux ce Pepito !

Pepito

   hersen   
4/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà une histoire pleine de poésie, y compris sur le long terme ! (25 ans, quand même)
Ce que j'aime le plus dans cette nouvelle, c'est l'état d'esprit. Les choses sont simples parce que les protagonistes ont la volonté de ne pas les compliquer. Les deux personnages se retrouvent à merveille sur ce terrain-là et c'est ça qui donne cette grande douceur.

Et puis, "les bizarreries" de langages, ma préférée est "sur le long", illustrent à quel point la francophonie est large. Ne perdez jamais cela Alice !
Et puis, t'as ben beau...

   ameliamo   
4/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un peu de Peter Pan, un peu de Petit Prince, en variante féminine, beaucoup de poésie, dans un texte très bien écrit. C’est une plaisir de lire cette nouvelle..

   Anonyme   
5/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

je suis toujours sous le charme de vos personnages un peu marginaux même quand il s’agit de personnes tout à fait ordinaires. Pour cette histoire j’ai imaginé qu’elle pourrait être le “synoptique” d’un scénario de film.
J’explique. Je suis très peu amateur de cinéma mais les films qui me plaisent le plus sont souvent ceux qui mettent en scène des personnes simples, un peu marginales et gentilles… même si un peu folles, par exemple le film : « Complètement givrés » du réalisateur allemand André Erkau.

À vous relire.
Cordialement
Corbivan

   Automnale   
5/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Lire Alice, la dernière nouvelle d’Alice, c’est faire entrer le printemps et la fantaisie dans notre maison… Pourquoi s’en priverait-on ?

Au fil de ma lecture, je me suis demandée où l’auteur allait nous emmener… J’ai trouvé ce récit bien écrit - comme d’habitude -, dépaysant compte tenu de certaines tournures de langage, poétique, plein de fraîcheur, original, délicat… Du pur Alice...

L’histoire ? La raconter serait trahir le suspense.

Les personnages : un piètre agent immobilier ne faisant que passer, une jeune femme de trente-trois ans, une jeune fille de seize ans.

Le décor : une ville non loin de l’autoroute, un érable, une maison un peu plus haute que les autres, le firmament.


Petites observations :
- La maison… plus grande d’un bon mètre (ne serait-ce pas, plutôt, plus haute ?)
- Sachant que je ne pourrais pas dormir là-dessus (là-dessus ou bien, plutôt, là-dessous ?)

Une maison qu’il faudra quitter a-t-elle vraiment davantage de charme ? Je me pose, au passage, la question… Par ailleurs, je savoure les mots, « gun » et « bozo ».


J’ai particulièrement aimé :
- A trente-trois ans, c’est encore le temps de prendre sous son aile une grande malade, à savoir une maison avec plein de défauts (exact).
- Ignorer les problèmes avait toujours été ma spécialité (sympathique).
- Les fenêtres étaient mal isolées, mais nous pouvions y poser des pots de fleurs… (irrésistible).
- Avoir l’air de trouver complètement normal le fait de grimper sur un érable, puis sur un toit… (évidemment !).
- Les dialogues, avec ce « pis »… Ou, encore, le « T’as pas ça, des parents ? » (drôle).
- Des yeux pouvant dissimuler un homicide mais pas une envie de sourire… (tellement poétique et attendrissant).
- Se souvenir d’un recueil de poésie, mais juste du titre, ce qui est assez… (adorable).
- Elle ne préservait pas exactement une intimité, ni ne l’exposait. Simplement, elle montrait tout, et tout était une intimité (magnifique et touchant).


Un seul regret : je serais volontiers restée plus longtemps dans l’histoire… Et, depuis vingt-cinq ans de cohabitation (un personnage à l’intérieur de la maison, l’autre sur le toit), je me dis qu’une relation plus intimiste, un peu trouble par exemple, aurait pu naître... Et être juste évoquée... L’imagination du lecteur aurait, de la sorte, encore plus vagabondé…

Il ne me reste plus qu’à attendre, en regardant l’érable de ma rue, la prochaine publication de l’auteur.

Chère Alice, ne faites pas trop attendre vos fidèles lecteurs et lectrices…

   Blacksad   
5/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un joli texte, une histoire simple mais pleine de poésie et de fantaisie. Les authentiques rêveurs, on en croise peu... alors même si ce n'est qu'au détour d'une nouvelle, il ne faut pas bouder son plaisir. Et justement quel plaisir de voir une rêveuse tomber sur une autre rêveuse et instaurer un dialogue dont on devine l'essentiel se faire sans mots et le reste être pudique, décalé, drôle.

Très bien écrit avec en plus des tournures que j'ai beaucoup aimé comme par exemple "Je me suis tue pendant qu’elle fixait le ciel trop éclaboussé de ville pour être étoilé."

Merci pour cet agréable moment de lecture...

   in-flight   
5/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Toujours aussi tendre et savoureux. Il y a de la chair, de l'esprit, tout pour passer un bon moment. J'ai d'abord pensé à l'allégorie d'un songe ou d'un rêve qui roderait sur le toit, et puis cette histoire de maison délaissée fait écho aux histoires de fantômes...

"Si les étoiles peuvent être là sans qu’on puisse les voir, y a tellement de choses qui peuvent être là." --> cette phrase illustre la "folie maîtrisée" de la jeune fille. Son attitude est pour le moins atypique mais son raisonnement est totalement cartésien.Le rationnel change de camp et l'on se dit que les fous ne sont pas toujours ceux que l'on croit.

Un bémol: la dernière phase comporte ce "mais" que je ne comprends pas. Je vois bien votre intention (l'âge n'a pas d'emprise sur son comportement) mais franchement on dirait que vous parlez d'une vieille bagnole genre un 4L ou 2CV... ça m'a surpris. Je pense que remplacer "mais" par "et" avec un petit "toujours" ou "encore" ou bien revoir la phrase carrément.

Merci.

   carbona   
5/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quelle belle histoire ! Originale, inattendue, intéressante, poétique et drôlement bien menée. Il n'y a pas une minute où on doute. On a envie de rêver, on se laisse embarquer. Bravo !

Votre écriture se déguste vraiment, comme une jolie pâtisserie, à petites bouchées pour mieux savourer.

J'ai noté quelques passages sur lesquels j'ai un peu trébuché :

- "et j’ai prévu de remplacer mon plafonnier ovale par un lustre" < le temps utilisé m'a gênée.

- "et en attribuant le quart de la forme aperçue à une tignasse interminable" < attribuer n'est pas très clair.

- "en tentant d’avoir l’air de trouver ça complètement normal." < un peu long.

- "La lumière du lampadaire du coin " < de la rue ?

- "Elle s’est posément couchée " < posément, pas top avec couchée.

- "y a sorti son gun" et "y a fini par s'en foutre" < le "y" collait bien pour remplacer "ils" mais moins pour "il".

- "expertement fichés " < fichés, pas assez approprié, imagé

- "ou bien je laissais une fille en salopette qui voulait du ciel être une fille en salopette qui voulait du ciel, accessoirement sur mon toit. < pas évident de comprendre cette formulation

Merci pour cette lecture !

   aldenor   
6/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le récit est bien mis en place avec la description de la maison imbriquée dans l’érable. Bien aimé le percutant : « Ça lui donnait l’air de se tenir debout. »
L’agent immobilier en rajoute un peu trop ; ça en devient moins drôle que ça n’aurait pu l’être.
« C’est le deuxième soir qu’on m’a marché sur la tête. » Belle formulation qui capte l’intérêt du lecteur !
En guise de formules bien balancées, je retiens aussi « J’avais trente-trois ans. C’était encore le temps de prendre sous mon aile une grande malade. », avec le double emploi de la maison et de la jeune fille.
L’idée de la jeune fille sur le toit, de la rencontre entre ces deux personnages, est poétique, surréaliste. Je pense à la fin d’un film de Pasolini dans lequel une femme lévite au-dessus du toit de sa maison.
Les dialogues passent bien, ils ne manquent pas de naturel.
La conclusion avec la situation se perpétuant « 25 ans après » me laisse cependant un gout d’inachevé : est-ce un sauvetage spirituel, la narratrice adhère-t-elle au mode d’évasion de la jeune fille ?

   Francis   
8/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
En vous accompagnant sur le toit, j'ai côtoyé les étoiles de la poésie. Les dialogues avaient la fraîcheur des nuits étoilées. Les pupilles de Natacha étaient des lunes accrochées aux branches de l'érable. Merci pour cette évasion au pays des rêves.

   Anonyme   
9/9/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Il m’a suffi de voir Alice dans la liste des nouvelles publiées pour savoir que j’allais grappiller du temps au bonheur de lire.

Dès le titre, dès l’incipit, la magie opère, et je sais très bien pourquoi.
Je vais tenter de dire une nouvelle fois combien j’aime plonger toute éveillée dans ces atmosphères que tu sais divinement créer et où je fonds avec délice.

Est-ce à cause de l’érable – l’arbre qui offre ses étoiles et ses branches à l’histoire - la présentation de la maison me harponne « ça lui donnait l’air de se tenir debout », et puis ce si vrai « une maison qu’il faudra quitter a un charme fou. On ne s’attache jamais si rapidement à un endroit qu’en imaginant un énième déracinement. ».

Quel que soit le thème abordé (la rencontre de deux inconnus sur la même longueur d’ondes, étant un de mes préférés), avec la forme percutante et ciselée qui caractérise ton talent, tu l’habilles admirablement d’une poésie dont je suis friande. Elle nimbe d’une grâce quasi douloureuse le quotidien, avec des touches d’accent pur qui sont ta marque de fabrique.
A chaque fois tu me balades dans ton monde de douceur infinie, me donnant à penser qu’il est aussi un peu le mien. C’est là où réside ta force, je crois.
Ici, tout à tour, je suis elles la nuit sur le toit de la maison dans l’arbre.

Un bémol pour tempérer toute cette fougue : je suis restée sur ma faim. Même si je sais qu’il appartient à l’imagination de faire le reste, j’aurais aimé que cette nouvelle soit plus longue, qu’elle me raconte, encore et encore, toutes les menues pensées des deux personnages (trois avec l’arbre) que tu as su rendre, à ton habitude, si attachants…

Bien sûr, il y a tout plein d’autres choses qui me passent par la tête en te lisant - comme cette impression tenace que tout parle de racines qui s'attachent, se détachent, jusqu'au prénom de la malicieuse gamine, Natacha - mais si j’attendais de savoir les mettre en mots, tu attendrais longtemps mon commentaire.

A te relire, Alice
(je me délecte déjà du forum que tu ne vas pas manquer de dédier à ce sujet).

Cat inconditionnelle, of course ^^

   Alice   
12/9/2015

   Lulu   
13/9/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Alice,

j'ai éminemment apprécié cette nouvelle que j'ai presque trouvée trop courte, tant j'ai aimé m'y installer en parcourant vos mots. C'est si poétique. Or, c'est là une belle surprise, car je me demandais bien où vous alliez nous entraîner avec cet agent immobilier tout terre à terre... Le titre aurait dû m'éclairer...

J'ai passé un excellent moment de lecture et n'ai qu'une envie, vous lire encore. Vous avez vraiment du talent. Votre écriture est si sensible. Vos phrases coulent de source.

Je me souviendrai longtemps de cette nouvelle. Elle est vraiment magnifique. On ne perçoit pas les étoiles depuis la ville, mais on les perçoit entre vos lignes.

Tous mes encouragements pour la suite.

   Curwwod   
18/9/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Alice,

Je commente peu et pratiquement jamais les nouvelles. Mais là je suis resté scotché. Je ne sais trop pourquoi, cette histoire pleine de fantaisie et de tendresse, écrite d'une plume vive, colorée des teintes brillantes de votre univers a fait remonter à mon esprit des passages de la grande Colette et de Saint Exupéry. Il y a quelque chose du petit prince dans le personnage fantasque lunaire que vous évoquez et cette bienveillance dont vous faites preuve et qui se prolonge en affection véritable n'est pas sans me rappeler cet aviateur qui dessine des moutons.
Je n'ai qu'une envie, c'est que cette histoire soit réelle et non le fruit d'une imagination inspirée. J'ai aimé votre nouvelle de bout en bout et espère bien, moi qui n'ai pas le souffle d'écrire comme cela, avoir le bonheur de lire d'autres chef-d'oeuvres de votre plume.
Merci de tout coeur
C.

   Diafus   
20/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une belle plume au service d'une petite histoire, mais d'une belle peinture.
Un très bon moment de lecture, à peine gêné par les quelques traits imparfaits déjà relevés par d'autres commentateurs. De très belles images et figures de style qui élèvent l'histoire et lui donne une évidente raison d'être.

   Brume   
9/9/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Alice,

Ce que j'aime dans votre nouvelle c'est les conversations entre les 2 femmes. Elles sont attachantes, tendres, poétiques. Surtout j'apprécie beaucoup la répartie de la jeune fille.
Les dialogues définissent le caractère de chacune: ont sait qui parle, et un cadre (le toit, la ville, les étoiles) qui donne à rêver.
Leur complicité est palpable, et un rendez-vous sur le toit pour regarder les étoiles qui ne brillent pas ça n'est pas banal.
J'avoue que le début de l'histoire ne m'a pas plus emballée que ça, mais j'ai continué grâce au faîte que ce soit très aéré. Et puis la jeune femme a des propos qui claquent:

"Ignorer les problèmes avait toujours été ma spécialité"
"C’est le deuxième soir qu’on m’a marché sur la tête."

   plumette   
7/10/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Alice,

un grand plaisir de lecture!
Le "catalogue" oniris est riche et je suis loin d'avoir tout découvert.!

j'ai beaucoup aimé l'entrée en matière! Cette toute petite phrase qui donne envie d'aller plus loin " j'avais vu l'érable avant de voir la maison"
Et cette propriétaire a eu immédiatement ma sympathie. " une maison qu'il faudra quitter a un charme fou" ou encore " ignorer les problèmes a toujours été ma spécialité" 2 petites notations qui en disent long!

la rencontre entre cette jeune femme et cette adolescente est magique.La manière dont vous faite une histoire de cela est surprenante de bout en bout.
Les dialogues sonnent justes, ce qui n'est jamais facile.



" j'ai regardé son cou, blanc avec des taches de rousseur, j’ai regardé ses yeux à demi verrouillés, ce genre d’yeux qui pouvaient dissimuler un homicide mais pas une envie de sourire, j’ai regardé ses mains, très menues, des mains de petite fille fortiche ; et je me suis sentie loin, très loin de l’appel à la police"

cette phrase illustre bien votre force d'écriture! comment faire passer en si peu de mots un basculement dans l'esprit de la narratrice!

Chapeau bas!

Plumette


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