Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
Alice : Sans épitaphe
 Publié le 28/12/15  -  18 commentaires  -  5464 caractères  -  276 lectures    Autres textes du même auteur

Toutes les importances s'empilent.


Sans épitaphe


Il lance ça à ses enfants de derrière le volant, un peu pour faire la conversation, un peu pour vraiment dire quelque chose :

« Il y avait une rivière ici. »


Les enfants jettent un œil par la fenêtre. Ils voient la première avenue à vingt-deux heures du soir, c’est-à-dire une avenue quand le trafic est passé.


– Où ça ? demande Émile.

– Ici, répond le père.

– Précis, ça.

– Elle s’appelait Lairet. Elle avait à peu près la taille de la rivière du domaine Maizeret.

– C’est pas un étang, au domaine Maizeret ?

– C’est une rivière, une petite rivière.


Claire se ronge les ongles, pour elle c’est comme ça qu’on pose les questions.


– Pourquoi ils ont construit dessus ? demande Émile.

– Pour pouvoir rouler, et parce qu’elle était sale.

– Ils pouvaient pas la nettoyer ?

– Peut-être. Je sais pas.

– Ils voulaient juste rouler dessus.

– En gros, ouais.


Émile regarde par la fenêtre et observe les arbres que les phares de la voiture cernent le temps du feu rouge. Sur la rue des Chênes, ils sont mieux campés, plus fournis. Gras.


– Ceux-là, ils avaient les racines dans l’eau jusque dans les années cinquante, murmure le père. La rivière était devenue un égout à ciel ouvert de toute façon. Ils ont tout canalisé. Mais ils ont gardé les arbres.


Des arbres, c’est souvent tout ce qui reste. Des arbres avec des pieds dans l’eau, une jolie vue et un feuillage chouchouté. Des arbres bourgeois.

Émile arrête de les regarder le temps que le feu tourne au vert, une envie de pleurer fichée dans l’œil.


***


Mathilde croise le regard de son fils pendant une seconde et ça lui suffit pour savoir.


– Tu leur as encore raconté quelque chose.

– C’est pour pas m’endormir au volant, tu le sais.


Elle passe une main courant d’air dans les cheveux d’Émile. Ça fait dégouliner la première larme et il part s’enfermer. Claire le suit dans un rongement d’ongles.

Mathilde fronce les sourcils.


– Mets la radio la prochaine fois.

– J’ai juste parlé de la rivière Lairet, se défend le père.

– Je sais même pas de quoi tu parles, mais lui tout le choque plus, tu le sais. Les gens autistes c’est…

– Les gens autistes, c’est des gens, la coupe-t-il. Je vais pas m’empêcher de traiter mon fils comme on traite les gens. J’ai eu envie de parler de la rivière qui passait dans la première avenue, je l’ai fait. C’est tout.

– Tant pis. Mais c’est toi qui te tapes la recherche quand il va demander des photographies et des vieux rapports gouvernementaux.

– Je pense pas que ça l’ait intéressé à ce point, M.

– Tout lui fait peur avant qu’il s’y soit intéressé. Il va s’intéresser à ta rivière jusqu’à ce qu’il arrête d’avoir peur du peu qu’il en sait. Tu sais comme…

– … tout est important.

– Tout est important.


***


Émile a seize ans. Et aussi trois. Et aussi cent.

Il a arrêté de pleurer, il pense à la rivière, il pense aux arbres, il pense aux déchets.

Mathilde a raison. Il a peur. Peur des égouts à ciel ouvert, peur des canalisations, peur des routes, peur des arbres qui restent, peur des feux de circulation.


Sauf qu’il ne va rien demander, ni photographies ni articles. Il y a des moments, quand on a entre autres cent ans, où on sait faire de sa peur une fin en soi.


***


– T’as bien dormi Émile ?

– Oui.

– T’es moins triste qu’hier ?

– Pas trop.

– T’as besoin de parler de la rivière ?

– Non.


Ça suffit au père qui replonge dans son café. Le soupir de Mathilde le fait continuer :


– On a souvent plus de peine quand les choses sont parties que de satisfaction quand elles sont encore là, Émile. La nostalgie, des fois, c’est pour le principe.


Émile arrête de beurrer son croissant. Mathilde se lève et tourne le dos à son fils sous prétexte d’aller chercher la cafetière. Il y a des instants trop fragiles pour les sourires.


Le père boit une gorgée pour se donner une contenance et disperse tranquillement l’émotion :


– Crois-moi, ça devait puer en maudit.


Sa mère a beau être celle qui se rend à tous ses rendez-vous avec la psychologue, qui explique la situation à tous ses enseignants, qui peut réciter à l’endroit et à l’envers les livres de psychologie avancée qu’elle se procure au fil des années, qui l’aime grand, qui l’aime tendre, qui l’aime avec la main dans les cheveux, c’est encore dans les yeux de son père qu’Émile est le plus en sécurité.


« Ressens. Ça rassure de ressentir ce qu’il y a à ressentir. Tu veux que j’y fasse quoi ? Tu seras toujours un homme et ce que tu vas ressentir, ça sera toujours ton affaire. »


***


L’affaire d’Émile, ce jour-là, c’est d’aller se promener. Il fait le chemin d’hier en sens inverse. Deux jambes c’est plus efficace que des feux de circulation pour laisser le temps de regarder. Sur sa tête il pleut sans parapluie.

Émile dégouline tellement qu’il ne sait plus si c’est la pluie qui le mouille ou lui qui mouille la pluie, mais il marche toute la matinée. Ça l’apaise d’être à ciel ouvert. Et pour se rassurer tout à fait, il prend le temps d’avoir peur. Peur de tous les empilements de paysages, peur de toutes les réalités qui se retrouvent toujours sur et sous quelque chose.


Émile marche et il regarde les rigoles d’eau qui lui coulent de la pulpe des doigts. Elles s’en vont fleurir en serpentins la tombe de la vieille et moche Lairet, la tombe sans épitaphe qui gondole le milieu de l’avenue.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Mauron   
10/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un beau texte tout en douceur, tout en légèreté. Le personnage d'Emile et celui du père, celui de la mère sont très bien vus, très bien campés, avec une belle économie de moyens, même celui de la soeur et sa façon de poser des questions en se rongeant les ongles. Beaucoup de tendresse dans le récit, et les épisodes s'enchaînement très bien afin de montrer le chemin psychologique du petit Emile, désigné comme "autiste". Cet autisme-là est fort bien suggéré, et semble comme une hyper sensibilité au temps, à tout ce qui constitue la pâte humaine, à tout ce qui en constitue l'angoisse. Des bonheurs d'écriture qui sont tout à fait dans l'esprit de la nouvelle, tout en délicatesse et légèreté: "Elle passe une main courant d’air dans les cheveux d’Émile" ou encore: "Sur sa tête il pleut sans parapluie."
"Émile dégouline tellement qu’il ne sait plus si c’est la pluie qui le mouille ou lui qui mouille la pluie"...

La nouvelle passe très vite et cela fait son charme, le lecteur est aussi impressionné et perplexe qu'Emile, il ne sait pas s'il doit oublier la vieille et moche Lairet ou s'il doit regretter le ruisseau d'avant la ville et ses avenues. Cette inquiétude légère lui fait sentir autrement et c'est l'une des qualités de cette nouvelle de déplacer le curseur. On se met à sentir à la façon d'Emile... Là encore, c'est le père qui rassure mieux que la mère parce qu'il dit ce qui vient, il ne cherche pas à protéger son fils qui ensuite fait "son" monde avec cette vérité inéluctable et sans fard.

   Donaldo75   
12/12/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,

Je n'ai pas aimé cette histoire. A mon avis, elle reste en surface quant au thème, mais ce n'est pas mon reproche premier.

Le style est carrément artificiel pour ne pas dire maladroit. Des formules du genre "la main courant d'air" résument le niveau faiblard des images véhiculées par la narration, masquant l'histoire et son vide, alors qu'il y avait de la matière.

J'ai essayé d'accrocher dans une seconde lecture mais sans résultat.

Désolé, peut-être une prochaine fois,

Donald

   Pascal31   
13/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Un récit doux-amer qui aborde le sujet sensible de l'autisme.
J'ai aimé certaines formulations, et j'en ai trouvé d'autres trop forcées, malvenues, comme par exemple : "une envie de pleurer fichée dans l’œil" (voilà typiquement le genre de tournures qui me sort du récit), ou encore "Elle passe une main courant d'air dans les cheveux d'Emile", "le père (...) disperse tranquillement l'émotion" (ces images semblent un peu artificielles).
D'autres formulations sont réussies à mon goût ("les arbres bourgeois", "Claire le suit dans un rongement d’ongles", "Émile a seize ans. Et aussi trois. Et aussi cent." ==> parfait pour décrire l'autisme) et vous parvenez ainsi à distiller une certaine émotion, sans tomber dans le pathos.
Au final, un récit que j'ai bien aimé, même si j'ai trouvé le style un peu "surjoué", parfois.

   hersen   
13/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
L'autisme abordé par le biais de la vie de famille.
J'aime beaucoup cet angle choisi par l'auteur.
Tout est dit dans le dialogue des parents et tout ce qu'on y lit, c'est l'amour pour leur enfant, mêlé dans la vie de famille au quotidien :

" Tant pis, mais c'est toi qui te tapes la recherche quand il demandera des photographies et des vieux rapports gouvernementaux"

Beaucoup de très belles expressions :

"Qui l'aime grand, qui l'aime tendre, qui l'aime la main dans les cheveux"

"Tu seras toujours un homme et ce que tu vas ressentir, ce sera toujours ton affaire."

"Il ne sait plus si c'est la pluie qui le mouille ou si c'est lui qui mouille la pluie."

J'aime beaucoup ce texte délicat dans lequel l'extraordinaire n'a rien d'extraordinaire, c'est la vie de tous les jours avec nos différences.

Magnifique !

   carbona   
28/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Alice,

Ce que j'aime dans ce texte c'est la sensation de douceur et de délicatesse qu'on ressent après sa lecture et qui reste encore un peu.

On a l'impression qu'on effleure le sujet et en réalité, en quelques lignes, on y plonge franchement. En cela la nouvelle est une réussite. En quelques phrases, les rôles sont bien distribués : la mère, le père et l'enfant autiste. Quelques lignes qui suffisent à comprendre les relations familiales. Il n'en fallait pas plus.

J'aime le thème de la peur de l'enfant ainsi traité qui me rappelle votre précédente nouvelle (Sel et poivre) avec la porte du placard entrebâillées pour ressembler à un but de soccer. C'est délicat, c'est enfantin et réaliste. Même si je reste surprise qu'il aille se promener seul.

C'est au niveau de l'écriture que je tique davantage. La présence de formulations atypiques poétiques et simples est à mon goût trop appuyée à l'image d'une fillette qui minaude avec la bouche en cul de poule.

ex : "Il y a des instants trop fragiles pour les sourires."
"Émile dégouline tellement qu’il ne sait plus si c’est la pluie qui le mouille ou lui qui mouille la pluie,"
"Elle passe une main courant d’air dans les cheveux d’Émile."

Quelques remarques :

-"Claire se ronge les ongles, pour elle c’est comme ça qu’on pose les questions. " < j'adore et du coup je trouve dommage que ce soit répété quelques lignes tard, une insistance qui rompt le naturel, le spontané "Claire le suit dans un rongement d’ongles"

- "un feuillage chouchouté." < chouchouté, je n'aime pas trop

- "Mathilde croise le regard de son fils pendant une seconde et ça lui suffit pour savoir." < j'adore cette subtilité

- "Les gens autistes, c’est des gens, la coupe-t-il. Je vais pas m’empêcher de traiter mon fils comme on traite les gens." < chouette

-"une envie de pleurer fichée dans l’œil. " < je me demande encore pourquoi à ce moment-là et c'est très bien expliqué après

- "Tant pis. Mais c’est toi qui te tapes la recherche quand il va demander des photographies et des vieux rapports gouvernementaux. " < alors là on comprend le genre d'autisme, les infos sont distillées, c'est agréable même si le "tu te tapes" m'a légèrement gratouillée

- "Tout lui fait peur avant qu’il s’y soit intéressé. Il va s’intéresser à ta rivière jusqu’à ce qu’il arrête d’avoir peur du peu qu’il en sait." < j'aime vraiment ce traitement de la peur

- "Et pour se rassurer tout à fait, il prend le temps d’avoir peur." < idem


Merci pour la lecture !

   Pepito   
28/12/2015
Hé bonjour Alice !

Pas en grande "forme" dirais-je :

- "de derrière le volant" un barman peut lancer un truc de "derrière" le bar... les autres sont censés être devant... ou alors les gosses sont sur le capot... là d'accord, c'est correct ! ;=)
- "c’est-à-dire une avenue quand le trafic est passé " hiiiiich ! "Il est 22H quand ils voient l'avenue, le trafic a cessé" et c'est pas top...
- "que les phares de la voiture cernent " Einstein l'a dit, je crois, la lumière est courbe ! ;=)
- "Il y a des instants trop fragiles pour les sourires. " > explication limite racolage
- "Ça l’apaise d’être à ciel ouvert." à ciel couvert, aussi, semble-t-il... ;=)
...

Bon, pour le "fond", un essai de larmichage sur l'autisme et les rapports parents/enfants... restera pas dans les annales, celui là...

Le prochain texte, j'te propose un challenge : m'apitoyer avec un cadre de grande banque qui colle des prêts à de petits vieux surendettés... par exemple... Et c'est le banquier qui doit m'apitoyer, pas les petits vieux, hein ! ;=)

Bonnes fêtes à toi et aux tiens !

Pepito

   widjet   
28/12/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Après un « Sel et Poivre » en demi teinte, voici « Sans épitaphe ».

Je me souviens avoir dit, dans une précédente nouvelle, que je préférais l’auteure en format court. Je continue de le penser même si, autant l'avouer, ce dernier texte est le moins réussi - et de loin - de la production prolifique d’Alice.

Fait rare, j’ai surtout été gêné sur la forme.

Côté lourdeur, je cite « La main courant d’air », « dégouliner la première larme », « disperser tranquillement l’émotion » et dans le genre « je me regarde écrire » « Il y a des instants trop fragiles pour les sourires » ou « Il y a des moments, quand on a entre autres cent ans, où on sait faire de sa peur une fin en soi »

Alice recherche trop, force trop le trait là où le sujet encore appelle la simplicité. Cela se sent et ces artifices desservent l’histoire.

S'agit-il d'un ancien texte ? Un excès de confiance, de facilité ?
Je ne sais pas.

Enfin, le thème - jamais abordé sur Oniris, je crois - était plutôt audacieux, mais finalement, cela ressemble plus à un prétexte qu’à autre chose, ç’aurait pu être autre chose que l'autisme que cela n’aurait guère changé. D’ailleurs, le dialogue de la mère concernant son fils « Les gens autistes c’est… » manque de naturel (pour parler de son enfant, le terme « gens » ne sonne pas juste) et ne sert qu’à servir la soupe à la réplique qui suit. Encore une fois, c’est trop voyant et inutile.

J’ai terminé le texte, le coeur sec.

Dommage car le titre, lui, est prometteur C'est trop peu.

Deux déceptions en un mois. Fais chier.

W

PS : "ça devait puer en maudit. Expression québécoise ?"
PS2 : « Je pense pas que ça l’ait intéressé à ce point, M ». C’est quoi ce « M » ?

   Automnale   
30/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
J’ai lu ce texte ce matin, rapidement. J’ai été déçue… Or, ce n’était pas possible qu’un texte signé Alice - hormis s’il était classé en catégorie « Fantastique » ou « Science/Fiction » (puisque, par goût personnel, j’ai définitivement décidé de ne pas aimer) - me déçoive.

Ce soir, armée d’un crayon et d’une feuille de papier, j’ai, tranquillement, procédé à une seconde lecture. Tout me semble alors bien différent.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire : l’écriture d’Alice fait penser à celle de Christian Bobin. On apprécie ou pas, on s’ennuie ou pas en le (en la) lisant, mais, systématiquement, un mot ou une phrase, une idée ou une métaphore, un brin de poésie ou une expression originale - ici québécoise - fait que l'instant de lecture devient privilégié.

Je ne sais si « Sans épitaphe » est le meilleur texte de l’auteur… Nulle envie de faire des comparaisons. Je vais simplement tenter de relever les points positifs et, éventuellement, négatifs.

Commençons, une fois n’est pas coutume, par le négatif :
- Il lance ça à ses enfants de derrière le volant… De derrière le volant ! Est-ce bien littéraire ? Cette formulation a sans doute été choisie sciemment. N’est-elle pas cependant un peu abrupte pour entamer un récit ?
- Vingt-deux heures du soir… Vingt-deux heures, cela ne peut être que le soir.
- M… J’ai bien une petite idée quant à la traduction, mais ce « M » est étrange.
- Crois-moi, ça devait puer en maudit… Expression de caractère, probablement québécois, dont je voudrais bien connaître la traduction…

Passons, ensuite, au mi-figue mi-raisin :
- « Un feuillage chouchouté »… Qu’est-ce exactement ?

Et attardons-nous sur les petites trouvailles (ou merveilles, ou pépites…) à la Christian Bobin :
- Claire se ronge les ongles, pour elle c’est comme ça qu’on pose les questions (adorable, même si, entre parenthèse, je préfèrerais : c’est comme cela … ou encore c’est comme ça que l’on…).
- Des arbres bourgeois (drôle).
- Une envie de pleurer fichée dans l’œil (touchant).
- Il y a des moments, quand on a entre autres cent ans, où on sait faire de sa peur une fin en soi (du pur Alice/Bobin).
- On a souvent plus de peine quand les choses sont parties que de satisfactions quand elles sont encore là. La nostalgie, des fois, c’est pour le principe (du encore plus Alice/Bobin).
- Il y a des instants trop fragiles pour les sourires (oui…).
- Ce que tu vas ressentir, ça sera toujours ton affaire (oui…).
- Sur sa tête, il pleut sans parapluie (mignon).


Cette Nouvelle décrit un moment, pas davantage, de la vie d’une famille dans laquelle se trouve un enfant souffrant d’autisme. En peu de lignes, Alice réussit à fort bien camper ses personnages :

- Le père raconte des histoires, pour ne pas s’endormir au volant. Eh oui, il a eu envie de parler de la rivière qui passait dans la première avenue… Et il l’a fait, voilà tout !... Un peu plus tard, il boit une gorgée pour se donner une contenance…
- La mère, elle, est capable de réciter à l’endroit et à l’envers les livres de psychologie. Cette mère aime grand, aime tendre, aime avec les mains dans les cheveux…
- Emile, lui, a seize ans, mais aussi trois, et aussi cent ans… Et il a peur… Pour se rassurer tout à fait, il prend même le temps d’avoir peur… Et puis, il dégouline tellement qu’il ne sait plus si c’est la pluie qui le mouille ou lui qui mouille la pluie…

Eh bien, je suis, pour ma part, persuadée que ce genre de narration, ponctuée de merveilleuses trouvailles, touche, interpelle et, surtout - surtout – réussit à faire vendre des livres… Beaucoup de livres… Et je ne voudrais en aucun cas que l’auteur (e) soit influencée par des critiques moins favorables.

En conclusion, la chute - que je vais copier/coller - en dit long sur l’univers poétique d’Alice. Elle est tellement sublime qu’elle me donne l’impression que tout ce qui a été écrit en amont avait cette chute en ligne de mire :

"Émile marche et il regarde les rigoles d’eau qui lui coulent de la pulpe des doigts. Elles s’en vont fleurir en serpentins la tombe de la vieille et moche Lairet, la tombe sans épitaphe qui gondole le milieu de l’avenue."


Alice, je le répète encore ici, n’a que vingt ans… Je vois… Je vois… - telle une pythonisse ! - un lumineux boulevard littéraire, recouvert d’un somptueux tapis de neige, s’ouvrir devant notre petite amie Québécoise.

Bravo, Alice !

   Anonyme   
29/12/2015
 a aimé ce texte 
Vraiment pas ↑
Je m'y suis pris à deux fois pour lire cette courte nouvelle, à cause du style d'écriture, des tournures de phrases et autres expressions qui m'on fait grincer des dents, si je puis m'exprimer ainsi...

En voici quelques extraits :

"un peu pour faire la conversation, un peu pour vraiment dire quelque chose"

"Ils voient la première avenue à vingt-deux heures du soir"

"Elle passe une main courant d’air dans les cheveux d’Émile"

"Tu veux que j’y fasse quoi ?"

"Sur sa tête il pleut sans parapluie"

L'histoire manque d'intérêt car il n'y a pas vraiment d'intrigue, et c'est dommage. Une nouvelle bien trop plate à mon goût.

Wall-E

   Anonyme   
29/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'aime vraiment bien. Il est raconté quelque chose, une sorte de moment entre parenthèse, autour, tout peut s'imaginer. C'est assez centré, à mon avis on peut centrer davantage et l'écriture qui prend des risques, moi ça me plaît. Pour du court, ça se tient. Le titre en revanche c'est sans plus.

De jolies phrases en guise de formule :
"Claire se ronge les ongles, pour elle c’est comme ça qu’on pose les questions"

C'est justement parce qu'il n'y a pas d'intrigue que ce texte me plaît, comme un extrait de nouveau roman.

   vendularge   
29/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir,

Donner un aperçu de l'autisme en peu de mots, le tout avec cette langue Québécoise qui quelques fois nous déroute, est loin d'être simple.

J'aime bien cet empilement de réalités, celle du père, de la mère, des enfants, chacun un peu dissocié des autres, chacun à son niveau et pour soi à travers l'autre.

La constante de l'autiste , c'est la peur de ce qui pour nous n'est que cohérence.

Votre langage vous appartient et il dit.

Merci

   Coline-Dé   
30/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour, Alice et bravo pour ce texte plein de tendresse. J'ai beaucoup aimé ce père qui traite son fils autiste comme tout le monde, comme " les gens", c'est sûrement la chose la plus rassurante qui soit, alors qu'on se débat avec des angoisses terribles et qu'on voit le monde comme effrayant d'être traité sans régime particulier...
J'aime bien aussi que tu nous fasse sentir les relations de cette famille à travers ces petits riens du quotidien, une rivière -fantôme, des ongles rongés et cette façon de se replacer dans le réel :
"Crois-moi, ça devait puer en maudit."
J'aime bien ce style, clair, empreint de simplicité ET avec des petites touches de sophistication, un mélange toujours bien dosé qui donne ta touche, assez inimitable !

   Anonyme   
30/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Je suis une inconditionnelle de tes Nouvelles, Alice.
Voilà, le mot est lâché ! (Ceci dit au cas où personne ne s’en serait encore rendu compte. ;-) Et fascinée de voir avec quel brio tu te renouvelles.

Les histoires que tu nous racontes sont multiples, pourtant de chacune émane avec constance une délicatesse pleine de tendresse qui déchire le cœur. Je ne me sens jamais aussi humaine que lorsque je chemine dans les méandres de ta poésie, et cela suffit amplement à entretenir ma passion.

D’emblée, j’aime les liens d’amour tissés autour de la famille d'Emile. En quelques touches bien senties, quelques mots qui font mouche, tu dis tout, tu creuses profond, comme à ton habitude. Faut-il posséder une tendresse incommensurable pour la donner en partage avec autant de générosité. Faut-il avoir autant de réflexion, de sagesse pour écrire cela :

- « Les gens autistes, c’est des gens »
- « Émile a seize ans. Et aussi trois. Et aussi cent. »
- « Il y a des moments, quand on a entre autres cent ans, où on sait faire de sa peur une fin en soi. »
- « On a souvent plus de peine quand les choses sont parties que de satisfaction quand elles sont encore là, Émile. La nostalgie, des fois, c’est pour le principe. »
- « , c’est encore dans les yeux de son père qu’Émile est le plus en sécurité. »
- « Ressens. Ça rassure de ressentir ce qu’il y a à ressentir. Tu veux que j’y fasse quoi ? Tu seras toujours un homme et ce que tu vas ressentir, ça sera toujours ton affaire. »

Et encore faudrait-il citer le texte au grand complet, car c’est sa trame entière qui porte ta griffe.

Nouvelle après nouvelle, j’ai l’impression que tu t’autorises de plus en plus à être toi-même, tout simplement, ne serait-ce que par les expressions typiquement québécoises (on ressent le plaisir pris à les glisser entre tes lignes).

T’affranchir des « j’aime » ou « j’aime pas » qui ne manquent pas d’éclore autour de tes écrits, ne pourra que te rendre meilleure encore. N’en doutes jamais, tu possèdes le don rare de faire vivre les émotions dans les blancs enguirlandés de consonnes et de voyelles, et on ne peut que te l’envier.

Merci infiniment, Alice
et vivement la prochaine !


Cat, une nouvelle fois sous le charme :))


EDIT : je viens de relire, et relire encore.... Quelle sublime dernière image ! (Émile marche et il regarde les rigoles d’eau qui lui coulent de la pulpe des doigts. Elles s’en vont fleurir en serpentins la tombe de la vieille et moche Lairet, la tombe sans épitaphe qui gondole le milieu de l’avenue.)

   Alice   
30/12/2015

   Pouet   
30/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai lu votre explication en forum que j'ai trouvé très pertinente, du coup je suis allé jeter une prunelle sur le texte et comme il n'était pas fort long, je l'ai lu. J'ai bien fait.

Bon personnellement je n'ai pas spécialement remarqué la différence entre le français de France à part une ou deux expressions "puer en maudit" par exemple. Je trouve que ça donne une originalité au texte, ça ne gêne nullement.

Ensuite le sujet m'a intéressé car il se trouve que mon travail est en lien avec des enfants autistes. Ils sont tous différents (autiste en soi ne veut pas dire grand chose, il y a autant de formes d'autismes que d'individus), certains communiquent par la parole, d'autres pas, certains s’intéressent à l'autre à leur manière, d'autres moins etc... La plupart de ces enfants, ce que je côtoie du moins ont ce qu'on appelle des "centres d'intérêt restreints", c'est à dire qu'ils s'intéressent à un sujet en particulier et qu'ils le font à fond, et refuser d'en parler avec eux peut leur créer des angoisses. Un dénominateur commun aussi c'est l'hypersensibilité de ces enfants et l'attention qu'ils portent à ce qu'on dit, à ce qu'on projette (qu'ils le montrent ou non)... Je pourrais en parler plus mais je m'arrête là.

Tout ça pour dire que j'ai trouvé très juste l'esquisse de cet enfant ainsi que la psychologie des parents.

Sur le fond je me demande si cette rivière ne représente pas "l'intérieur" d'Emile et le béton la carapace à creuser pour l'atteindre.

Un joli moment passé à vous lire, tout en subtilité.

Merci et bonne continuation.

   caillouq   
31/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai eu envie de lire ce texte à cause du forum, qui laissait espérer un jargon difficile à percer pour les non québéquois (j'adore les jargons, dialectes, langues voisines et moins voisines etc) mais non, protestation, ça se lit sans aucune difficulté ! (à part la petite phrase sur l'avenue à 22h du soir, si c'est 22h c'est toujours du soir, non ? (ou alors elle est là, la spécificité québéquoise ?) Bref la phrase était un peu alambiquée, ya eu nécessité de relecture).
Tout ça pour dire que c'est un très joli texte, en plus le coup du père qui explique la Lairet recouverte, ça m'a rappelé le choc que j'ai éprouvé la première fois que mon père à moi m'a parlé de la Bièvre (pour les non parisiens : pareil, la Bièvre, recouverte, on la voit plus, et quand on est gamin, se dire qu'il y a une rivière une vraie sous le trottoir, ça interpelle). Mais si je laisse un commentaire, c'est parce que ce coup-ci, il me semble avoir identifié ce qui me gêne parfois dans les textes de l'auteure : c'est le goût de trop peu. Là, ça me l'a fait au niveau de la dernière ellipse. On s'immerge dans un univers, on y croit, c'est très bien écrit, les personnages commencent à vivre, et paf, les trois étoiles, on comprend que le coup de la rivière a beaucoup perturbé Emile, on peut reconstituer quelques trucs en creux, mais pas beaucoup quand même (ou alors on n'est pas très sûr), et puis c'est fini. Et c'est vraiment dommage que ça soit si vite fini, avec une écriture pareille.

   nemson   
2/1/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est vivant. Étrangement, ou pas d'ailleurs, c''est ce que quelques uns considèrent comme des défauts que j'ai aimé. par exemple une "main courant d'air" c'est très parlant...m'enfin je vais pas m’étendre. j'aime parce que ça a allumé l’écran de mon imaginaire de suite grâce à la qualité du style. Une forme de poésie discrète aussi donne une couleur ou plutôt nuance les gris d'une agréable façon.

   toc-art   
11/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

La première phrase a arrêté ma lecture et je me suis dit que ça partait mal. Le 22h du soir m'a presque découragé mais d'autres bizarreries m'ont fait penser que l'auteur était peut être étranger ou qu'il s'agissait d'expressions locales (le feu qui tourne au vert par exemple ).
En fin de compte, j'ai bien aimé cette écriture différente. J'ai tiqué sur une phrase de la mère au père "les gens autistes ". Ça ne me paraît pas cohérent, le père sait bien ce qu'a son fils, ça me semble plus là pour éclairer le lecteur. Je trouve ça inutile et maladroit. Faut lui faire confiance, au lecteur :-) et même s'il ne met pas un nom sur l'état du fils, ça n'est pas bien grave me semble-t-il.
Bonne continuation


Oniris Copyright © 2007-2023