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Sentimental/Romanesque
alvinabec : Une ombre qui passe
 Publié le 09/10/14  -  5 commentaires  -  15097 caractères  -  88 lectures    Autres textes du même auteur

Une ombre qui passe, se pavane et s'échauffe une heure ou deux sur la scène et puis qu'on n'entend plus… W.S.


Une ombre qui passe


C’est l’aube poisseuse d’un lundi de novembre comme seul le mois de novembre peut en faire naître, les camions pataugent dans les flaques d’une nuit collante d’avoir été si longue, des gerbes d’eau crucifient les mollets des salariés qui descendent du bus, sautant sur le trottoir. Les auvents de plastique, dont l’esthétisme le dispute à l’inefficacité, protègent peu le personnel, très vite happé par les sas automatiques de l’aérogare. La ronde des véhicules se poursuit comme si jamais elle ne devait s’arrêter, comme si, même une courte pause signifiait la fin d’un monde, la fin du monde. Le fret constitue l’essentiel du trafic aéroportuaire, il ne peut attendre.

Les passagers, on s’en fout un peu, parce que plus futiles, plus accessoires en somme que des marchandises, songe Camille derrière la vitre tachée, pleine d’empreintes de mains de gosses qui ont, durant toute la nuit, appuyé leurs petits doigts là, et encore là, papa, je suis fatigué, veux pas dormir, regarde l’avion là-bas, papa, prends-moi dans tes bras, papa, je veux pas dormir, pas dormir… Les techniciens de surface, bientôt affairés derrière leur chariot magique plein de flacons à l’odeur de propre, sont encore à déposer leur identité civile dans le casier qui leur est alloué au sous-sol. Camille trouve que dans cet entre-deux flotte un parfum aussi rance que le bâillement d’un lève-tard, elle se dit qu’il est temps de commander un café au corner devant elle. Elle s’assoit à une table face aux escaliers mécaniques.

Tout oublier ou ne rien savoir, être absent à soi-même, en vacance du quotidien, voilà qui serait reposant pense-t-elle en attendant le serveur, mais non, Camille a rendez-vous avec son avenir, ou est-ce un passé simple, elle ne sait pas, elle hésite, elle a peur de ce qui l’attend, de ce qu’elle attend. Ce trop-plein d’attente la remplit jusqu’à laisser s’échapper un merci tout petit quand sa boisson arrive. Elle s’empare du sucre qu’elle ne parvient pas à délayer dans le gobelet de cappuccino serré entre ses doigts aussi tremblotants que les pattes d’un oisillon penché hors du nid. Elle se sent téméraire, mais pas trop.

Cinquante kilos, le cheveu ras, dix-neuf ans, première année de biologie, deux heures d’avance pour ce rendez-vous, voilà Camille dans les grandes lignes, longue et anxieuse, le mollet aponévrotique. Elle serre les genoux, les croise, décroise en soupirant une jambe passée par-dessus l’autre, recommence dans l’autre sens, ses baskets crissent sur le sol plastifié, son pied se fait happer par celui de la table style bistro en marbre reconstitué sur de la fonte unijambiste, elle perd l’équilibre et son gobelet de café, qu’elle a lâché, se répand sur le plateau de la table, elle se rattrape d’une main peu sûre à la chaise du voisin, excusez-moi monsieur, elle est rouge et pleurerait si elle pouvait. Enfin presque, mais non, ce n’est pas le jour.

Il y a eu tellement de tractations avec le conseiller de l’ambassade pour qu’enfin, n’est-ce pas, ce rendez-vous ait lieu entre cette mère adventice et elle, toute petite, si peu de chose, ni la fille de, encore moins la fille de l’autre. Camille, depuis toujours à cheval entre cette mère sans visage qu’elle doit rencontrer ce matin et l’autre, l’adoptante, celle qui l’a nourrie certes, habillée aussi mais pas beaucoup plus, non, pas de débordement de caresses, pas grand-chose d’autre qu’une image, une affection comme un reflet sur une carte de visite, M. Mme. et leur fille Camille… cette mère adoptive qui l’a élevée d’une main distraite, tout occupée qu’elle est d’elle-même, son apparence et ses après-midis à bronzer au club de tennis sans jamais se saisir de la moindre raquette, son appétence pour les mondanités où briller d’un mot d’esprit inoubliable dans ces soirées offertes par son mari. Lui, commis-voyageur de luxe, court le monde, signe des contrats, descendant d’un jet pour sauter dans un autre, ramenant des peluches à Camille qui suppose qu’il la confond avec ces touchantes fourrures d’orylag aux yeux tristes. Il l’aime à sa façon, la couve à sa façon aussi, l’emmenant au théâtre quand il le peut, pensant sans doute que la scène est mère de toutes les représentations du monde. Elle lui dit, bac en poche, qu’elle a grandi, qu’il ne faut plus lui ramener ces cadeaux-là. Il a dû prendre note car, depuis un an, plus de peluches mais des parfums, des essences rares que Camille ne porte que pour « le spectacle vivant » auquel elle accorde surtout l’intérêt, peu fréquent, d’être aux côtés de son père.

Camille aimerait savoir ce que l’autre, sa génitrice, vaut mais avant tout qui elle était, qui elle est aujourd’hui, ces trous béants qu’elles ne sauront combler, ni l’une ni l’autre, le temps de cette rencontre. Elle est troublée par cette histoire de femmes, se demande si la transmission penche du côté de l’atavisme ou de l’hérédité, et espère beaucoup de ces deux heures, deux petites heures, deux minuscules heures promises par sa mère naturelle, comme une faveur insigne, que l’employé de l’ambassade lui a presque arrachées après plusieurs semaines de tractations, dira-t-il plus tard. Elle a dit deux heures, le temps de l’escale entre le dernier concert à Washington et les répétitions prévues à l’Est.

Depuis ce matin très tôt – que doit-on porter pour ce genre de rencontre ? – elle a essayé à peu près tout ce que contient son placard, une robe classique, un jeans, des Rangers affreusement noirs, tout ceci ne va pas, elle a fini par enfiler un grand pull avec des manches vastes comme des arcades où cacher ses mains aux ongles rongés bien court et une jupe fluide à mi-mollet sur des baskets grises, il n’empêche, il n’est pas sûr que cela conviendra pour cette entrevue que l’on ne peut qualifier de retrouvailles mais qui, pour Camille, s’apparente à une visite rue des Morillons au bureau des objets trouvés. Elle la nomme, pour elle-même : « Identité d’un objet perdu ».

À l’ambassade, le conseiller avait vraiment facilité les choses, recherche et rapprochement, premières transactions discrètes avec cette femme dont la seconde vie ne souffrait aucun rappel d’une, comment dire, erreur de jeunesse. Il avait téléphoné semaine après semaine à sa compatriote, lui expliquait cette enfant, son enfant en France, ce désir que la gamine avait manifesté de connaître un peu, un tout petit peu, celle qui était tout de même sa mère, du moins sa génitrice, qui ne l’avait pas abandonnée sous X mais l’avait confiée dès sa naissance à ce couple de Français en mal d’enfant. Cet homme, aussi vif polyglotte que Camille ne l’est pas, a convaincu, mêlant anglais et hongrois, la violoniste de s’attarder, le temps de cette escale, autour de la même table que sa fille qui attend, espère, s’inquiète, soupire, passe la main sur ses cheveux ras comme une incantation à son avenir immédiat.

Le vol en provenance de Washington est annoncé, arrivé, d’un seul coup Camille transpire. Doivent-elles se rencontrer, le doivent-elles absolument ? Elle tremble, des impatiences dans les jambes, le regard fixé sur l’escalator face au bar, elle sait que ce sera une femme en tailleur clair, une fleur à la main comme convenu à l’ambassade. Et c’est tout. Les voyageurs montent par petites grappes l’escalier mécanique, apparaissent des têtes vite suivies d’un buste puis de jambes comme si leurs corps étaient une construction aléatoire, un jeu de Lego géant où les couleurs dépendent des briquettes à disposition.

Il n’y a pas de femme en tenue classique mais une flopée d’hommes en costumes sombres, une valise-cabine en remorque, la besace pour ordinateur accrochée à l’épaule, le téléphone à la main. Ça va très vite toutes ces couleurs qui se ramènent à une seule, celle de cette aube de novembre. L’escalier est vide, puis, quelques minutes plus tard, une femme, seule, tailleur écarlate, le mollet absent, à quoi Camille l’identifie comme sa mère, apparaît progressivement, pas de fleur mais un sac plastique à la main, elle ne s’avance pas vers le bar, elle tourne sur la gauche, s’éloigne, puis, après un moment, revient en arrière.

Elle est là, devant Camille qui se lève, elle porte un bouquet de roses dans les bras, il est difficile de l’approcher. Sans toucher sa fille même du plat de la main, elle s’assoit, sourit, on dirait qu’elle se prête à une banale interview et commence la conversation face à sa fille désarçonnée qui ne comprend pas un mot de ce que l’autre raconte en hongrois, pourquoi en hongrois, elle doit bien se douter que je n’y comprends rien se dit Camille qui admire l’allure de cette femme si spontanée dans cet aéroport anonyme, métallique où les stridulations des voix off mettent le bout du monde à la portée de chacun en haut de l’escalator, quasiment juste derrière la vitre. Comme si tout cela était aussi réel que la vérité de cette femme, ma mère, assise là, qui me fait face, non seulement à l’aise mais belle dans sa tenue de ville comme si la traversée de l’océan cette nuit était un leurre, comme si elle était exempte de quotidien, comme si l’instant se dilatait en parenthèse virtuose. L’élan du discours, la mélopée du phrasé, enveloppent Camille d’un charme inexplicable, elle est bientôt happée par le timbre de la voix de sa mère qui joue de sa langue natale jusqu’à ce que,


– Non, ça suffit.


Gênée autant que l’autre ne semble pas l’être, Camille interrompt le flot de paroles déversé et, dans un anglais chiffonné, demande que l’on continue la conversation, enfin ce monologue, dans cette langue qu’elle entend mieux, c’est sûr, surtout si l’articulation est lente, les sons bien détachés, l’accent atone, peu élisabéthain, le tout avec des mots simples. En face d’elle, sa mère acquiesce, change de langue et tout l’enchantement du verbe disparaît.


– Où avais-je la tête, bien sûr, tu ne parles pas un mot de ta langue maternelle, j’aurais dû m’en douter, tes parents auraient pu faire un effort tout de même, ça ne m’étonne pas tellement au fond, ils ont gommé ton origine pour faire de toi une petite Française. Je ne te demanderai donc rien, ni sur toi, ni sur eux, le passé est oublié au profit d’un anonymat bienvenu entre nous, ce qui, pour moi, semblait rendre cette rencontre superflue. Mais tu voulais me connaître, je comprends, mettre un visage sur qui a présidé à ta naissance, savoir qui je suis, ce que je fais, tiens, j’ai préparé cette enveloppe à ton intention, une photo prise par un ami quand je jouais dans une formation autrichienne, il y a quelques années. Cela sera suffisant, je pense. Il n’y a rien d’autre à dire sur le présent, sinon que, menée par mon art, je cours d’un concert l’autre. Je consacre le reste de mon temps à mes enfants. Ma famille, la mienne, la seule qui existe et qui existera jamais. Je ne saurais être plus claire.


Parfaitement insatisfaite, Camille attend un autre dire, celui qui ne vient pas, celui qui se tait. Elle aimerait, non des regrets mais un mot pour elle, un regard de fierté sinon de tendresse tardive, elle aimerait être vue, vraiment vue pour ce qu’elle est. Elle se demande… comment me trouve-t-elle, elle n’en dit rien comme si j’étais incolore, translucide, elle ne m’a pas même touchée, comme si elle allait se polluer à mon contact, je ne sais pas si elle a la peau douce, quel est son parfum qui semble noyé par celui, trop lourd, du bouquet de roses… Passant pour la vingtième fois sa main gauche sur ses cheveux ras, elle arrondit œil et lèvres quand elle entend sa mère lui parler enfin d’elles deux, cette jeunesse – lointaine –, cette erreur – nommée Camille –, ce secret qui doit le rester, cette famille où l’avortement, tabou absolument, engendrait de prendre la décision toute simple de se séparer de…

Et l’adolescente, très pâle, pense, de quoi, de moi, de l’enfant, de l’erreur, comment peut-elle affirmer ces choses si calmement ? Et je suppose qu’il n’est même pas question de nommer le père de cette erreur, c’est-à-dire le mien, qui est-il, le saurai-je seulement… Elle m’a laissée bien loin de chez elle, comme si je n’existais pas, ou plus, et la vie continue, un grand mariage, des enfants, des vrais, des reconnus, des que l’on présente en photo sur les cartons de vœux avec un gros chien sur fond de partie de campagne… et moi, et moi dans tout ça, je suis où, je suis qui, ou je ne suis personne, c’est ça, je suis une tache comme un insecte écrasé sur une chemise diaphane… N’écoutant plus, Camille se recroqueville contre le dossier de sa chaise les bras croisés sur la poitrine, s’éloigne de cette femme sans pour autant bouger. On dirait, retient-elle soudain, que sous son air décontracté, ma génitrice – est-ce seulement ma mère ? – a peur, peur que moi, gommée du paysage, scotomisée, moi une salissure sur sa vie, détruise peut-être sa jolie famille, mais je ne veux rien de tout ça, je voulais juste savoir notre ressemblance, savoir ce qu’elle aime, sa couleur préférée, son mets favori, le bruit de son rire. Mais rit-elle seulement, je ne crois pas.

Alors Camille, mâchoire serrée, se redresse, se tient droite, les genoux serrés sous la table, pleurerait si elle pouvait. Mais non ça n’est pas le jour face à sa mère qui est comme escamotée par le bouquet au parfum violent posé devant elle, comme si ces fleurs lui étaient un rempart nécessaire. Elle se tait enfin, ne dira ce qu’aucune langue ne saurait nommer. Pas même adieu. L’air plus contracté qu’à son arrivée, elle se lève, saisit les roses, marche jusqu’à la première poubelle, jette le bouquet et s’éloigne vite, se perd dans la foule maintenant plus compacte de l’aérogare. Les deux heures ont passé.

De nouveau seule, elle commande un gobelet de café, le mollet collé au pied de la table. Et laisse des hoquets impudiques remonter l’étroit canal de son larynx. Rien d’important. Les choses reprennent un cours ordinaire, Camille gagne le domicile de sa mère française où, pour la toute première fois, le charme de son discours pétillant, sa drôlerie, sa légèreté incitent sa fille à plus d’indulgence à son égard. L’une ne bouge pas sans l’autre songe-t-elle et elle se repose enfin sur une certitude rassurante, celle attendue depuis toujours : sa place est ici et c’est ici qu’elle pourra déployer ses désirs.

Acharnée au travail, elle devient, en moins de dix ans, célèbre par ses recherches sur le génome humain. Lors des congrès, ses communications dans un anglais « so british » lui confèrent un statut particulier dans le petit monde des généticiens.

Un soir de novembre, son petit garçon dessine le portrait de Camille qui, par jeu, doit rester immobile, tenir la pose assise sur un tabouret, la main allongée sur son bureau. Sérieusement appliqué, il voudrait compléter son chef-d’œuvre par des couleurs vives et fouille dans les tiroirs du bureau à la recherche de feutres qu’il trouve, ainsi qu’une enveloppe glissée dans l’étui. Il l’ouvre sur une photo,


– Oh, c’est toi maman, là ? Tu joues du violon ?

– Mais non, mon cœur, c’est une dame qui me ressemble, que l’on croit reconnaître un jour de pluie dans un aéroport, une ombre qui passe et puis qu’on n'entend plus, une erreur qui ne veut rien dire.


 
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   Anonyme   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je doutais beaucoup du bien-fondé de cette rencontre voulue par Camille et me disais qu'elle avait commis une erreur, et puis non, finalement : cette entrevue glaciale lui aura permis de savoir que ce chemin-là vers ses origines lui était fermé et qu'elle devait trouver ailleurs sa vie. Ce qu'elle a fait.

Pour tout dire, je suis presque surprise que Camille se trouve cette force, le portrait qui est esquissé d'elle, me semble-t-il, ne le laissait guère prévoir. Toujours est-il que, pour le coup, je vois de l'optimisme dans ce texte : malgré les incertitudes, les doutes, ne pas trop savoir qui l'on est ni d'où l'on vient, il est toujours possible de trouver les réponses à ces questions dans ses propres ressources. J'apprécie que Camille cesse de se voir en victime et se construise sa vie.

Pour l'écriture, je l'ai trouvée ma fois un peu maniérée, donnant au texte un côté compassé et tragique qui ne correspond pas tellement (pour moi) à l'histoire. Par exemple :
"comme si même une courte pause signifiait la fin d’un monde, la fin du monde"
"Camille a rendez-vous avec son avenir, ou est-ce un passé simple, elle ne sait pas"
"comme si j’étais incolore, translucide, elle ne m’a pas même touchée, comme si elle allait se polluer à mon contact, je ne sais pas si elle a la peau douce"
C'est trop appuyé à mon goût, cela donne au texte un ton grandiloquent je trouve.

   Asrya   
4/11/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je commence déjà les critiques, je suis désolé, mais je trouve votre texte interminablement ennuyeux à lire. Ce n'est probablement qu'un avis personnel, mais ce style, ces longues phrases, ce blabla de mondanité ; que c'est écrasant.
J'ai essayé à plusieurs reprises de reprendre la lecture, rien à faire, cela me lasse en quelques lignes. Pourtant c'est bien écrit, c'est très bien écrit ; j'y ai décelé quelques belles images, alors j'ai envie de continuer. (Je vais le faire) En espérant prendre plus de plaisir qu'en ce début fortement chargé !

Heureusement que l'histoire est intéressante. J'aime les histoire de vie, c'est peut-être l'un de mes défauts. J'ai réussi à être captivé par votre récit, non pas sans mal je l'avoue, mais vous avez réussi à garder ma concentration.
De belles tournures de phrases, je le redis, certaines qui m'ont gêné davantage (il faut dire que je ne suis pas gourmand de mots savants : je préfère la simplicité) J'ai retrouvé un petit côté "snob" qui gâche à un peu ma sensibilité. Question de point de vue...

De manière générale, la ponctuation m'a extrêmement gêné, je n'en citerai qu'un exemple qui m'a frappé :

"Sans toucher sa fille même du plat de la main, elle s’assoit, sourit, on dirait qu’elle se prête à une banale interview et commence la conversation face à sa fille désarçonnée qui ne comprend pas un mot ce que l’autre raconte en hongrois, pourquoi en hongrois, elle doit bien se douter que je n’y comprends rien se dit Camille qui admire l’allure de cette femme si spontanée dans cet aéroport anonyme, métallique où les stridulations des voix off mettent le bout du monde à la portée de chacun en haut de l’escalator, quasiment juste derrière la vitre. Comme si tout cela était aussi réel que la vérité de cette femme, ma mère, assise là, qui me fait face, non seulement à l’aise mais belle dans sa tenue de ville comme si la traversée de l’océan cette nuit était un leurre, comme si elle était exempte de quotidien, comme si l’instant se dilatait en parenthèse virtuose. L’élan du discours, la mélopée du phrasé, enveloppe Camille d’un charme inexplicable, elle est bientôt happée par le timbre de la voix de sa mère qui joue de sa langue natale jusqu’à ce que,"

A nouveau, c'est une question de goût. Je préfère les phrases courtes, plus rythmées, plus concises, davantage ciblées sur l'essentiel.

L'histoire est plaisante, le début un peu long, douloureux pour moi, la fin... un peu anodine, peut-être que je m'attendais à plus d'intensité (d'où une légère déception) mais j'ai été ravi par la tournure des événements et je n'aurais pas pensé apprécié votre nouvelle en lisant les premières lignes.
Comme quoi... parfois il faut prendre le temps ; aller jusqu'au bout.

Merci pour cette lecture,
Au plaisir de vous lire à nouveau.

   senglar   
21/10/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Alvinabec,


J'ai trouvé ici une atmosphère, une vraie atmosphère. Quelque chose de plus universel que du Simenon. Du poignant sans poigne, de la pleurnicherie sans pleurs. Des épices au moulin non actionné mais d'une retenue ultra odorante.

Et surtout une fin là où habituellement on ne trouve pas de fin.

Implacablement réaliste.

Savez-vous que Kim Jong-Suk, à sa façon et en la distanciant dans l'espace, pourrait être l'héroïne de ce récit ?

En tout cas bravo :)


brabant

   Coline-Dé   
25/10/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une nouvelle pleine de sensibilité et de charme, servie par une écriture ample, nuancée, avec des trouvailles de langage comme j'aime " la fonte unijambiste", "cette mère adventice" et bien d'autres...
Votre Camille m'a évoqué celle d'un roman d'Anna Gavalda : même prénom, même silhouette, même cheveux ras, même caractère écorché... mais ça ne me dérange nullement, j'aime bien aussi ce roman et vous faites autre chose de cette petite Camille.
L'atmosphère de hall de gare ( ou d'aéroport, c'est un peu pareil) est très bien rendue, on sentirait presque l'odeur particulière des départs...
J'aime bien que votre personnage se détache sur un fond qui n'est pas figé, mais bien vivant, empli de gens, de couleurs et de bruits qui sertissent le chemin intérieur de Camille.
Quelques points de détails pourraient être améliorés ( selon moi )

- des gerbes d’eau crucifient un peu excessif, non ?
- ses doigts aussi tremblotants que les pattes d’un oisillon penché hors du nid.
des manches vastes comme des arcades bof... je trouve que ces comparaisons inutiles atténuent l'émotion du texte.

J'ai à la fois aimé cette fin mais je l'ai trouvée un peu vite expédiée... enfin, je suis partagée là dessus, et vous avez sans doute eu raison de terminer ainsi en quelques lignes, mais dix années résumées en deux lignes, ça m'a chiffonnée !
Enfin, le principal reproche : votre titre manque d'accroche !
Il est beaucoup trop passe-partout... J'ai failli rater ce beau moment de lecture à cause de lui.
En tout cas, je vais surveiller vos prochaines publications !

   Anonyme   
2/12/2014
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai lu et aimé.
La longueur des descriptions du lieu, de novembre ne m'a aucunement gênée (j'en suis la première surprise), je dirai même qu'elle m'a plu.
Passée la première moitié du récit c'est un peu différent: on n'est plus dans l'attente mais dans l'action de cette rencontre, j'aurai peut être préféré quelque chose de plus incisif traduisant la confrontation des personnages.


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