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Humour/Détente
andrejalex : La corrida
 Publié le 21/02/17  -  14 commentaires  -  29747 caractères  -  160 lectures    Autres textes du même auteur

Avertissement : nous attirons l'attention des lecteurs sur la violence de cette nouvelle, qui comporte des images pouvant choquer.
L'auteur la présente ainsi :
« Ma nouvelle est évidemment une bouffonnerie, d'un humour noir tirant sur le rouge. Je n'ai pas d'autre but que l'amusement et je ne prends pas partie dans le débat pour ou contre la corrida. »


La corrida


Enfin arriva le jour de la corrida.


De nombreuses personnalités de la ville s'étaient précipitées pour assister à l'événement. Le spectacle était devenu rare depuis que la crise économique avait rudement frappé le pays d'une hémorragie brutale de toréadors en contraignant à la fermeture les écoles d'art taurin. Heureusement subsistaient des autodidactes pour perpétuer la tradition nationale. Un des plus célèbres de tous, qui devait sa réputation au caractère spectaculaire de ses interventions, était un ancien apprenti boucher de Puigcerdà, renvoyé pour cause de sadisme à l'égard des animaux. L'homme avait d'abord cherché à se recycler dans le rugby, dans la région de Béziers, d'où il avait été expulsé pour brutalité excessive, puis dans la Guardia Civil qui n'avait pu non plus le conserver en arguant cette fois d'un quotient intellectuel insuffisant. Il avait par contre su trouver des entrées dans le milieu tauromachique, que sa tournure d'esprit avait séduit, puis y creuser son trou. Subjugué par l'allure coquette du costume de toréador, il avait choisi le pseudonyme de Manoletino qu'il jugeait seyant et bien adapté à sa nouvelle activité.

Bref, cet après-midi là, précédé par une flatteuse réputation, c'est Manoletino qui devait officier dans l'arène de la ville où il ne s'était jamais produit.

Par souci d'équité autant qu'en forme d'hommage, on avait choisi le général Aurelio Dalmatio Lopez de Varga comme président de la noble assemblée. Toutefois le général ne comprenait rien aux corridas et on lui avait adjoint à toutes fins utiles une notabilité compétente, le baron Nazo.

Le général fut d'abord conduit en grande pompe jusqu'à sa loge où, après avoir serré la main de quelques personnalités parmi lesquelles le premier magistrat de la ville, le prince berbère Mustapha Héna, l'actrice Veronica Suerte et la soprano lyrique Montserrat Paradis, il agita enfin le mouchoir blanc. Aussitôt pénétrèrent dans l'arène deux alguazils à cheval, qui vinrent saluer le président. Chacun reconnut dans ces deux sémillants cavaliers le receveur des postes de Bourg-Madame et le chef de maintenance des remontées mécaniques de Saint-Girons.


Alors apparut le matador : Manoletino s'avança d'un pas lourd et assuré. Il portait un caraco et un pantalon couverts de dorures. Il tenait à la main, en guise de cape, un jupon rouge prêté par l'évêché ainsi qu'en témoignaient les fines dentelles d'ornementation et le parfum suave qui paraissait en émaner. Certes la silhouette ne rappelait que très vaguement le souvenir de Manolete, mais les aficionados applaudirent cependant à tout rompre.

Derrière venait la cuadrilla dans laquelle on pouvait reconnaître, en picadors, les jeunes Marilou et Janou, de l’École de Danse de Puymorens, ainsi qu'en banderilleros, les jeunes Louison, Claudie, et Minouche, du Centre d'Art Dramatique d'Envalira.

Lorsqu'ils eurent à leur tour salué la tribune d'honneur, le général, prévenu par le prince, s'attarda quelque peu à fouiller ses poches en quête de la clef du toril, avant de se rendre à l'évidence qu'il l'avait bel et bien perdue. Mais cet homme d'élite pallia instantanément cette lacune. Sur-le-champ, il feignit de lancer la clef à l'un des alguazils qui, dans un réflexe immédiat, fit semblant de la saisir au vol. Cela n'avait d'ailleurs pas d'importance puisque Manoletino se dirigeait déjà vers le toril dont il enfonçait la porte à grand bruit, couvert par un tonnerre d'applaudissements. Jamais, au grand jamais, un matador, pas même le grand Manolete, n'avait fait preuve d'une telle témérité.


Le premier taureau était noir, plutôt court sur pattes et extrêmement nerveux. C'était un taureau plein de bravoure, de noblesse et d'entrain. La course promettait d'être prometteuse. De fait, lorsque les picadors commencèrent à le harceler à la pique, très maladroitement d'ailleurs, l'animal réagit si vivement que dans le public, tout le monde convint qu'il s'agissait d'un adversaire redoutable. Bientôt le picador Marilou se retrouva sur son fondement, à côté de son cheval éventré, tandis que son collègue Janou, lui aussi désarçonné, s'enfuyait à toutes jambes vers les tribunes, l'œil tuméfié et la lèvre douloureuse. Le sort des banderilleros ne fut guère meilleur. Lorsque le taureau fonça sur lui, le jeune Louison prit peur et jeta n'importe où ses banderilles qui, par malheur, vinrent se planter dans le postérieur de l'infortuné Claudie. Ce dernier s'enfuit aussitôt en hurlant, bientôt imité par son camarade maladroit. De son côté, le jeune Minouche, peu habitué à courir sur le sable, s'était rapidement donné une entorse et avait regagné en boitant le callejón.

Dans l'arène, Mandoletino et l'animal restaient seuls, en tête à tête si l'on nous passe cette expression. Le torero commença par une série de véroniques qui arrachèrent à la foule des cris d'admiration. Puis il réussit successivement et dans un enchaînement parfait trois chicuelinas, deux demi-véroniques, cinq gaoneras et trois aragonaises qu'il compliqua d'une fraction irrationnelle de véronique. Enfin, tenant sa cape de sa seule main gauche, il fit décrire à la bête un cercle autour de son propre corps. À la vue de cette rebolera, les aficionados crièrent « Olé ». Mais la bête ne se découragea pas, c'était un bon taureau, plein de bravoure, de noblesse et d'entrain.

L'artiste comprit qu'il convenait de le fatiguer davantage avant de songer à l'exécution. Coup sur coup, avec une maîtrise technique surprenante chez un homme de sa corpulence, prenant sa cape de la main gauche, il exécuta sans aucune affectation trois naturelles dont une passe en rond et cinq derechazos. Puis, dans le souci louable de gagner du temps, il réussit, là où deux demi-véroniques eussent été nécessaires à un matador expérimenté, à amener en une véronique simple le taureau à l'état de fatigue désiré. Les « Olé » crépitèrent dans la plaza. L'instant fut dramatique. Le torero mit un genou au sol, on vit la bête charger et Manoletino le détourner à l'ultime instant d'un magnifique rodillazo.

Le taureau paraissait maintenant singulièrement alourdi. Par amour de l'art, le torero exécuta encore quelques naturelles élégamment ponctuées de molinetes ainsi qu'une brillante série de trincheras qui achevèrent de briser la résistance de l'animal. Le taureau était exténué et son adversaire décida, sans plus attendre, d'en venir à l'estocade. Il s'avança à la rencontre de l'animal qui chargea encore. Décidément c'était un excellent taureau, plein de bravoure, de noblesse et d'entrain. Manoletino prit son élan, et, déviant la corne de l'animal de sa muleta, lui plongea son épée dans le thorax, jusqu'à la garde, à quarante-cinq degrés par rapport à l'horizontale, tandis qu'il se dégageait d'un rapide écart de ceinture. Le taureau s'écroula, foudroyé.

La plaza s'emplit d'une immense ovation qui fit trembler la talanquera et les chiqueros. Le matador, d'une main preste, passait maintenant un nœud coulant autour du garrot de l'animal puis, s'emparant de l'extrémité libre de la corde, il sortit de l'arène au pas gymnastique en traînant derrière lui le cadavre du descendant d'Apis.


Le deuxième taureau était petit, noir et râblé. C'était un taureau de cinq ans tout juste qui venait le matin même de souffler ses bougies. Plein de bravoure et de noblesse, il manquait, hélas, totalement d'entrain. On avait eu beaucoup de mal à le réveiller alors qu'il sommeillait paisiblement dans son chiquero et le torero avait dû le tirer par les cornes pour l'obliger à abandonner la quiétude du toril, le lâchant seulement au centre du ruedo pour aller chercher sa muleta et son épée. L'animal avait profité de ce court répit pour se coucher et piquer une petite siesta. Le torero en avait conçu un vif mécontentement et avait réveillé la bête par de violents coups de pied appliqués sur le naseau à l'aide de ses gros souliers cloutés. L'animal s'était réveillé et regardait d'un air endormi et inintelligent ce curieux personnage qui dérangeait son repos et faisait de grands gestes de sa muleta pour l'inviter semblait-il à charger.

Certes, la bête ne paraissait nullement intimidée mais il y eut cependant quelques murmures : c'était un taureau plein de bravoure et de noblesse sans doute, mais l'entrain n'y était pas.

Manoletino commençait à se lasser d'agiter en vain sa muleta. Le taureau ne s'engageait toujours pas dans le combat et le torero, agacé par cette mollesse, sentit sourdre en lui une violente colère. Il n'avait manifestement pas l'habitude de ce genre de situation. Même son épouse, une robuste matrone qui tenait pourtant sans coup férir un rythme de vingt heures de sommeil par jour depuis trente ans, ne l'avait pas habitué à une semblable inertie.

À la grande surprise du public, il planta son épée dans le sable et jeta la muleta par-dessus. Puis il se dirigea vers la bête toujours immobile et, nez contre naseau, le regarda droit dans les yeux d'un air terrible. L'animal soutint son regard sans ciller. C'était un bon taureau, plein de bravoure et de noblesse. Quel dommage qu'il manquât d'entrain à un tel point !

À un mètre du taureau, Manoletino lui adressait maintenant une série de gestes qui surprirent fort les aficionados car ils ne figuraient sur aucune nomenclature de suertes. C'est ainsi que, devant l'absence totale de réaction, l'artiste mit son bras gauche en angle droit, l'avant-bras à la verticale, et frappa violemment de sa main droite largement ouverte ledit bras gauche. Le regard de l'animal devint hautain et un peu méprisant. Le torero, piqué au vif, relevait maintenant ses manches et se dirigeait vers le taureau.

Il commença par un direct du droit au naseau qu'il doubla immédiatement d'un très violent crochet du gauche au même endroit. L'animal parut surpris mais nullement intimidé. Sa garde était vraiment trop basse, ce dont son adversaire profita pour lui adresser à la volée un swing du gauche au mufle aussitôt suivi d'un magnifique uppercut du droit. Sous la puissance des coups, l'arcade gauche de l'animal avait éclaté et le sang lui ruisselait dans l'œil. Il gardait néanmoins belle allure : c'était un animal splendide, plein de bravoure et de noblesse dont on ne pouvait regretter que l'absence d'entrain.

Manoletino le martelait maintenant de coups au corps afin de saper sa résistance physique. Un moment le public se prit à espérer car l'animal avait enfin retourné la tête pour voir son adversaire qui, très mobile, le rouait de coups dans la région du foie. La bête paraissait fatiguée et le torero décida d'en finir. Il reprit le combat en crochets très courts au mufle, en enchaînant bien ses coups. L'autre arcade éclata, le sang jaillit ; l'animal n'y voyait plus et son compétiteur poursuivait toujours son forcing. Sur un contre très dur, le taureau se mit à saigner du naseau de façon très abondante.

Le combat devenait passionnant et les aficionados, debout dans les tribunes, en attendaient l'issue avec curiosité. La technique de l'homme de l'art les surprenait un peu. Manoletino appuyait maintenant ses coups, en s'appliquant à toucher les parties déjà sanglantes. Bien qu'extrêmement violents, ses crochets glissaient parfois sur le mufle ensanglanté en perdant de ce fait un peu de leur puissance. L'animal secoua sa crinière pour chasser le sang qui lui inondait la face. Une gauche très dure au naseau l'atteignit et il se mit à tituber. L'homme doublait désormais tous ses coups, ne prenant de répit que pour essuyer ses mains sanglantes à son habit. Les deux adversaires étaient maculés de sang, le sable était rouge.

La respiration du taureau devint rauque et irrégulière ; à chaque expiration, l'animal rejetait un flot de sang au visage du matador qui devait s'essuyer du revers de sa manche. Enfin Manoletino se recula, assura sa stabilité sur le sol gluant, prit un peu d'élan et plaça une gauche terrible. L'animal tituba, fut cueilli dans son déséquilibre par un contre du droit d'une puissance et d'une précision inouïes et s'écroula.

Les aficionados, un peu surpris par la forme que prenait le combat, crièrent tout de même « Olé ».

Le toréador, à quatre pattes, se mit en devoir, en frappant le sol de la main, de compter jusqu'à dix. Le taureau ne fit même pas mine d'essayer de se relever. L'homme à l'habit d'or s'agenouilla près de lui et, enserrant de son bras gauche le garrot de l'animal, lui prit le mufle de la main droite et commença de l'étrangler.

Dans sa défaite, le taureau ne manquait ni de bravoure, ni de noblesse, et il eut enfin un sursaut d'entrain. D'un souffle extraordinairement puissant, il expulsa la main qui l'empêchait de reprendre sa respiration. Des caillots de sang furent projetés jusqu'à la loge présidentielle, sur le décolleté de Veronica Suerte et, plus haut encore, sur le pantalon du baron Nazo. Mais son impitoyable adversaire lui appliquait à nouveau sa patte énorme sur le mufle en resserrant son étreinte du bras gauche au garrot. L'animal eut encore quelques ultimes sursauts avant de succomber, les voies respiratoires noyées par l'hémorragie. Alors le matador leva les bras au ciel en signe de victoire, tandis qu'une clameur immense s'élevait sur la plaza pour saluer l'apôtre sans doute le plus étonnant de la tauromachie moderne.


Le troisième taureau était une bête splendide, au poil luisant et aux yeux bleus, avec une amusante queue en tire-bouchon. Lorsqu'il s'élança nerveusement dans l'arène, le public laissa échapper un murmure de satisfaction : voilà au moins une bête qui ne manquait pas d'entrain. Manoletino, qui avait repris son épée et sa muleta, l'attendait d'un pied ferme au centre de l'arène. Mais à la surprise générale, dès que le taureau l'aperçut, il tourna les sabots et poursuivit sa course dans la direction opposée. D'abord décontenancé, le matador entreprit de le rattraper et se mit à courir à sa poursuite. L'animal gardait la tête haute, les picadors n'ayant pu accomplir leur tâche depuis que la cuadrilla avait été décimée. Il ne manquait certes ni de noblesse ni d'un certain entrain mais il semblait malheureusement qu'il utilisât cette dernière qualité davantage à la fuite qu'au combat.

Le matador produisit son effort et, à la faveur d'un double démarrage, rattrapa le fuyard dans le virage. Tandis qu'il freinait sa course de son talon gauche placé à la verticale dans le sable, il décochait du pied droit un croc-en-pattes vigoureux qui le fit trébucher. Il en profita pour le dépasser et l'attendre de face. Le taureau, qui s'était relevé, regardait maintenant son ennemi d'un air craintif. Ce dernier se rapprocha. On put lire une immense détresse dans les yeux bleus de l'animal tandis que des gouttes énormes de sueur perlaient sur son mufle.

Le torero fit encore un pas en avant. Le regard du taureau trahissait une terreur panique, son naseau tremblait. D'un avis unanime, quels que puissent être sa noblesse et son entrain, ce taureau puait la lâcheté. Manoletino tendit la muleta mais l'animal y réfugia son mufle en fermant les yeux pour ne pas voir ce qui allait suivre. Dans le même temps il découvrait largement son garrot. Manoletino, impitoyable, leva son épée et, comme à la parade, porta une estocade impeccable. La bête tomba foudroyée, victime inconsciente de son manque de bravoure. Les applaudissements furent maigres, on entendit des commentaires assez peu flatteurs sur l'élevage et sur la ganadería.


À l'entrée du quatrième taureau, les aficionados poussèrent un cri de surprise. C'était un animal puissant, plein de bravoure et d'entrain ainsi qu'en témoignait la fougue avec laquelle il était sorti de son chiquero. Cependant la bête avait un regard difficile à décrire et à soutenir sans éprouver une sorte de malaise : regard à la fois fuyant, malsain, sournois et mauvais. Le prince Héna s'était d'ailleurs penché pour prévenir le général qui, par coquetterie, avait ôté ses lunettes :


– Ce taureau manque de noblesse, mon général, il s'agit d'un taureau vicieux, j'en suis sûr.

– Affirmatif, avait répondu à tout hasard le général qui, myope comme une taupe, ne voyait guère plus loin que deux rangs devant lui.

– Je crains que notre vaillant matador n'éprouve quelque difficulté, mon général.

– Bah !… Plus qu'on en voye et plus qu'on en sait, il s'en tirera une fois encore !, avait rétorqué le général qui, s'il n'avait rien vu des combats précédents, avait tout de même été informé de leur issue par ses services secrets.


Pendant ce temps le combat avait commencé. Il s'agissait effectivement d'un taureau vicieux qui s'était déjà produit clandestinement en de nombreuses occasions et avait longuement appris toutes les finesses de la cape. Le torero, peu psychologue, n'avait pas été gêné par le regard équivoque de l'animal et, en agitant sa muleta, l'attendait maintenant de pied ferme.

Le taureau chargea mais, au tout dernier moment, il changea de direction et l'homme, qui avait naturellement esquissé une passe de la gauche, ne le détourna que de justesse mais de manière très adroite par un derechazo très applaudi. L'animal revint à la charge si rapidement que le torero dut rompre lorsque la bête parvint à sa hauteur, au grand dam des aficionados. Au milieu de l'arène ensoleillée où l'animal le toisait d'un air ironique, Manoletino restait perplexe. Tenant sa muleta de la main gauche, il choisit de la tendre et de l'agrandir du double à l'aide de son épée afin d'augmenter la surface d'étoffe et de dévier ainsi plus facilement le taureau. À la vue de cette passe « aidée », les aficionados laissèrent échapper quelques murmures de désapprobation.


– Je crains que notre ami ne s'attire quelques critiques, mon général, chuchota le prince à l'oreille du général.

– Diantre ! Et pourquoi donc ? demanda le général, qui ne voyait et ne comprenait rien.

– Il s'apprête à faire une passe « aidée », mon général, c'est assez peu apprécié ici.

– « Aide-toi, le Ciel t'aidera », telle est la devise de notre armée, répondit sentencieusement le général.


Déjà le taureau chargeait. Le matador esquissa une naturelle mais l'animal ne se laissa pas abuser par la muleta et le heurta de plein fouet à la cuisse. Soulevé du sol et projeté à une bonne dizaine de mètres, Manoletino avait perdu dans le choc son épée et sa muleta. Debout sur les gradins, les aficionados observaient maintenant un silence absolu. Le torero, désarmé, se releva vite. Il entendit le taureau charger. Sans prendre le temps de réfléchir, il s'enfuit de toutes ses jambes, poursuivi par ce dernier, s'engouffra dans le toril dont on avait entre-temps réparé la porte et s'y barricada. Le taureau revint au centre de l'arène et salua la foule d'un air satisfait, tandis que l'on tendait au matador mécontent une autre muleta et une autre épée. L'animal revint et se posta derrière la porte, de façon que l'homme ne puisse l'apercevoir à sa sortie. Et de fait, lorsque ce dernier, en clignant des yeux, rouvrit la porte du toril derrière laquelle se cachait son adversaire facétieux, il ne le vit pas et s'avança perplexe dans l'arène à sa recherche.

Le taureau prit son élan et chargea par derrière le torero qui, totalement surpris, fut projeté en l'air où il fit un double saut périlleux avant de retomber lourdement dans le sable. Le taureau chargeait déjà. L'homme de l'art, qui avait à nouveau perdu épée et muleta, n'eut pas le temps d'esquisser le moindre geste de défense et se retrouva soulevé de terre et renvoyé illico à l'intérieur du toril, cependant que l'animal revenait au centre de la plaza pour saluer le public d'un air franchement narquois.

Manoletino entrebâilla prudemment la porte du toril et passa la tête afin de s'assurer que l'animal ne se cachait pas derrière. Il prit une troisième muleta, refusa l'épée et tira de sa poche son couteau à cran d'arrêt qui ne le quittait jamais, celui-là même dont il se servait habituellement dans son métier d'origine. Puis il se dirigea d'un pas ferme vers le ruedo où le taureau l'attendait d'un air insupportablement ironique. De la main gauche il tenait la muleta tandis que de la droite il libérait la lame de l'énorme coutelas.

L'animal chargea mais l'artiste réussit une impeccable passe lobée qui passa hors de sa portée. Le taureau revint à la charge et fut abusé par un magnifique revers qui le prit complètement à contre-sabot. Il semblait avoir perdu de sa morgue et avait manifestement de la difficulté à trouver ses appuis, d'autant que le matador enchaînait maintenant avec maestria les petits ponts, passings liftés et autres dribbles déroutants assortis de démarrages en côte, centres au cordeau, smashes puissants et passes croisées d'une précision diabolique. Néanmoins il chargea encore avec entrain. Le torero plaça une véronique qui jaillit telle une fusée mais l'animal poursuivit son attaque.

Manoletino rompit adroitement le jeu et amorça une splendide rebolera. Cette fois le taureau ne se laissa pas tromper : il feignit de décrire un cercle autour de lui mais, lorsqu'il passa dans son dos, il donna un coup de corne qui s'enfonça dans le fondement de son adversaire en déchirant son habit de lumière. Fort heureusement la corne suivit les voies naturelles et le matador, indemne, en fut quitte pour une sensation assez particulière, un peu fugace, et qui n'était pas sans lui rappeler vaguement certains souvenirs de scoutisme.

Cependant l'alerte avait été chaude et le matador avait cette fois jaugé le vice de l'animal. Dans les gradins les aficionados s'étaient levés, croyant à une blessure grave. Aussi applaudirent-ils à tout rompre quand ils virent leur idole, debout, réussir une chicuelina et deux aragonaises. L'animal, immobile, semblait maintenant se concentrer. De son côté Manoletino, qu'avaient un peu endolori ses chutes récentes, effectuait quelques entrechats afin d'assouplir ses articulations douloureuses. Il assura enfin son coutelas dans sa main droite et s'avança vers le taureau qui chargea. Le torero, puissamment arc-bouté sur ses jambes énormes, n'essaya pas d'éviter la charge. Le choc fut terrible. L'homme ne bougea pas lorsque le taureau le percuta de plein fouet. L'animal, étourdi par l'impact, eut un instant d'hésitation que son adversaire mit à profit pour enfoncer son coutelas avec précision dans son orbite gauche. Lorsqu'il retira la lame d'acier, un œil tomba dans le sable.

Le taureau, désormais, était borgne. Son calvaire ne faisait que commencer. C'était un animal plein d'entrain. Courageusement bien que sans noblesse, il chargea en tentant d'encorner encore le matador, mais en vain. Ce dernier avait pressenti la direction de la charge, s'était baissé et l'avait évitée en enfonçant au passage son poignard de biais dans la poitrine de l'animal. À la vue de ce golletazo, les aficionados manifestèrent un mécontentement bruyant.

Dès lors l'homme mit à profit chaque charge de l'animal pour le larder de coups de couteau irréguliers. Le taureau perdait beaucoup de sang et paraissait alourdi.

Manoletino réussit encore quelques belles suertes de muleta, dont une splendide manoletina qu'il entacha malheureusement d'un baronazo blâmable. L'animal, borgne, ne pouvait plus trouver sa querencia. Bien que très affaibli, il chargea encore. L'homme tendit la muleta et l'animal s'engagea à nouveau dans une rebolera mais cette fois son adversaire était vigilant : il évita la corne et, lorsque l'animal le dépassa, il prolongea sa suerte par un habile mouvement de buste mais cette magnifique anculetta resta malheureusement incomprise de beaucoup. Ayant ainsi pris ce qu'il considérait comme une revanche, le matador décida d'en venir à la mise à mort et s'avança à la rencontre du taureau qu'il détourna facilement. Au passage il plongea dans le filet de l'animal la lame de son coutelas, tranchante comme un rasoir et, d'un geste circulaire, découpa promptement la pièce de viande qu'il jeta sur le sable.

Le courage des aficionados est connu, et pourtant certains étaient très pâles…

Manoletino bâcla encore quelques véroniques et quelques vagues suertes dont un fondu enchaîné un peu confus. Mais à chaque passe il dépeçait plus avant le malheureux animal. C'est ainsi qu'au filet d'abord prélevé vinrent s'ajouter le paleron, le gîte, la macreuse, la hampe, la culotte, le rumsteack, le faux-filet, le mouvant, l'araignée, la tranche et la bavette. Les pièces de viande s'entassaient maintenant sur le sable gluant. Appuyés contre la talanquera, quelques aficionados, plus délicats que les autres, le visage blême et les yeux exorbités, s'étaient mis à vomir sous leur regard réprobateur…

L'homme de l'art, que ne semblait pas gêner le malaise du public, continuait le dépeçage. Il avait entrepris le désossage d'un jarret. Lorsqu'il l'eut terminé, le taureau se mit à boiter bas. Alors son bourreau prit habilement entre la lame de son couteau et le pouce l'œil unique de l'animal qu'il énucléa une deuxième fois. Désormais le taureau était aveugle. L'homme se mit à lui larder le mufle de coups de couteau et il s'écroula. Le torero lui ouvrit encore la bouche et, d'un geste prompt, préleva la langue qu'il jeta sur les autres quartiers de viande(1).

Les aficionados les plus aguerris bombaient fièrement le torse pour souligner davantage encore la défaillance de ceux qui, plus délicats, plus fragiles, ou moins préparés peut-être, s'occupaient à vomir la paella du déjeuner. Certains, évanouis, gisaient à même le sol, insensibles aux sarcasmes des âmes fortes.

Le général avait remis ses lunettes et assistait avec ravissement au spectacle. Des larmes lui perlaient aux yeux. Il pensait aux heures exaltantes qu'il avait vécues jadis, au cours de la guerre, lorsque ses vaillantes troupes décimaient les hordes rebelles.

Pendant ce temps Manoletino avait encore coupé au taureau les deux oreilles, la queue ainsi que ces parties vigoureuses qui l'avaient jusqu'alors distingué des vaches. L'animal n'en finissait pas d'agoniser.

L'arène était rouge, le sable était imprégné de sang à refus et son compactage par les sabots de l'animal aboutissait à une densité supérieure à celle de l'optimum Proctor modifié, ainsi que le releva un journaliste du Corriere das Obras Publicas, une gazette locale spécialisée.

Le matador avait du mal à garder son équilibre sur le sol glissant et il résolut d'en finir. Prenant son poignard, il le plongea dans l'orbite gauche de l'animal qui cessa enfin de bouger. Ainsi fut prouvée une fois de plus la supériorité de la force humaine sur l'intelligence animale.

Manoletino leva les bras au ciel en signe de triomphe et s'avança vers la tribune d'honneur. Il salua le président et entreprit de lancer à la noble assemblée les trophées qu'il venait de gagner de haute lutte, comme des bouquets de fleurs des champs. Le torero avait le sens de la hiérarchie et c'est au général qu'il lança la pièce de filet, qu'il jugeait la plus tendre et la plus savoureuse. Par contre il n'avait pas celui du bon goût et c'est l'actrice Veronica Suerte qui reçut de plein fouet sur son corsage, rouge par bonheur, les vestiges de la virilité du malheureux animal, qu'elle ramassa et rangea dans son sac à main, à côté de son chéquier, de son pilulier et de sa boîte de préservatifs grand format.

Déjà le jury délibérait. Il fit enfin connaître son jugement. Manoletino obtenait la consécration suprême pour un matador : on lui attribuait la queue, les deux oreilles, les deux yeux, les parties, le paleron, le gite, la macreuse, la hampe, la culotte, le rumsteack, le faux-filet, la tranche, la bavette, le foie, les tripes et le jarret. Seul lui fut refusé le cœur dont on estima qu'il avait été prélevé après la mort de l'animal(2).


Mais au pays du soleil tout s'oublie vite… À peine le président avait-il quitté l'arène que s'organisait dans la ville une immense fiesta à la gloire du matador.


Pendant ce temps ce dernier, qui se ressentait un peu du coup reçu à la cuisse lors de son premier choc avec le quatrième taureau, s'était dirigé vers l'infirmerie où le major était en plein travail. Il avait déjà retiré les banderilles du derrière du malheureux Claudie et posé quelques points de suture, puis réduit l'entorse de Minouche avant de masser et bander la cheville douloureuse. Les ecchymoses de Janou avaient été soigneusement badigeonnées au mercurochrome et le major put examiner la blessure du matador. Au sommet de la cuisse et sur la hanche apparaissait un gros hématome relativement douloureux. Après un examen minutieux et eu égard aux circonstances de l'accident, fut diagnostiqué un traumatisme fessier relevant de la tauromatologie classique. Manoletino sortit de l'infirmerie parfaitement rassuré.


La nuit était tombée. Le matador se rendit sur le champ de foire où la feria battait son plein. Là il se mêla aux autochtones qui, en bel habit de gala, dansaient sous les girandoles. Les sombreros et les mantilles tournoyaient sur la plaza d'où montaient des cris et des vivats. On voyait briller, scintiller, frétiller les grands yeux des filles. L'écho lui-même vibrait de flamenco(3).

Bref, c'était la feria…





(1) J'aime assez ce morceau-là en sauce piquante avec des câpres. C'est bien la première fois que je trouve quelque chose d'intéressant dans une corrida ! (Note de la sténodactylographe.)

(2) La gloire ne va pas parfois sans jalousie et Manoletino connut quelques détracteurs. Un jeu de mots courut quelque temps, le traitant de « boucher à l'arène », ainsi que le rapporte l'abbé Chamel. Ce calembour, en patois local, reste malheureusement sans traduction dans notre dialecte.

(3) Nous tenons à remercier pour ces différents détails, criants de vérité et de couleur locale, notre confrère F. Lopez, auteur de l'ouvrage musical « El Principe del Madrid ».


 
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   silvieta   
22/1/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une satire de la corrida, texte à peine caricatural quand on pense à tout ce que subissent en vrai les malheureux taureaux. Dans cette fiction aussi, bien sûr, on ressent beaucoup de compassion envers eux du fait des tortures bien sanglantes qu'ils endurent.

L'auteur semble avoir réuni une documentation importante sur le déroulement des corrida et le vocabulaire qui y est utilisé pour en désigner les différentes phases.

La nouvelle parvient à cet exploit d'être non seulement empathique et nous faire frémir d'horreur mais d'être aussi désopilante, mettant en scène de nombreuses techniques de comique:
-satire sociale.
-burlesque.
-comique de gestes.
-comique de répétition.
-comique de l'absurde.
-jeux de mots tels que "boucher à l'arène".
-réflexions pragmatiques de la part personnages étrangers au récit , telle l'intervention inattendue de la sténodactylographe. (J'ai plusieurs fois songé au journal Pilote dans ses meilleures heures, celles des Gébé et des Gotlieb).

L'intérêt est maintenu par les entrées successives de ces taureaux, à la fois semblables et dissemblables : brave, noble, plein d'entrain pour l'un, brave, noble, sans entrain pour l'autre, quant au troisième avec sa queue en tire-bouchon et ses grands yeux bleus on se demande si c'est du lard ou du cochon.

Le texte est pourtant trop long. On sent que l'auteur a certainement du métier et peut tenir la distance mais trancher dans le vif certains paragraphe aurait permis de sa part davantage encore de relecture et l'on aurait alors évité des phrases telles que: "la course promettait d'être prometteuse".

En conclusion un texte qui sera excellent à condition d'être raccourci. J'hésite à l'heure actuelle entre " j'aime bien" et " j'aime beaucoup".

   plumette   
1/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
trop!
trop de personnages au début
trop de taureaux,
trop de sports décrits
trop de sang,

l'auteur cite beaucoup de noms de lieux, et cela m'a un peu perdue. On est en Espagne ou en France?

j'ai lâché au 4/5 ème du texte.

Il y a du travail ,la langue est précise, les connaissances en sports divers bien mises en valeur ( tauromachie, boxe, tennis).Il y a de l'humour ou plutôt une sorte de dérision ou de xième degré avec ce quatrième taureau vicieux qui s'humanise ( si on peut le dire ainsi!) et se mettant à saluer le public d'un air narquois.

mais je n'aime pas cette complaisance et cette insistance dans le sanguinolent, je n'aime pas cette évocation de la cruauté de la corrida (Alors même que j'ai pu l'apprécier en live, intéressée par le spectacle et prise par l'ambiance)

je préfèrerais ne pas avoir à mettre une appréciation! mais nous sommes en EL, alors je note le travail d'écriture que je trouve bon, sauf cette phrase surprenante " la course promettait d'être prometteuse".

j'ai bien aimé la caractérisation répétitive pour chaque taureau!

Plumette

   LenineBosquet   
21/2/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Waow !! Quel texte ! De l'humour, du gore, des calembours, de la recherche, tant de choses ici...
J'ai bien aimé, entre autres et par exemple, que le premier "combat" soit effectivement un "combat" tauromachique avec ses règles et son vocabulaire. Pour le deuxième, c'est un match de boxe ! Le troisième une course, rapide, un 100 mètres quoi, quant au quatrième on oscille entre un match de foot ou de tennis, du patinage artistique même peut-être, pour finir en boucherie...
Chaque taureau a sa personnalité propre, ce sont des hommes presque, et l'homme en question est une bête, il est bête d'ailleurs ; je vous cite : "Ainsi fut prouvée une fois de plus la supériorité de la force humaine sur l'intelligence animale."
La scène "sodomique" est hilarante, dommage qu'elle télescope l'actualité...
Bref y'en aurait encore beaucoup à dire, on voit bien tous vos personnages, un trait d'humour pour chaque, leur ridicule etc...
Merci beaucoup, c'est excellent.

   Leverbal   
21/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Quelle leçon de tauromachie!
Si ce texte a une vertu, c'est de montrer la richesse de la culture de la corrida, avec un vocabulaire et des pratiques très codifiés. Est-ce que cette démonstration sert le propos de la satire ou de la caricature? J'ai un doute. Je pense quand même andrejalex que tu ne renies pas cette culture et que tu cherches un peu à nous la faire apprécier sous couvert de dérision. Si ce n'est pas l'intention, alors je pense qu'il faudrait grossir le trait, ne pas être aussi respectueux des codes (c'est peut-être le cas, peut-être que le terme anculetta par exemple est une blague? Comme je n'y connais rien, je ne peux pas en juger).
Là c'est un peu sage, un peu suranné comme humour. J'ai pensé au Candide de Voltaire. Alors que le torerro aurait pu s'appeler Chuck Norris sans problème... On sent que les touches d'humour viennent un peu en surcouche du reste, comme les trois notes vers la fin du texte par exemple. Plus d'humour, moins de respect, et j'achète!

   Tadiou   
22/2/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
On dit qu'il est plus facile de faire pleurer que de faire rire. Je ne suis pas un amateur forcené de comédie, mais là, je me suis bien marré, intérieurement et extérieurement (nous n'avons pas de voisin proche)

J'ai assisté à un étalage savant de termes tauromachiques bien choisis (s'ils sont tous faux, je n'y ai vu goutte), à l'arrivée d'un receveur des Postes et du Chef de la Maintenance de... etc.. sous la figure exaltante de dignes alguazils, un érotique jupon parfumé en guise de cape...des assistants qui se tirent.

J'ai apprécié la"fraction irrationnelle de véronique" : je ne sais pas si tu es matheux, mais il existe seulement des fractions rationnelles; les irrationnelles : jamais entendu parlé (et j'ai la faiblesse de trouver drôle cette pirouette : humour de matheux???).

J'aime les redondances de "plein de noblesse, de bravoure et d'entrain" avec la disparition d'un terme pour d'autres taureaux.
(suite mathématique??)

J'ai assisté à un 1er combat à peu près normal, sauf que c'est le toréador qui sort le taureau (je trouve aussi que c'est une belle pirouette); puis j'ai assisté à un match de tennis, une épreuve de course à pied, à un match de boxe, à une partie de cache-cache,
au travail pro d'un boucher dans sa boutique avec énumération soignée des différents morceaux, à un taureau qui remplace le toréador pour venir saluer régulièrement le public au milieu de l'arène... Les flots de sang avec le 2ème taureau sont d'un grand burlesque.
Et j'en passe.

J'ai apprécié le clin d’œil aux souvenirs de scoutisme (je suis un brin anticlérical et je lis les journaux....).

Bref, je me suis régalé, au figuré.

L'abbé Chamel, bon (!), on doit trouver ça dans Wikipedia comme le "boucher à l'arène" :je te pardonne.

Ecriture régalatoire.

Andrejalex, peut-être certain(e)s n'apprécieront pas, (comme d'hab', je lirai les autres commentaires plus tard); ça me semble être de l'humour de matheux. Moi, je te dis : "chapeau!" et tu mérites la bête entière.

A te relire, évidemment, c'est clair : CQFD.

Tadiou

Additif 1: j'exècre la corrida. J'en ai vu 2 il y a environ 40 ans: ça m'a suffit.
Quand je lis ce texte, je ne pense pas "corrida"; je pense "farce" :
du 2ème dégré (encore des maths!!)

Additif 2: comme d'hab' j'ai écrit mon commentaire qui précède avant d'avoir lu les autres. Puis j'ai lu ces derniers. La phrase " La course promettait d'être prometteuse" m'avait fait tilt.

Je pense que c'est un choix délibéré de l'auteur. Vue la qualité du texte, ça ne peut pas être une maladresse!!

Je trouve cette phrase succulente. Je m'explique, car c'est un peu bizarre. C'est en lien avec la démarche mathématique. Cette phrase est une transgression des normes littéraires habituelles, comme l'ont relevé quelques commentaires. Mais une telle phrase veut dire, entre autres :"L'esprit humain est plus puissant que le contexte et les normes. En dernier ressort, c'est lui qui a raison".

Une telle petite phrase a une belle construction formelle provocatrice. Avec une répétition qui crée une relation forte entre les mots. Il y a aussi un côté "absurde", "gratuit". Comme en maths quand on se lance dans l'élaboration d'une théorie, sans lien avec le contexte physique, "concret" (cette théorie pouvant éventuellement se révéler utile des siècles plus tard, comme pour les nombres complexes).

Donc la phrase "La course promettait d'être prometteuse" m'a donné quelques frissons sympas.

Voilà mon appréciation personnelle.

   PierrickBatello   
22/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
C'est bien long pour décrire le sacre d'un toréador. Tout ça pour ça, ai-je envie de dire. J'attendais une chute "olé-olé" mais non. Je n'ai souri qu'aux trois notes de bas de page. La pléthore de termes tauromachiques m'a fatigué à la longue. Je n'ai pas compris l'intérêt de la comparaison avec les autres sports. La partie boxe m'est apparue grotesque sans, malheureusement, devenir burlesque. Le comique de répétition "Plein de bravoure et de noblesse" m'a vite gavé. Dommage, car cela commençait bien avec ce 1er paragraphe où vous en mettez "plein la tronche" au torero. C'est ce qui m'avait incité à poursuivre la lecture.

   klint   
24/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai un peu souri à certains passages mais le texte ne m'a pas vraiment fait rire. Je reprocherais peut être une écriture trop lente, légèrement pédante, dont les qualités évidentes ne conviennent pas à mon avis pour un texte en humour (Peut être aurait il fallu plus de surprises)
Par exemple ""C'était un taureau plein de bravoure, de noblesse et d'entrain" et son comique de répétition aurait pu m'emporter s'il avit été mis en valeur. La scène de la découpe de boucherie se prolonge trop longtemps aussi, au début on sourit, on s'attend à rire mais ça reste linéaire.

Je salue le travail documentaire très fourni et une écriture précise, légèrement trop lente à mon gout.

   Alcirion   
5/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Un petit mot sur ce texte lu en espace lecture. Un ton truculent, une écriture réussie et un fond délirant très plaisant.

Un peu long, néanmoins, et les références à des termes techniques de tauromachie alourdissent un peu l'ensemble.

Très plaisant au final.

   lucilius   
13/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Cette "bouffonade" sur la tauromachie me rappelle les grandes corridas des arènes de Nîmes, Beaucaire, Arles, alors que nous habitions à Fontvieille (moulin d'Alphonse Daudet). A l'époque mes sept/huit ans ne me permettaient pas de partager l'hystérie populaire s'élevant des arcades à chaque combat sanglant.
Par contre, j'étais littéralement transporté par les cérémonies d'ouverture avec la musique éblouissante de Carmen accompagnant les somptueuses parades. Et je trouve juste dommage que ce texte gore à souhait, en ait fait l'impasse (et passes). Il y a donc pour moi un gros oubli chronologique.

Pour le reste, on comprend bien qu'écrit au second degré, toutes les fantaisies étaient bonnes à prendre et il aurait été dommage de s'en priver.

   Thimul   
26/3/2017
 a aimé ce texte 
Vraiment pas
Je n'aime pas ce texte et voici pourquoi.
Quand une nouvelles comme la vôtre arrive à satisfaire Silvieta qui n'aime pas la corrida et Leverbal qui manifestement adore voir torturer des animaux qui n'ont rien demander à personne, c'est qu'il y a un raté quelque part.
Si vous voulez dénoncer un des spectacles les plus débiles, cruels et avilissant qui soit sur cette maudites planètes parsemée d'abrutis assoiffés de sang, alors, l'ironie de ce texte est trop subtile pour certains et personnellement ça me gène que les admirateurs de ce "spectacle" gerbant puissent y trouver leur compte.
Si c'est l'inverse et que vous voulez témoigner de votre admiration pour cette dégueulasserie vous imaginez aisément ce que je peux en penser, vu que dans mon estime, les toreros et les aficionados sont juste au- dessus des nazis et des dictateurs syriens.
Si enfin vous entretenez sciemment ll'ambiguïté c'est encore plus tordu.
Mis à part ça, c'est plutôt bien écrit mais extrêmement difficile à lire jusqu'au bout quand on éprouve de l'empathie. Je n'ai poursuivi ma lecture que pour savoir au bout du compte ce qu'était le propos de cette histoire : pro ou anti torture. Et à la fin je n'ai pas su. D'où le malaise.

   Damy   
13/8/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Le 1°) toro: "c'était un excellent taureau, plein de bravoure, de noblesse et d'entrain.c'était un excellent taureau, plein de bravoure, de noblesse et d'entrain. "c'était un excellent taureau, plein de bravoure, de noblesse et d'entrain." Et l'auteur ne se prive pas d'exposer tout son art de la corrida, maîtrisé jusqu'à la pointe de l'épée dans l'identification des moindres passes savantes -et non des moindres - dont, pourtant ex-amateur, je n'en connais pas la moitié. Quel regret de ne pas avoir été placé à vos côtés pour parfaire ma culture ! J'étais, en fait, celui qui était chargé d'apporter la clé du toril au général Aurelio Dalmatio Lopez de Varga et je l'avais coincée dans la serrure de la chambre d'une robuste matrone.
Le 2°) toro: "Plein de bravoure et de noblesse, il manquait, hélas, totalement d'entrain. Plein de bravoure et de noblesse, il manquait, hélas, totalement d'entrain. Plein de bravoure et de noblesse, il manquait, hélas, totalement d'entrain." Et l'on passe alors avec stupéfaction à l'art tout aussi maîtrisé de la boxe que je méconnais complètement... Pas mécontent d'être resté sur le foie de la matrone !

Manque probablement le rugby pour le 3° toro ! "voilà au moins une bête qui ne manquait pas d'entrain" voilà au moins une bête qui ne manquait pas d'entrain "voilà au moins une bête qui ne manquait pas d'entrain" .... mais elle était terrorisée. Loupé pour le rugby, j’ai cru alors assister à la science du 800 m haies :-).

Au 4°, vicieux, (on verra pourquoi), on revient à l'art doublé de celui de la pluridisciplinarité, tellement le toro avait de cornes à son arc (si j'ose dire) dont il sut en enfoncer une séant tenant. 'La magnifique anculeta", je ne connaissais pas. Pour ne rien tronquer du Sud, voici le sexe ! Celui du sac de la belle est maintenant comblé !
"Ainsi fut prouvée une fois de plus la supériorité de la force humaine sur l'intelligence animale.": Manoletino est exceptionnel !

Nous sommes probablement voisins, et je regrette que, comme dans une corrida traditionnelle, il manque 2 autres bêtes à cornes "nobles et pleines d'entrain". Manoletino aurait été tout aussi inventif et les toros pleins de bavures.

Je me suis vraiment marré et j'admire votre talent de savoir tourner en dérision, un passion dont vous êtes Fidèle.

Allez, je ne peux m'empêcher de vous livrer une confidence que je vous demande de garder pour vous, la corrida n'a bonne presse que dans la locale: il y a une 20aine d'années, j'ai eu la chance offerte d'assister à la feria de Séville. Je vous passe les détails dont je n'aurai jamais le talent de les écrire aussi bien que vous. J'ai vu une corrida où se produisaient Francisco Espla, Victor Mendès et Ruiz Miguel. Elle était tellement somptueuse (2 trophées majeurs, sorties à hombros après chaque mise à mort) que je me suis promis de ne plus jamais aller en voir, trop angoissé par la déception. J'ai encore, 20 ans après, les détails du film que je me repasse en boucle à chaque feria de chez moi.
Gracias et olé.
Damy

   Louison   
13/8/2017
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai ri (jaune parfois), car l'écriture est "pleine de bravoure, de noblesse et d'entrain", je déplore cependant la mort de 4 (je crois) taureaux, et une histoire un peu longue.

J'aurai aimé voir mourir le toréador, mais ça c'est personnel, et ça ne se dit pas.

"Plus qu'on en voye ": vous êtes sûr de la conjugaison?
Bon, j'ai ri, c'est déjà pas mal.

   papipoete   
13/8/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour andrejalex,
Moi qui abhorre la corrida, vous lisant pourrait me faire changer d'avis, tant votre récit parlant de combats inhumains entre 2 " bêtes " de scène, est hilarant !
Ce taureau qui ne songe qu'à dormir, les banderilles dans les fesses d'un notable ; quelle imagination dans votre plume !
Une histoire au titre redoutable, mais au développement tellement inattendu !

   Anonyme   
13/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Moi qui suis un gros ours mal léché, j'ai apprécié le caractère ambigu de la nouvelle sur les taureaux, braves, comme on dit. La richesse du vocabulaire sur la tauromachie prouve une réelle connaissance de la corrida qui fait pendant au côté parodique du récit. Ce qui évite toute critique niaise et politiquement correcte de la corrida. Les abattoirs sont bien plus terribles, car les animaux auxquels on reconnaît désormais une sensibilité y sentent la mort dès leur arrivée sans pouvoir la juguler par un excès d'adrénaline comme dans la course de taureaux.
Bref, la fin est très drôle et pas loin de la vérité : le taureau mort est vendu à la découpe à la sortie de l'arène, pragmatisme économique oblige, ce qui n'est pas cohérent avec tout le cérémonial revendiqué par les aficionados !


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