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Réalisme/Historique
Cairote : Une journée dans la vie de Vernon
 Publié le 02/02/18  -  13 commentaires  -  15041 caractères  -  64 lectures    Autres textes du même auteur

Les vendredis d’un expatrié de longue date au Caire.


Une journée dans la vie de Vernon


Kull il sana wa inta tayyib !


Vernon ne s’étonne pas de ces souhaits anachroniques de bonne année, lancés par le balayeur de rue. Depuis le temps qu’il vit au Caire, il sait ce que cache la formule fleurie, ce qu’attend le bonhomme. Il s’arrête ; il n’est pas si pressé après tout. Il trouve dans sa poche une pièce de monnaie, qu’il lui donne avec la réponse appropriée et un sourire entendu :


Wa inta tayyib !


Tout de même, pense-t-il, on pourrait les payer mieux, les balayeurs, au lieu de les affubler de cet uniforme ridicule. Quelle idée cette couleur vert pomme ! Et ces cercles concentriques dans le dos, on dirait une cible !


Mais il se dit aussi qu’au fond, cela doit importer bien peu au pauvre homme. Peut-être même en est-il fier, de son accoutrement. Ils sont si tolérants ces Égyptiens, ils se satisfont de si peu ! Et toujours souriants ! Cela rend la vie agréable ; du moins la sienne – celle de Vernon. Quoi qu’il en soit, l’autre semble content de l’aumône : il fait une bise appuyée à la pièce, touche son front avec. Voilà, tout est en règle, il a fait ce qu’il fallait.


Il l’aime bien ce pays, Vernon, il s’y sent bien. Ce n’est pas comme ses compatriotes, qui se plaignent constamment : de la nourriture, de leurs domestiques, de la pollution ; de tout le reste. En dehors du travail il les évite autant qu’il peut ; eux et surtout leurs insupportables cocktail parties, ces attroupements d’expatriés qui ramènent sans cesse les mêmes histoires, ressassent les mêmes clichés, les mêmes jugements.


Chaque vendredi matin, il se rend à pied à son club, sur l’île de Zamalek. Ce jour-là, pour quelques heures, les Cairotes se décident enfin à aller dormir, et la ville est méconnaissable de tranquillité. Avant la prière du midi, on ne voit guère dehors que les balayeurs, justement, et quelques policiers plus ou moins bien réveillés. Les rues et les trottoirs sont déserts, le vacarme a cessé, l’air est devenu respirable ; marcher, traverser la rue, sont momentanément autre chose qu’une aventure ou un sport extrême.


Autrefois, avant les événements de 2011, Vernon croisait aussi des touristes européens, déconcertés par un tel calme au centre de la mégalopole, ignorant sans doute que le vendredi est le dimanche des Égyptiens. Ils ont maintenant disparu, et avec eux les racoleurs en tous genres qui repéraient de loin leurs culottes courtes et leurs tee-shirts multicolores.


Pour rejoindre le club, il doit longer la rive est du Nil, puis tourner à gauche pour prendre le pont Qasr al-Nil, qui prolonge l’avenue venant de la place Tahrir. C’est cette traversée au-dessus du grand fleuve qu’il aime avant tout, la raison pour laquelle il préfère marcher plutôt que de prendre un transport. Il se demande parfois d’où lui vient cette bouffée d’euphorie, cette exaltation qui le gagne à chaque passage sur le célèbre pont aux lions. Il ne croit pas qu’elle lui vienne seulement de la douceur de l’air, délicieusement rafraîchi par la caresse de l’eau, ou de la présence, si rare au Caire, des larges trottoirs bien entretenus. Peut-être est-il simplement surpris par le contraste radical de ce vaste espace ouvert, généreux, après la densité oppressante des rues ? Ou bien est-il toujours ému, même après toutes ces années, par le poids d’Histoire immémoriale que portent, depuis le cœur du continent, les eaux puissantes du Nil ?


Tout émotif qu’il soit, Vernon est aussi un homme de devoir. Devoir envers sa propre santé d’abord, dont dépendent le confort et la sécurité financière de sa petite famille. Il suit ainsi à la lettre les recommandations de son médecin, lesquelles incluent un minimum d’exercice hebdomadaire. L’option la plus appropriée – et la plus confortable – lui ayant paru être la natation, il a donc décidé d’adhérer au Gezira Sporting Club.


Vernon se veut efficace en toutes circonstances, et même ses loisirs sont planifiés avec précision. Il s’arrange ainsi pour arriver à la piscine du club tout juste vingt minutes avant la prière du midi, au moment où les baigneurs commencent à la déserter pour se rendre à la mosquée – ou pour ne pas laisser voir trop ostensiblement qu’ils n’y vont pas. Le Gezira, tout legs colonial qu’il soit, s’est furieusement égyptianisé depuis le départ des Anglais : alors qu’il était interdit d’accès aux natives à l’origine, on n’y trouve plus maintenant qu’une poignée d’étrangers parmi la horde de ses 200 000 membres, et il s’est donc doté de quelques lieux de prière.


Vernon quitte la piscine lorsqu’on commence à y revenir. Il va rejoindre au café un groupe d’habitués de l’endroit auquel il s’est intégré petit à petit, au hasard de ces rencontres que l’on fait entre membres d’un club. Il a vite réalisé en effet que la grande affaire au Gezira, ce n’est pas la piscine, les tennis ou le gym, ni même le golf ou le terrain d’équitation. On peut évidemment y venir pour frapper toutes sortes de balles ou de ballons, ou encore pour raffermir ses muscles ou ceux de son cheval, mais l’âme du club, ce qui y amène tous ces gens, ce sont ses cafés. Et c’est avant tout autour de leurs tables, innombrables, disséminées à l’ombre des grands ficus, que se retrouve tout ce beau monde ; cette fine tranche de l’immense population cairote, découpée dans sa couche supérieure – une tranche de précisément un pour cent d’épaisseur, comme Vernon l’a un jour constaté avec amusement.


Les jours de semaine, les cafés sont le territoire tranquille de groupes de retraités, dont les plus âgés ressassent inlassablement, entre deux assoupissements, le temps béni d’avant Nasser – l’époque dorée de leurs privilèges. Les vendredis sont plus animés : on y vient surtout en famille, et les plus volubiles d’entre elles sont celles de jeunes parents ambitieux à la recherche d’un parti favorable pour leur progéniture ; progéniture qui se montre d’ailleurs bien réticente à sortir de l’univers ludique de ses iPods pour s’intéresser à ces manœuvres.


Vernon, qui n’avait pas accès dans son pays à ce genre de clubs – si même ils y existaient –, et qui l’a quitté à l’époque où les tablettes, quand elles n’étaient pas de chocolat, servaient à ranger les assiettes ou les bibelots plutôt que les amis virtuels, trouve ce spectacle exotique et charmant.


Le voilà donc assis à l’une de ces tables, avec son cercle de réguliers du vendredi, à discuter de choses et d’autres. Ceux-là sont entre hommes ; des gens d’affaires surtout, comme lui, ou des entrepreneurs ; ou alors des ingénieurs, ce qui est souvent un peu la même chose ici. Il se considère fortuné de pouvoir ainsi échanger avec ces Égyptiens éclairés, influents. Il a ainsi accès à un discours bien différent de celui qu’on lit dans les journaux occidentaux, tout ce blabla hypocrite sur les droits de l’homme et les bons sentiments. Ses amis du Gezira sont des réalistes, qui connaissent la situation, qui ont des contacts ; des bâtisseurs, qui savent ce qui fera avancer leur pays. Ceux-là ne se laissent pas duper : à preuve, ils ont vu dès le début que les rêves grandioses du supposé Printemps arabe, propagés par de jeunes irresponsables manipulés de l’extérieur, n’étaient que de dangereuses lubies, qui ne pouvaient semer que le chaos et la destruction. D’ailleurs le peuple, lui disent-ils, les vrais Égyptiens, ont fini par le comprendre aussi : ce sont eux qui ont demandé à l’armée de ramener l’ordre et la stabilité, et qui s’en trouvent aujourd’hui heureux et soulagés ; reconnaissants.


Vernon reste curieux de tout, veut tout savoir sur ce qui se passe dans son pays d’adoption. Méthodique, il pose les questions qu’il faut, s’intéresse aux plus petits détails ; détails qui lui échappent parfois quand la conversation a lieu en arabe, sa maîtrise de la langue étant encore chancelante. Cela n’empêche pas les autres de le flatter régulièrement à ce sujet : les compliments sont la norme ici, il sait cela, et il est plus soulagé que surpris lorsque, de façon assez contradictoire, on passe à l’anglais ou au français pour s’adresser à lui.


De toutes les façons, chacune de ses visites au club lui rapporte son petit lot d’informations, allonge sa liste de gens à connaître, enrichit son réservoir d’anecdotes et de bonnes blagues ; toutes choses qu’il trouve fort utiles dans ses relations avec les clients.


Fidèle à ses obligations familiales, il quitte le groupe à 15 heures précises pour aller déjeuner chez lui. Il a eu quelque peine au début à imposer à sa femme cet horaire tardif pour les repas, mais celle-ci a fini par s’incliner devant sa détermination. Vernon tient beaucoup à se conformer aux coutumes locales ; cela sert bien ses intérêts, en amitié comme en affaires. Et il n’est pas peu fier quand ses amis égyptiens le plaisantent en le disant « plus égyptien » qu’eux : pour lui, cela consacre d’une certaine manière son succès.


À cette heure-là, il préfère rentrer en taxi : la chaleur de l’après-midi, aussi bien que les piétons et les voitures qui ont commencé à encombrer les rues, rendent la marche trop éprouvante.


Sur le chemin, il répond aux sempiternelles questions du chauffeur sur sa nationalité, sa famille, son travail. Dans ce genre de situation, il joue à varier ses réponses d’une fois à l’autre, et s’amuse de la similitude des réactions : quel que soit le pays d’origine qu’il s’attribue, c’est toujours « Ahsan balad ! Ahsan naas ! » : le meilleur pays, les meilleurs gens ! Il s’étonne de ce que cet homme arrive à vivre avec la somme dérisoire qu’il va lui verser pour la course, et il s’émerveille de ce qu’il soit malgré tout si joyeux, si accommodant. C’est comme ce balayeur vert pomme de ce matin, si content de la pauvre pièce qu’il a reçue. Oui, vraiment, ces petites gens sont heureux, parce qu’ils savent se satisfaire du peu qu’ils ont ; tout le contraire de ces jeunes excités, contaminés par les idées étrangères, et qui ont envahi la place Tahrir en 2011. Il se demande même si lui, l’étranger, ne connaît finalement pas mieux l’âme égyptienne que ceux-là, coupés du peuple, emmurés dans leur enclos Facebook.


Perdu dans ses pensées, la voiture roulant sur la corniche du côté de Zamalek, Vernon n’a pas remarqué le ralentissement progressif de la circulation. À cent mètres du pont Qasr al-Nil, il se rend subitement compte que le taxi est complètement immobilisé, au milieu d’une masse compacte de voitures. Rien de plus banal qu’un bouchon au Caire, bien sûr, mais celui-ci semble avoir une cause inhabituelle, une cause qui vient du fleuve. Une foule s’est en effet agglutinée le long des berges, débordant amplement dans la rue, et tous les regards sont dirigés vers un point quelque part sous le pont.


Voilà encore une chose qui charme Vernon : bien que cette ville, sa ville, soit un spectacle permanent, autant sinon plus que Londres, Shanghai ou New York, ce qui la distingue radicalement de celles-là est que ses habitants ne paraissent jamais indifférents, ou trop pressés. Ce sont toujours d’insatiables badauds, qui s’arrêtent pour un rien : une simple altercation, un accrochage, une vieille dame qui a trébuché sur le trottoir défoncé. Ils se mêlent aux débats, discutent des responsabilités, séparent les combattants. Comment peuvent-ils ne pas se lasser de ce genre de divertissements ? Ne pas être immunisés dans cette cité infernale où les accidents et autres calamités, petits et grands, sont continuels ? Comment peuvent-ils continuer à relever les vieilles dames tombées ?


Au fond, Vernon aussi est un peu badaud ; sa femme le moque d’ailleurs souvent à ce sujet, gentiment. Le pays a sans doute déteint sur lui, on a raison de le lui faire remarquer. Immobilisé dans son taxi, il est très tenté de descendre, d’aller voir ce qui se passe ; mais en ouvrant la fenêtre il est frappé par l’intensité de la chaleur. Le contraste avec l’air froid à l’intérieur, auquel il s’est acclimaté, est un choc. Il déteste la climatisation, mais il n’a pas osé demander au chauffeur de l’arrêter : le bonhomme l’avait mise en marche pour lui, tout fier de faire étalage de cet accessoire de luxe et d’en faire profiter le khawaga*.


La densité de l’attroupement le fait également hésiter. Il n’a pas trop envie de plonger dans cette mer humaine, chaude de gens serrés les uns contre les autres, et d’y être bousculé ; peut-être pense-t-il aussi à sa chemise blanche encore propre, à ses souliers qu’il a fait vernir au club. Finalement il renonce : de toute façon il verra sans doute mieux une fois sur le pont, et sans même quitter la voiture.


Quand le taxi s’engage enfin sur le pont, il aperçoit en effet sur l’eau un canot pneumatique de la police, du côté droit ; mais l’attroupement le long du garde-corps l’empêche de voir du côté gauche, là où tous les regards sont tournés. Le chauffeur ouvre sa fenêtre et demande à la ronde ce qui se passe, mais Vernon n’entend pas bien les réponses, assourdies par le vacarme des klaxons alentour. Il s’enquiert auprès du chauffeur, mais celui-ci lui répond comme on répond souvent aux étrangers au Caire, que ce n’est rien, mafish moushkila, pas de problème. Vernon n’aime pas être traité en touriste, à qui on doit toujours dire de ne pas s’inquiéter, que tout va pour le mieux. Il insiste, demande si quelqu’un est tombé du pont : il a souvent vu ces jeunes qui s’amusent à marcher en équilibre sur la rambarde, à se prendre en selfie dans les positions les plus périlleuses. L’autre confirme : oui, c’est quelque chose comme ça.


Il les reconnaît bien là, ses Égyptiens. Ils sont si insouciants, si confiants. Ils aiment trop la vie, lui font trop confiance, et cela leur joue parfois des tours. Mais il se dit aussi que le pont n’est pas très haut, et qu’avec un peu de chance, s’il sait nager, ce jeune intrépide va s’en sortir. Finalement il a sûrement raison le chauffeur, mafish moushkila, rien de bien grave.


Dans un instant, Vernon arrivera chez lui. Il adore ce moment, lorsque son petit garçon lui sautera dans les bras, comme s’il revenait d’un long voyage, et que sa femme lui demandera de raconter sa matinée en finissant de mettre la table. Il est heureux à l’idée de leur réserver le reste de son vendredi, en bon père de famille.


Somme toute, c’est peut-être une bonne chose qu’il ne soit pas descendu du taxi. S’il l’avait fait, s’il s’était glissé dans la foule pour s’approcher suffisamment, il aurait d’abord aperçu cette corde attachée à la rampe du pont ; puis, en se penchant au-dessus de cette rampe, il aurait vu au bout de cette corde un homme, pendu par le cou à quelques mètres au-dessus de l’eau. Un homme vêtu d’une salopette vert pomme, et que la brise caressante du Nil fait tourner lentement sur lui-même, laissant voir par moments son dos, avec au milieu comme une cible.


Il a bien fait de ne pas s'attarder, Vernon. Cela lui aurait sans doute gâché sa journée, son vendredi.



* Terme un tantinet moqueur désignant un Occidental en Égypte, touriste ou résident.


 
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   plumette   
6/1/2018
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
j'ai du mal à la fin de ma lecture qui a été plutôt agréable, grâce à une écriture de qualité,à me faire une opinion sur ce texte.

Vernon n'est pas très incarné et je me suis un peu ennuyée en sa compagnie. mais j'ai poursuivi, attendant toujours et encore un rebondissement, une bizarrerie qui me sortirait d'une impression ronronnante. Le texte développe le regard d'expatrié de Vernon sur son pays d'accueil et cela s'entremêle avec le récit de son activité du vendredi. En fait Vernon ne peut pas vraiment s'intégrer, il me semble qu'il est tenu à l'écart par les Egyptiens.

Ce texte a,pour moi, une petite valeur documentaire. il révèle qu'il peut y avoir un haitus entre ce que les médias livrent au monde ( le printemps arabe) et le ressenti de quelqu'un qui vit et travaille dans le pays.

La chute me laisse perplexe, elle est bien dans le ton du texte: une illusion entretenue.

Plumette

   Louison   
7/1/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un tableau bien peint de la misère cachée, tue, ici ou ailleurs. On ne voit que ce qu'on veut voir.

Le texte est bien écrit, je sens une plume aguerrie, même si je me suis vite doutée d'une fin sinistre pour cet homme en vert, j'ai trouvé que vous aidiez un peu trop à deviner cette fin.

Un bon moment de lecture pour moi et je vous en remercie.

Louison en EL

   Tadiou   
8/1/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
(Lu et commenté en EL)

Le début me fait penser à « La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules » de Philippe Delerm : des choses simples de la vie racontées ici avec délicatesse, sobriété, charme.
Ça sent bon la couleur locale, l’exotisme distillé à petites doses, avec quelques mots de langage local (arabe?)

Evidemment ça se gâte lourdement ensuite et je suis gré à l’auteur(e) de ne pas avoir martelé l’égoïsme et le cynisme de ce nanti égoïste aux horaires réglés comme du papier à musique pour son confort personnel : c’est « Le Caire du haut ». C’est suggéré avec des ellipses et des non-dits et c’est très bien comme ça.

Tout aussi évidemment le lecteur se doute qu’il y a vers le pont un drame qui concerne le narrateur. Je n’ai pas pensé au balayeur ; plutôt à un membre de la famille du narrateur, bien que cela semblât incongru.
Illustration cruelle de l'aveuglement du narrateur, homme superficiel tourné vers son nombril (apparemment même pas celui de sa femme),émerveillé par le """bonheur""" du balayeur rencontré le matin.

La dernière phrase est un beau modèle du genre,toute en concentré de cynisme sans scrupules.

Belle peinture pleine de sensibilité d’un monde dur, le monde capitaliste du business.

Un grand merci pour ce texte qui m’a touché. A vous relire avec grand plaisir.

Tadiou

   hersen   
9/1/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour

Un texte qui sans heurt, sans en faire trop, écrabouille littéralement la suffisance des expats. Tous ceux qui s'imaginent avoir tout compris, tous ceux qui se sentent «intégrés» alors qu'ils n'ont pas changé un iota de leur mode de pensée. Tous ceux à qui on ne dit que ce qu'on veut bien dire, qui se sentent acceptés.
Ce regard condescendant, ce « comme ils sont heureux à être si misérables ».
Un grand merci pour ce texte, un négatif de photo argentique, qui devrait bien être un vade-mecum à l'envers de l'occidental qui part vivre ailleurs.

La phrase couperet qui est l'essence même de l'arrogance : « ils » sont si tolérants, « ils » se satisfont de si peu.
( « ils » entre guillemets, car les déclinaisons géographiques sont nombreuses )

Je ne connais pas le Caire et ne sais donc pas si la description de l'uniforme du nettoyeur de rue est vraie. Si elle l'est, alors l'auteur s'en est bien servi en « ciblant » son personnage et en en faisant une victime. LA victime. Et pourtant, le narrateur s'était acquitté de sa bonne conscience en lui jetant une piécette. Quel ingrat, ce nettoyeur de rue !

L'écriture a cette simplicité, cette nonchalance, mais aussi cette justesse qui cadre très bien avec le propos.

Merci de cette lecture,

hersen

   Thimul   
2/2/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bravo !
D'une part c'est bien écrit et surtout c'est particulièrement fin.
Ce texte est écrit en équilibre sur un fil. Je trouve que ce que vous avez fait est assez difficile.
Cette espèce de suffisance de cet occidental qui pense avoir tout compris est remarquablement décrite.
tellement qu'on se demande pendant la lecture si l'auteur n'est pas en train de faire passer ses propres messages par la bouche de son personnage ce qui par moment déroute voir irrité.
Et puis il y a cette fin qui vient nous cueillir et remettre tout ce qui a été décrit en perspective.
Vraiment fort.
En plus, j'ai visité l'Égypte en routard il y a bientôt 30 ans. Nous logions dans un hôtel au quatre derniers étages d'un immeuble encore en construction à deux pas de la place El Tahrir.
Ce texte m'y a replongé, alors merci.

   Jean-Claude   
3/2/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Cairote,

Une tranche de vie qui joue des points de vue, y compris de Vernon par rapport aux autres expat'.

Les occidentaux de loin, les expat' de plus près, il y a sûrement une tendance au point de vue faussé mais, c'est sûrement aussi vrai, d'un autre manière, pour les ressortissants d'un pays par rapport à leur propre pays. L'objectivité n'existe pas.

Le bémol, pour moi, c'est que je ressens des points de vue qui me semblent être de l'auteur, sans qu'il y ait de justification ni de recul. Je sais très bien que le "printemps arabe" a été idéalisé (un classique inévitable) mais je goûte fort peu les assertions non étayées.
EDIT : Bon, c'est une interprétation hâtive de lecteur. Je ne devrais pas présumer des intentions de l'auteur. Après tout, la fin relativise tout ça et remet les considérations de Vernon à leur place, celle de Vernon, un expat avec ses propres préjugés, même s'il s'en défend.

En tout cas, la fin, dure et excellente, relativise aussi les perceptions de Vernon qui, somme toute, est lui aussi un expat'.

Au plaisir de vous (re)lire

   Anonyme   
4/2/2018
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,
je n'ai pas réussi à trouver votre Vernon sympathique.
Bien au contraire et c'était sans doute le but.
Ce qui fait que je n'ai pas accroché à aucun moment.
Ni même la chute, un peu surfaite.
Par contre un bon tableau d'un certaine milieu au Caire avec une bonne écriture mais ça n'a pas suffit pour moi.

   Perle-Hingaud   
4/2/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé cet anti-héros, naïf, imbu de ses idéaux occidentaux, plein de bonne volonté. Une sorte de Peter Sellers au Caire. L'auteur semble osciller entre tendresse et férocité envers son héros...
J'ai trouvé la fin, bien qu'indispensable à la démonstration, trop évidente. Je ne boude pourtant pas mon plaisir, l'écriture me parait vivante, rythmée, avec ce détachement légèrement ironique que l'on retrouve parfois chez nos amis anglo-saxons.
Merci pour ce bon moment.

   Vincendix   
4/2/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Cairote,
Un récit intéressant à lire et qui décrit fidèlement la vie d’un « Européen » dans un pays comme l’Egypte. J’ai eu l’occasion de rencontrer des « Vernon » lors de mes voyages professionnels et ils se comportaient de la même manière. Fallait-il faire si long pour planter le décor et illustrer la situation ? Pourquoi pas, les détails ne sont pas inutiles, d’autant plus qu’ils doivent être conformes à la réalité, et puis c’est bien écrit.
Par contre, je n'aime pas la chute, je n’imagine pas le balayeur mettre fin à ses jours, à plus forte raison par pendaison et en public. Cette conclusion me semble dictée par le besoin du narrateur de justifier les sentiments de son personnage. Vernon fait partie d’une « secte » privilégiée dominant le petit peuple et il ne peut supporter de voir le bonhomme à la salopette vert pomme se contenter de petits plaisirs, il a envie de lui tordre le cou…
Vincent

   toc-art   
5/2/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

J'aime bien ce portrait assez cruel sans avoir l'air d'y toucher de ce personnage qui garde un regard très colonial sur l'Égypte sans en avoir conscience. Je pensais le personnage plus vieux et j'ai été surpris qu'il soit un jeune père. La fin est indispensable mais elle est un peu mal amenée, je trouve, trop démonstrative. Le portrait perd en finesse, c'est dommage. Mais j'ai trouvé l'ensemble à la fois bien écrit et intéressant.

   aldenor   
5/2/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je connais bien les lieux que vous décrivez pour y avoir grandi. Je faisais souvent la marche de Tahrir au Club de Gezireh. J’ai donc lu votre récit avec beaucoup d’intérêt.
Il ressort du texte un double regard sur la société égyptienne ; celui de Vernon et celui du narrateur. Et je dois avouer que je me suis un peu perdu à les démêler.
Vernon porte un regard attendri sur le peuple égyptien, se démarquant de ses compatriotes expatriés (qui, eux, n’ont de regard que sur eux-mêmes). Il se range aux opinions des membres du club (donc la frange aisée) au sujet des mouvements de révolte populaires. « ... les rêves grandioses du supposé Printemps arabe, propagés par de jeunes irresponsables manipulés de l’extérieur, n’étaient que de dangereuses lubies... ». S’ensuit une conception idyllique du peuple misérable : « Oui, vraiment, ces petites gens sont heureux, parce qu’ils savent se satisfaire du peu qu’ils ont... »
L’œil du narrateur surgit brusquement à la fin : Vernon ne voit pas le balayeur qui s’est pendu sur le pont. « Il a bien fait de ne pas s'attarder, Vernon. Cela lui aurait sans doute gâché sa journée, son vendredi. ». Du coup tout ce qui précède est remis en question. Les vues de Vernon paraissent naïves. Il ne creuse pas vraiment les choses ; il les voit comme ca le repose.

On revient alors sur certaines phrases :
L’intérêt de Vernon pour les anecdotes et coutumes locales lui sont « fort utiles dans ses relations avec les clients. » et servent bien « ses intérêts, en amitié comme en affaires. »

Finalement tout se tient. Mais j’ai mis du temps à comprendre que ce Vernon, en apparence bienveillant et animé de compassion, était quand même, du point de vue du narrateur, aveuglé en fin de compte.

   Cairote   
6/2/2018
Vous trouverez "Quelques précisions sur la « journée de Vernon »" sur le Forum Discussion sur les recits, http://www.oniris.be/forum/quelques-precisions-sur-la-journee-de-vernon-t25240s0.html#forumpost338248

   vb   
9/3/2018
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Cairote,

j'ai beaucoup aimé cette nouvelle. J'ai aimé les descriptions, l'ambiance générale de la ville mais aussi celle du club. L'attitude de Vernon me semble aussi très réaliste. J'ai bien aimé la structure en boucle du texte: cette réapparition des plus surprenantes du balayeur. Le manque d'empathie du personnage principal m'a aussi beaucoup plu. Évidemment cette attitude est sordide mais n'est-ce pas en général la nôtre quand nous croisons le malheur dans la rue. Un clochard auquel je donnais chaque année à Noel quelques euros a disparu des bancs publics où il avait l'habitude de dormir. Est-il mort? Est-ce que je m'en inquiète vraiment? Est-ce que ca m'empêche de dormir? Le contact avec la misère est certainement plus direct au Caire mais je pense qu'ici dans la très bourgeoise ville de Bonn où je vis, l'attitude des gens bien pensant n'est pas bien différente de celle de Vernon.
Merci donc pour ce très beau texte bien écrit et qui, comme tu vois, m'a poussé à une réflexion sur moi-même. N'est-ce pas le but ultime de la littérature?
À bientôt,
Vb


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