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Eskisse
11/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cyrill,
Voilà un portrait tout en attention pour une " vie minuscule" , pour une femme qui ambitionne un "avenir empli de linge de maison". Et le narrateur dit "je" uniquement à la fin comme s'il avait lui-même réalisé une broderie de mots en hommage à celle qu'il aime et regarde comme un gardien de sa mémoire. ( chapeau pour le champ lexical de la mercerie !) Ca m'a rappelé un texte d'Hector Bianciotti qui je crois colle bien avec ta nouvelle : " Vous le voyez, je n'ai fait en fin de compte, qu'une housse pour votre mémoire, une broderie, soignée certes, (...) rien qu'un désordre de signes tardifs, au centre desquels ne se trouvent pas vos initiales mais fatalement les miennes." L'amour n'est pas aimé PS: Le titre et son double sens sont bien trouvés ... |
papipoete
11/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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bonjour Cyrill
Elle, la mamie ou autre aïeule de talent, s'adonnait aux travaux d'aiguille, depuis toute jeune exécutant comme son modèle, toutes les façons de couture et broderie, sur mouchoir torchon serviettes napperon, puis drap et rideaux : fallait la voir à l'ouvrage ! jamais ses mains ne se tournaient les pouces, même au repos ses doigts semblaient oeuvrer dans le vide...puis un beau jour, assise sans rien faire, elle regarda sans plus reconnaitre toutes ses créations si ce n'est ce mouchoir de batiste, avec lequel elle se mouche à tout bout de champ, et qu'elle replie obstinément pour arriver à joindre les angles...ouais, voilà gagné ! et puis elle le déplie et se mouche NB je ne sais si l'auteur est AS en la matière de couture, mais je revois la mémé réincarnée en le Narrateur, tant on croit suivre une leçon de " travaux d'aiguilles " ? alors que le jeune d'aujourd'hui, ne sait guère enfiler un fil dans le chas d'une aiguille. " dis maman, tu peux me faire mon ourlet ? " le final est tellement triste pour qui, sut se servir de ses mains d'or ; mais, nous en arrivons tous au même point à l'aune du grand âge ( quand je pense que je faisais ça, et puis ça ; tu te rappelles ? ) je suis ébloui par ce savoir-faire dont le fils ( petit-fils ? ) nous montre les mille qualités ! comme Elle serait fière de vous lire ! |
Myndie
12/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cyrill,
Quel courage, moi qui déteste la couture ! Le travail d'écriture est aussi méticuleux, attentif au moindre détail, aussi finement ourlé que toutes ces pièces cousues, brodées qui jalonnent toute une vie (aussi pliée et rangée que ses draps et serviettes) Cependant, au fil de l'aiguille et de la lecture, une sensation nouvelle se fait jour, comme un malaise, un étouffement, la sensation de se trouver en présence d'une obsession, d'une addiciton, ou pour le moins, d'un comportement mécanique, répétitif et irrépressible. De quoi est-il l'éxutoire ? Quelles pensées, quel ennui ou quel mal-être dissimule t-il ? Car à ce stade, il ne s'agit plus d'un loisir -plaisir ; c'est ainsi que je traduis ce :« À chaque jour suffisait sa peine. » Peu importe de savoir en fait car le dernier paragraphe, impérial et pétri de tendresse et de poésie balaie balaie toutes les interrogations, d'un délicat et touchant coup de plume. Cyrill, je te tire mon chapeau pour cette connaissance affinée de la confection, broderie, faufilage, surjet et tout le toutim ! Myndie, deux mains gauches |
Yakamoz
14/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cyrill,
Le portrait d’une femme dont on saura peu de choses, mais on peut supposer qu’elle a eu une existence austère. Sa vie est rangée comme ses armoires à linge, avec un souci maniaque de la précision. Elle est perfectionniste à l’excès dans ses travaux, elle doit l’être aussi dans sa vie quotidienne. La couture semble être son unique passe-temps, on ne peut pas vraiment parler de loisir tant ses travaux d’aiguille semblent compulsifs, pour accumuler draps, torchons, serviettes, mouchoirs au-delà du nécessaire. Tout ce linge de maison qui ne servira peut-être jamais. La langue très précise et très technique, le champ lexical de la broderie et de la couture qui est largement déployé, renforcent le côté obsessionnel de cette quête de la perfection. La fin du texte est poignante. L’apparition du « je », ce dialogue silencieux avec cette femme qui s’achemine vers la fin de sa vie, toujours obnubilée par la broderie, toujours méticuleuse, et la lavande qui tombe en poudre mais dont le parfum sera présent à jamais. |
Mikard
14/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cyrill,
Un texte comme ça, tranquille, sans cahots intempestifs, sans éclats de voix, comme un soir d’automne quand, à la fenêtre on regarde la pluie tomber. Je pense à cette merveille de texte de Maupassant ; « Une vie », la même lenteur, la même légéreté. C’est déjà dit plus haut, mais bravo pour ce langage technique sur la couture et la broderie. Après, ce n’est pas un texte à lire sur son portable le matin dans le métro en partant au boulot. Mais pour le soir, avec une tisane, un chat qui ronronne sur les genoux … super ! J’ai bien aimé. Mikard. |
Louis
21/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
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« L’armoire » semble l’objet principal de cette nouvelle.
En elle s’effectuent un rangement, un empilement, un ordonnancement ; en elle se conserve un passé de tissus ouvragés, comme si elle était une grande boîte à souvenirs, ou un grand meuble à mémoire, un meuble immobile où se fige la mobilité temporelle d’une vie casanière. Si elle constitue l’objet central du texte, ( bien que viendront s’y ajouter des buffets, des commodes, etc.) elle en est aussi le nom principal. « Armoire » s’entend, en effet : "art moire". L’art des Moires, ces personnages mythologiques qui cousaient de leurs mains la destinée des vies humaines. L’armoire à linges enclot donc tout le passage du « fil des ans ». "L’art moire" toutefois ne désigne pas l’art de tisser un avenir, une destinée préétablie, mais celle de filer un présent et de le recueillir de telle sorte qu’il échappe à l’oubli. Il s’agit encore de dévider les fils qui permettent d’échapper au vide. L’armoire en fin de vie ne sera pas vide, mais pleine du "linge de maison’". Le personnage féminin, à la vie couturière plutôt qu’aventurière, n’est envisagé en effet que dans cet espace limité de la maison, qui est celui du couple et de la famille. Le corps personnel lui-même est délaissé, seul le "linge de maison" se trouve ouvragé, nullement le "linge de corps". Elle coupe avant de coudre, d’ourler, de filer, elle « tailla dans une percale blanche… elle coupa dans un superbe métis…elle coupa de grands mouchoirs… elle débita dans un lin grège…elle tailla dans une flanelle écrue… », mais ainsi cette femme se coupe aussi de l’ensemble de la vie relationnelle dans son travail solitaire, et le narrateur la découpe, l’abstrait de l’ensemble de sa vie sociale pour en faire juste une abstraction, et ne retenir que les filaments, et les fils aimants d’une vie qui, à travers eux, veut éviter de simplement "défiler". Tout se joue ainsi dans l’espace clos d’une maison, d’une armoire, dans ce qui tisse le temps et le lieu. Et la vie du personnage féminin apparaît bien "blanche’", réduite qu’elle est à ne coudre que du "blanc". Une vie domestique. Le personnage ourle sa vie, ne la hurle pas. Dans cet univers feutré, intériorisé, mais dans la seule intériorité d’un foyer. Ce qu’il confectionne ne semble avoir, pour parler comme Marx, ni "valeur d’usage" ni "valeur d’échange", et à peine une valeur esthétique. Ni utilisé, ni vendu, ni exposé pour le plaisir esthétique, le linge ouvragé semble surtout matérialiser la durée d’une existence, dans les plis et replis d’une vie, et porte parce que fait-main et non par production industrielle, une part de soi, de ses goûts de femme au foyer, de ses changements au cours du temps. Quels qu’ils soient, les tissus ouvragés deviennent des bouts de soi(e). On s’étonne tout au long du texte qu’il ne soit pas écrit à la première personne, que la femme n’écrive pas elle-même ses "mémoires", des "mémoires de femme rangée", pour parodier une œuvre célèbre de Simone de Beauvoir. La femme de couture est présentée de façon anonyme et d’un point de vue extérieur. Ainsi est décrite la série des réalisations d’un travail d’aiguilles au fil des années, mais sans introduction dans son intériorité, sans que l’on partage le vécu de son activité. On suit ses mouvements par lesquels elle taille, ourle, brode etc. et jamais ses pensées, ses affects, ses "états d’âme". La position extérieure est celle d’un narrateur, qui n’apparaît en personne qu’en toute fin de texte. Un proche de la couturière, sans doute, son époux peut-être, il reste lui aussi anonyme et abstrait. Quelques brefs passages de cette fin de récit permettent pourtant de comprendre ce qui a nécessité ce point de vue extérieur, et les raisons pour lesquelles le texte ne pouvait constituer les Mémoires d’une femme rangée. Sans doute n’avait-elle rien à raconter, elle qui n’a jamais cherché à se libérer de sa vie bien rangée, mais au contraire a contribué à son « rangement ». Mais ce n’est pas l’essentiel qui, lui, se trouve dans une fin tragique s’esquissant en quelques mots dans les dernières lignes du texte. Cette femme devenue âgée a perdu la mémoire, peut-être est-elle atteinte d’Alzheimer. Dans un « carré de batiste », qu’on lui voit pour la première fois faire usage : « Elle ne reconnaît pas dans le dessin du feuillage la brodeuse infatigable et douée de jadis. », elle ne reconnaît pas son œuvre, elle ne s’y reconnaît pas en elle, comme en un miroir, en un reflet d’elle-même. Elle est désormais absente de ses réalisations au cours du temps. Sa mémoire flanche : ses yeux « se délavent et s’égarent dans un présent expurgé de l’instant qui précède ». Plus de mémoire personnelle, mais cette mémoire hors d’elle, objective, qu’elle s’était constituée dans les ouvrages ourlés au fil des années, désormais lui est aussi inaccessible. Son armoire, sa "boîte à souvenirs" est bin vaine. Elle avait mis tant de cœur à l’ouvrage, et pourtant il n’en restera rien pour elle, tout a sombré dans le néant et l’oubli. Demeure en elle le soin méticuleux des gestes, et le pli et le repli quasi maniaque, quasi obsessionnel, qui ont caractérisé et son linge ouvragé et sa vie. Subsiste encore, provisoirement, le témoignage d’une vie et d’un travail pour la maisonnée. Ainsi tout s’effectue en vain, les grandes comme les petites choses. Triomphent toujours, pour finir, le néant et l’oubli. Résistent la grande Histoire, pour un temps, et les petites histoires, comme celle-ci pour des femmes anonymes, qui n’ont pas pu, n’ont pas su, déplier, déployer leur temps, et vraiment s’ouvrir à la vie. L’art des Moires est aussi bien celui de Clotho, la fileuse, que celui d’Atropos, l’inflexible, qui coupe, inexorablement sectionne le fil de la mémoire, et du temps de la vie. |
Cyrill
11/6/2025
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