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Horreur/Épouvante
DenisP : À en perdre la tête
 Publié le 16/04/23  -  8 commentaires  -  4027 caractères  -  85 lectures    Autres textes du même auteur

Vivant ou mort, telle est la question.


À en perdre la tête


Somnolant, il était là sur son lit. Il ouvrit les yeux et sortit instantanément de cette douce léthargie. Il reconnut sa chambre, la petite fenêtre donnant sur la rue de l’église. Peu de lumière, ça devait être le crépuscule, et pas de bruit non plus, le calme absolu.

Une douleur aiguë l’empêchait de relever la tête, alors il baissa les yeux. Malgré la pénombre il distingua son corps habillé de son beau costume du dimanche et ses pieds chaussés de ses souliers cirés, ceux qu’il rechignait pourtant à enfiler tant ils torturaient ses orteils.

Quelque chose était entortillé entre ses doigts, il leva les mains pour mieux voir et découvrit un petit chapelet en bois. Il le reconnut, c’était celui d’Alphonsine, sa femme. Lui n’en avait jamais eu de ces bondieuseries, ce n’était pas son truc. Durant l’office il préférait d’ailleurs s’éclipser au café du village, le vin y était meilleur, et les prêchi-prêcha du comptoir bien moins moralisateurs.

Prenant sa tête entre les mains Eloi se rappela le drame. Hier, la pluie, les champs, la grande herse et les machines agricoles, une atroce douleur et puis… plus rien.

Voilà tout, on l’avait cru mort, et maintenant il était réveillé, tout le monde peut se tromper, il ne leur en tiendrait pas rigueur.

Bon, que faire… Il fallait prévenir et peut-être descendre doucement, sans fracas, pour éviter de provoquer un malaise à son Alphonsine dont la carcasse des temps jadis risquait l’apoplexie.

Tenant toujours entre ses mains sa tête qui lui faisait un mal atroce, il se dirigea péniblement vers la porte de la chambre.

Dans le couloir il perçut des bruits de conversation provenant de la cuisine. Il reconnut les voix de ses deux fils, Ernest et Fernand, qui étaient sûrement venus soutenir leur vieille mère.

On n’y voyait goutte alors il se dirigea à tâtons vers l’escalier où, d’une de ses grandes paluches, il agrippa la main courante afin d’éviter de se fracasser la charpente. Son costume trop serré ne lui facilitait pas la tâche, et ses chaussures trop étroites lui faisaient un mal de chien, mais il arriva néanmoins à descendre, une à une, les marches scabreuses de l’antique escalier.

Au rez-de-chaussée le vestibule donnait sur les deux pièces de la demeure, le salon et la cuisine d’où il percevait maintenant plus distinctement la conversation de la famille. Il tenta de s’y diriger lentement et sans bruit, mais sa gaucherie légendaire (Eloi le maladroit comme disaient les vieux du village) lui fit renverser, dans un grand tintamarre, le vase de tante Germaine pour lequel Alphonsine vouait un culte séculaire. « Aïe, se dit-il, c’est mal embarqué. »

Dans la cuisine les voix s’étaient tues. Régnait à présent un silence de mort, puis…


— Qui est là ? entendit-il.


Et Fernand de poursuivre inquiet…


— Il doit y avoir quelqu’un dans le vestibule !


Eloi aurait bien voulu s’exprimer pour calmer un peu l’affaire, mais ne put produire qu’un petit gargouillis à peine audible.


— Je vais aller voir, dit l’intrépide Ernest.


Eloi le maladroit resta là, le vase en mille morceaux à ses pieds.

La porte s’ouvrit doucement, la lumière de la cuisine inonda le vestibule, Ernest se trouva face à lui, puis, chut comme une grosse masse.

Fernand, apeuré, se leva à son tour pour s’enquérir de l’état de son frère, et à la vue de son défunt père, lui aussi, la bouche ouverte comme une outre éventrée, s’affala par terre.

Après quelques instants, Eloi enjamba comme il pouvait les corps inertes de ses deux fils et, poussant d’une main la porte entrouverte, entra dans la cuisine.

La mère Alphonsine était assise sagement sur sa vieille chaise à le regarder sans broncher.

Au bout d’un moment elle lui dit…


— Ce matin j’ai bien vu un de tes doigts bouger, mais comme tu ne me répondais pas, ben… j’me suis dit qu’t’étais bien mort quand même.


Eloi, interloqué, attendit la suite…


— Ben oui quoi, tu te crois vivant peut-être ? ajouta Alphonsine. Alors faudra que tu m’expliques comment tu peux te trimbaler avec ta tête sous l’bras.


 
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   Anonyme   
15/3/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Eh bien, ça me fait vraiment plaisir de lire une histoire d'horreur décontractée, à chute, avec une trajectoire narrative nette et qui ne s'embarrasse pas de digressions. Peut-être serait-il encore possible d'apurer un peu l'ensemble, par exemple je me fiche un peu de savoir qu'Ernest et Fernand sont les fils d'Éloi, mais c'est histoire de dire.

En fait, votre nouvelle par son ton me rappelle un petit bijou d'humour noir que j'ai lu il y a fort longtemps, dont l'argument est le suivant : pépé, en tête de mule qu'il a toujours été, refuse d'admettre qu'il est mort. (Il l'est bel et bien.) Comment le convaincre sans qu'il se fâche ? Bon, votre conclusion est moins subtile à mon avis, hein, mais il y a de l'idée.

   Asrya   
15/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
"Prenant sa tête entre les mains " --> dès ce passage, je me suis douté de la chute.

Vous insistez beaucoup sur le costume serré, on se doute donc que votre personnage est décédé. Certainement en "mode" veillée funéraire.
Et de part sa capacité à se déplacer, nul doute que l'on passe dans une sorte de vie après la mort, fantôme, zombie, ce que vous voulez, mais en tout cas, on se doute fortement du côté mort/vivant de votre personnage.

Du coup, la chute n'est pas si surprenante que cela.

Le discours d'Alphonsine paraît trop rationnel pour être cohérent. On comprendre l'idée et la démarche "humoristique" qui s'y cache. Mais, je ne sais pas, je n'ai pas été conquis.

Pas mal écrit, mais court, un petit moment de "détente" certainement, à la fois pour l'auteur et pour les lecteurs potentiels.
Bon, oui, ok.

Merci pour le partage.

PS : Eloi le maladroit, les vieux du village ? Est-ce que cela fait référence au livre pour enfant "Eloi, tu es maladroit !" ?

   cherbiacuespe   
15/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
C'est un peu gros, me semble-t-il. Si, au moins, la tête du père tenait un peu entre les épaules. Mais quand il se lève du lit, même dans le noir, il va bien sentir qu'il y a quelque chose qui cloche. Non, j'arrive pas à me faire à l'idée de ce type qui tient sa tête sous le bras après l'avoir touché entre les épaules.

Pour le reste, le récit est bien imaginé, bien traité, bien maîtrisé. C'est court et efficace. On se doute d'une fin dans le style, mais on reste attentif à la chute. Dommage, cette tête mal utilisée!

Cherbi Acuéspè
En EL

   Donaldo75   
23/3/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
J’ai trouvé cette nouvelle bien délirante, pas forcément par le style déployé mais par le décalage dans l’histoire. Il y a un ton avec l’air de ne pas y toucher et il amène bien la chute. Certes, le suspense pouvait être éventé par des lecteurs plus alertes que moi ou des sachants omniscients mais la chute permet de ne pas se poser cette question et de se taper quand même une bonne crise de rire. J’imaginais bien la tronche de la Alphonsine en train de répondre à son mari. C’est savoureux.

Non, vraiment, un bon moment.
Merci.

   Louison   
17/4/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
J'ai bien aimé la chute, même si je l'attendais un peu. Lecture qui donne le sourire.

   Disciplus   
17/4/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
L'idée : Un "Saint Denis" céphalophore à la campagne. Pourquoi pas. mais voilà:
Les personnages manquent de présence. On aurait pu mieux les décrire , leurs prêter des sentiments, des émotions.
Les dialogues sont indigents.
L'intrigue est simpliste et se résume en une onomatopée : Bof.
Le style reste sommaire, scolaire, au phrasé gauche (somnolant il est là sur le lit- la carcasse du temps jadis - puis, chut, comme une grosse masse - bouche ouverte comme une outre éventrée) mais le format extra court choisit ne laisse que peu de place à la dissertation.

   Geigei   
20/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
L'intérêt principal, à mon sens, tient dans le pseudo de l'auteur :-)
L'action est résumée ici :
"la grande herse et les machines agricoles, une atroce douleur et puis… plus rien."
Nous voilà préservés des détails atroces qui mijoteront jusqu'à la chute.

Il faut relire pour voir la "cohérence" de l'ensemble.
Et mieux sourire, donc, car la première lecture est d'une banalité affligeante.
Pas la seconde.

   KURT   
31/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
On sent la chute arriver dès les premières lignes. Mais le texte n'est pas dénué d'humour et de tournures intéressantes. Le récit est brut, sans chichi et plutôt graphique. J'aime également la simplicité des personnages et ce ton "parler vrai" que vous leur conférer de manière crédible.


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