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Policier/Noir/Thriller
Lapsus : Le sang du Mal [concours]
 Publié le 26/11/09  -  25 commentaires  -  20802 caractères  -  329 lectures    Autres textes du même auteur

Qui versera pour nous le sang du Mal ?


Le sang du Mal [concours]


Ce texte est une participation au concours n°10 : 4x4 (informations sur ce concours).



Le RMS Umbria


Au soir du 18 mars 1889 – Royal Mail Ship Umbria – quelque part sur l'océan Atlantique non loin du quarante-deuxième parallèle Nord.


- Alors Révérend, vous êtes encore pris dans vos pensées. Je crains que d'attendre ne devrait malheureusement changer ni vos cartes ni le cours du jeu, lança malicieusement Mrs Sarah Covington à son partenaire de bridge.

- Excusez-moi, Mrs Covington, je vous avais de nouveau abandonnée. Oui, oui, le jeu.


Il déposa prestement une carte sur le tapis de feutre vert pour compléter la levée.

Le ministre anglican avait conservé de sa formation théologique au Christ's College de Cambridge la nécessité impérieuse de laisser courir sa pensée par une méditation fugitive. Il avait régulièrement besoin de ces apnées de la conscience qui lui permettaient de structurer son esprit.

Autour de la table de bridge se faisaient également face Lady Elizabeth Brigham, vieille dame corsetée dans son veuvage et excellente amie de Mrs Covington, ainsi que Mr Frederick Abberline, la quarantaine bien sonnée avec moustache et favoris.


Un même intérêt pour le jeu les avait réunis tous les quatre et ils tuaient le plus agréablement du monde le temps qui les séparait encore de la prochaine arrivée à New York.

Ils avaient embarqué trois jours auparavant de Liverpool pour un voyage d'une semaine sur l'un des plus luxueux liners de leur époque, l'un des fleurons de la Cunard Line. Le RMS Umbria était capable de transporter plus de mille trois cents passagers à une allure moyenne de dix-neuf nœuds, il avait d'ailleurs remporté le prestigieux Blue Riban en 1887, disputant la récompense à son frère jumeau, le RMS Etruria, construit la même année.


Au-delà de cette lutte intestine qui faisait se défier navires et entreprises britanniques, la course pour la maîtrise des mers opposant l'Allemagne wilhelmienne et la Grande-Bretagne allait sous peu dépasser le cadre commercial pour prendre un tour belliciste.

La compagnie maritime avait tenu le pari insolent de concilier vitesse et confort et partout en première classe le paquebot faisait montre d'un raffinement inégalé. Le style victorien offrait de ses velours et de ses bois précieux, palissandre et ébène, le chatoyant témoignage de la réussite de l'empire britannique.


- Dites-nous, Mr Abberline, qu'allez-vous donc faire en Amérique ? reprit Mrs Covington tout en captant le regard de son adversaire afin d'en deviner le jeu.

- Je suis en mission pour Scotland Yard, et présentement sur la piste d'un dangereux criminel, nous avons de bonnes raisons de croire qu'il s'y est réfugié récemment.

- Est-ce que cela à quelque chose à voir avec ces crimes abominables qui ont été récemment commis à Londres ? demanda, soudain très intéressée, Lady Brigham.

- Effectivement, Lady, même s'il ne m'est pas permis de vous en dire davantage.

- Allons, monsieur l'inspecteur, Betty - c'est ainsi qu'elle surnommait affectueusement Lady Brigham - et moi seront muettes comme des tombes.

Tout de même quel sadique faut-il être pour mutiler ainsi toutes ces femmes !

- Assurément, Mrs Covington, un sadique, un fou, un détraqué de la pire espèce et les postulants ne manquent pas, je peux vous l'assurer, fulmina le policier.


Tous avaient à l'esprit la série de meurtres atroces qui avaient été perpétrés durant les mois d'août à novembre de l'année précédente. Les journaux londoniens s'étaient délectés de ces crimes sordides et avaient largement contribué à former la terrible légende de Jack l'Éventreur, allant même jusqu'à susciter ou inventer indices et courriers relatifs à l'affaire afin que leurs presses tournent à plein régime. L'imaginaire londonien s'était embrasé autant par les récits hallucinés que par la noire réalité des crimes commis.


- Et qui vous dit que l'assassin n'a pas agi pour de nobles mobiles ? contesta le révérend au grand étonnement des joueurs.

- Ah ça, Révérend, j'aimerais entendre votre thèse venir au secours de ce criminel pervers. Les spéculations sur cette affaire, je vous avoue que je ne les compte plus. Ici c'est un chirurgien en mal d'émotions fortes, là c'est un émigré russe ou polonais qui déteste les femmes, j'en ai rempli tout un tiroir dans mon bureau à Scotland Yard.

- Permettez-moi de vous faire la démonstration, bible en main, que tout ce sang versé pourrait avoir un sens inattendu.


L'ecclésiastique sortit d'une des poches de sa redingote noire une bible qui devait avoir bien plus que son âge. C'était une King James dont la couverture de cuir fauve était patinée par le temps et l'usage.

Il éprouvait une fascination pour la Bible du Roi Jacques, l'une des premières tentatives pour s'affranchir de la Vulgate de Jérôme et traduire les Écritures en langue vernaculaire. À travers elle, c'était toujours les réformateurs Wyclif et Tyndale qui parlaient de leur zèle ardent.

La Bible était pour lui à tout jamais, selon la lecture du Psaume cent dix-neuf, une lampe à ses pieds et une lueur pour son sentier.

Avec une rare dextérité, il ouvrit sa bible à l'Épître aux Hébreux et lisant au chapitre neuf, il cita, dans cet anglais à la tonalité si particulière :


« And almost all things are by the law purged with blood ; and without shedding of blood is no remission. »


« Et presque tout, d'après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n'y a pas de pardon. »


- Vous dîtes que le Mal verse le sang, mais le sang libère du Mal.

Sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon. Si vous lisez la Bible, vous ne pouvez qu'être étonné du lien profond et constant que tissent le Mal et le sang. À chaque moment fort du peuple de Dieu, à chaque fois que la culpabilité devait être levée pour consacrer un vœu ou une alliance des sacrifices sanglants étaient nécessaires.


Il sortit un shilling de sa poche, le faisant ostensiblement tourner entre ses doigts.


- Voyez cette pièce de monnaie. Le Mal et le sang sont l'avers et le revers d'une même pièce, incapables de se regarder en face, mais indissociablement liés. Pour libérer le monde du poids du péché, il faut que le sang soit versé. Cette règle a prévalu depuis les origines. Souvenez-vous qu'Abel a versé le sang d'un agneau et que seul ce sacrifice sanglant a été accepté par Dieu.


Indignée, Lady Brigham, pratiquante et dévote, lui rétorqua sèchement :


- Mais Révérend, ce sang précieux qui permet le pardon, celui du Christ, a déjà été versé une fois pour toutes !

- Vous avez raison, Lady, mais il n'opère que pour ceux qui ont foi en lui. Que reste-t-il pour contrebalancer le Mal commis par ceux qui n'y croient pas ? Le sang doit continuer à être versé pour eux afin de satisfaire la justice divine. Mais quel sang faudrait-il verser ?


Une nouvelle fois, l'ecclésiastique ouvrit sa bible à la page désirée et il leur fit la lecture du chapitre cinq de la deuxième Épître de Saint Paul aux Corinthiens :


« Therefore put away from among yourselves that wicked person. »


« Aussi, ôtez le méchant du milieu de vous. »


- La cible désignée, la victime expiatoire, le sacrifice sanglant doivent être recherchés dans la masse informe et détestable des pécheurs.

Voilà pourquoi votre homme a pris pour cible les prostituées de Whitechapel, pour lui elles sont la personnification du Mal ou ce qui s'en rapproche le plus. D'ailleurs, ne vous y trompez pas, sa manière de tuer, son mode opératoire, ont incontestablement un précédent biblique. Il ne fait pas que verser le sang, il dégage les entrailles pour les exposer à la vue de tous comme l'aurait fait un prêtre sacrificateur en son temps.


Cette fois, votre correspondance, vous la trouverez au chapitre quatre du Lévitique :


« And he shall bring the bullock unto the door of the tabernacle of the congregation before the LORD ; and shall lay his hand upon the bullock's head, and kill the bullock before the LORD. […] And he shall take off from it all the fat of the bullock for the sin offering ; the fat that covereth the inwards, and all the fat that is upon the inwards, and the two kidneys, and the fat that is upon them, which is by the flanks, and the caul above the liver, with the kidneys, it shall he take away. »


« Il amènera le taureau à l'entrée de la tente d'assignation, devant l'Éternel ; et il posera sa main sur la tête du taureau, qu'il égorgera devant l'Éternel. [...] Il enlèvera toute la graisse du taureau expiatoire, la graisse qui couvre les entrailles et toute celle qui y est attachée, les deux reins, et la graisse qui les entoure, qui couvre les flancs, et le grand lobe du foie, qu'il détachera près des reins. »


Les trois autres joueurs furent abasourdis par cette lecture. Mr Abberline fut le premier à réagir :


- Dites-moi, Révérend, vous ne prétendez tout de même pas que l'assassin est un homme de Dieu qui mène un combat absurde et rétrograde contre le Mal, qu'il égorge et éventre ses victimes pour un sacrifice rituel ?

- Je comprends votre scepticisme mais avouez tout de même que l'explication permet de comprendre tout à la fois le mobile, la nature des victimes et la façon de les mettre à mort comme si le meurtrier avait à cœur de les présenter à Dieu en sacrifice propitiatoire.

- C'est troublant, j'en conviens, mais quelle peut être votre lecture de l'inscription relevée par l'inspecteur Long sur le mur de Goulston Street et attribuée à ce criminel. Cette inscription fut trop vite effacée sur les ordres de Sir Warren qui craignait qu'elle ne déclenche une vague d'antisémitisme, elle disait cette chose incompréhensible :


« The Jews are the men that will not be blamed for nothing. »


« Les Juifs sont les hommes qui ne seront pas accusés pour rien. »


- Scotland Yard a jugé bon de mettre sur l'affaire dix inspecteurs alors que seul un théologien pouvait résoudre l'énigme.

Mettez-vous à la place de votre assassin et demandez-vous comment il se représente Londres et ses fastes, mais plus encore ses misères et son orgueil de parvenue, Londres assise en reine sur ses eaux, sur toutes les eaux d'un empire où le soleil ne se couche jamais.

Pour lui, ce n'est plus la Tamise qui baigne la capitale, c'est l'Euphrate et ses canaux. C'est une Babylone moderne qui doit recevoir le témoignage de ses péchés sans nombre.


L'ecclésiastique, une dernière fois, ouvrit sa King James et lut un passage, comme il avait l'habitude de le faire lors de ses sermons, citant le chapitre dix-sept de l'Apocalypse :


« And there came one of the seven angels which had the seven vials, and talked with me, saying unto me, Come hither ; I will shew unto thee the judgment of the great whore that sitteth upon many waters. […] And upon her forehead was a name written, Mystery, Babylon the great, the mother of harlots and abominations of the earth. »


« Puis un des sept anges qui tenaient les sept coupes vint, et il m'adressa la parole, en disant : Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui est assise sur les grandes eaux. […] Et il y avait sur son front un nom écrit : Mystère, Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre. »


- C'est de cette Babylone impie qu'il a cherché à tirer les hommes justes de Londres, comme autant de Juifs retenus captifs contre leur gré, loin de leur terre promise, et tourmentés des fautes qui n'étaient pas les leurs.

Leur culpabilité, il l'a faite s'écouler dans les caniveaux londoniens par l'effusion d'un sang impur, il les a libérés du Mal et de la corruption.

Le pardon leur est acquis, il a apprivoisé le sang, il a apprivoisé le Mal.

Voyez, inspecteur, comme tout est logique, comme tout se tient.

- Je dis que votre histoire est la plus invraisemblable qui soit, mais vous devriez l'envoyer à ce médecin écossais qui répond au nom d'Arthur Conan Doyle. Je sais ce jeune auteur très friand de telles idées rocambolesques sentant le soufre, mais je ne garantis pas ici la qualité de l'histoire ou de la nouvelle.


N'ayant rien perdu des paroles prononcées, Mrs Covington posa alors la question qui s'imposait.


- Et pourquoi donc l'assassin aurait-il mis un terme au sang versé, le Mal, lui, ne s'arrête jamais ?

- Allez savoir, il a peut-être des raisons toutes personnelles, peut-être est-il mort ou occupé par d'autres projets plus urgents, répondit l'ecclésiastique.

- Il a peut-être renoncé à la mission divine, par couardise ou par dégoût, reprit Mrs Covington sur un ton goguenard.


Le révérend la dévisagea pour la première fois depuis leur rencontre, plongeant un regard froid dans les yeux de sa partenaire.

Des années de ministère à entendre hommes et femmes en confession lui avaient procuré l'opportun talent de lire au plus profond des âmes. Il pénétrait à présent à l'intérieur de cette femme bien mise située entre deux âges.

Oui, elle avait déjà usé deux maris et traversait l'Atlantique pour s'amouracher d'un troisième. Mais il y avait en elle davantage qu'une tendance libertine.

Son parler gouailleur, qu'il n'avait de prime abord pas noté, la trahissait.

Elle puisait son énergie et sa fougue dans l'ascension sociale qui avait dû être la sienne, cette femme avait été de mœurs inconvenantes et légères sans nul doute, elle en portait, il en avait à présent l'intime conviction, toujours les stigmates pécheurs et vulgaires.

Il jeta ostensiblement un regard à sa montre à gousset.


- Il se fait plus tard que je ne le pensais. Je vais devoir prendre congé de votre honorable compagnie, hélas ! mon ministère m'appelle. Excusez-moi de vous quitter avant la conclusion de cette partie décidément mal engagée, mais les arcanes du bridge sont, je le crains, trop complexes pour moi.

- Vous nous privez déjà de votre distrayante compagnie, Révérend, j'étais pourtant certaine que vous aviez une bonne main, s'étonna Mrs Covington.


Le ministre anglican posa ses cartes, se releva dignement, enfila sa redingote et repoussa sa chaise.

Quand son ministère se rappelait à lui, plus rien d'autre ne comptait. Le travail, telle était la clé absolue de la réussite et de l'estime de soi.

Son père, en Britannique strict, lui avait enseigné que l'honnête homme devait absolument se garder de deux travers pernicieux : la négligence et la procrastination. Ce soir encore, il serait fidèle à ces principes.


- Bonne nuit, Révérend, au plaisir de vous retrouver prochainement à cette table, lui lança fort aimablement Lady Brigham.

- Bonne fin de soirée à tous. Je rejoins ma cabine. Un important travail d'exégèse et d'écriture m'attend et il est grand temps que je m'y attèle.


Le cercle des joueurs était à présent brisé, il se fit un silence. Ce fut Mrs Covington qui le rompit la première.


- Étrange homme que ce révérend et pas très bavard non plus, seule sa bible le fait parler, je plains franchement sa paroisse, il doit être d'un mortel ennui.

- En tout cas, c'est un farfelu qui ne manque pas d'une certaine imagination, il semble voir le mal partout. Le mal ou le bien, ou encore le sang qui en est selon lui la contrepartie, j'avoue ne pas avoir pleinement saisi son raisonnement torturé, renchérit l'inspecteur.

Je vous abandonne à mon tour, Mesdames, je vais fumer un bon cigare en compagnie masculine. Bonne soirée à vous.


Mr Abberline se leva posément et prit la direction du fumoir situé non loin de la grande salle de réception. Il parlerait politique et grandeur de la nation britannique. Voilà, il s'en délectait d'avance, qui le mènerait tard dans la nuit.


- Voyez, Betty, on ne peut pas compter sur les hommes de nos jours. Que serait le bridge sans l'endurance des femmes ?

Trêve de plaisanterie, comment va votre petit neveu ?


Les deux amies se laissèrent aller au plaisir de la conversation, évoquant tour à tour souvenirs et projets.


Au bout d'une heure environ, Mrs Covington prit congé à son tour pour se livrer à la promenade nocturne qu'elle avait pris l'habitude d'effectuer depuis leur départ de Liverpool.

Cette sortie sur le pont-promenade lui procurait beaucoup de plaisir et l'obligeait par ailleurs à marcher quelque peu.

Une arthrose de la hanche commençait à la faire souffrir et elle tenait absolument à garder sa mobilité, fut-ce au prix du soutien de la canne au lourd pommeau qu'elle ne quittait désormais plus.


Elle aimait ces moments de calme et la profondeur des nuits sur le navire, les étoiles paraissaient, comme par enchantement, plus présentes et les soucis plus lointains.

Les faibles lueurs émanant du bateau permettaient néanmoins d'en deviner la rassurante silhouette. Deux gigantesques cheminées laissaient percer l'enfer qui se vivait à fond de cale. Elles rendaient presque dérisoires les trois mâts du navire sur lesquels on avait cargué les voiles, comme un dernier sursaut d'une marine à la technologie dépassée.

Seul le vent glacial qui fouettait le visage trahissait la rigueur du climat. Au cœur du silence remontait un peu du vacarme des machines qui délivraient toute leur puissance en chaufferie.


Malgré ces vibrations, Sarah perçut nettement un pas derrière elle, un pas et une ombre. Elle serra plus fortement sa canne.

Elle sentit l'ombre faire un mouvement menaçant derrière elle. Instinctivement elle fit tourner sa canne et frappa la forme qui tituba un instant. Elle lui porta alors un deuxième coup, mue tant par la peur que par la rage. L'apparition, totalement déséquilibrée, glissa par-dessus le bastingage et Sarah ne vit plus rien, plus rien que l'immensité de l'océan aussi loin que le regard pouvait porter en cette nuit sans lune.


La chute de son corps meurtri, tout à coup précipité vers l'océan, lui sembla durer une éternité.

Encore groggy, le révérend laissa échapper de sa main le scalpel qu'il n'avait cessé de serrer fermement.

Ce fut le contact de l'eau glacée qui le ramena à l'effroyable réalité.

Sa première pensée fut celle du Christ sur la croix prononçant en araméen : eli, eli lama sabachtani - mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Dieu l'avait abandonné en plein travail sacerdotal, pourtant il en était certain, la victime avait été bien choisie, elle aurait permis de vaincre le Mal envahissant sournoisement le navire pendant tout le reste de la traversée.

Il ne pouvait imaginer une eau aussi froide, elle alourdissait à l'extrême les plis de sa redingote devenue inutile. Par réflexe, il mit la main sur sa King James, oui elle était toujours là.

Il lui revint alors à l'esprit l'histoire fameuse de Jonas, ce prophète qui, anéanti par la difficulté, avait renoncé à sa mission. Dieu lui avait ordonné d'avertir Ninive, capitale de la cruelle et redoutable Assyrie, de sa destruction imminente.

En réponse le prophète retors n'avait trouvé rien de mieux que de prendre un navire pour Tarsis, en direction opposée.

Lui aussi n'avait pu achever sa traversée et fut jeté par-dessus bord en proie aux affres de l'angoisse.

Mais Dieu, dans son infinie bonté, avait appelé un grand poisson pour sauver le prophète.

Comme Jonas, il lui restait à présent à s'amender et à reprendre son terrible sacerdoce.

Il ne distinguait presque plus les lumières du navire, il était irrémédiablement perdu et inaccessible au secours de l'homme, seul lui restait désormais le salut du Seigneur.

Il cessa alors de se débattre, il n'en avait d'ailleurs plus la force et se laissa aller doucement vers l'abîme.

Le deuxième chapitre du livre de Jonas monta en lui comme une prière muette :


« Then Jonah prayed unto the LORD his God out of the fish's belly, and said, I cried by reason of mine affliction unto the LORD, and he heard me ; out of the belly of hell cried I, and thou heardest my voice. For thou hadst cast me into the deep, in the midst of the seas ; and the floods compassed me about : all thy billows and thy waves passed over me.»


« Jonas, dans le ventre du poisson, pria l'Éternel, son Dieu. Il dit : dans ma détresse, j'ai invoqué l'Éternel, et il m'a exaucé ; du sein du séjour des morts j'ai crié, et tu as entendu ma voix.

Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le cœur de la mer, et les courants d'eau m'ont environné ; toutes tes vagues et tous tes flots ont passé sur moi. »


Il avait foi comme personne ; dans trois jours de là, un grand poisson le vomirait sur les berges de la Tamise et il reprendrait sa mission là où il l'avait abandonnée par lâcheté, il continuerait à avertir les Londoniens et à les délivrer du péché et de la culpabilité.

Londres, Babylone la Grande maudite, retrouverait le pardon, il verserait à nouveau le sang du Mal.


 
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   Anonyme   
27/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai particulièrement apprécié cette nouvelle...

d'abord pour la qualité du style ("Deux gigantesques cheminées laissaient percer l'enfer qui se vivait à fond de cale. Elles rendaient presque dérisoires les trois mâts du navire sur lesquels on avait cargué les voiles, comme un dernier sursaut d'une marine à la technologie dépassée."), des dialogues.

ensuite pour son ambiance et son parfum "Agathachristien"; (lorsque Abberline quitte la table de jeu pour s'en aller "fumer un bon cigare en compagnie masculine", il me semble voir ce bon vieux Hercule Poirot ! si si regardez bien de dos on pourrait s'y laisser prendre.....)

et enfin pour pour cette nouvelle théorie qui vient tenter d'éclairerle mystère de Jack l'éventreur; cette idée du révérent vengeur et de l'ambivalence entre le bien et le mal ("Voyez cette pièce de monnaie. Le Mal et le sang sont l'avers et le revers d'une même pièce, incapables de se regarder en face, mais indissociablement liés") est magnifiquement bien adaptée à l'histoire, et superbement mis en scène par les passages bibliques;

Les points négatifs ?
la fin semble évidente trop rapidement;
en réalité dès que le révérend quitte la table de jeux, sans qu'aucun rebondissement ne vienne ensuite démonter cette évidence.
il y a aussi le fait aussi que cet homme qui a sévit pendant des mois dans des ruelles de Londres au nez et à la barbe de toutes les forces de police, se fasse aussi facilement neutraliser par une mémére à la hanche détraquée.
Enfin, un mot sur les contraintes. Quelles contraintes ? le texte est si fluide que j'en suis venu à oublier les contraintes.

Merci pour ce bon moment

   Anonyme   
27/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Ambiance parfaitement rendue sur ce bateau où j'avais presque l'impression d'entendre les musisciens jouer durant toute la conversation. Les descriptions du début sont très délicates, fluides à souhait. Très aristocratie anglaise cette manière de parler de crimes horribles dans une ambiance feutrée et luxueuse.

L'idée aussi m'a beaucoup plu : Expliquer le mystère de l'éventreur. Dommage que l'identité de celui-ci soit si facilement devinable.

Par contre, je ne suis vraiment pas convaincue par la prétendue démonstration du révérent. Il est trop concret, trop direct. Et se manque de subtilité est sans doute la cause du doute qui prend le lecteur sur son identité.

Les contraintes me sont complètement passées au-dessus de la tête, j'étais prise par le récit. Je suppose qu'elles ont été parfaitement respectées. :-)

J'apprécie beaucoup la fin par contre mais elle est un peu précipitée. J'aurais bien vu une descritpion par une passade à Londres qui le voit "sortir" du poisson.

Dernière chose : l'expression "dans trois jours de là" j'aurais mis "Trois jours plus tard". Tout simplement.

Voilà.

Merci Lapsus pour cette agréable lecture

   Anonyme   
27/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Lapsus
J'apprécie le poète, je fais connaissance avec le nouvelliste.
J'ai passé un très bon moment de lecture. Une écriture très agréable qui colle bien à l'époque.
J'ai moins apprécié la fin. Je trouve difficile de faire basculer un corps par-dessus le bastingage, avec ou sans canne et ce, même en le déséquilibrant et en le prenant par surprise. Mais la rage aide bien. Sauf que, pourquoi l'éprouve-t-elle cette rage ? Elle n'a pas peur, elle n'est pas surprise, elle se défend, paf un coup de canne. Peut-être que, tandis qu'elle effectue sa promenade, j'entendrais bien une réflexion, verrais bien un soupçon naître au sujet des propos entendus.
Second coup de canne, elle ne reconnait pas le révérend... "la faible lueur" moui...
Naturellement, j'ai vu Di Caprio plonger "dans ces eaux froides, si froides que l'eau vous transperce de mille coups de poignard " et j'ai eu du mal à voir le révérend, engourdi dans ses vêtements toucher sa poche afin de s'assurer que sa bible était bien là. N'avait-il pas autre chose à faire ? Si l'auteur m'avait glissé le fait qu'il ne savait pas nager... je me console en me disant que sa foi l'a contraint à ne pas se débattre et à mettre son instinct de survie dans la bouche de Jonas...
Bon je chipote alors que la vérité est toute simple : j'ai beaucoup aimé ce texte. Et j'ai hâte de lire le suivant.
Bonne continuation.

   Anonyme   
28/11/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai bien aimé cette discussion autour de la table de jeu, ainsi que le soin avec lequel l'auteur a présenté le paquebot.

Cependant au fil du dialogue, puis de la fin de partie, la narration s'essouffle.

Je ne suis pas convaincue par la scène finale, qui manque de réalisme et de profondeur.

J'avais noté sévère.

   Selenim   
28/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'ambiance installée dès les première lignes de dialogues est racée. Même si toute la partie dialogue constitue la majeure partie du récit, elle garde de l'intérêt jusqu'à sa conclusion. Certes, il y a parfois de la redondance dans les propos du révérend,mais c'est suffisamment bien amené et écrit pour ne pas lasser.

Le cheminement de la réflexion est bien construit et surtout crédible. On se doute rapidement qu'il n'y a que l'assassin pour résonner de la sorte ; les autres protagonistes, inconsciemment, le pense aussi. Mais ça ne gâche pas le plaisir.

J'ai beaucoup moins aimé la fin. Malgré une partie descriptive de l'extérieur du bateau très fine et réussie, j'ai trouvé la scène d'action risible. Mal mise en scène, incohérente et prévisible, elle annule l'effort fournit par l'auteur pour tisser une atmosphère tendue. Dommage.

Au final, je garderais le souvenir d'une joute verbale maitrisée et bavarde.

Selenim

   jaimme   
28/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une belle écriture au service de l'érudition biblique parfaitement adaptée au personnage. Parfois quelques mots trop recherchés dans les descriptions alors que je les auraient préférés réservés aux dialogues. Mais c'est vrai que l'exercice est très complexe: soit une narration purement victorienne, ce que j'ai senti bien souvent et des dialogues de la même veine; soit des descriptions contextuelles plus modernes et des dialogues (parfaitement réussis ici) à la sauce anglaise de cette période. Bref je chipote car l'ensemble m'a impressionné.
Les références bibliques sont très bien choisies et j'aime la double version anglo-française.
Un détail: on voit plus souvent écrit Wycliff que Wyclif.
Un regret général quand même: dès les références au sacrifice le lecteur est mis sur la voie du révérend, surtout avec ce titre. Je pensais être mis sur la mauvaise voie, voire peut-être être ramené sur celle-ci, c'est dommage le récit est ici trop linéaire, trop tracé. Mais cette impression a été rattrapée par la trouvaille sur Jonas, ça c'est excellent.
Voila le suivi de mes impressions. Au total une nouvelle qui aurait gagné à me perdre dans des méandres autour de plusieurs personnages, mais une écriture et une érudition qui m'ont enchanté.
Merci Lapsus.

   Anonyme   
28/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai beaucoup aimé ce texte. Les dialogues sont très réussis et révèlent la psychologie des personnages.
L'intrigue est bien construite les révélations distillées au compte goutte pour nous amener à découvrir l'identité du révérend. (moi ça ne me gêne pas de savoir qui il est avant la fin, au contraire)
Bravo pour la construction psychologique de ce personnage. J'aime bien le rendu "Victorien" des dialogues

Ce qui est dommage, c'est la scène sur le pont, c'est dommage parce qu'elle n'est pas très crédible que la description de cette scène est beaucoup moins réussie que le reste de la nouvelle, on la dirait un peu bâclée.

La fin redevient plus intéressante mais ne permet pas de faire oublier ce petit dérapage

Merci pour cette nouvelle.

Xrys

   Lapsus   
28/11/2009
Je donne des précisions ou des éléments de réponse sur la nouvelle ici .

   widjet   
29/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Premier texte du concours que je lis (je préviens, je ne les lirai pas tous, je pense). Ma critique et mon évaluation ne porteront pas (pour ce texte comme pour les autres) sur le respect des contraintes, puisque je n’ai pas prit le temps de m’en informer moi-même. Voilà, c’est dit.

La nouvelle, donc. Plutôt une bonne surprise, grâce notamment ce style très anglais (les dialogues, assez nombreux, sonnent plutôt justes) et cette ambiance victorienne que l’auteur rend bien. En quelques phrases bien senties, le lecteur est vite plongé dans l’histoire ponctuée de détails savamment dosés pour un rendu réaliste et permettre une immersion. Les 15 premières lignes sont très réussies, l’auteur a une écriture fluide et raffinée.

Ensuite, ça traîne un poil en longueur (j’aurai aimé une plus grande alternance descriptions/dialogues pour accentuer le suspense et imprégner un climat de suspicion, que le lecteur puisse se dire que l’assassin pouvait être n’importe qui) et surtout, l’identité du tueur n’est pas très difficile à percer. Cela dit, à la réflexion, je ne suis pas certain que l’auteur voulait en faire grand mystère non plus, l’intrigue finalement n’était peut-être que secondaire comme semble le démontrer ce dénouement assez expéditif qui pourtant ne ternit pas la qualité de ce texte certes bavard, mais globalement réussi d’autant plus que c’est la première nouvelle de Lapsus.

Bravo donc.

W

   Meleagre   
30/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé ce texte, avec quelques réticences qui rejoignent les commentaires déjà exprimés.
J'ai bien aimé cette atmosphère digne d'Agatha Christie, avec le décor victorien, la haute société british, le navire comme fleuron de la révolution industrielle. Revisiter la légende de Jack l'Eventreur, pour lui donner un sens insolite, est aussi une riche idée. Le nom de l'inspecteur Abberline et le texte de l'inscription sont d'ailleurs authentiques.
Mais je trouve aussi que la clé de l'énigme est trop évidente, trop rapidement. En développant aussi longuement sa thèse de meurtres expiatoires, le révérend attire immanquablement sur lui l'attention des lecteurs et des autres passagers : selon toute logique, il deviendrait le suspect numéro 1 de l'inspecteur.
Peut-être eût-il fallu donner cette clé de manière plus détournée, insidieuse. Ici, le révérend joue trop cartes en mains, révèle trop vite son jeu (pour reprendre la métaphore).
Je salue cette première nouvelle d'un poète.
Merci Lapsus.

   Cassanda   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une lecture qui m'a plongée immédiatement dans l'ambiance de ces romans à la mode anglaise, d'Agatha Christie à Arthur Conan Doyle (si justement cité), en passant, allez savoir pourquoi par Daphné du Maurier. J'ai adoré le style, les nombreuses descriptions documentées. Les dialogues sont fluides, les personnages bien construits.
Il y une phrase qui m'a faite tiquer : "Voilà, il s'en délectait d'avance, qui le mènerait tard dans la nuit." juste parce que j'ai l'impression qui manque un mot... mais peut-être est-ce un effet de style que je n'ai pas compris :)
En tout cas, bravo !! Le tout se tient diablement bien :) Merci de cette lecture !

   Eric-Paul   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai adoré.
Le texte est très agréable,
Il imprime un très joli rythme à cette nouvelle
qui lève enfin le voile sur cette enigme londonnienne !!!

   aldenor   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’aime le début, l’ambiance, la partie de cartes : une manière d’aborder le sujet en finesse.
Mais dans la partie centrale (à partir de « Et qui vous dit que l’assassin n’a pas agi pour de nobles mobiles ? ») les dialogues deviennent trop secs ; on ne visualise plus les protagonistes, les arguments se succèdent et se ressemblent et les citations de la bible lassent. (NB : Je ne vois aucune bonne raison de les citer en anglais).
Dans l’ensemble pourtant, un texte bien imaginé et soigneusement écrit.

   Menvussa   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Lapsus

Une très bonne nouvelle. Un style qui fait très "fin XIX ème. Bien sûr, on pense très rapidement à la culpabilité du révérend s’en est même cousu d’un fil trop blanc. Mais la chute, c’est le moins que l’on puisse dire, rétablit tout l’intérêt du récit.

   Ninjavert   
4/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Ah, ce texte est une très belle surprise :)

Le tout n'est pas parfait mais peu importe, l'essentiel y est pour rendre cette nouvelle prenante et délicieuse.

J'ai beaucoup aimé l'ambiance, les textes, le ton du récit qui retranscrit admirablement cette époque. (Pourtant, je ne suis pas fan de toute cette période, ni de ce genre de textes.)

Le vocabulaire est très bien choisi et adapté, les tournures de phrases et les conversations sont parfaitement dans le ton. En tout cas j'ai été convaincu.

Les descriptions sont très belles elles aussi (la phrase citée par Plummot notamment), l'illustration permet de se faire une idée globale du bateau tandis que les éléments descriptifs du bateau nous apportent des précisions sur certains éléments. Je ferai un peu la même remarque que j'ai faite à Animal sur sa description de bateau : les données techniques (nombre de passagers, vitesse, contexte de construction du bateau) nous sont données ici de manière formelle.

Je les aurai trouvé plus adaptées d'une manière contextuelle. Ca passe bien ici car elles ne sont ni trop longues ni inutilement précises, mais j'aurai préféré avoir une description du salon de jeu (avec ses boiseries etc.), qui aurait pu nous mener au contexte économique et concurentiel, le tout pourquoi pas véhiculé par le biais de la conversation entre les personnages.

Une façon que j'aurai trouvé (pour ma part) plus vivante, surtout vu le niveau de maîtrise des dialogues dont tu fais montre Lapsus. Ca aurait également permit de poser un peu plus la conversation. Ici, on se retrouve en trois lignes (dès que commencent les dialogues) à parler des meurtres et on se doute, du coup, que ce sera le sujet principal de l'histoire. Amener ce thème après quelques échanges cordiaux sur le contexte économico-historique de l'époque et autres, l'aurait présenté comme "un sujet parmi d'autres" et aurait peut être plus ménagé le suspens.

Avis très personnel bien entendu, surtout que le contexte tel que posé ici est parfaitement décrit et amené.

Bon comme les autres je n'ai pas été dupe longtemps de l'identité du révérend. La cause à plein de choses : du nombre incroyable de révérends pourris qu'a porté la fiction (et la réalité) dans ses pages, de la manière dont ses arguments nous sont présentés, par trop évidente dans le sens où rien ne vient les contrebalancer, ou encore le fait que toute la conversation tournant autour de l'assassin, on se dit vite que dans ce huis clos qui nous présente le "gentil" (l'inspecteur), il est probable qu'on y trouve aussi un "méchant".

J'ai été partagé un moment entre mrs Covington et le révérend, mais ce dernier a vite remporté mes soupçons.

Ceci dit, cette "évidence" ne m'a pas gênée dans le sens où je n'ai senti à aucun moment que l'auteur souhaitait faire mystère de son coupable. Je n'y ai pas senti une volonté de poser un mystère à éclaircir (la conversation n'a rien d'une enquête), mais plus d'une situation posée dans laquelle l'auteur prend plaisir à mettre en scène une version plausible, réfléchie et (très) documentée de l'histoire.

Pas de suspens donc, certes, mais pour moi ça n'était pas le propos. (Si tu voulais du suspens Lapsus, par contre, c'est à revoir dans la construction ^^)

Les images sont très belles (celle de la pièce de monnaie, superbe, qui m'a d'ailleurs appris le mot "avers"), et la manière qu'a le révérend de parler en se reportant systématiquement à sa bible (propos repris en d'autres termes par un des personnages) est très réussit et rend parfaitement ce côté obsessionnel qu'on lui prète du coup très naturellement.

Sur les citations bibliques, je suis partagé concernant le double usage anglais / français. Autant le premier est justifié par cette phrase :

Citation :
(...) il cita, dans cet anglais à la tonalité si particulière (...)


Je l'ai lu à voix haute et j'ai eu l'impression d'entendre Samuel L. Jackson dans Pulp Fiction.

Mais par la suite, ça en devient répétitif et inutile. De plus, les citations sont plus longues et le vocabulaire étant quand même assez spécifique, je doute que ceux ne parlant pas anglais (ou pas assez bien pour les apprécier) y aient vu un quelconque intérêt.

Dommage, mais pas très grave.

Sur la fin, je suis partagé. J'ai lu plus haut que certains avaient trouvé cette chute peu crédible : la vieille dame se défendant et projetant à l'eau Jack the ripper himself !
Bof, pas si incrédible que ça, au contraire. L'éventreur était probablement un monsieur-tout-le-monde un peu dérangé, pas un assassin ninja ni un commando de la Delta force.
De plus, s'il agit en état de "transe frénétique" comme c'est le cas de beaucoup de détraqués, ça peut certes décupler ses forces mais aussi perturber son équilibre, sa prudence. Je n'ai eu aucun mal à croire que deux grands coups de masse (c'est équivalent) dans la tronche le fasse basculer par dessus bord.

Deux reproches toutefois :

Citation :
(...) la canne au lourd pommeau qu'elle ne quittait désormais plus.


Dès cette phrase, je me suis dit "ah, cette canne elle ne peut que finir dans la gueule de quelqu'un".
Chose délicate, la phrase est nécessaire car elle contribue à justifier qu'un premier coup suffise à incapaciter l'assassin.
Mais elle sappe aussi le suspens de la scène, car dès lors, j'ai pressenti l'agression (remarque je l'avais présentie dès qu'elle est sortie seule) et -ce qui est plus dommage- son issue.

Autre chipouille, la phrase suivante :

Citation :
L'apparition, totalement déséquilibrée, glissa par-dessus le bastingage et Sarah ne vit plus rien, plus rien que l'immensité de l'océan aussi loin que le regard pouvait porter en cette nuit sans lune.


Là pas de souci, on comprend que l'agresseur est tombé.

Citation :
La chute de son corps meurtri, tout à coup précipité vers l'océan, lui sembla durer une éternité.


Mais là, j'ai cru qu'on parlait de Sarah. On était avec elle (de son point de vue) juste avant, et du coup instinctivement j'ai rapporté le "son corps" à elle.
La vache ! Deux agresseurs, et le second vient de la balancer à l'eau à son tour ! Ca c'est vicelard, Lapsus !"

Mais non, juste une maladresse, il n'y a bien qu'un assassin et c'est lui qui est tombé, seul. On le comprend à la phrase d'après.

Dommage car cette chipouille m'a fait buter sur un passage qui aurait dû se franchir vite, sans encombres. Mais pas grand chose à changer non plus pour que ça soit limpide.

La fin est chouette, elle explique -entre autres- qu'on n'ait jamais identifié l'éventreur et se conclut en beauté sur le parallèle avec Jonas.

A ce titre je salue au passage le travail de documentation en tout genre. Du beau boulot bien présenté, agréable à lire et intéressant.

Je regrette au final les petites chipouilles que j'ai pointé plus haut, et un manque global de rythme, avec une chute amenée trop brutalement (la nouvelle se compose en fait d'une seule partie et de la fin, qu'on identifie tout de suite du fait du changement de lieu). De plus, l'absence totale de suspens, même si elle n'est pas dramatique loin de là, diminue l'impact de la nouvelle : c'est une belle histoire, bien construite, très bien documentée et présentée, mais c'est juste une belle histoire. A aucun moment je n'ai été pris au ventre, mes méninges n'ont pas été mises à rude épreuve et je ne me suis jamais dit "ah le salaud, il m'a bien eu".

Du très bon boulot, bien construit et rondement mené. Mais sans ce petit plus, qui aurait pu faire un Grand texte :)

Un grand merci en tout cas pour cette croisière, Lapsus !

Et longue vie à Mister Jack, qui n'en finit pas d'inspirer les auteurs...

Ninj'

   NICOLE   
6/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
La première partie est un peu longue, et trop prévisible. On sait immédiatement que le meurtrier et l'homme d'église ne font qu'un.
La chûte est plus surprenante. J'ai aimé que l'eau glacée et les éléments contraires ne parviennent pas à entamer le fanatisme du prélat.
Interessant.

   colibam   
8/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle remarquablement tracée et campée sur des bases solides et érudites.
Les dialogues sont parfaitement adaptés à l'époque et au rang social des personnages.
Un texte rempli de sens à partir duquel pourraient s'ouvrir de multiples débats de fond sur la nécessité et la manière d'appréhender le bien et le mal à travers l'Histoire et les sociétés humaines.

J'ai subodoré assez rapidement l'identité du Révérend, dont les dernières pensées, si elles peuvent surprendre le lecteur compte tenu de la situation inconfortable de l'éventreur de Whitechapel, ne sont finalement que le reflet d'une âme morte et égarée depuis longtemps dans un monde hors de portée du commun des mortels.

Une réelle maîtrise exhale de ta plume Lapsus. Félicitations !

   Anonyme   
12/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je suis impressionnée par la culture sous jacente, et le soin apporté à reconstituer l'époque. On s'y croirait !
Dès les premières lignes, il y quatre personnages avec lesquels il faut faire connaissance d'un bloc, cela a failli me rebuter ..
Mais j'apprécie qu'ils soient les seuls tout le long de la nouvelle et qu'ils se dévoilent chacun progressivement jusqu'à la découverte finale..
Cela manque de suspens car on comprend très vite que le révèrend est le coupable, dommage ...
Il y a un petit frisson quand Mrs Covington décide de faire sa promenade nocturne...et la chute du révèrend dans les eaux glacées et la comparaison avec Jonas permettent une très bonne fin...

   Anonyme   
12/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour,

A l'évidence, un gros travail de documentation et une réalisation soignée ont présidé à l'écriture de ce récit. Mais je lui trouve en fait un peu les défauts de ses qualités, trop bavard et un brin pédant, à mon sens naturellement, avec une fin que j'ai trouvé à ce titre assez indigeste.
En revanche, la reconstitution historique me parait bien retranscrite et l'intrigue se tient, sans être renversante (enfin, si j'ose dire). Le récit ne distille pas de suspense mais ouvre une possibilité d'explication sur les crimes de jack l'éventreur assez séduisante et qui reste crédible.
Je salue le travail, même si je n'ai pas été séduit.

   Anonyme   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Voilà une histoire follement romanesque, admirablement écrite, d'une grande érudition, qui lorgne du côté du Moby Dick de Melville- ou du moins ce qu'il m'en reste- et qui m'a carrément scotché et ravi. J'ai pensé aussi en vous lisant à l'admirable film de john Bram (1944) sur le tueur de White Chapel ou encore à un reportage sur le vif d'albert Londres... Merci pour cette lecture qui a filé comme une lettre à la poste.

   Anonyme   
16/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Très visuelle, très inspirée de la littérature anglaise du 19è, j'ai apprécié cette nouvelle.
J'ai apprécié les passages bibliques, qui m'ont fait penser à Samuel L Jackson récitant Ézéchiel 25-17 dans Pulp Fiction.

La chute ne m'a pas particulièrement surprise, coutumière du style emprunté et de l'histoire de JL'E... je m'attendais à la chute, j'ai donc un peu de déception, j'aurais aimé que le tueur soit le gars de Scotland Yard... tant pis pour moi.

Un texte intéressant, aux contraintes respectées, au style collant au fond et inversement, références bien intégrées...
Oui, j'ai apprécié, vraiment.
On a tous les clichés Chrisitiens, et j'kiffe Christie..

Merci, donc, Lapsus pour cette nouvelle, et bonne chance pour le concours.

   florilange   
17/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je trouve que Lapsus sait formidablement bien créer 1 atmosphère. Que son érudition est bien utilisée, même si j'aurais préféré qu'il nous fasse grâce de la version anglaise des versets cités. Que les contraintes sont respectées même si elles passent presque inaperçues. Que le style d'1 certaine époque est très bien restitué, même si, par ci par là, quelques petits os ont échappé à son attention.
Le truc de la canne ne m'a pas surprise. Ces "vieilles" anglaises ont parfois un passé sportif qui ressort au bon moment, bien qu'elles souffrent de la hanche. Et elle a très bien pu se méfier quand le révérend l'a regardée d'1 certaine façon.
Au total, un excellent texte, merci,
Florilange.

   Bidis   
18/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Le début est classique et je dois dire que j’aime bien la littérature classique, c’est de ma génération.
L’atmosphère y est, l’histoire est étrange à souhait, le tout dans un style bien parfait et que j’apprécie donc.
Mais, à mon estime, beaucoup trop de citations bibliques et ces citations sont trop longues.

   Anonyme   
12/3/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai passe un agreable moment a lire cette nouvelle. J'ai particulierement apprecie le lien entre "Jack the Ripper" et son dessein biblique.

Le style m'a semble bien maitrise et tres fluide surtout (sauf peut-etre avec les passages bibliques anglais/francais). La fin par contre est assez previsible et trop "brutale".

C'est une nouvelle dont je ne me suis pas lassee un seule instant pourtant.

Bonne continuation Lapsus!

   Anonyme   
15/3/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quelques phrases que je trouve maladroites au début :
- a nécessité impérieuse de laisser courir sa pensée par une méditation fugitive : laisser courir sa pensée par ???
- Un même intérêt pour le jeu les avait réunis tous les quatre : tous les quatre est superflu me semble-t-il.
- la quarantaine bien sonnée avec moustache et favoris : heureux d'apprendre que la quarantaine bien sonnée se manifeste grâce aux moustaches et favoris.

Le texte reflète bien l'époque mais "l'enquête biblique" m'a fait sourire. Tout est tellement logique dans la bible que les exégètes et les peuples n'arrêtent pas de s'étriper entre eux. Ceci étant, il convient de réinstaller le récit dans son époque, alors pourquoi pas. Il me rappelle les textes de Gaston Leroux, Agatha Christie, le grand Arthur et autres.

Donc, foin de procrastination ; je mets la main sur ma King James, l'ouvre et lis : le sang du mal est vraiment une bonne nouvelle.


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