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Sentimental/Romanesque
Louis : Traces
 Publié le 25/04/14  -  20 commentaires  -  6317 caractères  -  260 lectures    Autres textes du même auteur

Des traces féminines, la nuit, sur un trottoir.


Traces


Sur le comptoir, les verres renversés se sont brisés. Éclats de verre. Éclats de voix. Un vacarme, un tintamarre de bris, de cris, sur fond de musique sirupeuse, rengaines et refrains, répertoire des "Je t’aime" : "Aime-moi, aime-moi encore jusqu’au bout de la nuit."

Les bouteilles restent alignées derrière le comptoir, en rang, whisky indifférent, Martini sec, Cinzano nonchalant, Suze placide.

Un tabouret s’est couché sur le sol malpropre, tacheté.

Coule un filet de sang, traînée rouge, entre des auréoles de souillure. Quelques gouttes rubis ravivent une cigarette abandonnée, à moitié consumée, ersatz de braises incandescentes ; quelques éclaboussures aussi empourprent de pointes vives les empreintes du dehors laissées par des chaussures boueuses.


Une porte s’ouvre sur la rue déserte. Un peu de lumière jaunâtre s’étale, vomie dans l’obscurité de la nuit pluvieuse et froide. L’eau ruisselle sur les trottoirs. Quelques flaques de lumière. Paroles assourdies, lointaines, de la ritournelle, "aime-moi, aime-moi encore", refrain lointain, dans la nuit rampante, distance où tout s’estompe. Défile le trottoir. Long défilé de trottoirs. Nuit goudron. Pluie inlassable comme une mélodie des fins de soirées dansantes, quand il n’y a plus que chaises vides et lueurs clignotantes. Vagues d’asphalte, houle des trottoirs. Parfois, poussée par le vent, une boîte de Coca roule d’un bord à l’autre du bitume. Parfois une boîte de soda. Il est bien tard.


Presque rien : un chuchotis, une ombre. Des silhouettes furtives. Presque rien. Ce trottoir qui s’en va. Eau frissonnante des nappes dormantes. De la brume au loin. Au loin là-bas, sous les feux de croisement, juste un petit homme rouge. Un bonhomme fixe, lumineux, toujours en rouge.


Entre grilles fermées, et puis rideaux de fer baissés, et puis portes closes, et pluie, et rideaux de pluie : des mondes fermés, murs et façades, fenêtres grillagées. Et puis les carrosseries vides, une file ininterrompue, alignées le long des caniveaux, image choc de toute vacuité. Devant, au loin, le déversoir des brumes, reversoir de brouillard.


Un morceau de sandwich près d’une portière, ramolli. Restes glutineux d’un repas inachevé. Il y eut un appétit, restes de vie. L’eau ruisselante chargée des miettes de pica déborde la capsule d’une bouteille de bière, barrage si dérisoire.


Plus loin, plus loin, une chaussure au milieu du trottoir. Une chaussure fine, une chaussure de femme. Elle devait être jeune, alerte sûrement. Elle devait courir derrière l’homme qui la rejetait. "Casse-toi, putain, casse-toi, je veux plus te voir." Elle courait, éplorée, trébuchait, éperdue. "Attends-moi, je vais t’expliquer, je t’aime encore, je t’aime toujours, je n’aime que toi." L’écho ramène la rengaine aime-moi encore, aime-moi jusqu’au bout de la nuit. Et la nuit habille le trottoir, et le trottoir porte une chaussure, chaussé pour ne mener nulle part.


Distances. Écarts. Plus loin, ailleurs, sous le regard du bonhomme rouge qui clignote, clignote : un foulard sur le sol asphalté, un foulard teinte bleutée, recroquevillé sous le froid pluvieux. Elle devait être élégante, une femme raffinée. Affolée, elle devait courir pour ne pas manquer le bus, il devait l’emmener à l’autre bout de la ville, dans le quartier où réside son père. Il devait être très malade, son père. Peut-être vivait-il ses derniers moments, il ne fallait pas perdre de temps. Peut-être le cœur, une douleur. Elle avait quitté précipitamment son bureau, en s’excusant. Son patron avait râlé, son patron, ce salaud. Et maintenant, son foulard plissé sur un bout de trottoir, avec ses motifs de fleurs aux coloris déteints.


À l’abri sous une voiture, deux yeux verts, deux yeux de chat évaluent la longueur du trottoir jusqu’au lieu où il tourne à angle droit. Après le tournant, en cet endroit que les yeux de l’animal ne peuvent voir, s’étale sur le sol de bitume un bracelet-montre, luisant dans le noir. Les aiguilles sont arrêtées, figées, sept heures moins dix pour toujours. Là, sur le trottoir, un temps perdu, et les gouttes de pluie sur l’écran brisé font un tic-tac infini. Il y avait un bracelet trop grand pour un poignet trop fin. La femme au bras si délicat a peut-être manqué son rendez-vous. Son avocat a dû l’attendre en vain pour régler son divorce et la question de la garde de son enfant. Elle veut obtenir la garde de sa petite fille, absolument.


Les murs de la ville balbutient sur enseignes lumineuses la boucherie chevaline, scandent le bon pain d’autrefois ; pharmacie, tabac et loto c’est sûr, c’est affaire de chance, des millions d’euros à gagner, c’est écrit, lisible jusque dans les profondeurs de la nuit. Les murs crient, obscènes, fulminent. "Fuck you". Mais sur la porte d’un garage, les mots, murmures, sont écrits du bout d’un rouge à lèvres : "Ne cherche plus tout est fini."


Le trottoir se poursuit en longueur indéfinie. Perpétuelle, la pluie. Dans un coin, près d’un mur silencieux, un sac à main déposé là, ouvert à la bruine, exhibe des vêtements, toute une toilette, une veste, un tailleur, fines lingeries. La pluie pénétrante. Une lessive. Elle devait être belle et distinguée. Un cheveu sur le chemisier, elle devait être brune. Il n’y a pas de canal de l’autre côté du trottoir. On entend un air de tango, venu d’une fenêtre fermée, de l’immeuble à côté. Pas une lueur derrière les fenêtres, mais un air joué sur un bandonéon, un air de tango d’un son argentin. Elle devait avoir froid, habillée de pluie, nue, déshabillée dans la rue.


Un clou planté dans une porte, pour rien. Une boîte aux lettres remplie, débordante, tous les courriers jamais lus. Aux feux, l’homme est en rouge. Dans un halo de lumière, au loin, une femme nue traverse la rue. Des filets d’eau dégoulinent inlassables sur les pare-brise des voitures alignées le long des trottoirs. Le crachin toujours, il est si tard. Dans un halo de lumière, spectre au loin, une femme nue traverse la rue. Le froid, le brouillard. Poubelles noires et vertes, d’où débordent des poches vertes et noires. Une barrette à cheveux tournoie sur le sol, poussée par le vent. Un papier glacé voyage, transporté par une bourrasque. Il se colle sur l’île publicitaire, paradis affiché de cocotiers. Dans un halo de lumière, une femme nue traverse la rue.


 
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   fergas   
7/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Du comptoir à la rue, le chemin est court, mais rempli d’images qu’on ne fait qu’effleurer, des traces.

Les images sont suggérées, mais bien précises. On sent bien qu’à la femme en question, qu’on ne verra pas vraiment, est dévolu un sort funeste. On suit sa fuite sur le trottoir, jusqu’à la rue, nue.

Certaines images sont bien trouvées :
« Whisky indifférent, Martini sec, Cinzano nonchalant, Suze placide. »
« Nuit goudron »
« bonhomme rouge qui clignote, clignote »

D’autres sont moins crédibles :
« un sac à main déposé là, ouvert à la bruine, exhibe des vêtements, toute une toilette, une veste, un tailleur, fines lingerie ». Vous m’expliquerez comment un sac à main de dame peut contenir tout une penderie de vêtements !
Comment la femme s’est-elle retrouvée nue dans la rue ? L’était-elle au départ. On sent bien que le sort s’acharne sur elle, et l’on redoute une issue fatale, mais on ne perçoit pas bien le déroulement.

Sur la forme : belle écriture, imagée, soignée.
Sur le fond : l’histoire gagnerait à être plus soignée. La brièveté du texte ne l’a peut-être pas permis.

   Anonyme   
13/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est risqué, à mes yeux, d'orienter le lecteur sur tant d'histoires différentes à partir d'indices aussi minces ; ainsi, je me suis demandé jusqu'au bout si les "traces" laissées l'avaient été par une ou plusieurs femmes, ce qui a parasité ma lecture. La fin me semble indiquer une femme unique.

J'ai beaucoup aimé, au début, l'inquiétude qui naît tout de suite à la vue des gouttes de sang, et l'indication de la chanson d'amour lancinante incitant à penser à un drame passionnel. J'ai aimé aussi le parti-pris de ne présenter aucun être humain avant la vision de la femme nue ; la ville vide n'en est, bien sûr, que plus angoissante. Le style très visuel m'a plu également, même si je le trouve par moments un peu précieux pour ce qui est dit, par exemple :
des auréoles de souillure
Défile le trottoir. Long défilé de trottoirs.
quand il n’y a plus que chaises vides et lueurs clignotantes (les omissions d'articles, pour moi, "marquent" le texte)
Ce trottoir qui s’en va. Eau frissonnante des nappes dormantes.
...

Mais, sans conteste, l'amorce des différentes pistes ne reposant sur rien m'a gênée, elle m'a paru une intervention d'un narrateur qui à mes yeux, par ailleurs, restait neutre. Pour moi, cela crée une discordance.

   Anonyme   
25/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Louis

C'est un tableau avec plein de belles choses dedans, j'adore ce regard qui voit et s'invente des histoires. Après les vêtements éparpillés et plus loin l'apparition de la femme nue, j'ai espéré que d'un seul coup chaque objet trouverai son propriétaire, la canette, d'où sortirait quelque chose, un bras coupé sur lequel manquerait la montre, etc, etc. Des petites choses déjantées, sans forcément de sens ou de logique. J'aime bien l'écriture, il y a de belles trouvailles.
Merci.

   Anonyme   
25/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Louis,

Des traces partout. Traces de couleurs, de bruits, d’images. Traces nues mouillées d’inquiétude, que l’on suit pas à pas dans les dédales d’une nuit glauque qui se déshabille.
J’y ai vu la trame du drame d’un divorce qui sème partout ses envies de meurtre entre « je t’aime, aime-moi jusqu’au bout de la nuit » et « ne cherche plus tout est fini » écrit du « bout d’un rouge à lèvres » , très belles images au demeurant, dont certaines délicieusement déjantées.
Le tout dans une ambiance polar qui attise bien l’angoisse à laquelle je me suis laissée suspendre, levant un à un les voiles tout en gardant le mystère.

Un agréable moment de lecture
Merci

Cat

   Anonyme   
25/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Louis,

Par respect pour les commentaires chaleureux et inspirés que vous réservez aux auteurs oniriens, je me suis à mon tour fendu d’un commentaire presque aussi long que les vôtres :))

J’ai eu sincèrement le sentiment de lire un écrivain professionnel. Je pense même que certains d’entre eux feraient bien de venir se ressourcer chez vous. Pour autant, je n’aime pas tous les auteurs pros. Il m’arrive même assez souvent d’arrêter au premier chapitre. Ce ne fût pas le cas ici, et pas seulement parce que les chapitres étaient courts. Je ferai mes restrictions plus tard. Pour l’instant laissez-moi savourer la limpidité de votre style, dès que vous vous décidez à construire des phrases complètes… :

« Une porte s’ouvre sur la rue déserte. Un peu de lumière jaunâtre s’étale, vomie dans l’obscurité de la nuit pluvieuse et froide. L’eau ruisselle sur les trottoirs. »

Voilà quelques phrases parmi tant d’autres, qui savent par une concision parfaitement maîtrisée et des mots justes, créer l’atmosphère dans laquelle vous voulez m’emmener. Franchement, je trouve ça superbe, un des plus beaux styles que j’ai pu trouver ici, et je viendrai probablement vous relire lorsque j’aurai un doute sur ma propre écriture.

Alors, d’où viennent mes restrictions ?
D’abord, je ne les juge pas comme des défauts, mais plutôt comme la critique que vous fait mon goût personnel, lequel n’est pas plus important que le goût de mon voisin. En premier lieu, je n’aime pas la surabondance de phrases nominales dont vous abusez, quelquefois outrageusement, sur des chapitres entiers :

« Entre grilles fermées, et puis rideaux de fer baissés, et puis portes closes, et pluie, et rideaux de pluie : des mondes fermés, murs et façades, fenêtres grillagées. Et puis les carrosseries vides, une file ininterrompue, alignées le long des caniveaux, image choc de toute vacuité. Devant, au loin, le déversoir des brumes, reversoir de brouillard. »

Y’a pas de verbes dans votre dictionnaire ? :)) Je vous souhaite le même succès que James Ellroy, qui par paresse ou par mépris, a décidé un jour d’écrire en sténo. Et on continue de le lire. Mais je sais qu’il n’y a aucun mépris chez vous. La phrase nominale crée un style froid, utile à petites doses pour focaliser un mot ou un événement. En abuser rabaisse le style en le réduisant à un vice de la forme.
La deuxième chose, c’est que malheureusement, je n’ai rien compris à votre histoire. Je suis bien incapable de compter les personnages et de savoir qui a fait quoi. Je ne sais pas non plus s’il y a vraiment unité de temps et de lieu, entre ce qui semble se dérouler sous nos yeux et les divagations du narrateur, dont seule l’imagination glace le sang. Et là, j’ai eu un peu de mal à entrer dans son jeu.
J’ai eu aussi la désagréable sensation que les éléments étaient plus vivants que les personnages, ou plutôt, que vous leur faisiez vivre une vie dissociée de celle des personnages :

« Les murs de la ville balbutient sur enseignes lumineuses la boucherie chevaline, scandent le bon pain d’autrefois ; pharmacie, tabac et loto c’est sûr, c’est affaire de chance, des millions d’euros à gagner, c’est écrit, lisible jusque dans les profondeurs de la nuit. Les murs crient, obscènes, fulminent. »

Autant je peux comprendre ce délayage indispensable dans un roman, autant il me semble que la « nouvelle » en souffre. Ici vous ne focalisez pas sur un héros, vous faites un travelling sur la rue, sans changer la focale de votre objectif. Ça grouille, mais sans véritable passion (à cause de la distance) pour vos personnages.

Mais je veux surtout noter votre style, car je ne doute pas un instant de vous retrouver.

Cordialement
Ludi

   widjet   
25/4/2014
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Premier texte de l’auteur*.

Richesse du vocabulaire, sens de l’observation, oui, l’auteur a tout ça. Le style est intéressant notamment avec cette suppression de pronoms qui donne du rythme. J’aime aussi l’idée, le fait d’imaginer des vies, des drames, des intrigues au travers d’objets, des traces, indices que nous laissons et parlent pour nous, de nous. Néanmoins, les descriptions manquent de poésie selon moi, en effet à bien y regarder, l’auteur énumère plus qu’il n’image. A la longue, c’est un peu lassant et finalement, l’exercice, tout en restant agréable, n’est pas très audacieux et pas assez visuel. Mauvaise idée que ces genres de « dialogues » (« Casse-toi, putain, casse-toi, je veux plus te voir." "Attends-moi, je vais t’expliquer, je t’aime encore, je t’aime toujours, je n’aime que toi."), car cela donne une explication – et une « sentimentalité » qui ne s’imposait pas. Quelques répétitions gênantes (chaussure, chaussé et la dernière phrase de conclusion pourtant très belle voit son impact amoindri car elle est déjà indiquée quelques lignes plus haut, dommage)

Pourquoi des traces uniquement de femmes ?

Un premier texte prometteur, mais paradoxalement trompeur.

W

* non, c'est le second texte, en fait. Le premier datait de 2010.

   marogne   
25/4/2014
 a aimé ce texte 
Un peu
"Il ne savait pas, de l'endroit où il se trouvait, distinguer si l'éclat provenait d'une pièce d'or ou de la lame froide d'un couteau".... Je sais, ce n'est qu'une citation de mémoire du grand Stefan, une de mes nouvelles préférées...

Mais c'est un peu ce qui m'ait venu en mémoire à la lecture de ces quelques lignes. Et puis peut être "la lune dans le caniveau" et puis .... et puis encore d'autres clichés.


MArogne

   Anonyme   
26/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai beaucoup aimé suivre les indices et l'histoire que vous donnez aux objets traînant sous la pluie cela leur donne de la vie donc ne sont pas limités a de simples objets inertes.
En revanche il y a trop de ponctuations, cela donne un ton d'automate comme ces voix que nous entendons dans des reportages sur des faits divers, ça manque cruellement de nuances.
Ce n'est pas sensé être drôle mais là partie du sac à main qui contient chemisier et lingerie m'a fait sourire, et oui un sac de femme donne l'impression d'être sans fond.
J'ai aimé la fin qui évoque, selon mon interprétation, une agression. Mais là est la question sur le choix de catégorie de la nouvelle.

   Anonyme   
27/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Certes, Voici une nouvelle qui décoiffe, je veux dire qui « défrise » C'est sans doute parce qu'elle-même offre un aspect ébouriffée, mal peigné, à l'image de la femme qui apparaît à la fin, nue, dans la lueur des phares. Mais, bon sang, Louis, où allez-vous ? Que voulez-vous dire ? Quelle histoire racontée vous la ? Aucune ou plusieurs ? Et puis, cette narration est-elle trop imagée ou insuffisamment ?
Vous avez pris des risques, indéniablement. C'est qu' ici, le lecteur apprécie les balises et références, aimant être pris par la main, par le nez ou quelque autre appendice pour parcourir un récit linéaire.

Force est de constater qu'il n'y a pas ici vraiment d'histoire, plutôt un drame suggéré joué hors champ et dont n'apparaît in fine qu'un personnage incongru dans une nuit ruisselante, blessé dans son cœur et son corps et dont la fragilité renvoie au sang du début parsemé sur le trottoir. Non, il n'y a pas d'histoire en long, mais il il y en a une dans l'épaisseur de l'instant. Aussi, le style est-il à l'aune du récit. Il ne fait pas dans le fluide, plutôt dans le brutal et l'écorché. Les mots souvent sont comme les blocs de béton de la périphérie des villes sans tendresse comme l'asphalte où s'échouent les corps blessés. Il s'agit bien d'une peinture au couteau et non au pinceau de soie; les bribe de dialogue y sont autant de lames et et les extraits de chansons, des sanglots étouffés. Vous aurez compris que j'ai été fort sensible à ce récit quasi cinématographique qu'il m'a transporté dans un univers pluriel où mon imaginaire s'est complu.

   Anonyme   
27/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé lire ce poème un peu BD déguisé en nouvelle.

Après de si nombreux et fouillés commentaires, je souhaite juste apporter ici mon "contre avis" : les dialogues insérés apportent une tout autre dimension à la tristesse, à la monotonie de cette bruine, à ces lumières obscènes, à ces trottoirs qui deviennent presque des personnages...

"Et la nuit habille le trottoir, et le trottoir porte une chaussure, chaussé pour ne mener nulle part. "

   Myndie   
28/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour louis,

Moi aussi j'arrive après tous ces commentaires nourris, un peu gauche avec mes gros sabots car je suis plus rompue au commentaire de poésie qu'à celui de nouvelles, que je me contente d'apprécier -ou non - dans mon coin.
Mais celle-ci m'a tellement emballée que je n'ai pu résister à l'envie de mettre mon grain de sel.
J'ai aimé parce que c'est l'imagination qui parle, qui semble dire "regarde, moi je fais le reste". J'ai aimé parce qu'elle me prouve bien que, si l'idéal n'est pas de ce monde, heureusement, parfois la nature porte à la rêverie, à la contemplation, à la méditation.
Le contemplatif ne perd jamais son âme d'enfant ni sa capacité à s'émouvoir de tout. Après, ce sont les mots du poète qui donnent vie à tout ça. Rimbaud ne disait-il pas que le poète est un voyant, qui "inspecte l'invisible et entend l'inouï"?
J'ai aimé cette nouvelle parce que j'ai retrouvé tout cela et que je m'y suis retrouvée.
Qu'importe si chacun de ces petits tableaux brossés avec talent sont une seule histoire ou autant de petites saynètes, me voilà en train de suivre votre regard et d'embrasser toutes ces miettes de vie, miettes d'amour fracassé, miettes de nuit et d'insomnie. Me voilà en train de m'imaginer dans un film noir, - noir comme le dahlia peut-être? - en train de fouler l'asphalte "Entre grilles fermées, et puis rideaux de fer baissés, et puis portes closes, et pluie, et rideaux de pluie : des mondes fermés, murs et façades, fenêtres grillagées".
La poésie est omniprésente dans ce récit qui pourrait être qualifié de poème en prose.
Voilà. Alors moi aussi, j'ai certes relevé quelques maladresses et je me suis aussi interrogée sur ce fameux "sac à main" (eh oui, je suis une femme avant tout :-D!!)
Mais je veux ne retenir que le plaisir que j'ai eu à cette lecture et vous remercier de m'avoir fait rêver, d'avoir nourri mon imaginaire.

Amicalement

   Robot   
3/5/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Après avoir lu je me suis dit toutes ces diversions pour arriver à ça ! L'impression que vous aviez déjà une conclusion et que les chapitres ont été remplis pour y arriver. C'est bien écrit mais de traces en traces on finit tout de même par s'ennuyer. J'ai été appâté par l'intro mais la suite m'a déçue. Bien pour le style.

   TheDreamer   
3/5/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Texte éminemment visuel, quasi cinématographique. On a l'impression de voir des scènes successives, filmées tantôt de façon figée, tantôt en travelling.

Huis clos en intérieur/extérieur. Aucune présence, sinon "une ombre", des "silhouettes furtives", puis "un bonhomme rouge" et "un chat"... et puis, "un homme en rouge" et cette femme... nue.

Grande impression de solitude. Chaque élément du décor est décrit isolément.

"Aux feux, l’homme est en rouge" : est-ce le bonhomme du début ou un être humain ? On ne sait rien de lui, il nous tourne le dos. La couleur du vêtement identique brouille les pistes, comme la pluie et le brouillard.

   ameliamo   
15/5/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Je veux féliciter l’auteur pour son texte. C’est une écriture professionnelle, qui a un style remarquable. Sûrement cet écrivain laissera des « traces » dans la littérature de bonne qualité. Succès!

   Anonyme   
25/5/2014
C'est du cinéma. Des images et du son, donc.
De quoi nous parle ce petit film ? Un survol de la fréquence des mots employés :
trottoir 14 + rue 5 = 19
pluie 7 + eau 4 + nappe 1 + gouttes 2 +̶ ̶f̶l̶a̶q̶u̶e̶ ̶1 = 14
loin 10 + distance 2 + écart 1 + ailleurs 1 = 14
nuit 7 + noir 3 + obscurité 1 + tard 2 = 13
aime-moi 6 + je t'aime 3 = 9
rouge 6 + empourprent 1 = 7
femme 6
lumière 5
refrain ♪ 2 + rengaine ♪ 2 + musique ♫ 1 = 5
fermé 3 + baissé 1 + clos 1 = 5
bout 5
chaussure 5
brume 2 + brouillard 2 = 4
Il s'agit bien d'un travelling au ras du bitume, le long des trottoirs, un soir de pluie. Des effets, même pas des indices, sont laissées de loin en loin par une femme que l'on suit à la trace. Sur le noir, c'est le rouge qui domine. Les couleurs de la sensualité, du danger, du drame. Pas de ciel bleu ici. Du brouillard. Pas d'espoir. Le monde s'est fermé. La femme n'y trouve plus sa place. "Il n’y a pas de canal de l’autre côté du trottoir" nous donne une piste à la Nougaro : "C'est d'quel côté la Seine ?" ♪

Bien aimé le son "argentin" du tango. Jeu de mot.
À peine gêné par la répétition : "la nuit pluvieuse et froide", "froid pluvieux" et "Elle devait avoir froid, habillée de pluie" et par l'utilisation insistante des rappels de son comme "frissonnante" et "dormantes", "puis" et "pluie", "déversoir" et "reversoir". Ça doit avoir un nom mais je ne le connais pas. C'est un effet poétique top léché et trop léger - v'là que j'm'y mets aussi - pour évoquer un drame.
J'ai trouvé "malpropre" bien trop propre pour décrire le sale.

Un magnifique poème au final ! La liste des trouvailles poétiques est trop longue.

Quand je serai grand, j'écrirai comme Louis. Rêve !

Quand je serai grand, je serai Cristiano Ronaldo. C'est vrai que les jongles de Ronaldo sont spectaculaires. Les jours où on laisse les gamins accrocher leurs doigts au grillage du terrain d'entraînement, la machine à rêves tourne à plein régime.
Merci, Louis, de m'avoir laissé approcher pour admirer vos jongles et vos passements de jambes. Les jours de match, votre style doit être plus épuré, plus efficace, plus narratif. Votre entraîneur/éditeur vous en voudrait de passer tout le match à jongler :)
J'adore les séances d'entraînement !

J'adorais aussi regarder les matches exhibition des Harlem Globe Trotter. Ça partait dans tous les sens et à toute vitesse. Des virtuoses. Ce n'était pas du basket, mais c'était un sacré spectacle.

Je m'amuse. La métaphore sportive est un brin inappropriée. Je devrais évoquer plutôt une Master Class. Une Classe de Maître si l'anglais est prohibé :)

   chVlu   
2/6/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
une nouvelle diantre.....j'ai du déraper de la souris. Le texte roule comme "4 boules de cuirs" qui vient en mon esprit garnir en fond musical ma lecture. C'est sûr je dois être dans la rubrique poésie en prose. En voilà que j'enchaine "à bout de souffle". J'imagine un enquêteur visitant une scène de crime le cerveau en ébullition balayant le champs des possibles. Puis vient l'idée des labyrinthes à la JL Borgés et j'en parcours les couloirs avec délectation.

J'ai vraiment aimé surfer sur vos mots.

   jfmoods   
15/8/2014
Le point de départ de la description, le bar, déserté par ses clients, à présent relégué à sa solitude (personnifications : "whisky indifférent, Martini sec, Cinzano nonchalant, Suze placide", "un tabouret s'est couché sur le sol"), favorise l'ouverture sur l'imaginaire. "Une porte s'ouvre sur la rue déserte." Ainsi l'aventure s'amorce-t-elle, dans ce mouvement d'éloignement et d'élargissement progressif porté par la gradation anaphorique ("Défile le trottoir. Long défilé de trottoirs.") et deux métaphores maritimes suggérant l'appareillage ("Vagues d'asphalte.", "houle de trottoirs"). Le mouvement premier de prospection est souligné par les énumérations (musique sirupeuse, rengaines et refrains, répertoire des "je t'aime", "des mondes fermés, murs et façades, fenêtres grillagées"), le balisage initial du parcours par le constat clinique des nominales ("Presque rien... Reste glutineux d'un repas inachevé."). Des éléments, fonctionnant dans un jeu antithétique, se répondent au sol et dans l'air ("Parfois... une boîte de Coca..." / "Parfois une boîte de soda.", "déversoir des brumes, reversoir du brouillard"), comme pour mieux fixer une focale. La chasse aux signes de vie peut véritablement commencer. Le sandwich a servi de préambule. Vient alors le tour de la chaussure pour laquelle l'effet de gradation est spectaculaire. On passe en effet, en un éclair, de l'objet au surgissement de sa propriétaire absente ("… une chaussure de femme. Elle devait être jeune..."), puis des hypothèses aux certitudes ("Elle devait courir...", "Elle courait."). La gradation hyperbolique ("éplorée, trébuchait, éperdue"), par un prodigieux effet d'accélération, nous arrime au discours direct, à l'histoire, à l'image immédiate d'une rupture douloureuse faisant écho à la ritournelle du début. Par la suite, cette âme de femme, inventée, ne pourra plus être oubliée et servira de trame de fond obligée à la déambulation nocturne qui passe subrepticement par le "chat" et l'épisode des graffitis. Il s'établit, progressivement, un portrait à base vestimentaire ("le foulard", "un bracelet-montre", "un sac à main", "des vêtements, toute une toilette, une veste, un tailleur, fines lingeries", "un cheveu sur le chemisier") ; portrait que l'on alimente, au fur et à mesure, des strates d'une histoire personnelle ("l'homme qui la rejetait", le "père" malade, le "patron", l'"avocat", le "divorce", la "petite fille"). Jusqu'à ce que la femme se présente tout à fait dépouillée (anaphore : "nue", "une femme nue" x 2, "une femme nue traverse la rue"), c'est-à-dire dans la transparence de ce que l'imaginaire aura révélé d'essentiel sur elle. À ce stade, on pense forcément au poème en prose "Les fenêtres" de Baudelaire dont voici la fin...

"Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous : "Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ?" Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?"

À sa manière, le poète partage les misères humaines. En saisissant, chez l'autre, cette part d’humanité qu'il semble être le seul à apercevoir, il devient cet autre. Ce trottoir, "chaussé pour ne mener nulle part", le monde intérieur du poète lui ouvre un univers intime. Le mouvement d'empathie fait éclore cette écriture qui, au travers d'images poétiques, traverse, anticipe, ressent.

Merci pour ce partage !

   Asrya   
23/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Dès la première phrase, je me suis dit : "Ah ! Ça ça me plaît !"
Ce rythme saccadé, phrases courtes, peu de verbe ; c'est vraiment une manière d'écrire qui me charme, me happe et m'incite à continuer la lecture.

Alors je continue.
Et plus je continue, plus je me dis : "Mince où il veut nous emmener... "
Je n'abandonne pas et lis jusqu'au bout pour comprendre. Seulement à la fin, troublé, sentiment d'incompréhension.

Alors je me dis, bon, je vais relire une seconde fois, quelque chose m'a peut-être échappé.

Deuxième lecture terminée, mon sentiment n'a pas changé.

Le style d'écriture me plaît énormément, je trouve cela formidable, intense, beau.
Le fond quant à lui, me laisse perplexe, je ne comprends pas.

Alors, je me suis laissé aller. J'ai essayé de m'imaginer la scène en espérant coller à celle que vous souhaitiez traduire.
J'en ai tiré une histoire, qui n'est peut-être pas celle que vous nous avez soumise ; désolé.

"Une femme, dans un bar, abusée par les vapeurs alcooliques sort dans la rue, croise à maintes reprises des banalités de la vie, du bruit, de la lumière, du vomi, des voiture : des traces ; et plus elle avance, plus l'alcool lui monte à la tête, inhibant sa pudeur.
La voilà alors qui se pavane dans la rue complètement nue, oubliant ses affaires dans la rue ; oubliant les blessures de sa vie. "

J'espère avoir saisi l'essentiel,
Quoi qu'il en soit, merci pour ce texte et ce style d'écriture envoûtant,

Au plaisir de vous lire à nouveau,

Asrya.

   Pouet   
29/9/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Slt,

des traces... Des écrins de cris, des brisures d'amour et des tessons carmin ; car que peut-il nous rester si ce n'est la fumée des songes, cette ritournelle à l'envers qui ne parle même plus de nous mais qui semble nous taire dans des moiteurs d'alcool. Des traces... là où s'est couché le tabouret où l'instant s'est assis avec un petit crème ou un diabolo braise, les bouteilles ne roulent que du côté de la mer pourtant la plage est interdite aux conscience molles où les empreintes de boue nous couchent à chaque geste. Des traces...une porte qui s'ouvre sur un western en habits d'illusions où l'on entend quelques notes d'un piano aqueux effleurant la passion comme on effeuille la nuit en pétales mica, il n'est plus temps de s'asseoir sur une chaise gouffre. Des traces...À l'intersection de nos atermoiements l'ombre d'un trottoir rouge pour nous bonshommes d'asphalte, nous murmurons des secrets à un ailleurs qui n'existe pas, nous sautons à cœurs joints dans des flaques d'asphyxie. Des traces... Des fermetures éclairs sans orage qu'on remonte vers un ciel trop bas pour nos éclats de rire, ce qui est ouvert n'est que leurre du néant, du "je t'aime". Des traces...ne pas saborder le navire avant l'îlot central, trop de circonvolutions amènent à la pensée navrante dans sa coloration de soute car sans doute que l'envol vaut mieux que l'empreinte et que les traces y sont moins tenaces. Des traces....Une sortie de boîte qui finit mal entre deux pantins plus ou moins désarticulés sous les yeux compréhensifs d'un chat d'émeraude. Dans le statique règne la course, la rue porte des vêtements divers dans cet été des sens, ces contresens des sentiments. Des traces.... Qu'attendre de la ville lorsque la ville n'attend plus rien. Il y a la crudité de l'aube. Les séparations sont perpétuelles, les êtres humains indéfinis. Demeure une scène qui saigne et cette indifférence urbaine qui laisse... des traces de cette femme éperdue.

   Eskisse   
29/9/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Louis,

Guidée par un éclaireur ;), me voilà découvrant un texte d'une intensité folle.
La parataxe et la succession des phrases nominales qui font le style créent un effet "caméra à l'épaule" pour décrire cette scène de point de rupture. L'instabilité visuelle ainsi créée épouse celle du personnage féminin et dit son désespoir.


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