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Sentimental/Romanesque
Marsupilmi : Maman
 Publié le 12/03/07  -  5 commentaires  -  7835 caractères  -  34 lectures    Autres textes du même auteur

À ma maman.


Maman


Maman


Maman. Bien-être. Chaleur. Sécurité. Douceur. Satiété. Bonheur.

Il n'y a que quelques heures que j'ai vécu ce moment affreux, où le froid m'a saisi brutalement, où la lumière insoutenable m'a forcé à crisper mes paupières closes, où j'ai hurlé mon désespoir.

Après quelques péripéties sans importance, j'ai retrouvé le contact avec Maman : on m'a posé sur son ventre chaud, elle m'a proposé à téter mais je n'y suis pas parvenu. Ça n'est pas grave, j'ai retrouvé son odeur, le battement de son cœur, que je perçois plus faiblement mais qui me rassure, et je m'endors.


J'ai appris à sucer ses seins et à boire son lait, ainsi que d'autres liquides à l'aide d'un simulacre de sein.

J'ai fini par ouvrir les yeux. Puis j'ai appris à jouer, avec mes mains, avec mes pieds, avec tout ce que mes yeux découvrent, une infinité de choses nouvelles. Tous les soirs Maman me plonge dans l'eau chaude de ma baignoire. J'ai appris à taper sur l'eau et c'est extraordinairement amusant et cela fait crier maman. Elle crie, mais elle ne se fâche pas vraiment.

D'ailleurs elle ne se fâche jamais. Une seule fois j'ai perçu de l'anxiété dans sa voix lorsque, le téléphone s'étant manifesté, elle a demandé à Papa de me surveiller ; j'étais étendu sur ma petite table à langer et lui, debout à côté, ne perdait pas de vue l'écran de la télé où l'ailier du XV de France courait à toute allure vers la ligne d'en-but, et j'en ai profité pour faire le grand pont et tenter la roule-barrique. Il m'a rattrapé de justesse et Maman a poussé un grand cri qui m'a fait peur. Mais ce n'était pas de la colère après moi.


Les meilleurs moments de la journée sont ceux que je passe avec elle, contre elle. Le temps fort, c'est après le biberon du matin ; elle prend son petit-déjeuner en peignoir et me tient sur ses genoux. Je cramponne l'ouverture de sa chemise de nuit, je parviens quelquefois à me dresser, presque debout en château tremblant, ou bien la chemise de nuit cède et dévoile un sein ou deux. Elle rit et se rajuste. Je peux faire tout ce qui me tente, elle rit. Elle repousse sa tasse, son pain, le beurrier et le pot à confiture mais je suis rapide et j'ai réussi à plonger ma main dans le miel : elle rit. Elle me lèche la main, je lui cramponne le nez, elle rit. Elle dit:


- Il faut que je coupe tes ongles, tu griffes !


Dehors il fait chaque jour un peu plus beau et chaud. Elle ouvre grand la fenêtre face au soleil et s'étend dans une chaise longue, toute nue avec moi sur elle, tout nu aussi. C'est un instant idyllique. Je me pelotonne contre elle, la tête entre ses seins, et je m'endors.

Nous sommes souvent nus, elle et moi. Le matin, elle me recouche pour pouvoir vaquer tranquillement à ranger la maison, mais je hurle. Au début elle a tenté de travailler d'une main en me portant de l'autre, mais c'était trop incommode. Elle a acheté un porte-bébé et fait sa vaisselle et son petit ménage avec moi, endormi.


Sitôt qu'elle entre dans la salle de bain pour sa toilette, je me réveille. Elle me pose par terre et s'efforce de parer mes bêtises et maladresses. Cela rend sa toilette périlleuse. Quand je me dresse entre ses jambes, ma tête vient contre le coussin moelleux de ses fesses. Il m'est arrivé de faire de même de l'autre côté, là où elle a comme des petits cheveux frisés, et cette fois ma tête a buté contre le dessous du lavabo ; elle a frotté ma bosse, j'ai hurlé longtemps, elle m'a fait avaler des petites pilules d'arnica et m'a mis au lit, et cette fois je me suis endormi. Depuis je me méfie de ce lavabo.

Elle est obligée de me prendre avec elle dans la cabine de douche, ou bien dans son bain. Il arrive alors que je lui fasse un beau cadeau. Elle rit ! Mais elle a acheté un paquet de couches étanches pour ces occasions-là. C'est pas parfait, mais ça limite les dégâts.

Je n'avais pas trois mois lorsque j'ai vu couler un liquide rouge le long de sa cuisse. Elle s'est nettoyée, puis a enfilé une culotte. Ce genre de choses se reproduit régulièrement. Tous les mois j'en suis témoin, et ça me fait le même effet que de voir tomber la pluie ou sentir le vent sur mes joues : un phénomène naturel.

De même quand maman fait pipi. Ça m'a pas mal intéressé, au début, moins à présent.


On m'a fêté mes deux ans en cette fin novembre. Je suis toujours le petit dieu de maman, même si elle me semble plus restrictive qu'autrefois. Elle rit moins facilement de mes bêtises, aussi je force mon talent, et n'y gagne que des remontrances, voire une claque sur la cuisse, ce qui m'a outré.

Le temps s'est mis au froid, mais quand nous nous installons pour lire au lit, maman et moi, que je me pelotonne contre son ventre, entre ses seins, il y fait toujours aussi chaud et doux.


Mais voilà que son ventre s'arrondit, de jour en jour plus visiblement. Papa la prend souvent dans ses bras, lui caresse le dos avec insistance, et elle dit :


- Oh oui ! c'est bon, plus fort sous les omoplates.


Et moi je dis :


- C'est quoi, les omoplates ?


Ce qui les fait rire bêtement, tous les deux. Car je commence à parler assez couramment, on me dit que je vais bientôt aller à l'école, maman m'y a emmené pour un premier contact avec la directrice, qui a pris bonne note de mon inscription dans moins d'un an.

Le ventre de maman est devenu énorme, elle ne pouvait plus me soulever, ce fut une époque assez pénible, où elle était souvent fatiguée, et moi grognon, me tournant plus volontiers vers papa, du moins quand il était là.

Je me suis réveillé un jour avec la voisine qui m'a dit :


- Eh bien tu as une petite sœur.


Je n'ai rien compris à son truc, jusqu'à ce que papa m'emmène voir maman, couchée dans un autre lit que chez nous, et qui tenait un vermisseau tout rouge dans ses bras en le couvant du regard avec adoration. C'était, paraît-il, Caroline.


Dès cet instant j'ai haï cette chose, qui semblait retenir toute l'attention de maman. Et il aurait fallu, en plus, que je l'embrasse ! Cette exigence m'est apparue au-dessus de mes forces et m'a inspiré une grimace qui a fait rire mes parents.


Aujourd'hui j'ai 20 ans, Caroline 17 et des bretelles. Elle est un peu ma meilleure amie. On a été chien et chat pendant de longues années, et puis on s'est trouvés. Un beau jour on s'est aperçu qu'on aimait le même cinéma, je l'ai emmenée voir un truc japonais qu'elle ne connaissait pas, elle m'a fait découvrir un auteur américain que j'ignorais, nous écoutons avec ravissement les mêmes disques. Elle a une foule d'admirateurs et de boy friends car elle est ravissante, mais le lien de notre complicité est pour l'instant plus fort que tout autre.

J'ai eu de mon coté deux ou trois béguins, rien qui n'ait progressé au-delà de quelques baisers et palpations. Je suis trop timide et trop orgueilleux en même temps pour pousser mon avantage éventuel.


C'est Juliette qui me dévergondera, dans quelques mois, elle qui décidera que l'homme de sa vie, c'est moi. Elle saura user des ruses subtiles qui m'amèneront à lui dire "Je t'aime", chose que j'avais déjà dite, mais sans grande conviction ; cette fois-là non plus, ce ne sera pas vrai, mais ce sera sincère puisque c'est le mot de passe pour qu'elle se dénude et m'offre son corps.

Ensuite, il nous faudra des semaines, des mois pour découvrir que nous formons un bon attelage, un bon équipage par bonne brise. La vie se chargera ensuite de nous faire affronter le gros temps.


C'est tardivement, la grande maturité venue, que j'ai compris que ma mère, qui m'avait habitué tout bébé à considérer une femme dans toute sa nudité, sans aucun mystère, sauf bien sûr celui de son plaisir, et avait tranché net le cordon à la naissance de ma petite sœur, m'avait préparé de la meilleure façon qui soit à rechercher une autre femme pour former cette chose rare et fragile, inexplicablement forte aussi : un couple.


 
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   Jeff   
12/3/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Que c'est mignon. Frais et mignon. Je ne trouve ps d'autres mots ni qualificatifs. Bien sûr, plusieurs fois l'on se demande où l'auteur veut en venir, quel est son but à parler avec naturel de cette intimité... et il vous faudra aller jusqu'à la conclusion pour savoir.
Merci de nous faire partager ces instants rares...

   Maëlle   
17/3/2007
Souvenir inventé d'un temps qu'on est censé avoir tous oublié. Et ça fonctionne, en équilibre sur la corde raide, de raconter des choses que pas un adulte ne peux vraiment imaginer.

   Nono   
22/3/2007
Le raccourci d'une vie, mais qui se lit au ralenti, pour savourer, se rappeler soi-même des moments enfouis au fond de notre mémoire.
Sur la route quotidienne et trop rapide de la vie, ce moment d'arrêt au carrefour, ce regard dans le rétroviseur et sur les côtés, c'est ce qui nous aide à aller plus loin.
Bravo.

   Tchollos   
3/5/2007
Très joli dans la forme comme sur le fond. Sensible et sincère. Ce petit texte se déguste. Je suis assez insensible au témoignage un peu nostalgique et pourtant j'ai aimé. Il y a ce côté rêve éveillé qui me plait. La vérité toute nue et universelle ou presque.

   nanardbe   
4/5/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
vraiment très sympa et "rafraichissant"

J'aime beaucoup ce petit texte bravo


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