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Sentimental/Romanesque
Mikard : Panne de flamme
 Publié le 27/06/25  -  5 commentaires  -  12021 caractères  -  38 lectures    Autres textes du même auteur

Quand la flamme s’éteint, on se demande pourquoi, alors qu’il suffisait d’entretenir le feu.


Panne de flamme


Magistral, implacable dans le final, la bonne surprise de la soirée, incandescent aussi par moments…

À la réflexion Betty raya incandescent, puis raya tout, fit une boule de papier et visa la poubelle.


– Fait chier, soupira-t-elle.


Depuis un quart d’heure, au lieu de bosser sur sa compta, elle s’essayait à rédiger un compte-rendu sur son dernier rapport amoureux ! Il lui fallait décrire avec des mots ses sensations d’après, il ne fallait pas tricher avait dit le docteur.

Si on était déçu, il fallait le dire avec les mots justes, on pouvait aussi mettre une note et ne pas oublier la date.

Complètement naze ce truc, pensa-t-elle comme à chaque fois.

Betty et Lucas Fleury étaient mariés depuis plus de vingt ans, pas d’enfants, des revenus confortables, une vie urbaine cool, la cinquantaine approchait sans appréhension aucune. Pourtant, un soir, à la fin d’un dîner en tête à tête dans un restau près de la Bastille, Lucas posa une question contrariante.


– Globalement, t’es satisfaite de notre vie intime aujourd’hui ?


Betty traînassait sur la carte des desserts, en aurait bien pris trois, procédait par élimination, minimisait l’apéro et les hors-d’œuvre, le bilan gras-sucre-alcool n’est pas si mauvais, pensait-elle, allons, elle pouvait se lâcher encore un peu !!!


– Bof, tu sais, on n’a plus vingt ans ! T’as vu, ils ont inventé le dessert bio, n’importe quoi !

– L’âge, ce n’est pas une fatalité, répondit Lucas.


Et plus bas :


– Je te dis ça, car on m’a parlé d’un sexologue… ces gens-là, c’est leur métier.


Et encore plus bas :


– On pourrait aller le voir… t’en penses quoi…


Betty entendit à peine, sur la carte des desserts, ils avaient marqué « new » sur les « fondants chocolat », c’était tentant, mais bon, rien de nouveau avec le chocolat. Elle répondit quand même distraitement.


– Si tu veux, oui…


Le lendemain, dans la soirée, Lucas annonça bravement qu’il avait pris rendez-vous chez LE sexologue de la place de Paris. Ce grand professeur en baise pratique la thérapie littéraire. On écrit ses problèmes, et lui tente de les résoudre ! Betty qui avait déjà oublié cette promesse mais pas le restaurant essaya de paraître concernée.


– Ah, super !!!


En cherchant le sommeil, Betty pensait à Lucas et à ses soucis. Elle a bien sûr sa part de responsabilité, entre les apéros entre amis, la malbouffe assumée, son horreur des légumes, elle a pris des kilos, deux puis cinq, puis dix, puis… putain de café gourmand. En fait, tout est de ma faute, se disait-elle ; faut que je sois plus sexy. Je vais me documenter sur les lipides, les autres trucs aussi… et puis retourner au fitness, en un mois, ça devrait le faire.

Au début, dans ses exposés, il va écrire sur mes kilos, c’est sûr, et puis après, il va se rendre compte et mettre des mots sympas. C’est un vrai challenge en fait, pensait-t-elle en s’endormant.

Lucas est l’homme de sa vie, elle n’a pas le droit de le décevoir, mais bon, quelle idée il a eue !

Arrivés dans la salle d’attente le jour J, Betty faillit éclater de rire. L’ambiance était vraiment pépère, un couple papy/mamy faisait des mots fléchés ensemble, une dame aux cheveux bleus qui avait dû être très belle regardait à l’autre bout de la salle un homme assoupi qui devait être son compagnon.

Musique d’ascenseur, plantes vertes, journaux raisonnables.

Elle n’avait pas imaginé le casting d’un film porno, mais là quand même !

Cool, on est les plus jeunes, pensait Betty tout en méditant sur ce que les gens venaient chercher ici, peut-être de la compagnie tout simplement.


– Ça va pas finir en partouze, j’espère, murmura Betty à l’oreille de Lucas qui sourit à peine.


Quand vint leur tour, il faisait presque la gueule.

Le professeur en sexologie avait de l’humour et prenait la Carte Bleue. Il expliqua longuement sa méthode. Comme il ne pouvait pas assister physiquement aux ébats, cela aurait été incorrect, il demandait aux participants de décrire après coup, si l’on peut dire, et le plus précisément possible ces moments d’extase. Ensuite il analysait, comparait, et donnait ses solutions. La marche à suivre était simple, après chaque rapport amoureux, ils devaient en faire un récit, séparément et sans se concerter. Trois jours avant le deuxième rendez-vous, chacun envoyait sa version, on pouvait le faire par mail, et ainsi de suite, au fil des contacts, on progressait. C’était, disait-il, une analyse de couple ciblée.


– Et si on ne trouve pas les mots justes, on peut mettre une note en plus.


Betty se demanda si c’était de l’humour carabin.


– Une note sur combien ? rebondit Lucas qui retrouvait ses vieux réflexes d’enseignant.

– On part sur une grille de 10, vous aurez plus de latitude dans la notation, mais soyez honnêtes, vous ne notez pas votre performance, je veux seulement connaître votre ressenti immédiat et n’oubliez pas la date.

– Donc, on part sur une notation sur 10, dit Lucas.


Tout de suite le courant était passé entre eux. Lucas posait plein de questions, l’autre en faisait des tonnes sur sa méthode, se vantait d’être à l’écoute. Il allait réussir, enfin, vous allez réussir, rajouta-t-il, car, ce sont vos écrits qui me donneront les clés, moi, je vous ouvre les portes, c’est tout, les portes de la passion. Waouh !!!


À peine sortis dans la rue, Betty explosait déjà.


– 100 balles pour ça, c’est de l’arnaque, il peut se le carrer son rapport.

– Mais pas du tout, moi j’y crois, la sexologie, c’est une vraie science, il a une approche nouvelle c’est tout, tenta Lucas.

– Mais Lucas, réfléchis ! Baiser, ça fait partie de la vie, comme manger, dormir, aller aux toilettes, je te fais pas un compte-rendu à chaque fois que je vais pisser.


Lucas n’aimait pas trop quand elle s’emballait comme ça, sa vulgarité, le ton de sa voix lui faisait perdre ses moyens, il s’entêta quand même, un peu hargneux.


– Moi, j’y crois !


Betty capitula, il y tenait manifestement. Elle s’en sortit avec humour, comme souvent.


– On commence quand… ce soir ?


Ils éclatèrent de rire, c’était parti.


Ce matin-là, Betty traîne à la cuisine, elle prend juste un thé maintenant, sans sucre. Le réveil a été torride, elle n’est pas du matin d’habitude, mais là pas de remords et puis c’est dimanche.

Comme d’hab, Lucas s’est isolé avec son portable pour rédiger à chaud.


– Alors, t’as mis quoi ?

– …

– Dis-moi juste la note ?

– …


Pas de réponse, en chantonnant, il se beurre ses tartines tranquillement, sort la confiture, les muffins, le jus d’orange, ben voyons !

Depuis quinze jours que le programme a commencé, c’est un jeu entre eux, Lucas, en vrai geek, rédige sur son netbook, Betty a choisi le papier, ils se sont promis solennellement de ne pas aller fureter dans les commentaires de l’autre, Lucas y tenait absolument. Betty le teste régulièrement, mais c’est une carpe, elle craint par-dessus tout des remarques sur son volume, des comparaisons humiliantes, ce sexologue de mes deux va bien rigoler en lisant ça, pense-t-elle.

En réalité, Betty n’a pas écrit une ligne, elle n’arrive pas à en parler, c’est intime, et puis surtout, elle s’en fout, pour elle, il n’y pas de problèmes, c’est secondaire ces histoires de plumard.


– Ça me soûle vraiment, il ne pourrait pas m’aimer comme je suis ? Tant mieux s’il y en a un peu plus !


À la Défense, dans la tour de l’entreprise, la pause de midi est sacrée. Certains se retrouvent dans les restaurants de la place, d’autres mangent rapidement à leur bureau en aménageant leurs horaires, certains vont à la salle de sport inter-entreprises.

Depuis trois semaines Betty a changé ses habitudes, finis les exploits culinaires du midi avec les copines. Une demi-heure de rameur à la salle, un quart d’heure en tête à tête avec une salade bio, et beaucoup de temps pour tenter de décrire ses ébats conjugaux.

Tous les jours elle cherche des idées, impossible d’en parler avec des collègues, l’histoire ferait le tour de la boîte, elle trouve bien des modèles de texte sur Internet, mais ça sent la performance, le mauvais cul, tout sauf l’amour.


– On revoit le professeur la semaine prochaine, au fait, t’es prête ?


Lucas réfléchit devant le frigo, ils viennent de terminer leur dîner, mais il a une petite faim !


– Et puis, on pourrait se faire un petit restau, non, ça fait longtemps ?


Betty est furieuse, elle a perdu cinq kilos, presque six, il n’a rien remarqué, pas une allusion, rien, il doit quand même le mettre dans ses foutus commentaires d’après coup !

Lui n’a rien vu et d’ailleurs personne n’a rien vu. Elle enrage. Sa mère qui a l’œil exercé et le soupir impitoyable n’a fait aucune allusion, seuls les brocolis et les pamplemousses sont au courant.

Elle prétexte un boulot à finir, lui va se coucher, satisfait.

Son netbook est là, tentant, elle a juré bien sûr de ne pas aller fouiner, mais c’était il y a un mois, une éternité, tant pis, elle veut savoir, elle allume.

Pas possible, le filou a mis un mot de passe, la confiance règne, pense-t-elle, déçue.

Vu le contexte, elle essaye « rondelette », non ; « opulente », non ; « pansue », quand même pas !

À court d’imagination, elle tente un autre domaine, « panne de cul », « morne baise », etc.

Rien non plus, il a vraiment blindé sa prose, inquiétant ça.

Avant d’abandonner, elle tente des trucs bateaux, bien cucul, rien non plus et puis soudain, bingo !

« Femme de ma vie », Betty est bouleversée.

Les fichiers s’ouvrent, et tout de suite, elle sent monter les larmes, c’est un vrai chant d’amour, pas d’allusion à ses rondeurs passées, pas de notes, heureusement ! Parfois, il écrit en vers, les scènes de sexe sont décrites avec des métaphores, rien d’indécent, seulement des trucs interminables sur son amour pour elle.

Betty pleure comme jamais. Depuis un mois, elle ne pense qu’à ça, elle a tout imaginé, une rivale plus mince, plus jeune, une bombe érotique, un changement de cap tardif.

Et puis là, ce qu’elle rêvait d’entendre depuis toujours, écrit, pas à elle, bien sûr, mais sur elle à quelqu’un d’autre, pourquoi c’est si compliqué ?

Demain, elle va ouvrir les vannes, les mots lui viennent déjà, elle peut en écrire des livres entiers sur ces vingt ans de bonheur, le toubib va avoir de la lecture.

Dans la salle d’attente bondée, les mêmes gens à la recherche de leurs vingt ans, toujours cette ambiance sinistre. Dans cette société où on ne se parle plus, des couples cherchent des intermédiaires pour se dire les choses les plus intimes, drôle d’époque, mais qu’est-ce qu’on fait là, pense Betty.

Le docteur a l’air soucieux, il a tout édité, deux tas de pages A4. Avec un sourire malicieux ou mécontent, il prépare son speech.


– Monsieur et madame Fleury, vous n’êtes pas muets ou malentendants, vous parlez la même langue, vous vivez au même endroit… alors ? Vous auriez pu vous dire tout cela en direct, lors d’un week-end en amoureux ou d’un dîner en tête à tête, plutôt que de passer par moi. Vous êtes en osmose, dans tous les domaines. Vous avez juste besoin de vous le dire, vous avez cette chance, profitez-en… Et maintenant, au revoir, moi, j’ai du travail !


C’est brutal mais clair, et gratuit, cool !

Dans les jardins du Luxembourg, les sénateurs soignent leur sortie. Au loin, les fenêtres du palais s’allument une à une, tout autour, Paris s’active. Bientôt, des groupes de jeunes se formeront près du bassin, mais là, en cette fin d’après-midi, c’est l’heure des derniers touristes, des joggeurs. Un senior tatoué passe, olympien, sa trottinette à l’épaule. Les statues antiques regardent tout ce petit monde citadin favorisé.

Betty et Lucas sont assis sur un banc, ils n’ont pas réussi à en parler, Lucas prend sa main, ils n’ont jamais été si proches.

C’est donc ça la cinquantaine !


 
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   David   
15/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Comme le mot de passe, je trouve la phrase de fin un peu... cucul. Cette fin plus globalement est quand même excellente, avec ce médecin, presque considéré comme un charlatan par l'héroïne, qui s'avoue inutile devant tant d'harmonie ! Le meilleur morceau est quand même la traine de la crainte de la narratrice pour son poids, qui fait une bonne part du cœur du récit, avec humour et légèreté.

Comme la dernière phrase, le titre n'est pas terrible, d'un point de vue euphonique (à le réciter, on pourrait intervertir les N de panne avec les M de flamme) et aussi car il ne centre pas vraiment l'idée : l'angoisse de Lucas - ce doute sur leur vie intime - passera loin, très loin, comiquement loin de celle de la narratrice - son doute sur son poids. C'est pas un drame mais ça fait le cadre physique de l'histoire, c'est dommage.

Il reste une bonne petite histoire, dans un sens méritant : il n'y a pas de prétentions littéraires, je veux dire de faire jaillir une pyramide de lectures successives des deux dimensions du texte, et le "cucul" s'assume largement au-dessus du niais, il y avait même encore de la place pour du potache.

   Provencao   
27/6/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Bonjour Mikard,

Déçue de votre écrit, je n'y ai pas trouvé l'écriture littéraire souhaitée et pourtant l'art de l'écriture a pleine conscience de son dessein et y met de sa dimension.Pour moi véritable apogée de la nouvelle, même puissance émanante impulsive des secrets de l'âme et non reprimée dans des limites...

Déçue...une autre fois.
Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   Salima   
30/6/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime bien
Ha ha ! J'ai bien aimé dans l'ensemble, et dans certains détails aussi.
En fait, parfois j'ai la flemme de découvrir un texte, alors je triche et je lis les discussions sur les publications dans le forum. Après quoi je suis venue ici.
Il me semble, Mikard, que l'œuvre correspond exactement à la présentation que vous en faites.
Je me permets de critiquer un peu sévèrement votre affreux micmac dans la focalisation et dans les temps, vous maltraitez la concordance d'un bout à l'autre, vous auriez dû, absolument DÛ, choisir entre le passé et le présent.
Au niveau des pronoms, ici :
"Quand vint leur tour, il faisait presque la gueule." je me suis demandée un instant qui était le"il".
"En cherchant le sommeil, Betty pensait à Lucas et à ses soucis." Ici, j'ai trouvé que Betty aurait dû être remplacée par "elle".
Voilà les seuls 3 points où je vois à redire.

J'apprécie le langage cru de Betty et son penchant pour la bouffe. J'apprécie votre façon de typer les personnages par leurs dialogues et leurs actes, et non par des analyses. J'apprécie l'idée générale.

Merci pour la lecture bien agréable. Au plaisir !

   Donaldo75   
17/7/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Allez, je commente au fur et à mesure de ma lecture. J’aime bien la spontanéité du début ; pourtant, le thème amené dès la question de Lucas à Betty résonne comme un de ces films français où des quinquagénaires épuisés recherchent l’essence de la vie dans des interrogations existentielles sous le regard de leurs proches. Je ne suis pas fan de ces morceaux de théâtre filmé où Bernard Campan, Jean-Pierre Darroussin et d’autres acteurs encore plus charismatiques me font presque regretter les publicités pour Carglass. Bref, je ferme la parenthèse.

Il n’y a pas trop de dialogues et surtout pas des longs qui invariablement feraient penser aux films que je viens de citer.

« Le professeur en sexologie avait de l’humour et prenait la Carte Bleue. » Je crois que cette phrase, qui a l’air banale, explique bien le style déployé dans cette nouvelle. Elle est presque naturaliste.

Je ne comprends pas trop le passage au présent de l’indicatif. Il jure un peu avec ce qui a précédé.

Bon, en résumé, l’histoire est plaisante, bien racontée, un peu gentille certes mais c’est le thème qui veut ça je suppose et finalement elle est quand même proche de la réalité que vivent les couples tels celui formé par Betty et Lucas.

   Laz   
9/8/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour Mikard,

Je n'arrive pas à dire mon idée globale devant votre texte. Il est léger, et c'est plutôt une bonne chose, mais cette légèreté est aussi un certain manque de consistance... Alors je me dis qu'il y a eu pas mal de passages agréables et que dans l'ensemble j'ai passé un bon moment de lecture.

Merci !


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