Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
moschen : Banni
 Publié le 10/07/25  -  2 commentaires  -  11531 caractères  -  10 lectures    Autres textes du même auteur

Un frère d'une fratrie de trois se sent exclu à la mort de sa mère.


Banni


À la mort de ma mère, j'ai cru que tout serait plus simple. Comme si ce trépas signerait la fin d’années de galère. Mes dettes effacées. Je voulais vendre la maison au plus vite. Mon frère aîné Georges savait que j'avais besoin de cet argent, rapidement. Il a tout fait pour que la vente traîne en longueur. Il s'était accoquiné avec une jeune femme, une droguée, alcoolique, maigre et aigre aussi, qui semblait lui susurrer à l'oreille des choix qui me révoltaient. Elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas. Un signe de mauvaise éducation. Pendant le dernier repas pris ensemble, j’ai dit à haute voix tout le bien que je pensais de cette femme, tout le bien que je pensais de cette imposture. J'ai eu tort. Georges me l'a fait payer. Quelle couille molle ! Elle avait griffonné deux toiles et se prenait déjà pour une artiste. Georges flattait son talent. Il était bien le seul.


Il fallait choisir un cercueil. Je pensais qu'un premier prix serait suffisant, pour que le tout finisse dans les flammes. Jean-Jacques s'est rangé du côté de Georges et je voyais une partie du pactole fondre comme neige au soleil. On s'est disputé sur le choix des fleurs. Pire encore, ils ont lancé des invitations à toute leur bande. Des parasites qui n'avaient jamais connu, ni même vu maman de son vivant. Maman m'avait assuré qu'il fallait se consacrer aux vivants, que c'était écrit dans les textes. Que les morts s'occupent des morts. J'ai pris cela au pied de la lettre.


Ma mère a laissé un courrier, une dernière lettre en forme de testament. Quand le notaire nous en a fait la lecture, je suis resté scotché au siège. Ma mère voulait presque me déshériter au prétexte que je dilapiderais ma part dans l'alcool et les jeux. J'ai pensé qu'on lui avait tenu la plume. J'ai protesté. Elle avait fait un petit accident cérébral juste avant. On croit connaître ses proches. On se trompe. Peu importe ce que tu entends de leur bouche. Ce sont leurs actes qui en font des ennemis, jusque dans l'au-delà.


Georges a insisté pour conserver le tableau de César. Je considérais cette œuvre mineure, sans envergure, à tout le moins de piètre qualité. Sûrement sans aucune valeur de revente. J'avais jeté mon dévolu sur une petite statuette en bronze. Une copie d'un Rodin, avec un poinçon et un numéro. Quelle bande d'imbéciles ! Et la Rolex de mon père qui devait bien entendu me revenir. Des tractations sans fin, preuves de leur vénalité. J'avais passé tant d'heures à ses côtés, à la nourrir à la cuillère, lui faire goûter du melon, des fraises, à essayer de lui redonner goût à la vie, à la soutenir dans ses derniers instants. Et voilà ma récompense !


Au bout de trois semaines, un premier acheteur s'est manifesté. Enfin quelqu'un de sérieux ! Il m'avait semblé connaître son nom. J'aurais juré avoir affaire à un ami de Georges. Un autre agent immobilier sans scrupules. Il proposait un prix indécent, vingt pour cent inférieur au prix du marché. J'ai immédiatement pensé à ceux qui allaient bénéficier de la différence. Si le bien se retrouvait à nouveau en vente, ils empocheraient la différence. Elle ne viendrait pas garnir mon portefeuille. Jean-Jacques a applaudi des deux mains. Quel con celui-là ! Incapable de se faire une idée par soi-même.


Mes frères me narguaient. Je les voyais jubiler dans mon dos. Et cette courtisane qui se joignait à la meute haineuse. Les femmes sont si malignes. Elle se vengeait de notre relation, d'une nuit passée ensemble, une nuit qui l'avait marquée, entre les jambes. Georges était bien incapable de lui donner ce plaisir. Elle voulait se faire engrosser comme on prend une assurance-vie en tentant d'effacer des années de luxure et de dépravations. De quoi berner un simple d'esprit que l’on saoule de mots d'amour. J'aurais tenté de le réveiller, de lui ouvrir l'esprit, de le mettre en garde des manigances futiles dont il était l'objet, des intentions réelles de cette femme, de son aveuglement à lui. En vain. Il y avait tant d'autres femmes plus intelligentes, plus recommandables surtout. Celle-ci signerait son destin. Elle jetterait la honte sur notre famille, sur notre nom.


Je n'avais pas le choix. Je devais rembourser une traite. Alors je me suis démené pour vider la maison, rafistoler les plâtres, peindre, récurer, déboucher. C'était dégoûtant. Des odeurs de vieillesse insupportables. J'ai vomi plusieurs fois. Obligé de me rabaisser de la sorte. Ils ne m'ont pas aidé. Au contraire. De toute façon, je ne voulais plus les voir. J'avais honte de ce que mes frères étaient devenus. J'espérais mettre la main sur un bijou caché. Je n'ai trouvé que de vieilles lettres qui accusaient mon père, ses tromperies et la peine endurée par maman.


Georges a pris des parts dans une agence immobilière. Ils achetaient les biens en viager. Il y a eu cette épidémie de Covid et il s'en est mis plein les poches. Je le voyais parader dans sa nouvelle décapotable aux côtés de sa nouvelle épouse. Mes affaires ont décliné. Je me suis fait expulser de mon appartement. J'ai pensé que Georges y était pour quelque chose. J'étais presque à la rue. J'ai appelé Jean-Jacques. Je lui ai exposé ma situation, mes factures impayées, les nuits sans sommeil à ressasser les emmerdes. Je lui ai demandé de garder le secret. Je n'aurais pas dû me bercer d'illusions. Il n'a pas voulu m'aider.


J'ai revu Yoko une ou deux fois. En souvenir de nos soirées torrides, elle a accepté de coucher avec moi. J'étais persuadé qu'elle garderait le silence. Là encore je me suis trompé. Je ne voulais pas forcément rendre Georges jaloux. Il était heureux, père de famille, comblé. Et moi, je restais empêtré dans mes ennuis pécuniaires.


Un soir, j'ai vu débarquer chez moi deux molosses à la mine patibulaire. Sous prétexte d'un impayé, ils ont saccagé le studio. Ils m'ont tout volé, la montre et la statuette. Les flics ont déboulé dans l'instant, prévenus par je ne sais quel miracle. Ils ne sont pas venus me protéger. Ils ont trouvé de la drogue dans un tiroir du chevet. Suffisamment pour que l'on me mette au placard. J'en ai pris pour cinq ans. Pas de sursis. J'étais récidiviste. Ils m'ont accusé à tort de vouloir empoisonner des enfants. J'étais un danger pour la société. Moi ! Je ne pensais jamais finir dans une geôle sordide avec un autre demeuré. Cinq années à croupir cela laisse du temps pour réfléchir et fomenter une vengeance. J'ai appris à mes dépens que j'étais seul responsable de mon destin. La jalousie, le goût d'un gain facile, m'avaient corrompu.


À la sortie de prison, j'ai juré de me racheter une bonne conduite. Je suis resté sobre. Les revendeurs me tournaient autour comme des vautours au-dessus d'une carcasse en décomposition. J'ai replongé une ou deux fois, sûrement pour occulter quelques heures une condition indigne. Mais j'avais appris une leçon. J'ai cessé de tenter la femme de mon frère. J'ai trimé en vain jusqu'au jour où mon regard a été attiré par un visage connu. Dans la devanture d'un libraire, j'ai reconnu celui qui avait partagé ma cellule. J'ai acheté l'ouvrage. Il racontait toute mon histoire de façon romancée. On m'avait volé ma vie aussi.


J'ai découvert comment les autres me percevaient. J'étais souvent de mauvaise humeur, mal luné, comme ils disaient. Comment peut-on être de bonne humeur sans oseille, sans un boulot décent et sans amis. Je n'étais pas convaincu qu’adopter un petit chiot trop mignon changerait quoi que ce soit. Je ne lui ressemblerais jamais, en rien. J'étais certain de finir par lui pourrir l'existence. Je l'ai abandonné sur les marches d'une église. Je ne voulais pas le condamner et pour sûr l'entraîner dans une déchéance inéluctable. Certains êtres naissent beaux et nantis. D'autres se traînent dans l'existence à la recherche d'une éclaircie, d'une échappatoire à un tourbillon qui finira par les emporter. J'étais de cette seconde espèce et je me demandais si une autre chance dans une autre vie me serait donnée. Si nous n'en n'avions qu'une, alors il fallait tout faire pour la transformer en paradis ici-bas.


Un jour, je suis entré dans un lieu de culte. Attiré par un orgue et une chorale en fusion, j'ai écouté leur message d'amour. Il tranchait avec la solitude des hommes en robe qui nous faisaient la leçon. Il faut être aimé pour donner en retour. L'amour d'un être supérieur ne pouvait remplacer la chaleur humaine. Je voyais ces croyants vivre à mille lieues des préceptes enseignés par leur religion. Je me suis détourné de cette voie trop malsaine.


Je me suis souvenu d'une dernière phrase que ma mère nous avait assénée. Il fallait apprendre à se satisfaire de peu, du peu que l'on reçoit. Ne pas se lamenter. Je n'avais personne auprès de qui me plaindre. Je me suis réfugié dans les livres. On pouvait vivre loin du monde avec ces héros bannis qui m'étaient si proches. J'ai acheté un lopin de terre avec une cabane en bois et une source. Il était là mon paradis entouré de quelques livres. J'ai creusé la terre pour retenir cette eau qui coulait sans cesse. La vie a surgi de l'étang qui s'était formé. Les plantes ont poussé. Les oiseaux ont trouvé un toit. J'avais un royaume. Je régnais sur quelques carpes muettes et un couple de palombes unies pour l'éternité. Je faisais des heureux.


Issus de nulle part, des myriades d'insectes ont cherché à gâcher mes nuits. Les hirondelles raffolaient de ces bourdonnements incessants. Je m'en suis collé des gifles ! J'ai brûlé quelques cierges. Rien n'y faisait. Dépité, j'ai planté une citronnelle. Un figuier a poussé à côté du tilleul. C'est bruyant la campagne. Ça ne dort jamais.


J'ai eu rapidement l'impression de tourner en rond. On s'emmerde ferme à la campagne. La solitude finit par peser. Se parler à soi-même, n'est-ce pas la dernière étape avant de sombrer dans la folie ? J'ai rassemblé quelques figues, des œufs de caille bleutés et deux carpes au regard vitreux et je me suis rendu au marché du coin. En cassant les prix, j'ai vendu toute ma marchandise, juste de quoi me payer un bon repas et un verre de vin rouge. Cela m'a fait grand bien de voir des vivants et de les entendre se plaindre de ces temps difficiles…


Comme le lierre, les températures grimpaient. La chaleur ne cessait d'accabler les bêtes et les humains. Elle finirait par nous étouffer. Un soir, j'ai surpris un groupe de jeunes en train de se rafraîchir dans mon étang. Loin de moi l'idée de les chasser. J'avais de la compagnie enfin, et il fallait s'en accommoder. Une troupe de saltimbanques itinérants a requis mon hospitalité. Ce serait pour quelques semaines. J'ai accepté. Aux premières loges, j’assistais aux répétitions. Je me suis déguisé en clown pour vendre leurs billets de spectacle.


Un samedi que je patientais à l'ombre d’un grand platane que l'on me serve un café, j'ai vu passer un ancien corbillard tiré par des chevaux noirs coiffés de ces plumeaux de parade. Tout cet équipage avait l'air majestueux, les cochers en livrée, une petite fanfare, des pleureuses même qui semblaient convaincantes. C'étaient sûrement les égards dus à un nobliau de province. Un homme ou une dame d'honneur de haute lignée qui laisserait des orphelins au-delà de ses proches. J'ai imaginé l'ampleur de l'héritage qui serait distribué en toute équité. Ma vie antérieure a ressurgi et j'ai revu le visage de ma mère qui se penchait sur moi en me tapotant le front avec un gant humide pour me soulager d'une forte fièvre. C'est ce visage que je voulais conserver, ce regard de mère attentionnée, la certitude d'avoir été aimé.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   David   
26/6/2025
trouve l'écriture
très perfectible
et
n'aime pas
Bonjour,

Le récit est assez décousu, il y a des raccourcis difficile à enjamber : Il parle d'abord de la femme de son frère mais attend quelques passages pour informer qu'il a eu une aventure avec elle, et il en aura encore une autre par la suite. Dans un contexte oral, une conversation, j'aurai été persuadé que le narrateur se vante, invente au fur et à mesure. Il a quelque chose de pas aimable ce narrateur : il reproche à ses frères des intentions qu'il manifeste lui-même, sans sembler s'en rendre compte. Il ne pense qu'à l'argent dans cette histoire de deuil. Plus loin, après la prison, il semble tomber au fond de la misère et pour s'en sortir... Il achète un terrain, une cabane ?

La fin n'est pas mal, le lent glissement vers le spirituel des derniers passages même, il n'est pas rentrer dans les ordres non plus, mais il semble prendre lentement conscience de lui-même.

   Provencao   
10/7/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour moschen,

"Ma vie antérieure a ressurgi et j'ai revu le visage de ma mère qui se penchait sur moi en me tapotant le front avec un gant humide pour me soulager d'une forte fièvre. C'est ce visage que je voulais conserver, ce regard de mère attentionnée, la certitude d'avoir été aimé."

Ce passage, que j'ai lu plusieurs fois, à été à mon sens la prise de pensée, de délicatesse dans votre écrit qui est non pas de conférer la contenance, mais d'instiguer un réajustement concomitant fatal à la mise en place de procédés tels que les assentiments ou les consciences.

Au plaisir de vous lire,
Cordialement


Oniris Copyright © 2007-2025