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Sentimental/Romanesque
Narichama : Le vieux corbeau
 Publié le 15/11/12  -  11 commentaires  -  5153 caractères  -  78 lectures    Autres textes du même auteur

Même les corbeaux finissent par mourir. Un vieux corbeau se cherche une branche pour expirer son dernier soupir.


Le vieux corbeau


La lande verte et dépeuplée ressemble à un désert. On y croise peu d’êtres vivants, et les végétaux se résument à leur forme la plus élémentaire : une vague d’herbe glauque qui ondule sous le vent froid. La grisaille plane, dans ce paysage mélancolique, qui jamais ne semble avoir vu les rayons du soleil. Tous les quarts d’heure, tombent çà et là quelques gouttes de pluie même pas sérieuses, même pas franches, presque irréelles ; qu’il soit juste question d’humidifier ces lieux, déjà vaseux de mélancolie.

Au milieu de ce rien, cependant, se tient tout de même un arbre, lui aussi brisé par la tristesse de l’étendue. Il est noueux et ses branches prennent volontiers des angles cassants. Le peu de feuilles jaunâtres qui pendent à ses rameaux témoignent encore de sa vie, mais il s’en faut de peu. L’arbre est raidi par le temps, rugueux et sale, comme si le poids des années l’avait torturé.

Comme pour rajouter une touche de spleen à ce tableau, un volatile entre en scène. C’est un corbeau. Il vole, il bringuebale les bourrasques et défie les vents avec difficulté. À chaque battement d’aile, il donne l’impression qu’il va dévisser. Malgré le calvaire qu’il semble endurer, cependant, il tient bon.

C’est que ce vol est son dernier. Il a vu trop d’automnes, maintenant, et il songe à quitter ce bas monde. Essoufflé, fatigué, dans un énième battement de ses ailes jaunissantes, il se pose sur une branche de l’unique arbre.

Un homme sur son cheval, à quelques lieues de là, a vu le vieux corvidé se traîner jusqu’à sa branche. Il se rapproche, et témoigne de la scène.

Car, arrivant à tire-d’aile, un nuage noir se rapproche. D’autres corbeaux, bien sûr, mais jeunes et vigoureux, ceux-là. Ils se déplacent en un escadron, ils se précipitent vers l’arbre, pleins d’un aplomb qui contraste avec la balade approximative de leur vieil homologue. Leurs croassements lugubres sont mis en exergue par le vent qui se lève, et l’homme observe, immobile.

Un à un, les oiseaux noirs se posent sur les branches. Ils continuent leur cacophonie. Ils hurlent, s’en donnent à cœur joie.

L’homme n’a pas perdu des yeux le plus vieux d’entre eux. Comment le pourrait-il ? C’est le plus rabougri. Il n’ouvre pas son bec. Il reste immobile, silencieux, semblant faire totale abstraction de ses congénères venus en masse à ses côtés.

Il tremblote, d’abord, puis tremble carrément, ensuite. Ses plumes sont abîmées, ternies. Il est mal en point.

« Il va bientôt mourir », se dit l’homme.

La vieille bête ne sait plus quoi songer. Elle vient juste de perdre la vue. Elle entend encore indistinctement les autres qui croassent autour d’elle. Son cœur commence à lui faire faux bond, il bat le contretemps, et s’arrête même quelques secondes ; puis il reprend, comme un vieux diesel à la limite de la panne. Il va claquer, il le sait maintenant.

Les autres n’arrêtent pas, leurs cris grinçants s’intensifient. L’homme est quelque peu interloqué par ce spectacle, car il pense avoir compris une chose à ce jour. Les hommes ne sont pas les seuls à revendiquer le monopole de l’inhumation. Les corbeaux aussi, il le sait maintenant. Ils reconnaissent la mort, ils la voient même peut-être ; alors ils accompagnent leur ancien et lui montrent la voie. Ils restent avec lui jusqu’au bout, refusent qu’il meure abandonné, seul comme les pierres.

En tirant sur les rênes, l’homme s’éloigne. Il se dit que les corbeaux ont leur forme d’intelligence, et qu’à bien des égards, elle est comparable à celle de l’homme. C’est vrai, ils sont taxés d’oiseaux de mauvais augure, faute à un passé lourd de symboles, mais il n’empêche qu’ils semblent avoir des vertus. Reconnaître ses morts en est une grande.

Ce que l’homme ne sait pas, trop égaré dans ses méandres philosophiques, ou trop humain, probablement, pour n’essayer de faire autre chose que des parallèles entre oiseaux et primates, c’est qu’alors qu’il a les yeux détournés, se déroulera le dernier acte. Les corbeaux nourrissent un tout autre dessein.

Le vieux corbeau, plus tout à fait vivant mais pas complètement mort, va perdre l’usage de son oreille interne. Il chutera de la branche, désormais sans équilibre, et tombera comme un caillou.

Il n’aura même pas atteint le sol que ses semblables se jetteront sur lui comme les charognards qu’ils sont. Ils se l’arracheront, au sens propre comme au figuré. Ils le mettront en pièces, le déchiquetteront en lambeaux de carne. À dix sur lui, avant même qu’une seule de ses plumes ait touché le sol, ils lui retireront la peau, ils l’écartèleront, le désosseront ; ils lui suceront la moelle et lui rongeront les os ; ils le décharneront, l’écorcheront sans état d’âme ; ils engloutiront tout ce qu’ils peuvent, et cela juste pour être plus rassasié que le voisin, sans distinction entre le comestible et le reste, indifférents aux plumes, quitte à les régurgiter ensuite. Ses restes, une fois à terre, seront tellement érodés, tellement rabotés, à tel point corrodés et grignotés jusqu’au plus petit morceau de chair, tant nettoyés, qu’il n’existera plus que les minéraux calciques de ses cals osseux, dont personne ne voudra plus, pas même les insectes.


 
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   Anonyme   
31/10/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Une vision rude, terrible même ! Je ne crois pas qu'on soit dans le réalisme animalier, mais le tableau est plutôt saisissant de cette ruée sur le cadavre dans sa chute, de ce démembrement avant même qu'il ait touché terre... Je ne suis pas sûre de l'utilité de l'homme dans le tableau, avec sa vision erronée ; pour moi, elle n'apporte rien au mouvement du texte.
Cela dit, je trouve le côté systématiquement noir de l'ambiance assez forcé. Le paysage est pelé, il pleut (cela ne devrait-il pas encourager la végétation ?... Je veux bien que le sol soit pauvre, mais des genêts, un peu de bruyère, non ?), tout est moche, même l'unique arbre. Un peu trop, pour moi.

"dans un énième battement de ses ailes jaunissantes" : le jaunissement du plumage est vraiment un signe d'âge chez les corbeaux ?

   macaron   
5/11/2012
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime beaucoup la fin de votre histoire, la description sauvage de ces charognards. Hé oui! Que voulez-vous? c'est leur destin!
Un petit texte pas désagréable à lire. J'espère que vous n'avez pas de problème particulier avec les corvidés, du genre phobie, j'ai l'impression que vous leur en voulez. Par ailleurs, je crois savoir qu'ils se font rares, que ce sont des corneilles qui"crient" au dessus de nos têtes. A vous relire!

   alvinabec   
8/11/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bonjour,
Sur le fond, une jolie fable qui mériterait d'être plus développée. Le parallèle entre oiseaux et humains est intéressant mais manque un peu d'aboutissement et il y a quelques contradictions à reprendre.
Sur la forme, l'auteur s'applique à de véritables recherches d'écriture qui transpirent l'effort d'un travail bien fait et c'est dommage...Un peu plus de naturel permettrait à ce texte d'être plus fluide, plus aéré et aérien pour le plaisir du lecteur.
Une réécriture serait bienvenue, bonne continuation.

   Anonyme   
11/11/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Une écriture soignée, un texte court qui raconte une histoire, une tranche d'histoire, en ça, le pari de la nouvelle est réussi.

J'ai trouvé le propos anthropomorphique, il aurait fallu si on suit cette logique, écrire un conte.

Une histoire qui mériterait d'être revue à la sauce fable, par exemple.

   rosebud   
15/11/2012
 a aimé ce texte 
Pas
je renonce à faire le relevé des maladresses stylistiques qui plombent sérieusement le plaisir de la lecture. Et surtout, c'est lourdement descriptif, ça montre, ça démontre, ça ne suggère jamais.
Le cavalier n'apporte rien à l'histoire et on comprend bien qu'il n'est là que pour souligner encore, au cas où le lecteur ne l'avait pas compris, ce qu'il faut penser de l'accompagnement du vieux corbeau par ses congénères. Tout ça pour servir sur un plateau le retournement final - ouf!
N'aurait-il pas été plus élégant de ne parler que de la bande de corbeaux (virer le cavalier et le paysage désolé), de suggérer les moeurs charitables des corvidés si décriés d'habitude, envers leurs aînés, puis piétiner joyeusement le tout par cette chute cruelle?
Bonne idée - mauvais traitement.

   Anonyme   
15/11/2012
 a aimé ce texte 
Vraiment pas
Mon Dieu que c'est lourd ! Et long même si ça ne fait que pas beaucoup de caractères...
Je me sus ennuyé dans cette sorte de description aux tournures de style très très pesantes, sans aucune finesse. J'ai eu l'impression que l'auteur voulait me convaincre que c'est affreux la vie des corbeaux et l'oubli etc...

j'avoue qu'un corbeau mort c'est un corbeau mort, que ça ne me chagrine pas plus que ça, et que c'est la vie.

Ajoutrons à celà un style très grandiloquent:
"C’est que ce vol est son dernier. Il a vu trop d’automnes, maintenant, et il songe à quitter ce bas monde. Essoufflé, fatigué, dans un énième battement de ses ailes jaunissantes, il se pose sur une branche de l’unique arbre."

Y'a pas plus lourd ???

Vraiment pas convaincu.

   brabant   
15/11/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Narichama,


Parabole d'une remarquable lucidité, très visuelle, je la verrais très bien en BD, en ligne noire, sans couleurs, peut-être légèrement desservie par quelques maladresses de forme qui ne m'ont cependant pas trop gêné car j'ai aimé l'ambiance que vous avez installée, c'est un texte qui a de la gueule, une gueule d'atmosphère ! Ben oui !

Je ne suis pas certain que l'homme soit plus clément que les oiseaux, votre texte n'est-il pas un peu corbeau ? But inconsciemment inavouable inavoué... Et vous, victime propitiatoire expiatoire comment vous sentez-vous ? :D lol

Le corbeau, pour être méchant et carnassier, et charognard, auto-charognard et sans pitié, ayant l'avantage sur l'homme d'être d'instinct un animal écologique.

Noir le corbeau ? Non ! Vert !

Remarquez ! Les poulets aussi se bouffent entre eux, et les cochons. Vaut peut-être mieux être un éléphant... Mais je m'égare... A droite ou à gauche le cimetière ?

;)))


ps : Bravo pour l'antiphrase du choix de la catégorie : Sentimental ! Oui ! Jusqu'à l'os et sa substantifique moelle !

A vous relire :)

   Artexflow   
16/11/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Globalement les mêmes remarques que sur les précédents commentaires. Une bonne idée qui aurait fait une (très ?) bonne fable, mais dans l'état actuel des choses, le texte est trop lourd, trop morbide, trop inexact...

L'arrivée du corbeau est à mon sens trop pathétique, le paysage également. Il est sans cesse rappelé que l'oiseau va mourir "ce vol est son dernier" "il est mal en point" "il va bientôt mourir", peut-être même aurait-il été plus juste de ne même pas le mentionner.

Je n'approuve pas du tout le changement de style dans la phrase "Il va claquer". Le terme me dérange profondément.

Le narrateur, omniscient, semble presque trop en savoir. Qu'il perde la vue n'est pas nécessaire non plus.

La phrase "Plus tout à fait vivant mais pas complètement mort." n'est pas mauvaise, mais dans le texte elle semble un peu bancale...

L'attaque des corbeaux en revanche est bien rendue, la vitesse d'exécution, la monstruosité, la barbarie, très bien. La toute fin me gène un peu cela dit.

En somme, bon voire très bon fond, mais une forme gênante.

Au plaisir de vous relire :)

   Bidis   
18/11/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je trouve qu’on a ici un très bon sujet, qui pourrait être beaucoup mieux traité. Quelques remarques en effet, si je puis me permettre :

- Tout d’abord, je suppose que les mœurs des corbeaux décrites ici sont véridiques. Dans ce cas, et même si le personnage de l’homme est inventé, j’aurais trouvé plus intéressant et accrocheur d’avoir mis ce texte dans la rubrique « réalisme »
- « Expirer son dernier soupir » signifie mourir. Or, quand expirer veut dire mourir, ce verbe est intransitif, c-à-d ne demande pas de complément d’objet.
- « Leurs croassements lugubres sont mis en exergue par le vent » : je trouve que cette façon de dire ne fait pas image et est bien peu poétique
- « Il n’ouvre pas son bec » : ce serait plus léger de dire « il n’ouvre pas le bec ». Le possessif (toujours lourd) ne s’impose pas ici, ce ne pourrait pas être le bec d’un autre oiseau.
- « La vieille bête ne sait plus quoi songer » : J’ai vu dans un reportage que les corbeaux ont une forme d’intelligence très développée. Je ne crois cependant pas qu’ils « songent ». À mon avis, même un être humain, au moment où il constate qu’il perd la vue, active plus son système limbique (= émotion, peur) que son cortex cérébral...
Cela rejoint un reproche général que je ferais au texte : on a ici une narration qui pourrait être émotionnellement extrêmement riche et elle est présentée, je trouve, de façon trop froide, distante. Cela rejoint d’ailleurs ma remarque sur le « mis en exergue » relevé plus avant
- « l’écorcheront sans état d’âme » : cela va de soi, on le dit par la scène même et celle-ci serait encore plus scotchante sans cette précision (« sans état d’âme »)

Je trouve que le sujet de cette nouvelle vaudrait la peine d'être retravaillé.

   Corbac   
29/11/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Et bien je la trouve très bien comme elle, moi, cette nouvelle !

Il y a de l’excès certes, le paysage est trop dévasté, le corbeau est trop mourrant. Tant que cet excès est assumé – et cela me semble être le cas ici – je n’y vois rien à redire. Au début, tout semble fait pour apitoyer le lecteur. On nous montre un pauvre animal dont le décès va être pénible et triste. Ajoutez à cela ses congénères qui arrivent pour le soutenir et on se sent pris d’un accès de sentimentalisme sentant bon la guimauve. Si le récit s’était arrêté là, j’aurais été déçu, mais non, l’auteur nous surprend à la fin, nous rappelant cette vérité : la nature ne fait pas dans le sentiment.

Je vois en la présence du voyageur un miroir reflétant nos propres défauts. Nous humanisons par moment trop ce que nous voyons, sans toujours chercher à comprendre ou à étendre notre champ de vision (mais je réfléchis peut être trop ?).

Bon courage pour la suite !

   AntoineJ   
3/12/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
ça doit défouler d'écrire une nouvelle comme ça !
dure est la loi de la nature
bien écrit globalement
rapide et concis, même si on devine la chute ...
l'intervention de l'homme n'est pas vraiment utile mais bon ...


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