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Sentimental/Romanesque
nino : Valentine
 Publié le 19/11/17  -  13 commentaires  -  3833 caractères  -  128 lectures    Autres textes du même auteur

Moi mes amours d'antan...


Valentine


En ces temps-là, il fallait user de stratagèmes et déployer tout un arsenal d’astuces et de subterfuges pour tromper la vigilance des parents, des voisins, même celle des employeurs et tout cela, au bout du compte avait mis un peu de sel dans nos vies ; de ce sel au demeurant si présent chez nous les Océaniques, dispersé par les embruns, charrié par les brises, un sel qui rongeait nos boiseries, blanchissait les pierres et l’herbe aussi. Et lorsque nous profitions d’une toile tendue de bleu au-dessus de nos têtes pour emprunter le sentier de la plage et des bains, un sel qui donnait à ta peau la saveur dont il ne me reste aujourd’hui qu’une vague réminiscence.


Te souviens-tu chère Valentine de ce jour de mille neuf cent cinquante-sept, bien exactement le vendredi vingt-deux juin – j’ai souligné tous les ans cette date sur le calendrier. Moi j’ai toujours dans l’oreille le grain si particulier de ta voix et les cascades de rires que tu déclenchais lorsque d’autres conducteurs émérites nous percutaient aux auto-tamponneuses. Et après toutes ces années, c’est peut-être dans cette mémoire des sons que je puise le plus précieux des souvenirs...


Les divertissements se faisaient plutôt rares à l’époque et l’affluence était telle pour cette fête de l’été que je t’ai proposé de partager l’unique voiture qui venait d’être abandonnée. Et puisque las des collisions, nous eûmes tôt fait de rejoindre l’autre jeunesse du bourg, celle qui occupait la piste au pied de l’orchestre, j’ai pu tenir ta main, effleurer tes hanches, m’enivrer du creux de ton cou et du parfum des mèches blondes qui balayaient ton visage et virevoltaient à chaque pas de danse.


Te souviens-tu chère Valentine,


Du chemin littoral et l’abri de fortune

De nos corps adossés à la dune

Sous la lune bienveillante sentinelle

À se toucher des yeux

Mais pas que...

Et si vive l’étincelle !


Et des poèmes d’Arthur, de tous ces mots emportés par le vent que tu disais si bien, les yeux fermés en me serrant si fort la main... t’en souviens-tu ?


À femme de marin la vie de chagrin ressassait ton père, apprenant ma vocation, interdisant nos rencontres et qui de ce sinistre adage en fît une antienne. Te souviens-tu chère Valentine de ces instants volés, des ficelles tendues pour déjouer la surveillance de ton frère et de nos malices dont nous étions si fiers. Nous nous sommes écrits régulièrement, utilisant au besoin l’adresse de Solange avec qui tu avais noué amitié puisque le courrier te parvenant pouvait être lu... jeté... brûlé...


Puis un jour, plus rien, plus de réponses à mes lettres enflammées, plus de projets et bientôt plus d’espoir...


Je me suis alors embarqué sur des bateaux bien gros, parés pour la haute mer et qui partaient longtemps.


À chaque retour à terre je t’ai cherchée, en vain... et la vie est si vite passée au gré de mes campagnes.


Comme tout cela est loin et comme je suis amer. Comme les regrets sont douloureux. Et comme devoir avancer est devenu difficile...


Je suis aujourd’hui pensionnaire de la Rose des vents, un établissement médicalisé. L’arthrose a patiemment soudé mes os, rongé mes articulations, mes doigts ne se tendent presque plus, crispés à jamais sur d’invisibles bouts et cordages.


Et ce matin, parcourant maladroitement l’un de ces quotidiens locaux à la rubrique décès j’ai lu ton nom Valentine et j’ai souligné cette autre date sur le calendrier. Quatorze février deux mille douze.


Alors à pas lents et mesurés

J’ai refait le chemin littoral

L’abri de fortune, adossé à la dune...


Guetté la renverse, contemplé l’océan qui consumait la grève,

Dissous mes pensées, ne pensant qu’à ces vers que tu savais si bien dire...


Elle est retrouvée.

Quoi ? – L’Éternité.

C’est la mer allée

Avec le soleil.*



* Arthur Rimbaud L'Éternité


 
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   Asrya   
22/10/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Simple, tendre, musical ; un court texte qui résume un amour "impossible" à cause d'une vocation.
L'écrit est délicat, la plume est agile, elle fait mouche.
Les mots sont tendres, sonnent, résonnent, on écoute, on lit, on voit, on ressent presque.
C'est un beau texte, pour lequel... il n'y aura pas grand chose à dire (pour ma part en tout cas).
C'était un beau moment,
Merci pour le partage (souvenir ?)

Au plaisir de vous lire à nouveau,
Asrya.

   Alexan   
26/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Cette nouvelle a eu le don de me rappeler les plus beaux souvenirs estivaux de mon adolescence. Quand tout ce qui est nouveaux semble magique. La joie qu’offre l’espoir d’une amourette que l’on croyait inaccessible. Et tout le merveilleux de l’éphémère.

« j’ai pu tenir ta main, effleurer tes hanches, m’enivrer du creux de ton cou et du parfum des mèches blondes qui balayaient ton visage et virevoltaient à chaque pas de danse. »

Tout cela est magnifiquement raconté. Une écriture pleine de poésie, des images splendides avec un gout de merveilleux, et une fin très émouvante.

   Tadiou   
31/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
(Lu et commenté en EL)

Des mots très bien choisis, des phrases tout en poésie. un bon rythme.

La poésie rejoint le banal des ficelles et de l'arthrose : tant pis....ou dommage.

Ça oscille entre le noir banal du quotidien et l'élévation d'une transcendance.

On reste à la superficie, on ne sait rien des raisons de l'interruption des échanges. Et l'espoir se fait rare : choix de l'auteur(e).

Moment d'émotion.

Tadiou

   placebo   
19/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Joli texte, bien écrit. Rimbaud est très à sa place.
Un peu sceptique pour les retrouvailles dans le journal local alors qu'il l'a cherchée là-bas. Bon, c'est après coup, car pendant la lecture ça ne pose pas de problème.

Bonne continuation,
placebo

   plumette   
19/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Nino,

les amours d'adolescence laissent une trace indélébile surtout si elles n'ont pas pu se vivre pleinement.
c'est sûr que vous nous parlez d'un autre temps, sans internet, ni les réseaux sociaux de tous poils qui permettent de renouer avec des copains perdus de vue à l'entrée dans l'âge adulte!
L'évocation des émois du narrateur, de la fête foraine et des difficultés déjouées est ce qui m'a plu.
J'ai moins aimé que le narrateur soit dans une telle amertume en découvrant que son amoureuse d'il y a 45 ans est morte. N'a-t-il pas vécu lui depuis toutes ces années? Ne pourrait-il pas simplement s'attendrir sur ce doux passé et se souvenir simplement sans cette déchirure?

un moment d'agréable lecture toutefois.

Plumette

   Marite   
19/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Que dire ... j'ai terminé cette lecture avec la gorge serrée et les larmes aux yeux. Tant et tant de souvenirs inachevés hantent ainsi les mémoires au crépuscule de la vie. Ici, il est conté simplement, avec réalisme, délicatesse et élégance dans l'expression.

   Anonyme   
19/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
J'adore ce genre de récit. Court, simple délié. Un aquarelle qui résume 50 ans de vie. Un quart de réalité, un quart de fiction et trois quart d'humour tout en finesse.
Bravo

   in-flight   
20/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Le souvenir d'un amour traité en condensé poétique.

Ce qu'il y a de très surprenant dans ce texte c'est qu'on peut le lire dans les deux sens, c'est à dire commencer par la fin(le poème), puis l'annonce de la mort, puis le souvenir et enfin terminer par le premier paragraphe.
Voulu ou inopiné?

   Anonyme   
20/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonsoir nino... Merci pour ce texte si court mais si beau au point de m'avoir beaucoup ému. Nous avons tous, hommes vieillissants, dans le cœur une Valentine que l'on n'a jamais oubliée et qui resurgit le plus souvent quand se dessine l'automne de la vie.
Votre histoire m'a ramené très loin en arrière...

Vous avez une très belle plume, une écriture qui va à l'essentiel et je lirai avec plaisir vos productions prochaines.

Bonne soirée et encore merci

   vb   
21/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
(Lu et commenté en EL; retard dû à un problème technique))

Bonjour,
j'ai trouvé ce texte mélancolique empli d'une fort belle poésie, qui le place avec -je trouve- assez de succès à l'espace frontière à la limite de la prose.
Ce qui m'a cependant manqué c'est explication du pourquoi de la rupture de cette histoire d'amour.
"Puis un jour, plus rien, plus de réponses à mes lettres enflammées, plus de projets et bientôt plus d’espoir..." Pourquoi? Le narrateur devrait s'en douter, se poser des question, donner quelques pistes au lecteur, mais non, fataliste, il s'embarque sur "des bateaux bien gros, parés pour la haute mer et qui partaient longtemps." (J'ai beaucoup aimé cette phrase!)

   Anonyme   
27/11/2017
Autant le dire tout de suite, j’aime beaucoup. Il n’y a qu’au début que j’ai tiqué sur la toile tendue de bleu pour désigner le ciel. Ça me semble de la fausse poésie.

Seconde remarque : vous semblez brouillé/e avec les virgules. Il vous en manque plein. En tout cas, si vous mettez la première, il ne faut pas oublier la seconde, comme ici : (' bout du compte’ devrait être encadré)
«  même celle des employeurs et tout cela, au bout du compte avait mis un peu de sel dans nos vies »

Dans la phrase suivante, l’absence de virgule nuit carrément à la compréhension :
« À femme de marin la vie de chagrin ressassait ton père, …»
Sérieux, on bute dessus en se demandant pourquoi donc une vie de chagrin ressasserait-elle le père…

Une faute ici :
« À femme de marin la vie de chagrin ressassait ton père, apprenant ma vocation, interdisant nos rencontres et qui de ce sinistre adage en fît une antienne. »
-> fît est un passe simple donc pas de chapeau il me semble.
+
Le ‘en’ vient doubler inutilement le ‘siniste adage’

Voilà, sinon c’est court, c’est bon, j’aime bien.

   Papillon26   
7/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Un amour de jeunesse bien décrit avec poésie.
J'aurais aimé entrevoir le pourquoi du silence soudain de Valentine...
Peut-être son père, un nouvel amour ?
Triste fin.

   moschen   
24/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La force de ce récit tient dans l'usage de la première personne. Au delà, il y a ce tutoiement obsessionnel qui désigne l'objet de sa douleur. Le personnage principal a vécu de manière égoïste la vie qu'il souhaitait avoir et à l'heure de la mort et de la solitude, il ne peut que s'en prendre à lui-même. Le monologue qu'il tient devant le miroir le renvoie à ses choix et il est grand temps d'en assumer les conséquences.


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