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Brèves littéraires
Ornicar : Friche n° 5
 Publié le 07/12/25  -  5 commentaires  -  2379 caractères  -  24 lectures    Autres textes du même auteur


Friche n° 5


C'était un ciel à l'abandon cerclé de plomb. Le jour s'abîmait dans l'eau saumâtre des mares. Tout était noir ou gris. Tout était sombre et lourd. Teintes de terre et de suie. Terre de cendres et de rouilles. La couleur abdiquait, vaincue. Des bâtiments gisaient, béant bêtement. Cathédrales obsolètes qu'une époque obscène avait bradées sur l'autel du progrès. « Il fallait s'adapter ! Ainsi soit-il ! » La messe fut dite et, dans les sphères, le crime vite absous. Ici, on expiait toujours.


Tout était chiche et chétif. Friche et fétide. La terre était veuve et vorace. Elle avait les crocs. Sans arrêt ni repos, il lui fallait manger, dévorer, toujours à déglutir puis régurgiter, puis déglutir à nouveau dans un même mouvement de mastication lente. Les marnes ruminaient des humeurs dans les profondeurs de ses entrailles. Les glaises ressassaient à l'infini des bruits mouillés de succion. Des milliers de langues, buses, ventouses, fouissaient, fourrageaient, foraient, refluaient, là, juste sous les pieds. La gueuse était à l'œuvre et se gavait. Jusqu'à la nausée. Ça dégueulait de partout. Tout un passé flasque en sanies vous sautait à la face. De celles qui rongent les jours et les corps jusque dans les mémoires, au goût de pourriture. Aaaah ! ça, oui ! À voir les reliefs, la curée avait dû donner. Les chiens s'étaient lâchés et payés sur la bête. Avec les aides en plus… Un vrai festin ! Au fond, les choses étaient simples : la terre ne faisait que finir la besogne. Les mouettes en riaient encore à en perdre le nord et le sommeil. Jour et nuit, on entendait leurs cris stridents déchirer les airs. Les avions pouvaient bien mettre les gaz, les arbres cloués au sol grattaient le ciel de leurs bras nus, traquant la trace d'un ailleurs à embarquer, pétrifiés dans l'attente. Partout l'envie de fuir et la désolation.


Pourtant, des hommes vivaient là. Reclus sur cette glèbe qui les avait portés puis finirait par les emporter pour les digérer à leur tour. Y avait qu'à voir la maison pour le croire. À peine la voyait-on d'ailleurs. Il fallait un œil exercé tant le travail de sape était bien avancé. De broc et de briques battue, la mine terreuse, elle sombrait déjà dans cette lèpre jusqu'à se fondre avec, en une valse hors du temps, immobile et mortelle. La lueur d'une ampoule au carreau signalait au regard un dernier reste d'humanité à dilapider.


 
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   Myndie   
7/12/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
J’aime le choix du thème traité, le pessimisme avec lequel l'auteur nous plonge dans cet univers de désolation et la véhémence de sa dénonciation mais ne suis pas totalement convaincue par la prose.
Je commence par ce qui m'a le plus séduite :
D'abord, c'est la réflexion induite par cette description d'une friche sinistrée comme il en existe tellement, l'anathème lancé contre les responsables de ces espaces de désolation, les hommes, le progrès, l'exploitation toujours plus poussée de l'environnement et le désastre écologique. Cette vision d'apocalypse se veut prophétique pour le «  dernier reste d'humanité à dilapider ».
J'ai aussi beaucoup aimé la conclusion, poignante parce que pleine de désespérance.
Ce texte pourrait être une vraie descente aux enfers, au gré de l' inspiration de son auteur.

J'ai cependant été perturbée par la recherche d'effets stylistiques un peu trop appuyée :
- le jeu sur les sonorités : b, bs, ch, f, pléthorique, plus contraint que suggestif ;
- des phrases longues et grandiloquentes qui finissent faire perdre le rythme et provoquent l'essoufflement :
« Cathédrales obsolètes qu'une époque obscène avait bradées sur l'autel du progrès »
« Des milliers de langues, buses, ventouses fouissaient, fourrageaient, foraient, refluaient, là, juste sous les pieds. »
- le deuxième paragraphe, par sa profusion d'images effroyables et percutantes, mène aux limites de la congestion, tel un tableau sursaturé de couleurs.

En résumé, j'ai bien saisi le propos de l 'auteur et perçu l'émotion qu'il fait passer dans son texte ; elle est palpable. Mais à l'avocat qui a pris la plume pour dénoncer, j'ai envie de dire que trop d'effets de manche peut parfois nuire au réquisitoire et au poète que trop de manipulations de sonorités et d'expressions amphigouriques peut desservir le texte.

   Donaldo75   
28/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
C'est bien écrit, avec de la recherche, que ce soit dans les sonorités ("Tout était chiche et chétif.") ou dans la profusion d'images. Le champ lexical explique les phrases longues qui ne sont pas pour me déplaire dans du très court. La tonalité elle-même donne de la couleur, grise, au texte.

Le fond est compréhensible.
La forme tient la route.

Pourtant, je ne suis pas sorti enthousiasmé par ma lecture.
Je ne saurais expliquer pourquoi. Dans la catégorie des brèves littéraires, j'attends plus d'impact. Là, je vois plus une miniature exposée au musée d'Orsay.

   Cyrill   
28/11/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Friche no 5, ça suppose qu’il y en a d’autres et qu’elles sont cartographiées. On se trouve dans une ambiance post apocalyptique. Pas beaucoup de détails sur comment c’est advenu mais Le progrès est épinglé, un certain progrès. Description superbe. Il faut dire que j’aime le genre, très fouillé, précis, quasi poétique dans la forme qui fait la part belle, ici, aux allitérations et à la rythmique : «Tout était chiche et chétif. Friche et fétide. La terre était veuve et vorace ». Non mais quel tableau saisissant ! Une peinture à la Breughel.
J’ai l’impression que la Terre, notre petite Terre chérie, se mange elle-même, dans un dernier sursaut de réalisme morbide, ou d’esprit de survie, au choix. Ça m’évoque l’univers dit de post-exotisme d’Antoine Volodine ("Nuit blanche en Balkhyrie").
Bravo !

   ANIMAL   
7/12/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J'aime beaucoup la façon dont est traitée cette ambiance de fin du monde. Je note en particulier l'excellent "C'était un ciel à l'abandon" et le non moins parlant "La couleur abdiquait, vaincue.". Il y a en d'autres.

Polluée à mort, cette friche engloutit les derniers reliefs qu'on laissé les exploiteurs. Mais des hommes sont toujours là, laissés pour compte, sombrant dans le cloaque résultant de ceux qui ont tout saccagé en exploitant l'endroit sans souci du lendemain.

J'espère que cette scène de chaos se passe ailleurs, sur un monde de boue et de déchets, mais j'ai des doutes. On peut déjà trouver des endroits aussi irrémédiablement abimés sur notre belle planète.

Je vois dans ce texte une fable écologique dure et réaliste traitée dans un style qui peut paraître parfois lourd mais nécessaire pour enfoncer le clou dans les consciences. Peut être n'est il pas trop tard pour réhabiliter cette friche ou sauver le reste ? Mais il faut le vouloir.

   papipoete   
7/12/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Ornicar
Peu à peu, toute trace de l'homme disparaissait de la surface de la Terre, comme si on l'eut aspirée de l'intérieur ; seuls les arbres survivaient même morts, tendant leurs branches, aux cieux comme implorant une ultime faveur.
Une poignée d'humains survivait là, mais pour combien de temps...
NB quel apocalypse en vos lignes, qui fait songer à tant d'images de notre planète, en lutte avec les éléments !
lors de la dévastation de Saint Martin Vésubie, cette maison au milieu du fleuve en furie, avec la lumière et des visages aux fenêtres...la maison qui soudain se fait avaler,
cette friche m'a beaucoup plu !


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