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Sentimental/Romanesque
Pepito : Si à la Saint-Valentin elle te prend la main, vivement la Sainte-Brigitte… [concours]
 Publié le 24/02/16  -  17 commentaires  -  20387 caractères  -  325 lectures    Autres textes du même auteur

Dans la plupart des amours, il y en a un qui joue et un autre qui est joué. Cupidon est avant tout un petit régisseur de théâtre. – Nietzsche –


Si à la Saint-Valentin elle te prend la main, vivement la Sainte-Brigitte… [concours]


Ce texte est une participation au concours n°20 : Larcin Valentin ! (informations sur ce concours).



C’est Luc qu’a eu l’idée le premier. Tout le monde a été d’accord, bien sûr, les idées de Luc sont toujours si énoooormes ! Juste que Marie a, comme d’habitude, trouvé un truc à redire :


– Le problème c’est que nous sommes sept, et sept c’est pas un nombre pair.


Faut le reconnaître, Marie a toujours été calée en math, on pouvait rien lui cacher. Pas que le nombre total gênait, mais nous étions quatre garçons pour trois filles et, ça, pour un week-end Saint-Valentin, c’était un sacré problème...


Heureusement, Luc n’était jamais à court d’idées.


– C’est simple, un des garçons va jouer le rôle de Cupidon et désigner les couples !


J’ai dû soulever un sourcil dubitatif, surtout quand les autres ont tous approuvé avec un enthousiasme tonitruant. Emporté par l’élan, Thomas a enchaîné :


– Il ne reste plus qu’à tirer au sort le garçon qui va jouer Cupidon.


Aïe, je le sentais pas bien le coup du tirage au sort. Depuis quatre mois que je faisais partie du groupe, la loterie a rarement été en ma faveur. Au début j’ai cru à une sorte de bizutage, mais il a fallu que je me rende à l’évidence, j’avais un sacré manque de veine. Chaque fois qu’une corvée se profilait à l’horizon, genre ranger les habits de scène, préparer un exposé commun à la dernière minute, faire répéter son texte à un quidam, aller chercher des bières en milieu de soirée…, on tirait au sort et c’était pour ma pomme. Mais si c’était le prix à payer pour faire partie de la bande la plus glamour du département Arts Dramatiques et Théâtre de la fac, cela en valait largement la peine.


Un peu de brouhaha pour fêter la toute nouvelle idée géniale et Thérèse s’est désignée d’office pour plouffer entre les garçons… Sans la moindre surprise j’ai été nommé, et haut la main, grand lauréat du prix Cupidon ! Aussitôt chacun s’est précipité pour m’aider dans ma tâche. Cécile a voulu me faire un déguisement doré, Sébastien a proposé de me prêter son arc de chasse, Marie avait une paire d’ailes en stock… ajoutez à tout ça mon physique de petit gros joufflu frisé… j’étais parti pour, le soir de la Saint-Valentin, être le Cupidon le plus réaliste que la Terre ait jamais porté.


Le matin du 14 février nous nous sommes tous entassés dans la camionnette du père de Luc : six places assises, plus une, en vrac, dans la malle. Nous n’avons même pas fait appel au hasard, je suis allé direct prendre place au milieu des sacs à dos, à provisions et autres tentes à déploiement automatique. Thérèse et Sébastien, assis à l’arrière, ont quand même trouvé curieux que je sois au fond, alors que j’étais le seul à savoir où nous allions. Cécile et Thomas, au milieu, ont approuvé en rigolant. Luc, Marie à son coté, a répondu qu’il serait tout aussi sympa de se transmettre les instructions façon téléphone arabe. Cécile et Thomas, au milieu, ont ré-approuvé en se marrant et nous voilà partis pour le lac de l’oncle Joseph.


Ha oui, j’aurais peut-être dû commencer par ça. En fait, c’est en décrivant le restaurant de mon tonton, perdu dans les montagnes, au bord d’un lac avec une île arborée toute mimi au milieu, que Luc a eu l’idée de cette petite fête. Alors que moi, je ne voulais que leur raconter comment, l’été d’avant, j’avais construit un radeau pour aller du débarcadère du restaurant jusqu’à une plage de l’île… Il arrive parfois que les choses s’enchaînent de drôles de façons.


Bref, hormis le fait que l’arc de Sébastien me labourait les côtes à chaque virage, le voyage a été sans histoire et nous sommes arrivés sur le parking du restaurant en milieu d’après-midi. Un salut rapide à l’oncle Joseph, tout surpris de me voir, et tout le monde s’est précipité sur le radeau, direction l’île du milieu.


À peine débarqués, nous avons déployé trois tentes biplaces : plop-plop-plop ! Plus une autre, plus grande : plooop ! Cette dernière fut pompeusement baptisée « Temple de Cupidon » et nous y avons entassé, en plus de mon sac de couchage, matériel et provisions. Les filles se sont ensuite fait un malin plaisir de me déguiser en chérubin ailé. Une heure plus tard, nous étions tous autour d’un grand feu, à décapsuler force canettes de bière : pssiit ! pssiiit ! et re-pssiit ! Même Thérèse, qui normalement ne boit-jamais-parce-que-elle-peut-pas-vu-qu’après-elle-est-toute-malade. Vers minuit, nous en avions éclusé un sacré paquet, assis plus ou moins en rond et ronds, à prévoir un autre monde, à délirer sur un peu tout. La discussion a évidemment dérivé sur l’amour. Marie toujours aussi fleur bleue :


– Pour moi, l’amour, c’est quand un couple regarde dans la même direction.

– Non, là tu confonds avec la levrette, a répondu Luc, ovationné par les garçons.


Ce que j’étais bien, là, sous le ciel étoilé, entouré par la bande de potes la plus adorable que l’on puisse imaginer… C’est à ce moment-là que Luc s’est redressé, a pris Cécile par l’épaule et, d’un air conquérant, a déclaré qu’il était temps pour moi de remplir mon rôle d’entremetteur. J’ai dû le regarder avec une drôle de tête, tant j’avais oublié mon attifement doré et mon arc lanceur de sort. À côté de moi, par contre, Sébastien a réagi au quart de tour.


– Hé, tu nous fais quoi là ?! Tu vas pas nous la jouer mâle dominant, par hasard ? Cécile est à moi !

– Mon pauvre Sébastien, tu ferais bien de cuver ta bière, lui a répondu Luc. Pour pouvoir choisir, il faut en avoir les moyens. Tu voudrais pas demander son avis à Cupidon, tant qu’à faire ?


Entre les vapeurs d’alcool et l’absurdité de la scène, je n’ai pas bougé d’un millimètre. Paralysé ! Sébastien n’a rien répondu. Il s’est levé, a machinalement ramassé l’arc et le carquois et s’est éloigné de quelques pas, boudeur. Marie a alors essayé d’arranger la situation :


– Hé les gars, arrêtez vos bêtises, on est ici pour s’amuser. Sébastien, je t’en prie, reste avec nous !

– Laisse-le, a rétorqué Luc. C’est un enfant gâté, il faut qu’il apprenne un peu à vivre !


Curieusement Cécile ne semblait pas malheureuse d’être la pomme de discorde, elle a même laissé échapper un petit gloussement guilleret. Sébastien s’est arrêté, a posé le carquois, s’est retourné et, sans un mot de plus, a décoché une flèche en plein dans la poitrine de Luc : tchac !


Il s’est ensuite légèrement tourné vers moi et a dit :


– T’as vu Cupidon, plein cœur !


La scène semblait comme arrêtée… plus un bruit, si ce n’est le choc mou du corps de Luc s’affalant sur le sol. Puis Cécile s’est mise à hurler, une vraie sirène. Sébastien s’est baissé, a tranquillement ramassé une deuxième flèche et, dans le même geste, l’a décochée au jugé… tchac !


Cécile s’est tue. L’empennage dépassait juste un peu au-dessus de son arc de Cupidon, elle avait l’air d’avoir éternué une plume. Elle s’est écroulée à son tour, le visage tourné vers le feu. Là, pour le coup, la scène s’est animée. Tout le monde s’est levé d’un coup en hurlant.


Thérèse s’est retournée pour partir en sprint du côté des tentes. Mauvaise pioche, elle a chopé le trait entre les omoplates, tchac ! et s’est affalée sous l’auvent du Temple de Cupidon. Le temps que Sébastien se baisse pour saisir un nouveau projectile, Thomas a hésité un seconde. Il a regardé vers Marie, restée aussi immobile qu’une statue – une statue avec une sacrée danse de Saint-Guy, quand même – et s’est précipité vers le sous-bois tout proche. La flèche qui lui était destinée s’est plantée, vibrante, dans un jeune chêne, stoonggg !


Marie a enfin trouvé la force d’articuler :


– Séb… Sébastien, arrête qu’est-ce que tu fais ? Tu ne vas p…


Tchac !


Là c’est moi qui l’ai pensé. Plein cœur !


Comme je ne devais pas représenter un problème immédiat, Sébastien m’a ignoré pour se lancer à la poursuite de Thomas. Il m’a semblé judicieux de profiter de sa distraction pour aller faire un petit tour.


M’éloignant du feu, j’ai plongé dans la nuit noire. Rejoindre le restaurant de mon oncle à la nage était impossible, l’eau était trop froide. Le seul moyen d’échapper à la crise de folie de Sébastien était de retrouver le radeau. Tout en avançant plus ou moins à tâtons, je surveillais la direction approximative prise par les deux autres. J’avais un avantage, je connaissais bien cette île. Ce n’était pas leur cas. J’en eu la confirmation quelques secondes plus tard, en voyant briller la lumière d’un téléphone. Thomas devait essayer d’appeler des secours. Peine perdue, je le savais, pas le moindre réseau au milieu de ce lac de montagnes. Par contre, dans la nuit, la lumière d’un portable se repère à grand distance. Une seconde plus tard, j’entendis un tchac ! suivi d’un haaargh ! et vis la petite lumière virevolter avant de disparaître. Je continuais d’avancer, me sentant de plus en plus seul...


Sous mes pieds, des galets roulèrent en s’entrechoquant. J’étais arrivé sur la plage. Sur ma droite, à la faible lumière des étoiles, je reconnus la forme sombre du radeau. Encore quelques pas, le temps de détacher le bout d’amarrage de son arbre et je poussais sur l’embarcation de toutes mes forces. Entre la vase et le poids de l’engin, pas facile de le faire bouger. Il a enfin décollé, deux pas d’élan et j’ai sauté sur la plate-forme.


– Tss, tss, Cupidon, on cherche à s’envoler ?


Accroupi sur le plancher de bois, j’ai curieusement pris conscience du ridicule des deux ailes blanches dans mon dos, puis mes mains se sont mises à trembler. Désespérément, je cherchais une solution, rien ne venait, alors je me suis retourné. Sébastien était dans l’eau jusqu’aux genoux, arc tendu, flèche pointée sur ma poitrine. Emporté par son erre, le radeau s’éloignait lentement de la plage.


– Tu vas revenir bien gentiment vers moi, sinon je vais t’épingler comme un…


Je ne saurais jamais à quoi j’étais censé ressembler. Il a soudain basculé en arrière, sa tête disparaissant sous l’eau dans une gerbe d’éclaboussures… splatch ! Il m’a fallu une fraction de seconde pour comprendre que son pied s’était pris dans une boucle de l’amarre. Je me suis d’abord précipité sur la perche, avec l’idée saugrenue de pousser le radeau vers le large. Lui barbotait, affolé, essayant de libérer sa cheville d’une main, sans pour autant lâcher son arme. J’ai enfin réalisé qu’il ne servirait à rien de s’éloigner de la rive s’il restait accroché au radeau. Avec des gestes mal assurés, j’ai levé ma perche pour tenter de l’assommer. Il a vu mon mouvement, a pris appel sur le fond du lac de sa jambe libre et, le torse remontant au-dessus de l’eau, il a tendu son arc. Au sommet de son élan, ma perche l’a arrêté, net. Ça a fait chtong ! sur son crâne. Pas suffisant fort, pourtant, pour masquer le tchac ! de sa flèche pénétrant dans mes chairs.


J’ai suivi la douleur, regardé l’empennage dépassant au-dessus de ma hanche droite. Au moins je l’avais empêché de viser juste. J’ai cherché Sébastien dans le noir, mais je n’ai rien vu, rien entendu. Le sang commençait à tacher mon habit doré, il fallait faire vite. Serrant les dents, j’ai repris la perche et poussant d’une seule main, j’ai fait avancer le radeau vers les lumières du restaurant sur l’autre rive du lac. J’entendais le brouhaha étouffé de voix joyeuses, sûrement des fumeurs en train de griller une cigarette sur la terrasse.


Je ne sais pas exactement à quel moment Sébastien s’est détaché. Ce qui est sûr, c’est que je ne l’ai jamais revu.


***


Cela fait un bon moment que je poireaute, tout seul, assis devant le bureau du lieutenant Legendre. Pas méchant le bonhomme, mais depuis plusieurs jours que je le côtoie, il commence à me fatiguer avec ses questions. Voilà au moins quatre fois que je raconte l’histoire par tous les bouts. La première fois j’étais encore à l’hôpital, le bide couvert de pansements. Je ne sais pas ce qu’il veut exactement, j’ai l’impression qu’il cherche une explication à la folie de Sébastien…


Si c’est ça, il est pas arrivé…


La voix de Legendre résonne dans le couloir, il termine une conversation au téléphone et entre dans la pièce, un dossier sous le bras :


– Excusez-moi, j’attendais une information pour éclaircir un point précis, dit-il en s’asseyant. Il pose son dossier sur le bureau, en tapote la couverture d’un air distrait, puis lève les yeux sur moi.

– Savez-vous de quoi est morte votre amie Thérèse ?

– Heu, ben… elle s’est pris une flèche… non ?

– Hmmm… j’ai là son rapport d’autopsie. D’après le légiste, elle est morte asphyxiée... noyée par son vomi suite à un coma éthylique… la flèche l’a transpercée post-mortem.


Meeeerde! Même morte, Thérèse cherche encore à me jouer un tour…


– Ben là, heu… lieutenant, je ne sais pas trop quoi vous dire…

– Je m’en doute, vu que vous avez déclaré qu’elle a été touchée de dos, en pleine course. Mais il y a autre chose… Ce matin, un de mes collègues est allé jeter un œil chez votre oncle. Il vient de m’appeler… savez-vous ce qu’il a trouvé sur une étagère du restaurant ?

– Heu… je ne sais pas trop… des casseroles je suppose ?

– Pas seulement. Il a aussi trouvé un trophée de champion régional de tir à l’arc… avec votre nom gravé sur le socle.


Le lieutenant Legendre me regarde droit dans les yeux, il reprend la parole :


– Vous avez, semble-t-il, encore des choses à me dire…


Marrant, il me dit ça sur le ton d’un curé cherchant la confession… Effectivement, j’en aurais à dire… des choses… mais pas à toi, mon poulet… C’est à mes amis, que j’aimerais parler… si cela était encore possible… je voudrais tellement leur demander :


– Pourquoi, mes amis ?!... Pourquoi, vous que j’aimais tant, pourquoi m’avez-vous fait ça ? Je suis si seul maintenant…


Vous étiez les plus beaux garçons et filles de la fac, les plus drôles, vous étiez mes héros. Je n’avais qu’un seul désir, bien innocent d’ailleurs, faire partie de votre bande. Et vous m’avez accepté. Certes, vu de l’extérieur, je pouvais passer pour le petit souffre-douleur que l’on moque en permanence, jusqu’à me faire tenir la chandelle pour vos agapes de la Saint-Valentin… mais au fond ce n’était qu’un jeu, j’en étais bien conscient.


Nous étions autour du feu, à rire, à discuter de tout de rien, Cécile à ma droite. Thérèse s’était déjà allongée sous l’auvent du Temple de Cupidon. C’est vrai, elle n’a jamais supporté l’alcool. Secouée par les salves de rire, petit à petit, Cécile s’est décalée vers moi. À un moment, sa main a touché la mienne. Je me suis immobilisé, me demandant si c’était fait exprès, n’osant rompre le contact… Sentant mon trouble, elle s’est tournée vers moi, la tête légèrement penchée sur le côté, le regard par en dessous. Quand elle a serré ma main, j’ai senti mon visage s’empourprer, mes oreilles devenir brûlantes, j’ai attribué ça aux vapeurs d’alcool. Elle a souri, carrément, j’ai dégluti, péniblement. Statue au cœur hoquetant, j’ai attendu la suite. Elle m’a encore regardé quelques secondes, bien en face, et s’est approchée, lentement, une moue délicieuse sur les lèvres. J’ai résisté le plus longtemps possible, me régalant de son visage. Au dernier moment j’ai fermé les yeux, tendu mes lèvres vers les siennes. Je ne sais si c’est le laps de temps, trop long ou les rires, trop forts, j’ai soudain relevé les paupières. Cécile s’éloignait déjà pour rejoindre Luc et vous étiez tous là, à me regarder, tordus de rire par ma déconfiture. Pire, Thomas portable à la main, venait d'immortaliser la scène.


Cette blague-là n’est pas passée.


J’étais si contrarié que je me suis levé sans même m’en rendre compte, je me suis éloigné de quelques pas. Mes oreilles bourdonnaient, très fort, je n’ai pas entendu la dernière raillerie de Luc. Juste l’éclat de rire général qui a suivi. Je me suis retourné, vous étiez tous autour du feu, gorges déployées, à me dévisager. À ce moment-là, j’ai pris conscience de l’arc dans ma main…


Dans la pénombre, j’ai ajusté le carquois autour de ma taille, serré le bracelet sur mon avant-bras, passé le gant trois doigts. Dès que j’ai soulevé l’arc, les réflexes sont revenus, mes pieds ont pris la position au carré, j’ai encoché, plume coq à gauche, trouvé l’allonge idéale…


Luc, toi le beau gosse aux blagues si désopilantes, tu es bien obligé de le reconnaître… tu as largement mérité d’ouvrir le bal. Sur ta poitrine j’ai imaginé un blason, juste après la décoche j’ai pensé :


– Plein Noir ! Pour un Cupidon d’opérette, je n’ai pas perdu la main.


Puis ce fut toi, ma Cécile, nunuche si fière de son joli minois... tu croyais peut-être à une erreur de tir ? Non... j’étais bien placé pour savoir que, dans ton cœur, une flèche n’aurait pas d’effet. Alors j’ai un peu forcé l’allonge. Sous le choc de l’enferron, ton visage s’est déformé, un vilain rictus, accentué par les lueurs dansantes du feu quand tu es tombée dans les braises... moins joli ton minois maintenant.


Pour les autres, j’ai entendu vos protestations et je suis d’accord, vous n’aviez pas mérité un tel sort. Seulement voilà, quand le vin est tiré...


Marie, la Sainte-Nitouche, toi qui minaudais perpétuellement « oh, c’est pas sympaaa ! », tout en te marrant à chacune de mes mésaventures. Même avec une flèche dans la poitrine, tu n’y croyais toujours pas... et pourtant.


Thomas, si prévisible. Il a suffi d’attendre dans le noir, sans bouger, que tu allumes ton téléphone pour te repérer. J’en avais besoin de ton portable, je ne voulais pas que ta dernière vidéo fasse le tour du monde... tu me comprends, n’est-ce pas ?


Haaa, et Thérèse... quand je t’ai retournée du bout du pied, j’ai regretté que tu ne te sois pas réveillée, je voulais que tu profites pleinement de tes derniers instants. Au fond, c’est toi qui as eu la plus belle mort : étouffée et épinglée... un vrai papillon de collection. En pleine nuit, j’ai cru que tu cuvais ta bière... je n’ai pas vu le vomi, et puis j’étais pressé, Sébastien avait disparu depuis un bon moment.


Sébastien, toi mon coupable idéal ! Toi le grand sportif à l’arc de chasse ! Tu as bien failli me fausser compagnie... Tu étais déjà sur le radeau, fébrile, prêt à partir... juste que tu avais oublié la perche sur le rivage. Quand tu m’as entendu, tu n’as même pas osé te retourner. À genoux sur la plate-forme, suppliant, tu t’attendais à ce qu’une flèche te transperce. Comme tu as dû être surpris, quand le coup de gaule t’a fait éclater le crâne...


Ensuite j’ai lassé le bracelet à ton avant-bras, passé le gant à ta main droite et serré les doigts de la gauche sur le grip de l’arc. Puis je vous ai balancés, toi et ton matériel, au milieu du lac. Je n’avais plus qu’à finir de traverser pour rejoindre le restaurant de mon oncle.


Voilà mes chers amis, maintenant nous sommes quittes. J’espère que vous ne m’en voulez pas trop d’avoir modifié le déroulement de votre soirée Saint-Valentin...


Au fait, comment avez-vous trouvé mon interprétation de Cupidon ?... Splendide, non ?


Legendre commence à s’agiter sur son siège. Je vois déjà l’histoire prendre forme dans sa petite tête, même s’il a du mal à en assembler les éléments. Il doit savoir que j’ai gagné ce concours de tir à l’arc à l’âge de dix ans, que peut-il m’en rester des années plus tard. Surtout, il tente de deviner si je suis un gars assez dur pour m’embrocher, moi-même, une flèche dans le bide ? Il n’a pas la moindre idée du mal que cela peut faire... moi oui.


Allez, il est temps de lui dire la vérité. Je reprends à voix basse :


– Heum... oui, lieutenant, je l’avoue, j’ai menti... Quand les flèches se sont mises à siffler, je me suis jeté au sol et j’ai fermé les yeux. Jusqu’à mon départ vers le radeau je n’ai rien vu, juste essayé d’interpréter les bruits et les cris, de deviner le déroulement de la scène... manifestement, dans le cas de Thérèse, je me suis trompé. Vous n’allez pas me reprocher d’avoir été lâche, ce n’est quand même pas un crime ?


***


PS : Désolé, je n’avais pas assez de place, en haut, pour le titre, donc le voici en entier :

Si à la Saint-Valentin elle te prend la main, vivement la Sainte-Brigitte... que vous soyez quittes !


 
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   hersen   
9/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Sentimental/romanesque , j'en doute !

Voilà une histoire bien tournée, et un sujet courant traité à son paroxysme.

j'ai vaguement tiqué sur le Cupidon, comment peut-on prévoir une soirée Saint-Valentin à 7 ?

Mais l'histoire se lisant bien, je n'ai pas approfondi.

J'ai apprécié le personnage capable d'utiliser ses points faibles pour se disculper dans l'enquête.

Mais un tel personnage dans la nature...ça fait froid dans le dos.

A mon avis, quand le narrateur reprend pour chacune des victimes la façon dont les meurtres se sont déroulés est en trop. J'aurais finalement préféré ne pas le savoir avec certitude et avoir la possibilité de l'imaginer.

Pour le titre, oui, j'ai dû me faire avoir, comme beaucoup !

Merci de cette lecture.

   Anonyme   
9/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quand j'ai lu cette histoire, j'avais l'impression de regarder un slasher ou un teen horror movie, désolé pour ces mots anglais. C'est exactement le même principe : une bande de jeunes gens part dans la nature – sexe, décontraction et alcool – puis tout dérape et finit dans le sang. Des scénarios comme ça il y en a la pelle, le plus célèbre étant Massacre à la tronçonneuse. Ce n'est pas une critique, j'adore ce genre de films, mais un constat. Et franchement vous vous en sortez très bien. C'est joliment écrit, vivant grâce aux bruitages dont vous parsemez l'aventure (quand je parle de cinéma...) avec un beau retournement de situation. Ici par contre le bât blesse, l'aveu aurait pu être mieux tourné, je trouve qu'il n'est pas très bien amené. Le contenu de cet aveu est crédible mais délivré trop précipitamment, au détriment de l'effet de surprise. Il aurait fallu à mon avis davantage mener le lecteur en bateau. Une sacré Saint-Valentin quand même !

   carbona   
11/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour,

Coup de théâtre ! C'est surprenant et bien vu. La première partie est celle qui me convainc le moins : le ton apathique du narrateur est déstabilisant, ça manque d'émotions, je me demandais vraiment ce qu'était cette scène : une pièce de théâtre, un rêve... Les flèches ne sont pas crédibles tellement elles sont racontées avec mollesse.

Le revirement est excellent, bravo !

Thérèse, étouffée dans son vomi suite au coma éthylique < bof, pas crédible qu'elle se soit étouffée devant les autres sans qu'ils ne s'en aperçoivent. Un peu grotesque ce passage.

Le PS de la fin : ça gâche un peu, j'enlèverais

Dans la première partie, les mots "tonton" et "les garçons" m'ont fait tiquer, j'ai trouvé que ça faisait langage d'enfant.

Merci pour la lecture !

Carbona

   vendularge   
13/2/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Cette histoire pleine d'humour et de mauvais sentiments se laisse lire avec plaisir, elle est bien menée. Je crois qu'elle aurait mérité d'être un peu plus longue de façon à ce que ce retournement de situation soit amené avec plus d'indices et d'incohérences laissant le lecteur "douter" encore un peu.

J'ai apprécié cette lecture, merci

   Anonyme   
24/2/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Une nouvelle plutôt bien menée dans l'ensemble. J'ai préféré la deuxième partie puisqu'il s'agit d'un rebondissement assez inattendu, même si je me disais que la scène de crimes dans la première partie était un peu trop facile, le narrateur observant ses camarades se faire embrôcher sans que la peur ne le paralyse vraiment. Ca faisait d'ailleurs un peu scène de théâtre, justement, et pas très réaliste.

Je n'ai pas plus accroché que ça même si cette histoire reste correcte dans l'ensemble.

Wall-E

   Bidis   
24/2/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bon, après avoir ri une demi-heure à cause du titre, je me mets à la lecture. Lecture qui m’enchante, m’emporte, me ravit et je m’amuuuuse jusqu’à… jusqu’à Legendre et le retournement de situation. Le héros aurait dû RACONTER l’histoire jusqu’à ce que Legendre trouve la faille. Le lecteur, surtout s’il est bon public comme moi, n’aurait pas cherché plus loin et se serait alors laissé surprendre par la seconde partie en forme de chute. Tandis que telle que, la nouvelle pour moi a perdu beaucoup de sa saveur. Quel dommage !
On lit ce texte très facilement d'ailleurs, mais j’ai l’impression que c’est facilement aussi qu’il a été écrit, sans énormément de relectures. Mais là, je peux me tromper, je ne suis pas experte en styles.
Passionnément plus pour la première partie, bien pour la seconde et vraiment pas pour le tour de passe passe, cela donne un "bien". Mais j'ajoute un petit plus pour le bon moment quand même et pour mon fou-rire de départ.

   macaron   
24/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
La deuxième partie est un peu déroutante, racontée par le même narrateur. On peut se poser la question, le commissaire ne pourrait-il pas découvrir la vraie histoire? Une histoire intéressante écrite dans un style décontracté, jeune. La St-Valentin, une punition collective!

   Anonyme   
24/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pepito

Un bon cocktail aux ingrédients justement dosés à savourer dans une ambiance comme je les aime en compagnie de personnages bien dessinés et pour finir, un twist qui swingue.
Merci pour la lecture. Pas eu envie de me demander si les glaçons étaient pilés ou en cubes, juste envie de m'asseoir et de déguster.

   Pouet   
24/2/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai trouvé bien poilant le petit PS sur le titre, moi qui pensais pieusement à vivement la Sainte Brigitte que je soigne mon arthrite ... :)

L'histoire m'a fait penser même si c'est autre chose au massacre perpétré par Breivik en Norvège, l'île quoi.

Ma lecture fut sans heurts, agréable. Voilà des petits trucs marrants comme la tente qui fait plop et la plus grande qui fait plooop... Vraiment sympa dans l'ensemble pour moi.

Le cupidon joufflu est frisotté a décidément bien des cordes à son arc...

Pour le coup je pense qu'on est en plein dans le thème du concours.

   Pimpette   
25/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un vrai plaisir à la lecture!
ce mélange de drôlerie et de cruauté est bien réussi

L'affreux Pépito a encore frappé!

En plus, un travail sérieux et nécessaire à signaler....les techniques tu tir à l'arc comme si notre auteur avait fait ça toute sa vie...ce dont je doute!

   Anonyme   
25/2/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Bonsoir,

Je suis fan de ce genre en général, et votre histoire est assez bien ficelée dans l'absolu.

J'ai un bémol sur la seconde partie, trop attendue, trop explicative à mon goût, un rien Usual Suspects dans l'idée... j'aurais aimé pouvoir découvrir le pot aux roses de manière moins évidente, plus devinée... et puis j'ai trouvé que le style manquait peut-être un peu de niaque...

Cependant, l'idée est bonne, ça se tient, c'est tout à fait dans le thème.

Merci.
Bonne chance pour le concours !

   alvinabec   
26/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Hi Pepito,
Serais-je in late?
C'est dingue ça, un texte non commenté dans les 24 h et c'est comme s'il fallait sortir le cadavre du frigo.
Une mention spéciale pour Poupette morte les poumons noyés dans la binouze, putain de reflux gastrique,la faute au coma z'éthylique, on se croirait aux urgences et son plein d'imbibés une nuit de St Sylvestre, mais là c'est Valentin, encore un saint d'hiver.
Le titre, excellent, nous conduit tout droit au camping et c'est là l'idée géniale, parce que camper en hiver hein...ben oui tous les ans avec les potes, on va camper, fait froid, ben oui c'est exactement pour ça, fait froid et la dobeul IPA restera fraîche jusqu'au bout de la nuit. C'est le concept du camping d'hiver au bord d'un lac de montagne.
Cupidon est LE personnage dont rêve tout littérateur, le brave gars, bonhomme à tout faire. Ici, prévenant, il évite à ses amis d’attraper une grippe, voire un rhume de cerveau, en s'égayant dans les bosquets alentour les fesses à l'air au risque de se les faire mordre par des leus ou un pestoun égaré.
Non Cupidon les protège. Il les guérit de tout en un seul geste thérapeutique. He's a good guy...
Allez, on part en Amérique, on plonge dans 'Délivrance', sa partie de fléchettes so cute et là Cupidon nous ravit encore, quelle réactivité ce garçon!
Hop, trois drains plus tard, il tape la causette à un inspecteur avide de jeux vidéo où l'on devient le héros de sa quête...trop fort.
L'ensemble m'a beaucoup fait rire, trash à souhait, je suppose que c'est pour faire genre, enfin gore.
Cupidon aurait pu être plus elliptique ou prendre des accents carrément allégoriques à l'évocation de ses potes dans son CR aux forces de l'ordre. Là je le trouve atone le joufflu de l'Amour, sans doute à cause de la dernière flèche.
Sur ce, je retourne à mon curare.
A vous lire...

   Anonyme   
27/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Eh bien, moi qui ne suis pas amateur de BD, j’ai bien apprécié le style comics de cette nouvelle, notamment soutenu par des onomatopées marrantes.

Ce n’est pas si évident d’écrire deux histoires à partir des mêmes éléments. Tant la première que la deuxième sont peut-être un peu forcées si l’on s’en tient eu premier degré, mais nous sommes ici dans du comics, alors… Surtout, il faut que la relecture de la première histoire tienne le coup après la lecture de la deuxième. Comme dans le Sixième Sens. Je te le dit tout de suite : je n’ai pas eu le courage de relire la première, mais il me semble qu’à la fin, cela puisse tenir le coup.

« Ha oui, j’aurais peut-être dû commencer par ça. » :
C’est le genre de dérision que j’aime beaucoup. Ça m’a fait penser à l’un des Exercices de Style de Raymond Queneau (un gars qui s’en sort pas avec sa narration et finit par abandonner son histoire avant la fin), absolument hilarant.

Tel quel, le titre aurait été un peu trop potache pour moi, mais c’était sans compter le post scriptum ;-)

D’ailleurs, je trouve que tu as un talent certain pour caser plutôt bien des blagues éculées. Le coup du couple qui regarde dans la même direction c’est quand même pas tout neuf, mais je suis encore parvenu à en rire :-)

Bon, ben, c’est dans le thème, original et très plaisant.

   Pepito   
29/2/2016

   CharlesH   
6/3/2016
 a aimé ce texte 
Pas
Contrairement aux autres, j’ai trouvé dans la première partie du texte que la violence était plutôt gratuite et non justifiée. Malheureusement, la deuxième partie n’a pas réussi à corriger le tir. Loin d’être surpris, je n’ai pas été emporté par l’explication des frustrations adolescentes. Le tout est bien écrit et se lit bien, mais je ne suis définitivement pas le public cible de cette nouvelle. Une prochaine fois peut-être, de toute façon votre public est conquis et donc pas de soucis pour vous.

   amethystev   
7/3/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

J'ai bien apprécié cette lecture, le style est agréable et fluide, sans prise de tête. Une bonne histoire drôle et sanglante. Chapeau pour le titre!

La première partie m'a cependant laissé un certain malaise. Je sentais un effet de distance entre le narrateur et son discours, un manque d'émotion qui m'a annoncé presque immédiatement que les faits n'étaient pas tels qu'il nous le racontait. L'effet de surprise a été un peu gâché.

Merci pour cette lecture

   Femme-Cattleya   
7/1/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Attirée par le titre :) forcément !

amusant, une sacrée soirée !
j'aime bien les bruitages qui mettent de la vie au texte :)
et puis j'ai bien ri sur le commentaire du couple qui regarde dans la même direction. Rien d'étonnant hein ?


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