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Fantastique/Merveilleux
Robot : Un objet extraordinaire
 Publié le 03/10/21  -  10 commentaires  -  10652 caractères  -  76 lectures    Autres textes du même auteur

Lucas a vu un objet bizarre sur le muret de la fontaine.


Un objet extraordinaire


« Elle est là papa… »


Maurice aperçut la chose que son fils Lucas, à la fois excité et craintif, n’avait pu lui décrire en rentrant de l’école par un après-midi de juin. Tous deux avancèrent prudemment, ne sachant pas à quoi ils avaient affaire ils restèrent à bonne distance.


– Tu vois comme elle est transparente, dit Lucas.

– Transparente ! Elle me semble plutôt très noire. Elle scintille par moments, je me demande si ce n’est pas radioactif.

– Vous regardez quoi ? s’enquit le voisin, un octogénaire sorti sur le seuil de sa maison.

– Là juste devant chez vous Mathias, sur le muret de la fontaine, répondit le père. Un truc pas très catholique.

– Je ne vois rien !


Puis après un moment d’observation.


– Ah ! cette pierre brune.

– Elle n’est pas brune et ce n’est pas une pierre, rétorqua l’enfant, elle est lumineuse. Papa pense que c’est du radia… radia… tif.

– En tout cas, il vaut mieux se méfier. Restez ici tous les deux, je cours prévenir le maire.


Le maire n’était pas chez lui et le temps d’aller le trouver à sa ferme où la traite avait commencé il se passa une bonne demi-heure. À son retour avec le magistrat Maurice s’aperçut qu’un attroupement s’était déjà formé d’où émanait la rumeur de conversations animées.


– Elle brille comme un diamant !

– Pas du tout ! Elle est si sombre qu’on ne la verrait pas dans le noir. À coup sûr que c’est une météorite.

– Elle produit tout de même des étincelles, faut être aveugle pour ne pas s’en apercevoir.

– En tout cas ce n’est pas une pierre.

– On dirait du plastique !

– Plutôt du verre.

– N’importe quoi, c’est de la brique rouge !

– Va voir l’oculiste, t’es daltonien mon gars. Ce machin est bleu comme le ciel.

– C’est aussi qu’il a une drôle de forme cet engin. Pointu d’un bout et rond de l’autre.

– Franchement, on dirait qu’on ne regarde pas la même chose, je dirais moi que c’est tout plat.


Il semblait que personne ne pouvait s’accorder, comme si chacun voyait un objet différent. À ce moment, le curé averti par une paroissienne se mêla au groupe des curieux. Le maire et lui s’approchèrent en demeurant toutefois à un mètre environ de cette étrangeté. Ils furent rejoints par Julien le mécréant du village qui venait dire son mot.


– Quelle beauté, aussi pure que l’Immaculée Conception. C’est un message du bon Dieu, proclama l’ecclésiastique.

– Pourquoi pas la Sainte Vierge, ricana Julien.


Le curé s’avança de deux pas et avant que le maire ait pu le retenir, il saisit l’objet. Mais sur ordre du maire il le reposa aussitôt et c’est alors que le mécréant s’en empara, déclenchant une bagarre générale où s’échangèrent entre croyants, incroyants et neutres des coups qui laissèrent des traces sur les visages et les membres de nombreux villageois.

La Lucette, épouse de Julien, vindicative et toujours envieuse, estimant qu’elle avait tout autant que d’autres un droit sur le trésor entraîna aussi quelques femmes dans l’échauffourée. Elles ne mirent pas moins d’ardeur dans la distribution de gifles, morsures et tirages de cheveux au cours de la rixe.

Maurice, furibond, alors qu’il ne s’était pas engagé dans la bataille proclama que son fils ayant découvert le premier la chose, le trésor lui revenait. Cette affirmation eut pour effet de relancer les pugilats, au grand dam du maire qui réussit finalement à rétablir son autorité et obtint le retour à l’apaisement.


– Personne n’y touchera jusqu’à ce que je prévienne les autorités. Je charge le garde champêtre et les conseillers municipaux de veiller à ce que personne ne l’approche jusqu’à l’arrivée des gendarmes.


Les attroupés rendus à ces sages paroles se rendirent compte alors que l’objet avait disparu. Le maire, furieux, estimant que dans la mêlée un habitant s’était probablement attribué la chose promit qu’une plainte serait déposée pour découvrir l’auteur du forfait. Puis il incita chacun à retrouver ses esprits et à rentrer dans son foyer.


************


– M’sieur l’maire, m’sieur l’maire, accompagnez-moi vite, on les a trouvés !

– Trouvés quoi, trouvés qui Marius ?

– Le curé et Julien, haleta le garde champêtre, tous les deux assis sur le banc de la fontaine, comme figés.

– Manquait plus que ça, grommela l’édile.


En effet les deux hommes semblaient prostrés, chacun à une extrémité du banc, se tenant curieusement par la main. Déjà quelques voisins essayaient de les réconforter et peu à peu ils commencèrent à redonner des signes d’activité. On les pressait de questions, le maire exigeait des réponses. Mais il fallut bien se rendre compte au bout d’un certain temps que l’un et l’autre avaient perdu la parole. On les conduisit à la salle du conseil de la maison commune. Assis devant la grande table des délibérations ils furent munis d’un bloc de papier à lettres et d’un stylo, mais restèrent incapables de tracer autre chose que des signes incompréhensibles.


Le maire alerta le sous-préfet qui avisa le préfet. Celui-ci informa le député en même temps qu’il en référa au ministre de l’Intérieur lequel s’en ouvrit au président.


– C’est une affaire du ressort de votre ministère, Duruisseau. Voyez avec votre collègue de la santé. Quant à moi je n’interviendrai pas sans de plus amples informations. Vous m’informerez du suivi de cette histoire abracadabrante.


************


Madame Bernet, la pharmacienne du village, était restée insensible à ces évènements, confirmant à chacun que jamais elle n’avait observé le moindre objet là où beaucoup prétendaient qu’il se trouvait. Sa petite Isabelle dont elle s’occupait avec une attention touchante et affectueuse était une enfant de six ans qui ne parlait pas. En dehors de sa mère, seul Lucas avait pu nouer quelques liens par gestes et mimiques en parvenant à jouer avec elle, la faisant sortir pour quelques moments de son enfermement. Mais depuis les évènements, madame Bernet, soucieuse d’éviter à la fillette des perturbations risquant d’aggraver son état avait enjoint à Lucas de renoncer à cette amitié.

Celui-ci en avait été profondément peiné, car fils unique, il considérait Isabelle comme une petite sœur dont il se sentait très proche.


************


– La chose, papa, la chose elle est revenue !


Lucas entraîna son père dans la cour de l’école. La chose reposait sur une des marches du perron.


– Ce n’est pas la même, objecta Maurice.

– C’est vrai qu’elle a changé mais je suis sûr que c’est elle ! Elle n’a pas la même couleur, pas la même forme, elle est encore plus belle, mais c’est elle !


Le sous-préfet, échaudé par les évènements précédents, suspendit le maire pour manque d’autorité dans ses fonctions de responsable de la police municipale. Il imposa l’intervention des gendarmes qui établirent un cordon de sécurité pour empêcher toute intrusion dans la cour. On mit les écoliers et les écolières en absence forcée jusqu’aux vacances de juillet. La tension ne retombait pas d’autant que certaines personnes dans les familles ne voyaient pas cette fameuse chose. Supputant une hallucination collective, on invoquait une intoxication par l’ergot de seigle, des expériences chimiques clandestines, un empoisonnement par les désherbants et autres possibilités inquiétantes mais improbables pour les autorités. Les conséquences des bagarres restaient visibles et le médecin du village ne comprenait pas pourquoi les soins prodigués ne parvenaient pas à guérir les blessures, bosses et griffures étrangement impossibles à cicatriser.


Chaque jour, les habitants se rassemblaient devant l’école comme aimantés par l’objet comme on appelait maintenant l’élément inconnu. On avait même relevé des gendarmes originaires du lieu qui ne restaient pas insensibles à ce mystérieux attrait. On avait interdit aux personnes étrangères au bourg de passer les limites intérieures du village. Cependant il semblait que seuls les résidents étaient affectés. Les villageois délaissaient leurs occupations au point que le député exigea du sous-préfet qu’il rappela à leurs devoirs les paysans qui négligeaient la période des fenaisons, le boulanger qui oubliait son fournil, l’épicier qui n’ouvrait pas son magasin et n’effectuait plus ses tournées.

Muet, le curé ne pouvait pas célébrer les offices et l’évêque assura une cérémonie contre une éventuelle entreprise démoniaque.


************


Comme chaque vendredi, madame Bernet, accompagnée par Isabelle, se rendait à pied à l’épicerie où la conduisait la nécessité de ses courses hebdomadaires. Tirant son chariot à commissions, elle passait devant l’école, le regard visiblement agacé à la vue des groupes rassemblés devant l’entrée où les gendarmes montaient la garde. Instinctivement, elle jeta un coup d’œil vers l’endroit supposé où devait se tenir le fameux mystère qui bouleversait la vie du village depuis plus d’un mois. C’est alors que la fillette lui lâcha la main et se précipita vers l’entrée, se faufila entre deux gendarmes surpris par cette intrusion imprévue. Lucas présent parmi les curieux se lança à sa suite pour la rattraper.


– Laissez-moi passer, c’est ma petite sœur, lança Lucas aux brigadiers.


La petite atteignit le perron au moment où Lucas la rejoignait. Tous deux étaient penchés au-dessus de la marche d’escalier. De l’avis de la foule rassemblée, Isabelle se saisit alors de l’objet qui intriguait chacun. Puis suivant son ami elle revint lentement vers sa mère, comme si de rien n’était.


– Donne à maman ce que tu as pris là-bas, demanda doucement et sans la brusquer madame Bernet.


L’enfant ouvrit les mains, elles étaient vides… mais sur le perron l’objet avait bel et bien disparu.


Dès lors, dans les jours qui suivirent, comme par enchantement, le curé et le mécréant recouvrèrent la parole. Les stigmates des bagarres disparurent sans que le médecin puisse expliquer le phénomène.

Les gendarmes quittèrent le village. Les paysans, le boulanger, l’épicier vaquèrent normalement à leurs occupations. Plus personne n’abordait le sujet de l’objet qui somme toute les avait amenés à des attitudes ridicules qu’ils voulaient oublier.


************


Madame Bernet autorisa Lucas à reprendre ses visites à Isabelle, toujours mutique. Un après-midi par un superbe soleil du mois d’août, tous deux jouaient dans le jardin. Isabelle assise sur la balançoire. Face à elle, Lucas poussait délicatement sur les cordes en veillant à l’équilibre de son amie. Isabelle souriait en remuant ses bras vides comme si elle berçait une poupée. Lucas se pencha et murmura à son oreille :


– Il est beau… cet objet c’est notre secret !

– Beau, beau ! répondit la fillette.


 
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   Anonyme   
2/9/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Ce qui paraissait être un bon pitch se révèle ici décevant, le trop grand nombre de personnages perd vite le lecteur, à plus forte raison sur un format de texte aussi court, l'erreur est grossière. Ce texte mérite pourtant d'être retravaillé, en réduisant considérablement le nombre de protagonistes par exemple.

En espérant que ce commentaire vous aide,

En Espace Lecture.

   Donaldo75   
12/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

J’ai beaucoup aimé ce texte. Je trouve la nouvelle très bien racontée et la multitude de personnages justement la rend riche. De par ces personnages, l’histoire prend de l’ampleur et le côté légende urbaine – rurale, dans le cas présent, voire rustique – se développe bien et ressemble bien à ce que j’ai pu connaitre des petits villages. La fin est savoureuse et prend une dimension fantastique voire poétique qui rajoute du charme à l’ensemble.

Une lecture agréable et relaxante.

Merci pour le partage.

   Perle-Hingaud   
13/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle pleine de charme. J'ai bien aimé l'écriture, et surtout la poésie de l'histoire. On voit venir la fin, mais elle ne déçoit pas : le monde secret des enfants est un thème toujours puissant !
Je me demande comment cette histoire pourrait être réinterprétée dans le monde actuel : les réseaux sociaux, les médias, les avis d'experts...
Merci beaucoup pour cette lecture agréable.

   papipoete   
3/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Robot
Cet objet extraordinaire exista dans bien des campagnes, à l'époque où le smartphone ne proposait pas du virtuel, ou des jeux à se faire peur !
De Bernadette Soubirou, en passant par la bête du Gévaudan, de nombreux témoignages relatent ce genre de faits extraordinaires, où méfiance, défiance et signes démoniaques animèrent de paisibles villages !
NB il y a dans ce conte bien des couleurs ; de l'arc en ciel face à cet intrigant caillou, du bleu des gnons dans la figure, du gris face à cette colère naissant dans la population.
Du merveilleux bien sûr quand isabelle répond ( alors mutique ) à Lucas " beau, beau notre secret " ; je songe à Michel et Paulette dans " jeux interdits " scellant leur secret, près de la tombe du petit chien...
On voyage dans le temps, passant un bon moment, à travers ces lignes tantôt intrigantes, touchantes et au final rayonnantes !

   Cyrill   
3/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J’ai lu dans ce texte une forme de parabole qui ajoute du merveilleux au quotidien des débats qui animent nos sociétés.
J’ai particulièrement aimé les dialogues, très vivants, et où chacun se fait une idée particulière de l’objet, idée qui peut servir accessoirement sa propre cause.
De bien bons passages aussi comme celui où on en vient aux mains, celui aussi où la patate chaude est refilée de mains en mains.
J’ai apprécié également l’allusion au pain maudit de Pont-Saint-Esprit.
On voit venir un peu le final mais il est plein de tendresse. Le ridicule des adultes ressort d’autant mieux. Le vide bercé dans les bras de la fillette : une belle métaphore sur l’imaginaire de l’enfance, qui ne s’embarrasse pas de réalité, du moins l’ai-je entendu ainsi.
Les adultes n’auraient-ils plus le droit de s’amuser ?!

   Robot   
6/10/2021

   Anonyme   
7/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà un objet bien mystérieux qui sert une belle réflexion pleine de poésie sur les histoires que savent si bien se raconter les enfants. Au point de redonner la parole à la petite fille, pour qui veut, qui sait, l'entendre...

On se glisse aisément dans l'ambiance créée par cette foule hétéroclite autour du mystère, où chacun y va de ses croyances plus ou moins exacerbées.

L'écriture est fluide, et l'intonation juste pour cette brillante inspiration autour de l'objet extraordinaire.

Merci, Robot, pour cet agréable moment de lecture.


Cat

   Anonyme   
23/10/2021
Au début, je suis parti sur une mauvaise piste. J’ai pensé que cet « objet extraordinaire » pouvait être la représentation d'une œuvre artistique, littéraire pourquoi pas, que chacun pourrait voir à sa façon, et peut-être même ne pas voir.

Je me suis trompé. Alors de quoi s’agit-il ? S’agit-il de montrer une chose qui ne serait accessible qu’à l’innocence de l’enfance, qu’il n’est pas utile d’expliquer, mais seulement d’accueillir ?

D’une certaine façon, je reste dans ma première interprétation puisque j’ai certes vu quelque chose, mais je ne sais pas ce que j’ai vu.
J’ai remarqué que vous avez créé un fil au sujet de ce texte. Je vais voir ce qu’il en est.

Sinon, l’écriture et l’évocation de cette vie de village ne sont pas désagréables. Ce contexte est peut-être parcouru un peu rapidement pour qu’on puisse s’y attarder et s’en imprégner, mais nous sommes dans un format court et ce n’est que le contexte et non le sujet.

   Anonyme   
25/10/2021
Une étude de mœurs ironique autour d'un "rien et ce qu'on veut", avec des phrases que je n'aurais pas trouvées, tant elles sont précises sans l'être trop. Plus simplement, c'est bien tourné. Cela dit, j'ai envie de terminer par "so what?"

   jeanphi   
9/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce récit est tourné de manière assez subtile. Un effet de contraste est créé entre la rédaction minimaliste et le surréalisme qui s'y déploie.
La construction presque architecturale de certaines phrases :

"...s'aperçut qu'un attroupement s'était déjà formé d'où émanait la rumeur de conversations animées."

mais aussi le ton explicatif et très sobre qui pourrait d'emblée évoquer le style 'Lovecraft' sont ici employés comme des antipodes à la psychose et à l'anarchie de l'action.
Cela dû à ce que le narrateur n'est pas protagoniste ?

Des faits relatés sans horreur et qui déclenche une épouvante certaine ...


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