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Récit poétique
chVlu : L'avis par la fenêtre
 Publié le 22/06/20  -  7 commentaires  -  6838 caractères  -  57 lectures    Autres textes du même auteur

Il est du virtuel comme du réel, tout mène à tout à condition de savoir en sortir…


L'avis par la fenêtre



Sonné, assommé, je déambulais, filigrane parmi des spectres fuyants et insaisissables.

Pourquoi, comment, quand, qui ? Autant de questions sans réponses, et de réponses sans questions, à ruminer.
J'errais dans les méandres d'un monde décomposé sur lequel je jetais un voile de larmes pudiques. Je n'étais plus qu'un reflet dans une flaque mazoutée. Singeant une humeur visqueuse, un vide sidérant avait tout empli.
Les souvenirs du fracas se dessinaient en ombres chinoises. Un séisme ou une éruption avait tout rasé. Les souvenirs devenant mirages, demain perdait son horizon.

Apeuré, je me tenais reclus au fond de mes idées noires, m'accrochant désespérément à mes douleurs, ultimes symptômes de vie, comme un naufragé pendu à son rafiot. Mon inconscience confuse hantait une forêt de fantômes, je finis par entrevoir un échantillon de réalité.

« Défenestré, l'ombre de moi-même suffit-elle à faire, être, illusion ? »

Deux petits lutins facétieux surgirent, tels de petits diables bondissant hors du ventre d'un passé terrassé. Uniques survivants et descendants d'un monde disparu, ils aspiraient à vivre. J'assumais, par devoir et avec abnégation, le rôle de ma vie. Puisant dans mes dernières forces, je les accompagnais.
Ils s’évanouissaient et réapparaissaient, alternativement, comme par magie noire. Noir, tout était noir ! Non, rien n'était blanc ou noir ! Tout était d'un noir vert-de-gris. Je replongeais dans le labyrinthe de mes frustrations, mes désirs arrachés, mes envies interdites. En cette époque d'intime guerre sanglante, je ne trouvais refuge que dans le néant. Peu à peu la sensation d'être s'épuisait, comme une bougie chancelante se noie dans sa matière liquéfiée. Ma lueur toujours plus fragile se diluait dans cette nuit opaque.
M'enfonçant, toujours plus profondément, dans mon coma je m’écorchais aux épines du futur périmé. À force de perdre les miennes, je finis par trouver mon intime essentiel. L'instinct animal m'interdit d'échapper à la torture par abandon…
Ici la vie laissait le champ libre à l’ironique survie… J'acceptais que demain ne soit plus la réalisation des rêves d'hier. Je repoussais même les derniers vestiges d'un « à venir » ravagé.

Saisissant du bout des doigts mes dernières volontés, j'ouvris une fenêtre.

« Pseudo, mon gémeau pseudo, ne vois-tu rien venir ? »

À moi, rendu muet, le clavier devint paravent et porte-parole.

Pour marquer ce que je croyais être une renaissance, je dus me choisir un nom de baptême. J’exhumai un bout de passé antérieur en guise de pseudo.
Mon quotidien était désormais rythmé, meublé, envahi, par mes visites au P.C. De cette position stratégique, je scrutais ce monde dont j'étais, ou, je m'étais, exclu. Bercé de douces illusions je m'inventais un semblant de paix intérieure. À force d'imaginer pouvoir, j'étranglais mon besoin de faire et misais mes derniers espoirs d'être, sur un hasard heureux.

Il pointerait, je m'échinais à y croire, le bout de son nez, espiègle et entraînant, par l'encadrement.

« J'étais à la fenêtre et je les ai vus. »

Le sentier escarpé vers la résurrection était-il vraiment derrière cette baie trônant au centre du mur ?

Dans cet univers carcéral autogéré je croisais :
– des dingues et les paumés gavés à l'audace du virtuel, gonflés d'ego sans gène,
– des prédateurs sans empathie, qui jouaient au chat avec les petites souris blessées,
– des frères et sœurs d'infortunes, nous n'avions que nos jours déchus et meurtrissures à offrir.
Je n'osais même plus tendre la main dans l'espoir qu'une autre ne la prenne. Il est des âges où l'on peut prendre du plaisir ou la main, sans demander la permission à quiconque.
Belote, re et dix de der !
Ou de perdues ou de retrouvées ?
Alors que je dissimulais mes fuites lacrymales dans l'océan virtuel de ma baignoire, je décidai de prendre pied sur l'appui et de sauter…
Je trébuchais sur d'autres arrachés à l'humanité, qui avaient, eux, même décidé que la fenêtre serait une porte.

Mais faire la part des choses entre illusion, rêve, réalité, volonté forcenée, n'est pas une sinécure.

« Elle était à la fenêtre, et, nous nous sommes vus !

J'étais à la fenêtre, et, j'ai vu le mur ? »

Un jour, ou une nuit, j'enjambai le rebord, et d'un pas furtif me glissai de l'autre côté, un pas vers elle.

Les jours défilaient en syncopes, à contretemps. Les nuits étincelaient de codas, comme des retours vers le futur. Un lien, devenu favori, me ramenait de lui à elle plus souvent que mes lois du hasard ne l'autorisaient. De petits rituels initiaient un passage, même pas secret, entre ici bas et l'au-delà. Une fenêtre comme porte entre deux mondes.
Les démons ont commencé leur long et méticuleux travail de sape des impossibles à vivre et des rêves éveillés.
Et si je n'avais pas sauté en marche d'une existence mais de la vie ? Et si la fenêtre n'était qu'un trompe-l’œil ?… mon œil !
Dans mes pérégrinations erratiques sur les voies électroniques, je découvrais de nouvelles trouées à parcourir, un abyme au fond du trou, une glace dans un miroir, un ici dans un ailleurs…
L'un de ces écrans me conduisit sur un faux semblant de vie, laborieuse.

Encore un de ces tours de passe-passe à la Majax. Il faut toujours se méfier des Gérard !

« J'étais à la fenêtre et je vous ai vus… vous aussi ! »

Une autre embrasure ramena à la vie des vestiges.

Des amitiés se réanimèrent avec leurs effets désirables. La réaction en chaîne s'amorça, comme une infection, des foyers de vie essaimèrent.
Un jour, par l'une de ces lucarnes, filles de celle qui est magique, une main s'est tendue. Je me suis penché pour la saisir, et la voilà qui me fuit. Je m'interdisais de lâcher, cramponné à l'espoir d'une main, et à la douleur (cet ultime signe inéluctable de mon état de vivant) de l'autre ; j'entrais en résistance. Les ventaux se refermèrent lentement, comme une plaie cicatrise, sans double tour. La lumière n'y filtrait plus.
Une nouvelle, bonne, faisant un pied de nez à la malédiction, trouva son chemin par un petit espace vitré, qui sait à l'appel se faire entendre. Comme quoi les forfaits ont en commun avec les malheurs de savoir parfois être bons à quelque chose.
Du fond de ma poche, le tant espéré d'antan, maintenant inattendu, revint à moi.

Une voix surgit de nulle part et me rappela à la fenêtre. Celle-ci s'étalait en plein écran, et déchira le mur des lamentations pour m'ouvrir une voie.

« J'étais à la fenêtre et je vous ai vus, vous, eux, mes lendemains que j'espère…, encore ! »

J'y cours…


 
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   Anonyme   
5/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,
Voici le premier récit poétique que je commente. Pas simple du tout, pour moi, tant la longueur d’un texte, sur Oniris m’oblige à forcer l’attention sur une certaine longueur…Trois pages Words, tout de même. Détail, peut-être, mais j’ai l’habitude de la fulgurance en poésie, pas du marathon.

Le titre : J’aime avec « l’avis » qui phonétiquement peut se lire comme « la vie ».
Tout le récit en est la preuve.
J’ai aimé, en « vrac » :
Les allusions à d’autres arts : « les dingues et les paumés » -chanson, « les lutins facétieux » -les contes, par exemple. Le style très accessible et poétique, les images toujours savoureuses. Les métaphores (ok, c’est comme les images, mais avec un plus.) ; Ce « elle » , la vie, la joie, la femme, l’amitié ? Les allusions à « l’ici-bas » et « l’au-delà », le bas du quoi ? Quel est le « haut » ? L’au-delà, de même (« au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable » R. Gary/É. Ajar), l’avant dernière phrase, le « virtuel » a ceci de magique qu’il peut déboucher, débouler dans nos réalités.

J’ai moins aimé « Gérard Majax » trop daté à mon goût, mais dans l’idée j’approuve et si le narrateur se prénomme Gérard, encore plus. Je connais surtout Gérard Lambert et Gérard de Nerval.
Bref, c’est court, comme commentaire, mais j’ai vraiment aimé cette lecture, merci !

Éclaircie

   Angieblue   
22/6/2020
Salut,

C'est assez space comme un mauvais trip sous l'emprise d'une drogue. Le récit est un peu construit comme des flashs, on a du mal à se repérer dans le temps et l'espace. On ne comprend pas tous les ressorts de cette introspection. Qui est le "elle".
En ce qui concerne le lieu, je me suis un peu perdue entre l'écran de l'ordinateur et la fenêtre. Il y a aussi le terme "pseudo", Est-ce une expérience virtuelle?
En tout cas, j'ai bien aimé l'atmosphère, le champ lexical de l'opacité et de la confusion bien présents dans le début du texte.
Par contre, je n'ai pas bien compris cette phrase:
"Du fond de ma poche, le tant espéré d'antan, maintenant inattendu, revint à moi."
Je constate l'allitération en "t", mais niveau sens, j'aurais mieux compris avec "temps" à la place de "tant".

En somme, en effet, il s'agit d'un récit poétique en raison des allitérations et des images surréalistes.
C'est une expérience stylistique intéressante et singulière.
ça laisse une impression de vertige même si l'on ne comprend pas tout, et en ce sens, c'est plutôt réussi.

   ANIMAL   
22/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je vois dans ce récit quelqu'un qui se noie d'ennui, qui déprime dans sa vie et décide de se créer une autre vie virtuelle, meilleure il l'espère, à travers un avatar, personnage qui sera lui sur internet (les réseaux sociaux, les chats...).

Et ces deux vies se mêlent et s'emmêlent, la vraie et la fausse. Cette fenêtre ouverte sur un autre monde, cet "univers carcéral autogéré" où l'on rencontre des gens tout aussi perdus que soi qui cherchent sans doute la même chose, que peut-elle apporter en réalité ?

La confusion apparente qui découle de la lecture du texte n'est que le reflet de celle qui empoisonne l'esprit du narrateur. Il cherche à communiquer via un écran, d'autres veulent faire de même. Tous sont pris au piège de ce faux-semblant de vie par écran-fenêtre interposé :

"Mon quotidien était désormais rythmé, meublé, envahi, par mes visites au P.C. De cette position stratégique, je scrutais ce monde dont j'étais, ou, je m'étais, exclu"

En bref, peut-on vraiment solutionner ses problèmes personnels en tournant le dos au réel ? Là est toute la question que pose ce texte, à mon sens.

en EL

   Vincente   
23/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
La réalité de ce poème virtualise l'impression de l'auteur en peine de retrouvailles… de lui-même.
"Sonné, assommé, je déambulais, filigrane parmi des spectres fuyants et insaisissables.". Tout le récit est dans cette première phrase avouée, tout le récit est filigrane d'une pensée ébrouée.

Une lecture en filigrane s'impose mais les "méandres [du] monde décomposé" dans lequel erre le narrateur sont bien peu avenants. Tout d'abord, il faut faire assaut d'empathie pour se pencher sur un tel esprit déboussolé ; ensuite, il faut éviter la contagion d'un doute existentiel qui nous emporterait à la frontière de notre volonté, là sur le rebord d'une fenêtre d'où nous pourrions bien sauter à notre insu ; et puis, finalement il faut défricher, éclaircir, éclairer, voir à l'en deçà et à l'au-delà de l'espace tourmenté, ainsi pour cela une expérience serait nécessaire, celle de celui qui est passé par là et étonnamment en est revenu, ou une expertise requérant un œil "professionnel"…

L'état des lieux deviné ainsi, je vais tenter de refaire le parcours, en raccourcis, "comme si j'y étais" car je dois reconnaître, non mes propres tourments, mais un champ émotionnel dont je me sens assez proche.

Il est effectivement des perceptions de notre "perspicacité émotionnelle" assez troublantes. Parfois comme chez ce narrateur, ce qui est le fait de la réalité peut être remis en cause ; le doute de nous, le doute de tout est devenu monde omniprésent, omnipotent à la hauteur de nous-même ; le récit s'inscrit dans ce temps à contretemps. Le rêve n'est pas cauchemar, mais pire il est réalité illusoire.
Quand le narrateur voit surgir les "petits lutins facétieux", j'aperçois ses petits-enfants qui naissent de son "passé", à l'instant de ce moment troublé, "terrassé". Il serait intéressant de noter le fait que la "terrasse" est le "passé", un fondement, une plateforme [im]portant la descendance. Ce passage troublé/troublant est donc moins négatif qu'on le penserait.

Un peu plus loin, ce passage : " Ici la vie laissait le champ libre à l’ironique survie… J'acceptais que demain ne soit plus la réalisation des rêves d'hier. Je repoussais même les derniers vestiges d'un « à venir » ravagé. ". J'aime beaucoup l'idée paradoxale de "vestiges d'un avenir", elle vient accompagner et renforcer celle non moins perturbée de "l'ironique survie", l'ambivalence est devenue cœur du récit, le trouble a ainsi fait naître un organe qui bat au rythme des virtualités qui s'avivent. Et l'on franchit alors l'espace, depuis la fenêtre qui s'ouvre sur la virtualité effective du monde digital. "Pseudo, P.C. " (tour centrale d'un ordinateur lambda), "fenêtre de l'écran" comme espace intégré ouvrant sur d'autres sous-fenêtres, "codas", "voies électroniques", etc… Autant d'arguments modelant dans leur champ lexical le lieu nouvellement investit qui fait revivre. Mais n'est-ce pas plus que paradoxal, réellement aberrant, de revivre par la virtualisation de la vie factice du numérique se substituant à la vie réelle ?
Décidément le réel se joue bien de nous, ce texte perturbé et perturbant vient nous le signifier à sa manière. J'ai beaucoup aimé ces mots "dérangés" cherchant un salut dans l'écriture, serait-elle digitalement virtuelle ! L'ambiguïté de l'esprit s'en débattant y a trouvé une voie parlante à bonne fin.

   Anonyme   
26/6/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Je me suis laissée prendre par ce récit poétique, et je suis contente de retrouver chez toi, chVlu, , le Philippe tendre et pétri d'une grande sensibilité. Celui que je subodore depuis toujours, mais qui ne m'avait tendu jusqu'à présent que la joue du ressemeleur de jeux de mots poético-humoristique (si je puis dire ainsi. :))

Sois-en remercié.

A mon habitude, je suis bien incapable de pointer du doigt les détails qui font que oui, ou que non. C'est l'ensemble de ta promenade en eaux profondes qui m'a complètement subjuguée.

J'adore tout simplement lorsque une plume aussi bien inspirée agite la houle de mes émotions.

Au plaisir de te relire dans cette veine.


Cat

   chVlu   
28/6/2020

   Lariviere   
30/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé ce texte, sur le rendu bien sur, mais aussi pour son fond et par ses riches références tout azimut...

Ce n'est pas simple de réussir un dosage entre le récit et la poétique, sans en avoir l'air, sur un fond à la fois simple et saisissant. Ici je trouve que l'auteur s'en tire avec brio.

Il y a plus qu'un grain de folie et de fantaisie dans ce texte, mais c'est bien mené et ca reste jubilatoire... sur le fond, je ne dirais rien et encore moins de psychanalytique, car c'est connu la psychanalyse est à l'analyse, ce que les romans de gare sont à la littérature... et autant j'ai horreur des romans de gare, autant, j'ai apprécié ce texte aux parfums presque pataphysique.

Merci beaucoup pour la lecture et bonne continuation.


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