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Poésie libre
Stephane : Vestiges
 Publié le 02/04/20  -  13 commentaires  -  2480 caractères  -  187 lectures    Autres textes du même auteur


Vestiges



Le bus m’emporte en des contrées sauvages
qu’aucune route empruntée ne saurait voir
Ici ou ailleurs il y a toujours une voie
menant vers ce nulle part où chaque pas nous porte

Les barres d’immeubles défilent sur des sentiers mille fois battus
si rares qu’il nous faut sans cesse en inventer les vies
au risque de se perdre au fond d’impasses méconnues

Derrière un muret de pierres grises l’herbe décharnée d’un sol sableux
nuit gravement à l’espoir
Jadis les enfants jouaient à la marelle ou bien aux billes
J’entends encore leurs cris dans cette mer d’huile
et les pleurs semblent se répercuter en un écho qui soudain m’assaille

Il me faut voir pour comprendre
voir les mêmes graffitis sur les mêmes murs
les mêmes commerces éventrés aux rideaux d’acier
muets à en devenir fou
les quartiers aussi déserts que le Wadi Rum où s’égarent encore quelques rôdeurs
qui feignent d’exister dans un présent amer
les lèvres suspendues à un simple murmure

Autrefois les rues étaient vivantes du vrombissement des moteurs
les carrefours enclavés
les trottoirs vibrant des passants occupés à battre le pavé

J’ai cherché à saisir le cœur insondable des choses
le sens de chaque pierre posée sur l’édifice
un ordre quelconque qui eût pu m’éclairer sur un début de signification
Car ici l’exil gagne du terrain et les ombres s’effacent
le tronc des arbres rabougris par l’abandon

Je me demande quand tout cela a commencé
tout être recroquevillé tel le corps décharné d’un vieillard
sans que nul ne s’offusque du drame

La procession s’enclenche rétrécissant l’espace
qui nous sépare encore du temps de nos ancêtres
Barrière impavide dans l’éternelle grisaille

Le bus s’arrête
Peu importe l’arrêt
celui-ci ou un autre
Le silence des jours creux imprègne chaque parcelle d’abri
dénué de toute présence
À quoi bon descendre si ce n’est pour contempler l’absence
Autant poursuivre le chemin qui me mènera en d’autres lieux

Il me faudra errer des jours durant
à la recherche d’un lien pouvant redonner cours aux choses
Toucher les ossements de murs à l’agonie au sein d’immenses cathédrales
Sinuer entre les canaux émaciés de toute veine meurtrie
Suivre les colonnes d’éternité sous le ciel hivernal pour y trouver la paix


 
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   Cristale   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
C'est étonnant comme l'ambiance relatée dans ce poème ressemble à la situation actuelle bien que j'imagine que le récit est antérieur.

Ces quartiers silencieux et désertés :
"Jadis les enfants jouaient à la marelle ou bien aux billes
J’entends encore leurs cris dans cette mer d’huile
et les pleurs semblent se répercuter en un écho qui soudain m’assaille"

et les strophes suivantes :

"Il me faut voir pour comprendre
voir les mêmes graffitis sur les mêmes murs
les mêmes commerces éventrés aux rideaux d’acier
muets à en devenir fou
les quartiers aussi déserts que le Wadi Rum où s’égarent encore quelques rôdeurs
qui feignent d’exister dans un présent amer
les lèvres suspendues à un simple murmure

Autrefois les rues étaient vivantes du vrombissement des moteurs
les carrefours enclavés
les trottoirs vibrant des passants occupés à battre le pavé"

L'on se croirait vraiment en situation de confinement, je dirais que cet écrit était prémonitoire si la suite n'évoquait pas ces quartiers, cette ville à l'abandon dont le titre annonce bien le triste destin "Vestiges".

Des lieux connus du narrateur à l'époque où la vie grouillait entre les murs dont les instants figés laissent un goût amer.
Abandon naturel ou drame séismique, volcanique ?

Je ne connais rien à la technique de la poésie libre, j'ai lu ce poème comme une prose et me suis dit que la dernière strophe était superfétatoire.

Merci Stephane.

   Corto   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L'ambiance créée par ce poème est remarquable.

Ligne après ligne les sensations s'alourdissent et l'on pénètre un peu inquiet dans ce monde de vestiges.
On respire de moins en moins bien, un sentiment d'inquiétude s'impose. Il se fait de plus en plus oppressant.

Cette projection dans ces espaces désertés est prenante.

Merci Stephane.

   Provencao   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
" Derrière un muret de pierres grises l’herbe décharnée d’un sol sableux
nuit gravement à l’espoir
Jadis les enfants jouaient à la marelle ou bien aux billes
J’entends encore leurs cris dans cette mer d’huile
et les pleurs semblent se répercuter en un écho qui soudain m’assaille"

J'ai beaucoup aimé cet écho qui n'est pas accidentel mais qui émane d'une inclination très humaine à affaiblir ce qui se reflète, à désaxer ce qui s'entend.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   papipoete   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Stephane
le bus s'avance dans des décors, où toute vie a fui ; même les arbres sont tristes de faire de l'ombre... à l'ombre !
ici, on criait de la cour d'école ; on chantait, on sifflait de la bouche ou d'un goulot joyeux ; jeux de billes et marelles animaient ces zones libres, devenues déserts, cimetières de joies éteintes.
Et je marche à la recherche d'un bruit, d'un signe et aucun de mes sens ne trouve récompense!
NB quand je pense que l'on paye une agence de voyage, pour visiter Prypiat ville fantôme près de Tchernobyl, et se rincer l'oeil de contempler le néant...
Votre texte ( qui pourrait coller à notre réalité de confiné ) montre un album-photo d'une cité chérie, dont tout cliché a disparu ; où plus rien n'existe, même les bruits agréables tout comme ceux qui faisaient râler, n'éveillent plus l'oreille...
Combien d'endroits tels ceux-ci, nous sautent aux yeux, brisent l'âme quand revenu là, on ne reconnait rien, plus rien !
Dans ces vestiges aux allures de " Wadi Rum ", le silence est assourdissant, et l'on croit se rendre avec Tommy Lee Jones, à " trois enterrements . "
Mes passages préférés, ( je me demande...drame et la procession...grisaille )

   Donaldo75   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Stéphane,

Une fois de plus, ta poésie en prose me fait voyager, entrevoir un monde que je n’aurais probablement jamais visité dans la vie réelle. A cet égard, cette impression me fait penser à celle que j’avais eu quand j’avais écouté la première fois, bien après sa sortie, l’album O Gringo de Bernard Lavilliers. Evidemment, je ne compare pas et c’est juste un état d’esprit dans lequel ce poème me plonge quand je le lis et le relis.

« Les barres d’immeubles défilent sur des sentiers mille fois battus
si rares qu’il nous faut sans cesse en inventer les vies
au risque de se perdre au fond d’impasses méconnues »

En apparence, c’est simple la poésie en prose ; je dis ça comme une boutade, un moyen de mettre en exergue la complexité d’arriver à trois vers aussi puissants mais qui paraissent naturels, comme en danse quand le couple enchaine les prouesses sans difficulté apparente, alors que leur performance a demandé des mois de préparation et de répétition.

Ce n’est pas une découverte pour moi ta maîtrise impressionnante de la poésie en prose ; à chaque fois je suis époustouflé par le monde que je découvre, par l’histoire que me raconte le poème, ce parcours intérieur qui m’enrichit en tant que lecteur, ne me laisse pas sur le côté, ne m’enferme pas dans un rôle contemplatif. Cette poésie dépasse la seule ambiance, le seul environnement et emmène le lecteur dans un espace intérieur, celui du poète, de ses pensées, de ses souvenirs, des endroits qu’il a connus. C’est introspectif sans rester exclusif. Et ça, ce n’est pas donné à tout le monde.

Bravo !

Donaldo

   Vincente   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
De la déambulation de ce bus dans cette ville apocalyptique, j'ai beaucoup apprécié le style et le regard de l'auteur. Du narrateur, j'ai suivi avec intérêt les états d'âme, mais en restant en retrait de l'émotion qui pourtant nourrit la plume dans ce dédale de rues éteintes et de décombres. Car si l'œil est inquiet et la volonté hésitante, ce qui apparaît est d'un réalisme accompli. L'écriture est forte.

Cependant, à l'encontre de ce ressenti plutôt positif, j'ai quelques réserves quand à la pertinence du propos présenté comme cela, dans divers pans.
Un premier détail formel. Je ne comprends pas la nécessité ou l'objectif du choix du vers libre non ponctué pour ce type d'évocation ; pourquoi pas un poème en prose ? Ce qui fait la "force " de ce texte tient d'abord dans la "description" de ce que le narrateur voit, et ceci dans un registre dévoilant ce qui lui apparaît sans retranscription imagée, la métaphore semblant appartenir uniquement au global de l'ensemble narré. Pourquoi, en quelque sorte, prendre le parti d'une spécificité qui ne va pas "augmenter" l'appropriation de ce qui se raconte ? (rendant parfois difficiles certains passages, comme celui-ci : " Derrière un muret de pierres grises l’herbe décharnée d’un sol sableux / nuit gravement à l’espoir " ; et ceci bien que "nuit" de son double sens, nom et verbe, en opposition à "espoir" est bien intéressante).
Et dans cette forme de poème, je ne trouve pas évident à discerner à la lecture le fait que des majuscules démarrent les phrases, comme après un point, mais en cours de strophe. Il me semble que le parti pris libre sans ponctuation n'est pas assumé, il parait hésitant, et peut laisser le lecteur un peu tâtonnant.

Sur le plan général, je n'arrive pas à me départir d'une sensation ambivalente. Je pense ainsi que l'évocation semble ressortie d'un ouvrage plus conséquent, comme un extrait d'un récit dont la destination serait dévoilée ; ici, il me manque un pourquoi à cette aventure, pourquoi écrire sur cela ? Ou alors, ce poème est-il la métaphore de la sensation qu'à l'auteur, voire son narrateur, de "traverser" la vie actuelle, dans ce qu'elle a de désespérant par son évolution en impasse, où l'avenir apocalyptique se prédispose là sous nos yeux à peine discernant ?
Sans identification de la sorte, ce poème me paraît un bon exercice, mais sans plus, ce qui serait dommage vu le riche et suggestif contenant qu'il pourrait être.

   dream   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dans une longue errance, un homme seul nous entraîne dans un monde étrange qui a perdu son âme. C’est Faust sans Méphisto dans cet univers à l’atmosphère kafkaïenne où tout n’est plus que désolation et salissures, exil, révélateurs implacables de la solitude, et où chacun –par égoïsme ou par lâcheté- s’est enfermé dans sa tour d’ivoire :

« Je me demande quand tout cela a commencé
tout être recroquevillé tel le corps décharné d’un vieillard
sans que nul ne s’offusque du drame »

Cette fable du désenchantement n’est pas très éloignée du plus noir des désespoirs. Car on sait à quel point la réalité peut dépasser la fiction. Une œuvre de visionnaire… sans doute, mais aussi un sidérant concentré de poésie et de réflexions pour un voyage dans l’ombre, sur le triste destin des jours à venir, dû à la terreur absolue de ce siècle, qui sait ? Bravo !

   hersen   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
La poésie profonde, pour moi, c'est celle dont on peut palper les mots, ils nous aimantent. Ceux qui créent une ambiance prégnante, ceux qui transcende le sens même de ce qui est dit.

La poésie, c'est l'ouverture, chacun ouvre son monde en lisant le poème et la vérité d'un poème réside dans cette aptitude qu'il offre.

Je suis très admirative de ce poème, que, grands dieux !, je n'aurais pu écrire.
Mais que je suis heureuse de "pouvoir" lire.
C'est déjà beaucoup.
merci Stéphane, de nous partager ton talent !

   Davide   
2/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Stéphane,

La souplesse enveloppante de l'écriture m'a tout de suite happé, les différents paysages de cette ville-fantôme, autrefois florissante, ont défilé sous mes yeux dans leur troublante nudité, aussi belle que désolante.

Ce voyage m'est alors apparu comme un voyage intérieur, périple cahoteux et chaotique, fragmenté, au sein même des souvenirs du narrateur (souvenirs d'enfance ?), dans les vestiges de sa mémoire.
Les vers libres s'y étirent dans toutes les directions, se disloquent contre les murs de pierre, s'engouffrent dans les failles temporelles à la recherche d'une infime sensation, d'un "sens" encore intact, d'un petit morceau de paix que les larmes n'auraient pas érodé, que le temps n'aurait pas corrodé. Hélas, dans cette ville inexplorée, les carrefours sont innombrables, le désespoir se reflète dans chaque pierre, dans chaque débris de matière.

Cela dit… je doute de ma bonne "appréhension" du texte. En effet, j'aurais aimé qu'un exergue me donne un bout d'explication (plutôt que d'avoir à deviner moi-même l'intention de l'auteur !).

Quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup aimé l'imaginaire créatif qui a servi l'atmosphère accidentée de ce poème ! Merci Stephane !

   Stephane   
3/4/2020

   sauvage   
10/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Vision grise, mais pas désespéré ; une quête voire une reconquête. Globalement, j'apprécie cette prose pleine de poésie, tout comme la vision et la réflexion qu'elle suscite. Je n'ai apprécié la finesse que dans une relecture plus rapide car je pense ici qu'il ne faut pas trop s’appesantir sur les mots et se concentrer sur le "flow". Pour dire vrai, je n'aime pas tout ici mais beaucoup de choses me séduisent à commencer par cette très belle conclusion :

Il me faudra errer des jours durant
à la recherche d’un lien pouvant redonner cours aux choses
Toucher les ossements de murs à l’agonie au sein d’immenses cathédrales
Sinuer entre les canaux émaciés de toute veine meurtrie
Suivre les colonnes d’éternité sous le ciel hivernal pour y trouver la paix

Bonne continuation.

   tundrol   
20/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Chercher l'humanité dans les bâtiments de béton et acier: projet triste et difficile. Evidemment, les gris sont partout. Quel bordel, en effet.

   Anonyme   
20/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Stephane,

J'ai trouvé l'écriture de ce poème très belle comme un souffle épique rythmant le trajet. Un flux indispensable.
J'aime particulièrement dans la quatrième strophe : " qui feignent d'exister dans un présent amer/ les lèvres suspendues à un simple murmure" , je ne sais pourquoi.
Merci pour ce voyage.


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