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Fantastique/Merveilleux
Cyrill : La belle contrée
 Publié le 04/02/23  -  14 commentaires  -  13474 caractères  -  143 lectures    Autres textes du même auteur

Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m’ont pas trouvé malin.
Paul Verlaine


La belle contrée


Lorsque Gaspard parvint au sommet et put contempler le petit val en contrebas, les rayons d’un soleil radieux lui caressaient la nuque. Derrière lui, de longues journées à marcher sans faiblir, mu simplement par l’espoir qu’il avait placé dans sa fuite, et plus encore dans sa prochaine installation. Il serait enfin libre, sans rien pour lui rappeler ses mécomptes passés, sans personne qui pût le reconnaître tant cette contrée était éloignée de tout, ses habitants à l’abri de la civilisation corrompue par une modernité délétère. Des êtres simples, composant avec une nature amie, d’une intelligence toute pratique, ignorants de ces sempiternelles discussions faisant le quotidien d’intellectuels blasés et acariâtres.

Il ne sentait pas plus sa fatigue que s’il avait simplement fait le tour du petit parc poussiéreux de son quartier, mais se permit néanmoins une pause afin de jouir du panorama. Le village, que des frondaisons luxuriantes dérobaient jalousement à sa vue, se laissait malgré tout deviner par quelques chiches fumées s’échevelant rapidement. Une bien amène bourgade, lui sembla-t-il découvrir peu à peu en sondant minutieusement les rares éclaircies que le vent çà et là trouait dans le feuillage, traversée par un enchevêtrement de ruelles, de chaque côté desquelles de petites maisons, serrées les unes contre les autres, paraissaient se tenir compagnie dans un souci de solidarité vigilante. Vrai qu’il convenait de se protéger des nuisances d’un tourisme de masse, songeait-il. Ah ! comme devaient être riches, abondantes les cultures. Comme la paysannerie devait se réjouir d’un tel climat ! Il était prêt à parier qu’une nuée d’enfants en pleine santé, aux mollets ronds, nus malgré la fraîcheur de l’air et cinglés sans pitié par les hautes herbes, accourrait bientôt, viendrait l’entourer et le presser de questions. Innocente curiosité ! Se frottant les épaules que les sangles d’un lourd sac avait meurtries, il se mit aux aguets pour surprendre un bruit, un mouvement. Rien. Silence. À quoi diable pensait-il, vraiment ! Les villageois devaient être attablés en famille, se sustentant d’un solide casse-croûte, goûtant un repos mérité après un dur labeur commencé aux aurores. Lui-même ne s’était-il pas copieusement restauré, et plus souvent qu’à son tour, au cours de son périple ?

Gaspard courut presque sur le chemin descendant, se sentant léger, comme ayant des ailes, comme faisant des bonds prodigieux. Le bonheur, enfin, était à sa portée.


Après le passage à gué d’une rivière chantant sur des rochers que rinçait son eau claire, une pluie fine se mit à tomber continûment. Le soir s’était abattu brusquement, comme une main immense, sur des habitations défraîchies. Il erra pendant des kilomètres, jusqu’à la nuit complète et au-delà, passant et repassant devant les mêmes portes closes, les mêmes étroites fenêtres par lesquelles filtraient de si faibles lueurs qu’il n’osa frapper pour demander quoi que ce fût : sa route, la direction d’une auberge. Ces gens s’usaient tant à la tâche qu’il eût été bien indélicat de venir les déranger à une heure si tardive, au moment, peut-être, où la mère recouchait son fragile petit dernier avant de se remettre à l’ouvrage. Qui était-il, lui, minuscule individu, produit de l’anonymat de cette ville lointaine et prétentieuse, brillant de tous ses feux, pour venir troubler une quiétude honnête, familiale, tout industrieuse ?

Tremblant à présent de froid dans ses vêtements imprégnés d’humidité, il traînait la jambe, souffreteux, perdu dans un interminable dédale de chemins boueux, suivant malgré lui un itinéraire qu’il était certain d’avoir emprunté seulement l’instant d’avant. Désespérant d’apercevoir bientôt une enseigne éclairée lui indiquant une chambre à louer, il finit par se recroqueviller à l’abri bien rudimentaire d’un renfoncement de mur, transi et quelque peu découragé. Nul doute, cependant, que son calvaire prendrait fin au petit matin. Qu’un paysan allant aux champs, le voyant en si délicate posture, lui recommanderait sa maison où son épouse, en habits de folklore local, lui servirait un café fumant, du pain grillé tartiné de graisse, et, qui sait, un bon verre de tord-boyaux. D’un ton enjoué, maternel, elle l’inviterait à prendre du repos auprès d’un bon feu crépitant. Qu’il ne se gêne surtout pas, mon Dieu, pour se mettre à l’aise. Et l’accorte fermière de le couvrir avec tendresse, de le frictionner vigoureusement… Tout à ses songeries rendues fantasmagoriques par l’effet de l’épuisement, il ne vit pas poindre l’aube, pas plus qu’il n’entendit les premiers signes d’activité. Le vacarme de la pluie, à présent diluvienne, finit par le tirer d’un état quasi délirant où des seins de géante le prenaient en étau au risque de l’étouffer, de le broyer. À travers des cils qu’une humeur verdâtre collait entre eux, il distingua une rangée d’enfants tout habillés de gris, au visage émacié, à la morve gouttant en long fil élastique sur un teint maladif, tourner au coin de la rue. Portant lourd sur le dos, les petits courbaient l’échine en pataugeant dans la bouillasse. Il se redressa péniblement, pris d’un léger vertige. Devait-il être fatigué hier soir pour ne pas avoir vu, qui lui crevaient maintenant les yeux juste au-dessus du porche lui ayant servi de refuge, les lettres : GRAND HÔTEL, clignotant en croissant de lune ? Fou d’espoir soudain, oubliant les vicissitudes et les étrangetés de sa nuit, il entra en flageolant dans l’établissement dont la lourde porte était grande ouverte.


Au fond d’un hall monumental, un petit être en blouse grise, courbé sur ses registres, leva un œil brillant sur lui, puis d’un ton monocorde lui indiqua un numéro de chambre en lui tendant une clé. Fallait-il que cet homme fût aimable pour devancer ainsi les désirs d’un client inconnu, animé peut-être de mauvaises intentions ! Ici, songea le voyageur, il n’y avait pas de place pour la suspicion. Un étranger avait droit à l’accueil confiant qu’en toutes logique et prudence on aurait pu réserver à l’autochtone. On alla même jusqu’à s’offusquer qu’il eût passé la nuit dehors. Avait-il seulement songé aux conséquences désastreuses de son aspect loqueteux pour le prestige de l’hôtel, du village tout entier, même ? Gaspard se confondit en excuses. Sur un coup d’œil appuyé du gnome, il comprit qu’il devait quitter ses chaussures boueuses avant de monter dans les étages, ce qu’il fit avec empressement. Le tenancier les lui confisqua aussitôt. En aurait-il l’usage durant son séjour, considérant le fait que le cuir ne résisterait pas longtemps aux intempéries ? Bien sûr que non. Un peu honteux de son manque de discernement, Gaspard se dirigea vers la cage d’escalier et gravit à grand-peine un nombre incalculable d’étages. Il se promettait de faire montre, à l’avenir, de davantage de courtoisie. Sa fatigue pouvait-elle justifier une conduite si cavalière, alors que ces gens, de toute évidence, menaient une vie rude sans songer à se plaindre un seul instant, toujours prêts malgré celle-ci à offrir l’hospitalité, à devancer les aspirations du premier touriste venu ?

Au sixième étage il quitta ses chaussettes mouillées qui le faisaient glisser dangereusement sur des marches disjointes. Au dix-neuvième, il fit une halte, essoufflé. Ayant enfin atteint sa chambre, il put constater par une minuscule fenêtre que le soir tombait déjà. Il se rendit compte alors qu’il était affamé. Mais il n’y avait pas de sonnette, et redescendre jusqu’à l’accueil lui aurait coûté tant de temps et d’efforts qu’il renonça, préférant se dispenser de manger.


Gaspard s’écroula tout habillé sur le lit et dormit d’un sommeil lourd, sans rêve. Lorsqu’ il se présenta, le lendemain, à la salle à manger, il était midi passé et les tables avaient été desservies. Un essaim de personnel s’affairait dans la pièce. Il lui fut reproché, outre le dérangement à un horaire indu, outre les traces que laissaient ses pieds sur le sol mouillé, d’avoir tout bonnement négligé de se présenter pour le souper de la veille et le petit déjeuner. Bien entendu, ces repas lui seraient facturés. Rien de plus normal, songea-t-il, contrit. On lui fit l’aumône d’une assiette où des restes disparates étaient réunis. Soucieux de ne pas davantage déranger le ballet des serpillières qui le bousculaient, le faisaient trébucher, le rossaient sans ménagement en l’aspergeant abondamment de lessive fangeuse, il alla s’installer modestement derrière l’établissement pour manger, sous une pluie toujours battante. Il n’était pas mécontent de se trouver pieds nus et, bien qu’un engourdissement lui remontât dans les jambes, se plaisait presque à patauger dans le débord des égouts, en escomptant pourquoi pas des vertus curatives. Aussi, quand plus tard, flânant dans le quartier, il vit un étal où ses chaussures étaient vendues à un prix exorbitant, il ne s’en émut pas. N’était-il pas naturel que quelques-uns, ici, profitent des avantages dont lui-même avait largement joui jusque-là, lorsqu’il était encore ce citadin sans conscience ?


Les jours qui suivirent, on le débarrassa des gants confortables et de la parka douillette dont il eut l’outrecuidance de se couvrir. Réalisant ce que ce comportement avait pu révéler de morgue de sa part, ce fut avec un certain contentement qu’il les vit peu de temps après proposés à prix fort sur le même étal. Il se félicitait de se rendre utile d’une façon ou d’une autre, de pouvoir contrebalancer la mauvaise impression qu’il avait faite à son arrivée et que de fâcheux impairs continuaient encore, hélas, d’entretenir. La marchande, par timidité sans doute, ne lui manifestait pas de reconnaissance, mais ne pouvait-on le concevoir ? Sans doute avait-elle à sa charge une ribambelle d’enfants malingres qui ne demandaient qu’à manger à leur faim, et sa fierté lui commandait-elle de ne pas baiser les pieds de son bienfaiteur. Eût-elle seulement esquissé ce geste qu’il s’en fût trouvé fort confus et tout à fait indigne. Il continua sa promenade avec ce léger contentement qui vient naturellement aux humbles, et glacé jusqu’aux os sous son gilet imbibé d’eau.


Les semaines passaient. Il avait maigri, ayant de grandes difficultés à se trouver à l’heure pour les repas de l’hôtel. Les étages innombrables, descendus et remontés trois fois par jour pour chaque fois arriver trop tard dans la salle à manger, le fatiguaient. Renonçant également aux flâneries durant lesquelles trop souvent il s’égarait et s’épuisait à retrouver son chemin, il restait dans sa chambre à se reposer des après-midi entières, recroquevillé dans une fine couverture qui suffisait à peine à pallier l’absence de chauffage. Fallait-il qu’il fût habitué à un confort indécent pour aussi mal s’acclimater à des conditions de vie un peu spartiates !

Sa faible constitution finit par lui valoir une forte fièvre. Ce matin-là, il se réveilla grelottant et les yeux remplis de cette même humeur, plus glauque encore, plus épaisse et visqueuse. Comme on lui fit savoir que le médecin du village était en villégiature, il ne quitta plus guère sa chambre et prit son mal en patience.


~


Petite chose fragile, Gaspard devint la risée du village. Les habitants, pourtant si discrets, esquissaient des sourires entendus et le persécutaient de mille agaceries lorsqu'ils le rencontraient. Étaient-ils facétieux, ces bonnes gens qui le pinçaient au sang sur les bras, sur les jambes, les joues ou tout endroit de son corps à leur convenance, ces gosses qui lui chipaient les quelques épluchures qu’on avait la bonté de laisser à son attention sur le parvis de l’hôtel. Et oh ! comme on pouvait les comprendre de vouloir s’amuser un peu, eux qui devaient, de toute éternité, lutter pour vivre. Gaspard ne pensait pas un instant à leur reprocher de telles broutilles. Il ne songea pas non plus à demander qu’on lui rendît ses effets lorsqu’enfin, vaincu, il se résolut à partir. Son sac ne pesait presque rien, délesté du moindre objet de quelque valeur. Pieds nus et frissonnant, en chemisette sous la bruine matinale, il prit la route le cœur bien lourd. N’avait-il pas échoué à se faire aimer de ce peuple fier, dur à l’ouvrage, dur aux conditions météorologiques, en cela tellement admirable ? Quoi qu’il en fût, et bien que fort déprimé par ce constat qu’il ressassait tristement, il garderait de ce monde un souvenir attendri et respectueux. Ce pensant, il ne s’aperçut pas que la pluie avait cessé brusquement. Il fut simplement étonné d’atteindre la ville en quelques grandes enjambées, peut-être après seulement cinq minutes de marche. Le ciel était bleu.

Il pleura. Était-ce le regret d’avoir quitté des personnalités si attachantes, était-ce la perspective de retrouver ses tourments, de devoir à nouveau se soumettre aux jugements de pairs qui ne manqueraient pas d’objecter force arguments contraires à sa rhétorique pour finir par l’écraser comme une mouche ? Ah ! ces hommes-là, ses concitoyens pourtant, n’étaient-ils pas plus justement à plaindre, en définitive, plutôt qu’à conspuer ? Victimes d’une éthique corsetée par l’étroitesse de leurs vues, de perspectives de vie sans envergure, ils étaient incapables de seulement imaginer que quelque part pût exister une contrée si charmante ; ce lieu paradisiaque qu’il s’estimait, lui Gaspard, en devoir de fuir, n’ayant su se montrer à la hauteur des nobles exigences de sa population.


 
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   Asrya   
14/1/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
"Une bien amène bourgade, lui sembla-t-il ... chaque côté desquelles de petites maisons, serrées les unes contre les autres, paraissaient se tenir compagnie dans un souci de solidarité vigilante" --> cette phrase traîne un peu en longueur, je pense que son rythme est à retravailler.

Pour le reste, je n'ai rien remarqué de particulièrement dérangeant.
Votre nouvelle se lit bien, c'est relativement fluide ; redondant sur le début, sur les notions associées au "plaisir de la paysannerie", mais j'imagine que c'est un mal nécessaire pour peindre le tableau que vous souhaitiez imager.
Arrivé à la fin, je n'ai pas compris ce que vous cherchiez à montrer, le propos réel sous-jacent. Je l'ai relu, et n'ai toujours pas saisi la pertinence et l'objet de votre récit.
Je dois être passé à côté.

Votre personnage est citadin, à priori, là-dessus il n'y a pas de doute ; la citation de Verlaine que vous annoncez en incipit doit être le pendant de votre nouvelle, mais dans le sens inverse, c'est ainsi que je l'ai pris.
Je n'ai toutefois pas compris pourquoi il y avait un Grand Hotel d'au moins 19 étages dans une bourgade. Une petite incompréhension, qui sert votre texte et le harassement de votre personnage, qui pourrait coller avec l'univers fantastique dans lequel s'enregistre votre nouvelle, mais... je n'arrive pas à cerner sa vraisemblance, trop détonante avec la paysannerie que vous décrivez.

Faut-il lire entre les lignes et cet endroit qu'il visite n'a rien de bourgade ? Banlieue d'une grande ville ? Pas de réel dépaysement donc, juste l'idée d'un dépaysement. Critique d'un citadisme qui clichétise la province (oui j'invente des mots) ?
Je ne sais pas où me placer dans votre texte.

La qualité de l'écriture n'est pas à remettre en question, je pense malgré tout qu'il manque des clefs de lecture pour amener le lecteur avec vous. D'autres comprendront certainement où vous avez voulu en venir, ce n'est malheureusement pas mon cas.

De la même manière, je n'ai pas compris le traitement affligé, subi, imaginé à votre personnage ; pourquoi ses vêtements se retrouvent-ils vendu sur les échoppes ? Comment s'est-il retrouvé pieds-nus ? Qui lui a pris ses chaussures ? Vol ? Est-ce à nouveau ici une lecture entre les lignes qu'il faille accomplir.
Un texte trop mystérieux pour moi, je conviens de ma négligence à éplucher les détails qui peuvent s'y trouver.

J'espère que d'autres y verront plus clair.
Merci pour le partage,
Au plaisir de vous lire à nouveau,
A.

(Lu et commenté en Espace Lecture)

   Anonyme   
15/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
L'intérêt premier de votre nouvelle à mes yeux réside dans le parti pris d'antiphrase tout du long, ce choix m'apporte une sorte de sidération triste (pour le sort de Gaspard) et porteuse d'un plaisir mauvais (schadenfreude devant le sort de Gaspard) ; du coup, pour sûr, je ne m'ennuie pas ! J'apprécie aussi la qualité de l'écriture, fluide et précise à mon goût.
Là où je coince, c'est que d'une part je ne comprends pas trop les enjeux de l'histoire, me demande s'il s'agit d'un jeu gratuit d'antiphrase ou si vous voulez pointer la méchanceté foncière de l'humain, d'autre part je trouve l'ensemble trop insistant, trop systématique. Comme si vous vouliez prolonger indûment la grinçante plaisanterie.

J'ai donc lu un texte bien fichu, je trouve, mais qui m'apporte au final un sentiment de futilité issu peut-être aussi de mon état d'esprit actuel. Un peu comme si j'avais consommé un bouillon clairet trop poivré, et trop clair pour être vraiment nourrissant.

   Jemabi   
4/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Voilà une nouvelle comme je les aime. Son écriture fluide et son humour caustique sont mis au service d'un fond qui me parle d'un ailleurs fantasmé dans lequel on rêve tous de se retrouver mais, une fois sur place, il faut beaucoup de courage intellectuel pour se rendre à l'évidence que la réalité n'a rien à voir avec ce qu'on avait imaginé. Cette honnêteté intellectuelle, le protagoniste ne l'a visiblement pas et, jusqu'au bout de son long supplice, il continuera à préférer la contrée étrangère à la sienne, à ne voir que des qualités aux affreux locaux, révélant par là même, une haine de soi viscérale et absurde.
Merci pour ce beau moment de lecture.

   Marite   
4/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Cette nouvelle, lue en espace lecture, m'avait laissée sans voix, ou plutôt sans argument capable de cerner la réelle nature du personnage principal ... L'écriture certes, n'est pas un frein à la compréhension, fluide, équilibrée, elle accompagne jusqu'à la fin la démarche de Gaspard qui m'apparaît quand même bien obtus au niveau perception des réalités du monde, à la fois celui qui était le sien et qu'il cherche à fuir et celui qu'il trouve et dans lequel il s'embourbe jusqu'à perdre sa propre personnalité. Je n'ai pas vraiment compris ce que l'auteur a voulu nous transmettre ...

   Corto   
4/2/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Comme d'autres commentateurs, je n'ai dans un premier temps pas compris votre démarche. Le personnage qui fuit, erre, ne comprend rien mais se laisse faire, ne nous propose aucun repère pour s'immerger avec lui dans une réalité trop surprenante.
Je me suis donc posté en second degré, celui d'un rêve/cauchemar où le personnage en butte à de multiples difficultés dans sa vraie vie se place au sommeil dans un monde imaginaire, un peu sans queue ni tête comme on peut trouver dans un rêve.
Le passage du réel au cauchemar me semble confirmé et marqué par cette phrase: "Après le passage à gué d’une rivière chantant sur des rochers que rinçait son eau claire, une pluie fine se mit à tomber continûment".

A partir de cette prise de distance le nouveau tableau se met en place et dès lors on peut tout admettre...puisque nous sommes en "Fantastique".

Côté style je n'ai pas été convaincu par certaines formulations ou poncifs évitables: "la civilisation corrompue par une modernité délétère"; "enfants en pleine santé, aux mollets ronds, nus malgré la fraîcheur de l’air "; "enfants tout habillés de gris, au visage émacié, à la morve gouttant en long fil élastique" ; "Au dix-neuvième, il fit une halte, essoufflé".

Au risque d'avoir tout faux je ne vois donc de compréhension que par le hiatus entre un vécu réel trop ardu et un rêve fait à la fois d'attirance et de répulsion.

Rideau: Que la solution apparaisse !

   Tadiou   
4/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Récit étrange qui m'évoque Kafka. Et aussi Ionesco et son absurde.

Gaspard est un extra-terrestre constamment à côté de ses pompes et le monde qu'il décrit est celui de ses fantasmes. Nulle logique et cohérence à chercher dans tout cela, plutôt une descente aux (presque) enfers. On ne sait rien de ce Gaspard, béat et écrasé par la vie.
Plongée hors du temps(la ville est à 5mn !!!).

J'ai été captivé par ce récit surréaliste et très noir, mis en valeur par une écriture châtiée, très travaillée et presque précieuse.

   Pouet   
11/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Slt,

un texte, me semble-t-il, sur "l'Espoir" ( avec un grand E car on sait qu'on ne fait pas d'omelettes existentielles sans en casser). Et la déception aussi, forcément.

La tentation ou la tentative d'une herbe plus émeraude ailleurs, mais on se doute que le départ est pourvoyeur de songes.
Evidemment se fuir soi-même en permanence n'a pas à se forcer.
La ville et la campagne, prétextes de combats communément dissociés, de quotidien défait, de quêtes irascibles. D'humains.
J'ai beaucoup aimé, je le dis, ce fond sans fond. Aux différents degrés de lecture.

J'ai trouvé un peu de Becket - comme au camping des Flots Bleus "Alors on attend pas Godot?" , sauf que là on attend plus, on s'y engouffre ... ou de Kafka si on veut faire des comparaisons hasardeuses et certainement peu signifiantes. Je pense d'ailleurs qu'on peut trouver plein d'autres références, fastidieuses au possible pour mon entrain déclinant, la citation de Verlaine et le petit val rimbaldien ( où l'on tente un vieux coup d'éveil aléatoire au lieu d'yroupiller) de l'entame, y a aussi les "mollets ronds" de petits farfadets sortis d'un feuillet de Swift. Bref. On peut aussi y voir du Cyrill.

Du moins de l'absurde et de la vacuité qui moi, me vont bien au teint.

Pour chipoter: "soleil radieux" "rares éclaircies" ... ou d'autres font un peu dans le ressassé ou le fameux cliché. J'ai pu noter aussi que Gaspard avait le cœur et le sommeil "lourds" - une porte aussi je crois, mais peu importe. L'écriture est fort agréable et ce que je dis n'engage que moi, d'autant que je ponce aussi le poncif à l'insu de mon plein gré, sûrement malgré les mots. Et puis les "clichés", les photos sémantiques, peuvent servir la trame, la "mémoire de l'image" ressassent aussi l'intérieur, le ressenti comme on dit.

Au final pas trop envie d'ergoter sur le coq aphone, j'ai beaucoup aimé cette villégiature métaphysique.

   Angieblue   
5/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
C'est joliment écrit et le décor est bien posé avec la description de cet étrange village dans une contrée lointaine.
Il y a également un jeu subtil avec la notion du temps qui semble totalement déréglé, et cela participe à l'étrangeté de l'ensemble.
J'ai cependant regretté que les habitants de ce village ne soient pas plus incarnés. Il n'y a aucun dialogue comme s'ils n'étaient que des ombres ou des fantômes.
Ensuite, cette attitude du narrateur à leur trouver des excuses, à toujours se culpabiliser, faire montre d'une modestie, d'une abnégation et d'une tolérance excessives peut sembler assez agaçante. On ne comprend pas bien la finalité de tout cela, et la chute ne nous éclaire pas davantage. Comment peut-il trouver charmant ce peuple qui l'a dépouillé et rejeté ?
En somme, une bien étrange nouvelle où les repères et les valeurs sont chamboulés. Il aurait peut-être fallu éclairer davantage le lecteur, même de manière implicite, sur la finalité de tout cela.

   Dugenou   
5/2/2023
Bonjour Cyrill,

Je ne puis que m'interroger sur les motivations de ce personnage si naïf, parti chercher on ne sait quelle rédemption dans ce village ("Il serait enfin libre, sans rien pour lui rappeler ses mécomptes passés, sans personne qui pût le reconnaître tant cette contrée était éloignée de tout"), et faisant preuve d'un tel lâcher-prise... Dois-je voir dans ce lieu de séjour une espèce de parenthèse onirique, dans une allégorie de purgatoire ? Ou encore, la perte des effets de Gaspard, une façon de le laver de fautes commises dans le passé ?

Bref : un texte intriguant, avec son lot de hors-texte, que j'aimerais bien connaître.

   in-flight   
5/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
En première lecture, je vois une critique de la bonté aveugle qui pousse jusqu'à la servitude (La Boétie n'est pas loin).

à y réfléchir, je vois, à travers les yeux de votre personnage principal, les conséquences d'un monde globalisé, où les comportements humains sont les mêmes, que l'on soit rat des villes ou rat des champs.

On peut aussi songer à une critique de tous ces néo-ruraux qui se persuadent que le monde paysan (cette appellation a-t-elle encore un sens?) est le nouvel eldorado d'interactions humaines saines et dénuées d'intérêt mercantile.

dernière option: une allégorie des espoirs déçus. On pense que l'herbe est toujours plus verte, ce qui constitue souvent la force motrice de l'humain.

Sans doute y'a-t-il un peu de tout ça dans ce texte bien écrit mais qui mériterait une conclusion moins esquissée et plus explicite afin de cerner les intentions de l'auteur.

   hersen   
12/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Salut Cyrill,
Je vois que tu reviens parmi nous, alors ça me met la pression car je veux absolument commenter ta nouvelle avant que tu ne remercies, ce que je sais que tu ne manqueras pas de faire.

"La belle contrée" est pour moi l'essence même de la nouvelle.
Dans le vieux monde onirien, ce serait passionnément +, sans réflexion, sans analyse, sans rien d'autre que la force du texte.
En premier, l'écriture : elle a ce côté non pas suranné, mais un quelque chose de pas moderne, et c'est ce qui participe au "flottement" du lecteur.
Le voyage du personnage s'en trouve approfondi.

Maintenant, le texte lui-même, le sens, ce qu'il porte : c'est ce point qui fait une nouvelle de la belle eau. Il faut se laisser suivre Gaspard, découvrir l'impensable de son pensable, les points cardinaux ont bougé, nos repères doivent se reconstruire au fil de la lecture. Ceci apporte une grande densité au texte, parce que de certitude, nous n'avons pas.
D'autant que la fin, dans la lumière si j'ose dire, nous surprend. Et c'est ce virage qui tout à coup éclaire. Eclaire la sombritude qui pour l'heure est la lumière de Gaspard, il refuse un monde facile, un monde où il a tous ses repères, un monde qui est le sien. Il ne veut marcher dans les pas de personne, il va vers son chemin qui lui est propre, il va peut-être se perdre, il accepte tout sans penser à l'injustice. C'est ici la profondeur de la nouvelle : il accepte.

Un très grand bravo pour cette nouvelle.

Pour le sens, la symbolique, je penche très fort pour un ado qui quitte sa famille, qui ne supporte plus un joug doré et qui va affronter le monde, un monde qu'on ne lui a jamais appris, et pourtant si réel. Mais j'insiste : le sens que je donne n'est pas l'essentiel de la nouvelle. Elle est dans tout le reste dont je viens de parler.

A te relire !

   Cyrill   
11/2/2023

   Disciplus   
24/2/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
Style trop ampoulé, recherchant des constructions alambiquées.("Ah! Comme devaient être riches, abondantes les cultures... "(le passage à gué d'une rivière chantant sur des rochers que rinçait son eau claire)
Phrases à rallonge, multipliant les mots compliqués et abusivement employés ("Qui était-il, lui, minuscule individu, produit de l'anonymat de cette ville lointaine et prétentieuse, brillant(e) de tous ses feux, pour venir troubler une quiétude honnête, familiale, tout (e) industrieuse?")
Avalanche de poncifs.( Frondaisons luxuriantes... nuée d'enfants, aux mollets ronds...quelques chiches fumées s'échevelant rapidement... les sangles d'un lourd sac... se sustentant d'un solide casse-croute....Une pluie fine se mit à tomber continûment. Le soir s'est abattu brusquement)
Un individu, ayant eu des "mécomptes" dans sa contrée natale recherche une nouvelle vie. Mal lui en prend apparemment. Le village (avec un hôtel de 19 étages?) le rejette. Est-ce une version de l'étranger mal reçu? Dépouillé, il repart en quête.
Je n'ai pas su me placer en lisant ce texte. Il faut "élaguer, supprimer, modifier" pour alléger le texte.

   papipoete   
24/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour Cyrill
Tout de go vous avoue, je suis passé sur votre nouvelle et me suis sauvé devant son nombre de caractères !
Il est vrai que pour moi, rimailleur ne doit pas lasser le lecteur ; et dépasser 24 vers est presque de la prohibition !
Je suis revenu ce matin, hasarder mon regard sur ce pauvre bougre, comme il en exista de tout temps, dont le dos ruisselait de quolibets, qu'il n'arrivait pas à redresser, et surtout se défendre ; se montrer " quelqu'un ", cet inconnu qui découvre cette belle contrée, mais restera toujours aux yeux des " médisants ", cet étranger qui put passer son chemin, aller voir ailleurs... laissant ces " gens du cru " jouir égoïstement de leur " belle contrée "
je remarque la grande différence d'écriture dans cette nouvelle ; claire et non alambiquée, quand dans vos poèmes il faut vous suivre, et tourner votre langage dans ma tête moult fois, à en prendre mal à la tête !


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