Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
Mikard : Métro de rappel
 Publié le 24/08/25  -  4 commentaires  -  5915 caractères  -  12 lectures    Autres textes du même auteur

Un bref regard dans le métro et des souvenirs qui remontent…


Métro de rappel


C’était à la station Charonne il me semble, ou bien à République je ne sais plus. J’ai pas pour habitude de zieuter les gens dans le métro, surtout les hommes, mais je ne sais pas pourquoi en le croisant mon regard s’est attardé. Durant le trajet restant, je cherchais la raison. Rien de plus qu’un autre, pas mal, mais bon pas de quoi non plus s’enflammer dès le matin.

En arrivant à la boutique, je l’avais encore dans la tête. Sonia ma vendeuse et amie à qui je racontais l’histoire me posait plein de questions : couleur des yeux, style de vêtement, allure générale. Son truc à elle c’est que c’était un mec connu, bizarrement ça ne me disait rien son idée.

Dans la matinée comme à mon habitude je suis sortie fumer sur le boulevard. La caissière du Franprix d’à côté qui souvent m’accompagne dans nos pauses tabagiques n’a même pas écouté ma description et la fin de l’histoire, en haussant les épaules, elle m’a balancé :


– T’as flashé sur un mec, tout simplement.


Sans savoir quoi répondre, je gamberge. Elle a peut-être raison après tout, pourtant les hommes je les vois plus vraiment, en fait je regarde plutôt les femmes et leurs fringues. Comment elles s’habillent, la tendance du mois, pour avoir une idée de ce qu’on va vendre à la boutique les jours prochains.

En rentrant, j’ai remis ça avec Sonia, mais j’ai senti que je la saoulais avec mon affaire. Pour me sortir ça de la tête, j’ai lancé le tableau Excel du dernier bilan avec un œil sur le Figaro Madame et j’ai remballé mes gamineries.

Seulement je n’en avais encore pas fini avec ce fantôme.

Le lendemain, je l’ai revu au même endroit. Il arrivait au loin au bout de ces couloirs faïencés interminables, habillé pareil, dans dix secondes on allait se croiser, et là je me suis dit, Cindy, quelle conne tu fais, tu changeras jamais : c’était un ex !

Bon, pas un ex du printemps non plus, une dizaine d’années je dirais. Tout en essayant de retrouver le prénom je fixais mon mobile en prenant la pose de celle qu’a pas le temps, qu’a un agenda de malade, qui prend jamais le métro, le genre : lâchez-moi, c’est bon, des mecs j’en ai plein mon portable. J’allais quand même pas m’arrêter en pâmoison, faire comme si j’attendais ce jour-là depuis dix ans.

Et puis avant de le croiser, j’ai freiné au maximum en regardant les pubs des couloirs. D’ailleurs, j’ai failli me prendre un Péruvien en poncho qui arrivait avec ses tambours.

Que dalle, pas un regard, il n’a même pas ralenti. J’aurais bien fait demi-tour !

Et là franchement j’ai pas compris. À l’époque il sautait sur tout ce qui bouge, mes amies, mes vendeuses. Sonia me disait, fais quelque chose, attache-le, mets-lui un collier. Parfois pour me dire une vacherie elle me disait qu’à son avis j’assurais plus en soirée : il y avait une raison pour qu’il galope comme ça. Je lui répondais qu’elle, elle assurerait vu son retard en soirée plumard justement.

Des petites crasses de nanas, histoire de passer le temps, quoi. Je lui ai pas dit à Sonia que je l’avais reconnu, la connaissant elle m’aurait démolie en me ressortant des vieux trucs.

Ça me faisait drôle de le revoir, on oublie vite quand même.

Les jours suivants, en traînant bien dans les couloirs, je me suis mise à prendre le métro tous les jours à la même heure. Romain, je l’avais le prénom. Quand on était ensemble, il tenait une agence de voyages boulevard Voltaire. Il écrivait aussi dans des blogs de tourisme, on s’est baladés pas mal grâce à son job.

Mais rien, je l’ai pas revu. C’était inhabituel pour lui probablement ce parcours. Je croyais l’avoir oublié, mais la curiosité a pris le dessus. Pas de regrets, ni de nostalgie, non, un peu de rancœur peut-être sur le fait qu’il ne m’ait pas reconnue.

En écumant les réseaux sociaux, en questionnant les amis de l’époque, j’ai croisé toutes les infos possibles. Évidemment je l’ai trouvé, on trouve tout sur Internet, vaudrait mieux pas des fois.

Il vit au Portugal, toujours dans le tourisme. Sur Instagram, il publie des photos ensoleillées, des photos de famille, une femme de là-bas on dirait, une gamine d’une dizaine d’années, ils sourient tous.

Finalement, j’ai montré ses posts à Sonia, elle a confirmé, c’est bien lui. Il y a même les noms, Romain, Amélia, et Alice leur fille, à la plage, devant leur maison, entre amis, ça dégouline de bonheur.

La gamine est jolie, mais la mère, comme j’ai dit à Sonia, pas vraiment le canon de l’année, et d’ailleurs parlons-en de l’année : elle est née sous Salazar, pas possible !

Sonia n’a pas vraiment approuvé, distraite, elle a soupiré.


– Il aime ce type de fille du Sud on dirait… T’aurais pas dû t’épiler à l’époque !


Elle adore ce genre de vannes, Sonia, moi aussi d’habitude, mais là j’ai à peine souri.

À force d’y penser, il me revient des images, des petits riens. J’ai retrouvé des photos. Putain, dix ans, ça passe vite, j’en ai fait quoi moi de ces dix ans, lui il a construit quelque chose, il a pris le large, changé de pays.

Pourquoi j’ai pas fait le bon choix, pourquoi je suis pas là-bas avec un Manuel ou un Francisco, au lieu de me prendre le chou tous les mois avec le comptable, le banquier et mon Paris sous la flotte et dans le froid neuf mois sur douze.

Décembre, ça caille vilain en ce moment, avec ma copine fumeuse du Franprix on ne s’attarde pas dehors. Sur le boulevard, les gens pressent le pas les épaules rentrées. On va vendre des doudounes tout le mois. Sonia fait la gueule comme tous les hivers, elle me parle de son chat.

Noël approche, je devrais être contente, la boutique ne désemplit pas. Depuis trois ans maintenant, j’ai quelqu’un. On vit en couple rue de la Roquette, ça ronronne un peu, je me dis que c’est l’âge. Il a deux enfants d’un premier mariage, des ados qu’on va avoir pour les fêtes… super.

Je rêvasse en regardant la neige qui floconne en douceur. Sonia me dit que ça ne tiendra pas.

C’est comment le Portugal ?


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Salima   
6/8/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Écriture remarquable, décidément plus parlée qu'écrite, et pourtant la voilà en toutes lettres. Il me semble qu'il y a un bon équilibre entre les exigences de l'écrit et la spontanéité de l'oral.
Et non, je suis certaine qu'il ne suffit pas d'écrire comme on parle. Il faut y mettre l'oreille. D'ailleurs, je crois que l'Auteur•trice a des grands talents de narrateur•trice. Ici, dans les faits, pas grand chose. Et la chute est... bon, pour ne pas prendre de pincettes, la chute ne vaut pas grand chose à mon avis. C'est même pas une chute au sens propre de la nouvelle, c'est juste une phrase finale.
D'où vient alors tout mon plaisir de lecture ? Seulement de la façon dont c'est raconté. Le plaisir du style, du registre de langue. La narratrice prend corps par ses pensées. Elle est très présente, très cohérente, très plausible, je crois entendre sa voix, ses intonations.

Félicitations. J'aime beaucoup.

Salima, en EL

   toc-art   
6/8/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime bien
Bonjour,

j'aime bien l'idée, j'aime bien la tonalité du récit, pris sur le vif je dirais, avec un côté texte de blog qui n'est pas désagréable, même si je pense que ça mériterait quand même d'être un peu retravaillé.

c'est un détail, mais je me demande si on peut oublier le visage d'un ex et son prénom, même après dix ans, s'il ne s'agit pas d'un mec de passage, ce qui semble être le cas ici.

Le ton est très relâché, mais bizarrement, quand il s'agit d'évoquer les câlins, on reste très elliptique.

J'aime bien la nostalgie qui sourd des dernières phrases, même si là aussi, je pense que ça pourrait être mieux amené : par exemple, quand la narratrice compare sa vie avec celle de son ex, bizarrement, elle n'évoque pas d'abord son compagnon, mais son travail, ses soucis, alors que la comparaison logique, c'est son mec, et il y avait largement la possibilité d'associer les deux.

Mais bon, l'impression d'ensemble reste bonne, je me dis que vous ne vous êtes pas trop foulé(e) non plus, mais ça reste sympathique et c'est déjà très bien en soi.

Bonne continuation

   Perle-Hingaud   
25/8/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
J'ai bien aimé cette histoire. Les sentiments qui traversent cette femme sont bien saisis pour autant sans être décrits en long et en large. Tout passe par l'expression orale, simple, crédible. Franchement, bravo, ce n'est pas si facile de produire une écriture naturelle et sensible.
Elle ira peut-être au Portugal, Sonia, ou bien elle se trouvera une nouvelle vie ailleurs. Parfois, le déclic ne tient pas à grand chose. A quelqu'un croisé dans le métro, qu'on a bien connu.

   hersen   
25/8/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour,

Une nouvelle qui nous parle d'échappatoire.
Je pense que l'ensemble est assez bien vu, la narratrice, par ce flashback, imagine que sa vie aurait pu être cette vie avec son (vague) ex, vie dont elle ne sait à peu près rien : une photo dans un pays ensoleillé, une femme et un enfant.
Il est facile de regretter dans la vie ce qu'on n'a pas fait soi-même, mais qu'on voit chez les autres. Que son ex soit heureux ou pas, finalement elle n'en sait rien, mais elle le suppose à l'aune de son propre ennui dans la vie.
Et pourtant, faut-il un ex, faut-il quelqu'un pour partir ? Il faut surtout avoir envie de partir, et connaître les raisons de cette envie !

Le texte se lit bien, l'écriture est fluide. Je la trouve peut-être un peu trop sage, mais finalement, cette impression colle assez bien à la vie de la narratrice.

Merci pour ce moment de lecture agréable.


Oniris Copyright © 2007-2025