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Réalisme/Historique
placebo : La foule
 Publié le 08/06/12  -  23 commentaires  -  8614 caractères  -  199 lectures    Autres textes du même auteur

Lâcheté : comportement allant à l'encontre de ce que nous dit notre cœur.


La foule


Il apparut à l'entrée du village avec ses chaussures usées, un balluchon sur le dos et une croix en bois se balançant à son cou. L'air pur circulait sans peine sur la route, poussé par un vent piquant. Les nuages épars galopaient dans le ciel. Au loin, on distinguait les montagnes, brillantes de blanc au sommet, ondulantes de plaines vertes à leurs pieds.

Les pavés de la route semblaient neufs, les chariots n'avaient pas encore creusé de sillons dans la pierre. Une rigole courait au centre de la masse grise telle une artère dans un bras. Quelques arbres bordaient le chemin ; au-delà, les champs s'étiraient à perte de vue.

L'homme sourit. Ses pieds le faisaient souffrir et il imaginait déjà avec délice une petite fontaine sur la place du village, la margelle ensoleillée qui le soutiendrait, le filet d'eau glacée sur ses membres. La faim le tenaillait également. Il esquissa un geste vers son sac, suspendit son mouvement, laissa retomber son bras. Il avait fini les dernières miettes il y a peu. Sa tête lui tournait et ses pensées avaient du mal à s'agencer. Il se ressaisit, remonta la rue principale, déserte. Après quelques pas, il entendit des bruits sourds, une clameur contenue. Il hâta son pas.


La foule devait être toute proche. Il commençait à distinguer les voix multiples la composant, la modulant. Sans doute le jour du marché. Il croyait sentir les arômes de gibier broché. La lumière du soleil, devant, sur la gauche ; une trouée dans les murs. La place s'y logeait certainement. L'absence de passants le rendait prudent. Il ralentit, rasa la pierre, observa.

Devant lui, ce n'étaient que couleurs sur les étals, villageois se piétinant, s'invectivant. Ballet d'odeurs en tout genre tourbillonnant au-dessus des narines, irrésistible. Il se retint, une seconde, deux ; à la troisième il courait presque vers la foule, oubliant ses douleurs aux pieds. Elles attendraient quelques minutes, le temps qu'il soit rassasié.

Déjà, ses mains fouillaient ses poches à la recherche d'une pièce. Il acheta une miche de pain, la tordit entre ses doigts, engouffra la tranche – croûte et mie – d'une seule traite, sans respirer. Il mâcha, mâcha, avala enfin, étouffant presque, des larmes dans les yeux. Il reprit sa route et mordit cette fois-ci à même le pain tout en marchant, pour ne pas perdre une seule seconde.

Un berger vendait ses fromages de chèvre, frais, blancs, crémeux, délicieux au regard. La longueur de la queue le découragea ; il s'éloigna, s'approcha de fruits étranges, laissa leur odeur chatouiller son nez, acheta, dévora. Le goût, surprenant, avait la force des cerises mûres. La surface était douce comme de la pêche. Le noyau se laissait suçoter gentiment – sa langue le propulsait entre ses dents et sa paroi buccale.


Qu'il était heureux ! Tout son périple semblait avoir pour but de le mener ici, dans ce paradis oublié des dieux. Autour de lui, des anonymes sans visage, des cris de joie. De la vie.

Il remarqua un mouvement de foule. Un sourire éclairait désormais le voyageur. Ses pieds semblaient enveloppés dans du papier de soie. Sa tête, légère, ne le faisait plus souffrir : il avait obtenu son fromage.

Il se colla aux corps, curieux de tout, de ces paysans. Quel dialecte parlaient-ils ? La dernière récolte était-elle bonne ? Le curé endormait-il sa paroisse ou passionnait-il les bigotes ? Il se fondit dans la foule. Autour de lui, de la chaleur. Des chausses heurtant ses tibias, des cahots, mais aussi un sentiment très fort d'unité. Peu à peu, les colonnes de personnes se réunirent en une seule. Il entra dans le rang, qui avançait vite.

Il avait fermé les yeux pour emporter les odeurs des viandes avec lui, il sentit un petit coup dans le dos. Il les rouvrit immédiatement. Sur sa droite, posés sur une table, des paniers. Dans les paniers, des pierres. Il vit son prédécesseur s'éloigner, un caillou à la main. L'homme s'approcha du panier, examina un instant les pierres, leur couleur, leur forme. Elles étaient très banales. Il sentit une impatience contenue derrière lui, il n'attendit plus et se saisit d'une des pierres. Il fut surpris par sa chaleur, son adhérence à sa main. On l'aurait dit sculptée pour tenir dans sa paume.


Il ressentait à nouveau la fatigue. Marcher à petits pas dans les allées de la place l'avait épuisé. Sa faim était étanchée, mais ses pieds le faisaient désormais souffrir davantage. Il se remit à rêver de la fontaine et se traîna vers l'avant plus qu'il n'avança. Le soleil l'aveuglait. Il aperçut un groupe, crut ressentir de la fraîcheur. Un soupir de soulagement franchit ses lèvres.

Un bruit de pierre qui s'écrase ; un gémissement.

Interloqué, il dressa plus haut sa tête. Nouveau bruit de pierre. Nouveau gémissement. Nouveau bruit de pierre, nouveau gémissement. Cri. Nouveau bruit de pierre. Cri. Hurlement. Gémissement. Cri. Sanglot. Mots incompréhensibles. Cri. Gémissement. Cri. Sanglots. Mots incompréhensibles. Pierre. Chair écrasée. Foule qui bruisse. Foule qui applaudit. Cri. Hurlement. Sanglots. Cri.

Il sentit qu'on le poussait. Un enfant de cinq ans, l'air surexcité, ses mèches blondes collées à son front par la sueur, entra dans le mur de la foule. Pierre qui s'écrase, gémissement, gazouillis.

Il ne pouvait plus bouger. Ses jambes voulaient faire demi-tour, ses yeux voulaient voir, ses mains voulaient boucher ses oreilles. Il sentit qu'on le poussait à nouveau. Mais, cette fois-ci, c'était la file des villageois, le pressant d'avancer. À gauche, à droite, des parois humaines qui le redirigeaient toutes vers l'avant. Il arrêta de respirer. Ses jambes se mirent en marche. Après quelques pas, il inspira, expira. Mais sa tête était vide. Ses joues étaient blanches. Et le mur de la foule s'ouvrait, l'entraînait, créait un chemin pour lui.


L'homme face à lui était irrémédiablement perdu. Les marques rouges sur sa peau, son air de dément, les stigmates invisibles de la lapidation : il ne s'en remettrait jamais. À terre traînaient les pierres qui l'avaient marqué. Certaines roulaient jusqu'aux pieds de villageois qui les relançaient alors, un air extatique dans les yeux, en criant « hérétique ! » Ils étaient tous en transe. Le voyageur cherchait dans la foule, suppliant, un signe indiquant que tout cela allait s'arrêter, mais rien de tel n'apparaissait. La masse grossissait, les pierres étaient jetées toujours plus nombreuses et les cris du supplicié se faisaient de moins en moins humains.

Une corde liait ses mains et ses pieds à un poteau en passant par un anneau métallique. Ses vêtements lacérés ne donnaient aucune indication sur son origine. Était-ce un sorcier ? Un pédéraste ? Un meurtrier ? Le cri entendu tout à l'heure, « hérétique », fut repris par la foule qui se mit à le scander. L'air vibrait de la haine tendue, des voix cassées, des pieds battant le sol, des pierres continuant à s'abattre sur le supplicié. Les arômes du marché ne parvenaient plus jusqu'ici, ce n'était que sueur âcre et poussière soulevée.

Le voyageur voulut s'échapper ; il avança à petits pas, plus rapides, regarda autour de lui, trébucha sur un gamin accroupi, tomba. Il sentit qu'on l'observait. Les cris se calmèrent. On attendait. Il se redressa. Les regards se durcirent. On attendait. Dans chaque geste des personnes à ses côtés, le même message, « fais-le ». Ils étaient cent à avoir jeté la pierre. Fais-le. Certains arboraient un air faussement détaché. Peut-être devrait-il se battre, s'il lâchait la pierre. Mais il était encore faible. Il ne pourrait plus acheter de nourriture, quêter le repos qu'il cherchait depuis des jours.

Il se tourna vers le lapidé. Lui, ne mangerait plus jamais. Face à ce corps mutilé, le voyageur fut pris d'un dégoût. Il se détesta pour ce sentiment. La pierre dans sa main lui sembla plus légère. Il sentit une petite marque sous ses doigts. Une croix avait été gravée, cet homme était donc véritablement un hérétique. La fatigue l'envahit. Le dégoût. La honte. Les yeux de la foule l'observaient toujours. Les pieds battirent la cadence. Bom. Bom. Une nouvelle pierre fut lancée. Une autre. Bom. Bom. Vas-y. Vas-y ! Vite avant qu'il ne meure ! Dégoût. Fatigue. Hérétique. Il est perdu. Vas-y. Bom. Bom.


Il avait fermé les yeux en la jetant. Impact. Cri. Il les rouvrit. Pleura. Chercha une nouvelle pierre à ses pieds et tira. Soulagement. Il purgeait le mal du monde. Pierre qui se jette. Pierre lancée haut dans le ciel.

Union de la foule. Chaleur éloignant le froid menaçant. Et, dans le reste du village, des sourires de bonheur échangés ; dans le reste de la montagne, des vies paisibles suivant leur cours.


 
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   Anonyme   
29/5/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Avec le chapeau et le titre, je me suis très vite doutée de quoi il s'agirait (sauf que je pensais que le meurtre collectif s'accomplirait sur le voyageur) ; avec les pierres dans le panier, le doute n'était plus permis.
Ce thème n'est pas nouveau, mais j'aime bien l'angle de vue sous lequel le texte le présente, la manière qu'a l'unanimité de la foule d'infecter celui qui, au départ, n'a aucune raison de s'y joindre. Par ailleurs, j'ai trouvé l'écriture efficace, belle quand il s'agissait de descriptions. Visuelle. Personnellement, j'aurais arrêté le texte à "Chaleur éloignant le froid menaçant.", saisissant et expressif. Suffisant, pour moi.

   matcauth   
5/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
sur la forme, pas grand chose, c'est bien écrit, j'avais eu peur après le premier paragraphe et l'invraisemblable nombre d'adjectifs utilisés. Après, la fin, avec ce rythme saccadé, des micro-phrases, voire simples mots, je n'aime pas trop, je ne trouve pas ça très fluide, très littéraire et, de plus, ça ne rend pas l'effet escompté.

Le fond par contre, m'a plutôt dérangé. Je n'ai pas accroché : je ne vois pas ici de raisons solides incitant un homme à changer de tempérament, pris au piège, poussé par des raisons plus fortes que sa volonté. Ce n'est pas valable : le héros n'est pas un imbécile, ce qu'il porte sur lui nous le montre encore davantage. Comment peut-il être pris au piège? non, pour moi ça ne colle pas.

De plus, les descriptions répétées des pieds qui font mal et de la nourriture qui fait du bien, n'ont pour moi rien à voir avec l'intrigue et j'ai difficilement fait le lien, un lien somme toute assez faible.

La scène finale manque d'intensité, on n'est pas touché par le scénario cruel qui se joue : d'une part, le héros n'apparaît pas tourmenté plus que cela, ou alors cela n'est pas montré, même subtilement. D'autre part, le lapidé ne nous émeut pas, il est trop... "loin" de l'histoire. Et, par conséquent, on ne ressent pas l'intensité de la foule, sa haine, sa folie, la puissance qui habite cette masse humaine.

La lapidation me paraît en réalité trop légère, racontée comme si elle était anodine. L'évolution du héros me semble, elle, trop peu marquée, trop peu contrastée. J'imagine, ceci dit, que cela doit être très très compliqué de retranscrire avec des mots la violence de ce qui se passe dans cette histoire.

   alvinabec   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Placebo,
Ce court texte est bien mené, l'atmosphère du village juste, on glisse aisément des odeurs de fromage ou de viandes grillées à celles de la chair lapidée. Le comportement mimétique des participants est quasi-troublant de naturel.
Stylistique: Les 2 premières phrases de ce texte sont parfaites, après vous faites une over-dose d'adjectifs sans bénéfice pour le récit, votre style, très visuel, se suffit à lui-même. On peut noter une inclination pour les participes présents.
La chute pourrait être plus pêchue.
A vous lire...

   Palimpseste   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Pas
J'ai pô aimé...

Côté écriture, certaines phrases me paraissent plus adaptées à la poésie qu'à la nouvelle ("L'air pur circulait sans peine sur la route", "Une rigole courait au centre de la masse grise telle une artère dans un bras", "Ballet d'odeurs en tout genre tourbillonnant au-dessus des narines, irrésistible", "Le noyau se laissait suçoter gentiment – sa langue le propulsait entre ses dents et sa paroi buccale"...). Beaucoup de phrases sont liées au sens et destinées à faire sentir ou goûter au lecteur les sensations du voyageur... ça n'a pas trop marché avec moi.

Côté histoire, la psychologie du voyageur n'est pas spécialement bien amenée. Notamment concernant la vie d'un voyageur dans des contrées (ou dans des périodes) brutales. Si l'on est dans un endroit ou une période où les lapidations publiques sont communes, le rapport avec le supplice sera très différent. Là, on a 'impression d'un voyageur policé du 21eme siècle occidental perdu dans un pays reculé au Moyen-Âge.

Maintenant "faible" ne veut pas dire que le texte est faible, mais qu'il ne m'a que faiblement plu... Désolé.

   macaron   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une écriture juste et alerte pour cette terrible histoire moyenâgeuse. L'arrivée du vagabond, l'atmosphère dans ce petit village un jour de marché, on s'y croirait! J'ai bien aimé la dualité entre ces"épicuriens"- cette chaleur ressentie par le héros- et les atrocités qu'ils comettent. La fin est sans surprise mais l'on discerne clairement l'impossibilité du vagabond d'échapper aux désirs de la foule. Plus que la faiblesse ou l'instinct grégaire, c'est sa peau qu'il doit sauver!

   Anonyme   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Hello placebo,

As-tu lu René Girard ? Pour un texte de persécution, cela semble tout indiqué :-)

Beaucoup d'intuitions justes sur le lynchage. "Devant lui, ce n'étaient que couleurs sur les étals, villageois se piétinant, s'invectivant." En effet, c'est parce qu'ils s'invectivent réciproquement qu'ils vont se mettre à lyncher. Mais tu aurais dû faire monter la tension et la violence à partir de ce moment-là, je pense. C'est la crise mimétique, selon Girard.

"Il purgeait le mal du monde." Bien vu. Tu changes de point de vue. Mais tu aurais pu pousser le bouchon jusqu'à ne prendre que le point de vue de la foule, sans compassion chrétienne pour le lapidé.

Que peut faire une foule sinon lyncher ? Le titre est bien choisi. Mais il aurait été plus intéressant que le voyageur participe au lynchage par mimétisme, par automatisme, emporté par la foule et non pas cédant à une pression sociale, notion plus moderne. Au moment de jeter la pierre, il faudrait que la logique soit : lui ou moi. Car en ne participant pas au lynchage avec ferveur, il risque de passer pour un compagnon du lynché et risquer la mort lui aussi. Aussi les remords du voyageur ne sont pas crédibles à mon avis. Tu utilises trois parties : le bouc émissaire, la foule et l'étranger. Or, dans un lynchage, il ne peut y avoir que deux parties. En tout cas, après son exploit, le voyageur devrait être intégré à la société. Le texte aurait pu se poursuivre. Bien vu pour les dernières phrases sur le retour au calme.

Je ne sais pas si on lynchait les hérétiques à l'époque où le mot existait, il va falloir que je me renseigne. Cette accusation me semble trop conceptuelle pour une foule et elle me paraît anti-logique, dans la mesure où Jésus, bouc émissaire par excellence, est là pour protéger les boucs émissaires dans le cadre d'une société chrétienne. Il me semble que ce sont plutôt certaines autorités qui s'occupaient de certains hérétiques, à certaines époques bien précises.

Les phrases nominales et répétées m'ont paru un peu puériles stylistiquement mais ne ratent pas leur effet.

Au plaisir de lire un autre texte de toi

   Anonyme   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Lecture assez plaisante au niveau du style. On ne cherche pas à nous en mettre plein la vue. La narration est fluide et le lecteur n'a aucune peine à suivre cette histoire. Ce style pourrait encore par moments être davantage élagué :

- " La foule devait être toute proche. Il commençait à distinguer les voix multiples la composant, la modulant. "

La phrase aurait pu s'arrêter après " voix " . En tout cas le verbe " la composant " ne qualifie en rien la foule, et donc il est parfaitement inutile. A la rigueur le verbe " modulant " pour suggérer un brouhaha. Mais comme vous parlez tout de suite après d'un marché, il me semble que c'était parfaitement suffisant pour qualifier les voix. C'est à ce genre de détail que se forge un style. Rien ne doit être considéré comme accessoire ou dérisoire. Je souscris totalement aux boursouflures stylistiques relevées par Palimpseste, et donc je n'y reviens pas.

Le décor et l'ambiance sont suffisamment explicites pour une nouvelle. Manque peut-être le contexte temporel qui m'a un peu échappé.
De quelle époque s'agit-il? Ce détail a de l'importance car la lapidation date du préchristianisme. Et la morale dépend beaucoup de la faute commise dans le contexte historique, qui manque justement. Je ne sais pas exactement non plus à quand remonte le fromage de chèvre. Disons que le curseur temporel a de quoi se déplacer.
Où est-on exactement? Le héros trouve sur le marché des fruits " étranges ", ce qui laisse peut-être supposer qu'il se trouve très loin de chez lui, peut-être à l'étranger.
Il semble tout de même qu'on soit entre chrétiens, mais là encore, la seule croix à laquelle il est fait allusion est celle qu'il porte. D'ailleurs à ce sujet, j'avoue ne pas avoir compris :

- " Il sentit une petite marque sous ses doigts. Une croix avait été gravée, cet homme était donc véritablement un hérétique" .

Cette phrase est un mytère. Parlez-vous bien des doigts du voyageur? Dans ce cas, quel lien faites-vous entre la croix du voyageur et la preuve que le lapidé " est donc véritablement un hérétique" ? J'avoue être un peu perdu.

Parenthèse : votre définition de la lacheté, que vous citez en exergue, ne figure dans aucun dictionnaire, et c'est tant mieux car elle me semble totalement hérétique. Il y a des tas de sentiments qui vont à l'encontre de ce que nous dit notre coeur et qui ne sont pas de la lâcheté : l'égoïsme, la cupidité, la violence, l'irrespect, etc...

En conclusion je dirais que si l'histoire est banale, elle est assez bien racontée, à travers un style qui une fois dépoussiéré, semble prometteur.

Cordialement

   monlokiana   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J’adore le début de la nouvelle. C’est joliment dit avec cette image de « nuages épars» qui « galopaient ». Placebo nous installe confortablement dans l’univers dans lequel ce voyageur se trouve. Un univers beau et attrayant.

J’ai lu la nouvelle deux fois (oui, fallait bien que je comprenne avant de l’ouvrir). Il s’agit d’un voyageur qui arrive dans un village et tombe par hasard sur une scène de lapidation. J’aurais aimé moi aussi, comme un autre commentateur, avoir un petit indice temporel,(description de ses habits ou un mot vieux qu’on disait dans le passé et qui ne se dit plus trop (balluchon peut-être).

De plus, on ne sait pas trop grand-chose sur le lapidé et sur le voyageur. On sait que ce dernier vient d’arriver mais on ne sait pas d’où, comment il s’appelle (c’est un peu une tradition dans l’écriture placebienne : pas de nom, comme ça on n’aura pas à se tromper ou à se fatiguer à retenir), son histoire, ce qu’il est venu faire dans cette ville. Quant au début, l’auteur parle d’une croix autour de son cou, j’ai pensé à un prêtre (ou autre).

Quant au lapidé, on sait seulement que la foule lui en veut à mort et le traite d’hérétique. Est-il innocent, est-il coupable ? Je ne sais pas. Et le manque de réponse à cette question fait en sorte que je suis indifférente à son sort. Ce qui lui arrive ne me touche pas et la fin est ironique. On n’aurait pas dit que quelqu’un vient d’être massacré : cela sonne comme la fin d’une fête de mariage avec ces « sourires de bonheur échangés ».

L’histoire est bien écrite, elle va droit au but, pas de détours, pas de pathos, pas de phrases longues et inutiles.
Il y a aussi cette habilité à allier tes « deux talents » : celui de nouvelliste et de poète.

Tu iras loin un de ses jours !
Monlo

   Anonyme   
8/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai vraiment apprécié ce texte, parce qu'il a un pouvoir très fort: il résume à lui seul ce qu'il peut y avoir de pire dans l'Homme et par extension dans la foule des Hommes , et dans l'Individu.
Tous ces petits arrangements que nous pouvons faire avec notre conscience pour éviter ceci ou cela.

Pau importe finalement je pense que le lapidé soit ou non coupable, il est le bouc émissaire de la foule et du voyageur, et je trouve la façon dont cette idée est amenée, excellente.

Il n'y a pas justement de surenchère, d'exagération dans le pathos, ni dans la description du mourant, ni dans celle de la foule ou du voyageur, il y a des faits, des mots, et pas plus.

Je reproche un peu une certaine "emphase" qui parfois nuit au texte:
"Ses pieds le faisaient souffrir et il imaginait déjà avec délice une petite fontaine sur la place du village, la margelle ensoleillée qui le soutiendrait, le filet d'eau glacée sur ses membres"

Je trouve ce passage vraiment lourd, en trop, comme si il voyait le saint Graal !

Mais décidément j'aime ce texte parce que c'est un texte simplement humain, et pour ça, merci.

   Lobia   
9/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Placebo,

Le sujet de cette nouvelle est très intéressant : comment une foule de personnes dites "civilisées" peut tomber dans une folie meurtrière, en oubliant toute humanité et ne penser qu'au plaisir d'être "une foule unie" ?
Qu'est-ce que j'aurais fait à la place de ce voyageur ?
Ce sujet reste d'actualité. On trouve des exemples tous les jours au journal télévisé qui illustrent ce paradoxe.

Vous décrivez très bien l'état d'esprit et les sensations du protagoniste affamé et solitaire, lorsqu'il mange enfin et retrouve la compagnie des hommes.
Par contre il me semble que la partie du lynchage a été traitée trop rapidement, vous survolez les émotions et les sentiments qui doivent submerger cet homme : "Fatigue. Dégoût. Honte".
Pas facile de deviner ce qui se passe dans sa tête à ce moment précis !
Je vous propose une piste :
posez-vous la question suivante : m'est-il arrivé d'être obligé de faire une chose qui me dégoutait sous la contrainte ? Quelles traces cet acte a laissé dans mon esprit ? (Je vais en profiter pour faire le même exercice et jeter mes impressions sur le papier pour une future nouvelle...)
Même remarque concernant la foule hystérique : vous décrivez la situation sans vous impliquer. Dommage car vous êtes unique, votre avis m'intéresse, j'aurais aimé le connaître :)

En conclusion, c'est une nouvelle bien écrite,au sujet intéressant, mais qu'il faudrait approfondir.
J'espère que vous nous proposerez bientôt la "version longue + bonus intégrés" !
Lobia

   widjet   
9/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Il y a la « bonhommie » du début, cette légèreté innocente (je trouve que la forme poétique s'insère plutôt bien et je n'ai pas eu la sensation que tu abusais des métaphores) et puis petit à petit cet étau qui se serre même si l’auteur aurait à mon sens du maintenir le lecteur étouffé en décrivant davantage la violence de l’acte (étonnant que le mot « sang » n’apparaisse jamais dans le récit !) ; une fois n’est pas coutume, le choix fait du « hors champ » n’est peut-être pas le plus approprié pour créer un effroi, l’horreur de ce qui se trame. Il aurait fallu (mais je n’en suis pas certain) montrer davantage et oser la crudité. Tu l'as joué trop petit-bras sur ce coup, trop timoré. Discutable peut-être aussi les phrases cuttées (« Cri. Sanglot. Gémissement »…) qui nuisent à l'intensité, d’autant plus dommageable que c’est la SCENE clé du drame qui se joue.

Bref, j’ai préféré la première partie (vraiment très agréable dans sa fluidité) que la seconde où Placebo m’a semblé moins à son aise. Sans doute aussi le texte est il trop court pour créer l'immersion attendu.

Mais une fois encore, le contraste avec le début du récit presque guilleret est réussi.

Enfin, l’écriture – à quelques « chipouilles » près - est à mon sens le gros point positif.

L’auteur a beaucoup progressé dans la narration et la construction d'un récit et le plaisir de lecture s’en ressent.

Cebo, sois content de ton travail, c’est un texte plus que correct que tu as fais là.

W

   Corbac   
9/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’apprécie beaucoup ce texte. Le manque de contexte historique ne me dérange pas, tout comme le manque d’information sur l’innocence ou la culpabilité du lapidé. Ce qui m’importe, c’est le vagabond qui, entraîné par la foule, prend plaisir à réaliser un acte qui le dégoutait quelques minutes auparavant, vaincu par la pression de la masse. J’y vois une question : qu’aurions nous fait si nous avions été à sa place ? Et puis, pour une fois qu’un auteur décrit un personnage au comportement certes peu valorisant, mais humain malgré tout, et cela sans le juger ni lui trouver d’excuse… Non, je ne vais certainement pas me plaindre !

Rien à dire sur le style d’écriture, c’est plaisant, c’est fluide, c’est accrocheur. Attention tout de même, sur la fin, l’écriture en saccadée m’a paru un peu trop appuyé.

Bonne continuation.

   Pepito   
11/6/2012
Quelques expressions curieuses : - entre ses dents et sa paroi buccale. - odeurs tourbillonnant au-dessus des narines - sa faim était étanchée. - …

Passer d’un marché de village à une lapidation, sans se rendre compte du changement d’ambiance, pour un voyageur « prudent » … ?

Désolé Placebo, le tout me fait penser à un film de Monty Python* et me rappelle le célèbre « Qui a dit Jéhovah ?! ». Je ne pense pas que c’était le but escompté... ;-)

Bonne continuation

Pepito

*Edition

   AntoineJ   
10/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
ce passage bien écrit (encore que certaines tournures mériteraient d'être revues : montagnes ondulantes de plaines vertes ...) et bien préparé (la tension augmente progressivement) fait réfléchir. Comment aurais-je réagi dans la même situation ?
j'aurais aimé en savoir un peu plus sur le contexte, l'étranger, le pays ... sentiment d'être un peu manipulé, de ne voir qu'une partie du drame ...

   wancyrs   
11/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est lorsqu'il a ramassé la pierre dans le panier, associé au titre, que j'ai soupçonné ce qui devait suivre... Je ne dirais pas que j'aime vraiment ce texte, mais il relate froidement ce qu'ont vécus certains hommes et femmes dans certaines cultures... le texte ressort aussi l'effet de foule, l'effet de masse, entrainant et cruel... et pendant ce temps, non loin de là, la vie continue comme si de rien n'était... machiavélique.

À la fin de ma lecture, je me pose une question : à t on le droit de punir les autres sous prétexte qu'ils enfreignent des lois que nous respectons et pas eux ?

En passant, le texte est bien écrit.

   ROBERTO   
14/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Texte très court mais incisif qui ne laisse pas indifférent celui qui a été victime un jour du "syndrome du mouton de Panurge".

La foule influence l'homme libre qui devient complice de la lâcheté...cela se vérifie chaque jour dans le métro, lors d'émeutes etc...

Le style est aussi très bon avec quelques belles images telle celle-ci:
" La longueur de la queue le découragea ; il s'éloigna, s'approcha de fruits étranges, laissa leur odeur chatouiller son nez, acheta, dévora. Le goût, surprenant, avait la force des cerises mûres. La surface était douce comme de la pêche. Le noyau se laissait suçoter gentiment – sa langue le propulsait entre ses dents et sa paroi buccale.

Bravo!

ROBERTO.

   brabant   
20/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Placebo,


Bien vu le mouvement de foule, la psychologie de masse, auxquels votre héros semble cependant vouloir échapper, mais semble aussi y prendre goût même si c'est léger. Il n'y a que le premier caillou qui coûte. Alors puisqu'il s'agit pour lui de sauver sa propre vie tout en oeuvrant contre le diable...

Cet homme avec son baluchon... c'est drôle, à un moment, alors que je progressais dans ma lecture, j'ai eu l'impression que c'était un bourreau itinérant.


Preuve que votre texte est plutôt bien construit.

   Anonyme   
22/6/2012
Bonjour, Placebo,

Je m'étais et vous avais promis de venir lire et commenter ce texte, parce que le sujet (horreurs commises par effet de groupe) m'intéresse beaucoup, d'une part, et que j'étais curieuse de pouvoir comparer avec un autre traitement d'un sujet semblable ("Mangez-le si vous voulez" de Jean Teulé), d'autre part.

Je suis hélas déçue par le texte. Je ne peux pas vraiment dire qu'il est raté, parce qu'il y a tout de même une certaine ambiance que suis parvenue à me représenter, mais j'ai dû pour cela passer au-dessus (ou en dessous, ou à côté, je ne sais pas) de très nombreuses maladresses d'écriture.
Pour être plus juste, je pense qu'il y a des erreurs objectives et d'autres qui relèvent plus de ma subjectivité, mais elles sont vraiment très très nombreuses (vocabulaire, grammaire, conjugaison, point de vue, logique, psychologie).
Si cela vous intéresse, je peux éditer mon commentaire pour les recenser, mais je n'ai pas voulu le faire d'emblée pour ne pas vous donner l'impression que je voulais vous accabler ou que le texte est pire qu'il n'est. Et je crains aussi que mon commentaire serait plus long que le texte.

Il y a cependant des presque qualités dans le rythme et la construction, mais qui restent pour moi au stade de l'intention perceptible. Peut-être que la brièveté du texte en est en partie responsable.


EDIT: après réflexion et pour être cohérente avec moi-même, je retire ma note (sévère), dès lors que celle-ci est fondée notamment et surtout sur le recensement de nombreuses erreurs, alors que ce recensement n'a pas lui-même été soumis à la critique et discuté avec l'auteur.

   Bidis   
26/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’ai trouvé cette nouvelle pleine d’atmosphère avec une progression dramatique qui maintient le suspense. Mais surtout, lorsqu’on en a terminé la lecture, le thème qu’elle aborde continue à susciter la réflexion, ce qui procure la satisfaction d’avoir bien employé son temps de lecture.

Quelques passages m’ont semblé moins bons que d’autres quant à la forme. Je me permets de les souligner.
- « Il apparut »
J’aurais préféré « L’homme apparut… ». Quand on lit « Il », on ne voit rien, puisque cela pourrait aussi bien être un cheval, un autobus qu’un être humain.
- « ondulantes de plaines »
Ce sont les plaines qui ondulent, pas les montagnes
- « telle une artère dans un bras »
J’aurais préféré l’image en métaphore et non en comparaison, c’aurait été plus fort et plus léger à la fois.
- « Il hâta son pas »
Quand on ne peut pas faire de confusion, c’est toujours mieux d’éviter les possessifs (lourds)
- « Ses pieds semblaient enveloppés dans du papier de soie. »
Comme il avait très très mal un peu avant et surtout qu’il aura de nouveau très mal quelques lignes plus loin, je trouve ici l’image un peu excessive.
- « Nouveau bruit de pierre. Nouveau gémissement. Nouveau bruit de pierre, nouveau gémissement. Cri. Nouveau bruit de pierre. Cri. Hurlement. Gémissement. Cri. Sanglot. Mots incompréhensibles. Cri. Gémissement. Cri. Sanglots. Mots incompréhensibles. Pierre. Chair écrasée. Foule qui bruisse. Foule qui applaudit. Cri. Hurlement. Sanglots. Cri. »
Toutes ces répétitions – voulues - du mot « nouveau » me semblent lourdes. Et le texte ainsi haché n’est pas générateur d’images en ce qui me concerne.
- « Une corde liait ses mains et ses pieds à un poteau »
Je trouverais plus léger de dire : Une corde lui liait les mains et les pieds… Les possessifs sont toujours un peu lourds.

Pour le fond, je trouve qu’on n’insiste pas assez sur la peur du personnage, sur le fait que c’est cette peur qui le fait agir comme les autres. C’est dit bien entendu, mais pour moi, ce devrait l’être davantage. Au moment où le voyageur se trouve devant le panier de pierres, j’aurais aimé voir plus d’hésitations de sa part et déjà des cris de la foule : « Allez, prends une pierre ! », « Qu’est-ce que tu attends ? », etc... Comme il soupçonne très bien à quoi elle servira puisqu’il a entendu les gémissements, j’aurais insisté sur la lutte entre sa conscience et sa peur. Et d’ailleurs pourquoi a-t-il suivi la foule jusqu’au panier ? Sans doute par curiosité, sentiment déjà fort proche de la faute. Puis que ce soit aussi cette peur qui le fasse avancer vers l’inéluctable. Pour moi, la peur doit être omniprésente et que ce soit la souffrance et la honte d’avoir tellement peur qui fasse qu’à la fin il s’en libère en achevant le malheureux, comme si c’était ce dernier qui était à l’origine de cette peur. Bref, que la peur dans ce passage devienne un véritable personnage qui naît devant le panier puis s’amplifie jusqu’au point d’orgue final, les pierres qu’il finit par ramasser et jeter comme si c’était sa peur même qu’il voulait tuer.
Je m’emballe peut-être un peu trop sur ce coup-là, mais je trouve ce thème tellement important...En tout cas bravo pour ce texte qui ne peut laisser indifférent.

Parfaitement traité, pareil texte deviendrait pour moi exceptionnel.

   placebo   
30/8/2012

   Ninjavert   
17/9/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
L'idée est intéressante, et le traitement un véritable défi... Un beau challenge donc que ce texte, et je te félicite de l'avoir mené au bout :)

J'ai bien aimé toute la première partie du texte... c'est assez élégant, imagé, poétique. L'écriture est fluide et se lit agréablement. J'ai buté sur quelques tournures malgré tout, comme : "Une rigole courait au centre de la masse grise telle une artère dans un bras" ... l'image est belle, mais je trouve la formulation étrange. Y a peut être un décalage entre le fait que ce soit très poétique, et dit de manière assez factuelle.

Le personnage principal est essentiel, vu que c'est autour de lui que tout s'articule, et même si globalement il est cohérent, certaines maladresses ne m'ont pas permis d'entrer à 100% dans l'histoire.

Tout au long du texte, il est partagé entre la joie et l'inquiétude... sans qu'on sache trop pourquoi. Par exemple :

1) Il est joyeux et soulagé d'arriver au village, mais l'absence de passants le rend prudent. Pourquoi ? Il a déjà établi que c'était sûrement jour de marché...

2) Il est content de s'acheter à manger (plus, encore "qu'il était heureux !"... "ce paradis oublié des dieux" (formule qui m'a semblé un peu excessive, au passage, vu le contexte : il a simplement acheté à bouffer dans un village) et juste après son entrée dans la foule, il a de nouveau mal aux pieds, malgré sa "faim étanchée" (au passage, il me semble qu'on utilise plutôt étancher pour la soif... pas forcément faux comme synonyme d’apaiser, mais ça m'a fait bizarre).

3) Inversé sur la fin : il est mal à l'aise à cause de la lapidation, mais finit par y trouver du soulagement... du plaisir ?


Je n'ai pas encore été voir le forum, donc j'irai regarder si tu justifies ces changements dans ses émotions, mais je n'en ai pas vu la finalité. Au final, je trouve même qu'ils perturbent un peu le déroulement du fil, et nuisent au ressort final (le passage à l'acte).

Le texte est bien écrit (je l'ai dit) mais à la relecture je relève quelques formules qui m'ont un peu gêné (outre l'étanchement de la faim et le paradis oublié, déjà cités) :

"Le noyau se laissait suçoter gentiment – sa langue le propulsait entre ses dents et sa paroi buccale." >> Je trouve que la première partie, très poétique, tranche trop avec la seconde, presque anatomique.

"Qu'il était heureux ! Tout son périple semblait avoir pour but de le mener ici, dans ce paradis oublié des dieux. Autour de lui, des anonymes sans visage, des cris de joie. De la vie." >> Dans ce contexte, j'ai du mal à considérer le "anonymes sans visages". Certes, ils sont anonymes. Mais dans un tel état d'épanouissement, j'aurai tendance à penser qu'il va au contraire s'arrêter sur ces visages, les trouver beaux, souriants (ou pas ?), vivants... Ça respire la vie et la joie, tu le dis juste après, donc les visages le devraient également -enfin à mon sens- sinon il y a un décalage entre l'humeur de notre personnage et celle des autres.

Mais bon, il n'y a là que de légers détails, qui ne m'ont pas dérangé à proprement parler.

J'en arrive à la fin !

C'est ce qui était le plus dur à traiter, de loin, et donc la partie la plus sensible du texte à mes yeux.

J'avoue que je n'ai pas été convaincu. Pas tellement par l'écriture, qui est plutôt bien menée, et dont le changement de style (haché, haletant) est une bonne idée.

Mais plutôt par l'aspect psychologique.

Je pense qu'un des premiers soucis vient du fait que le personnage principal n'a aucune épaisseur psychologique. C'est pas un reproche, hein, mais un constat. Tout au long du texte, on a plein d'informations sensitives sur le personnage : ce qu'il voit, ce qu'il entend, ce qu'il sent, ce qu'il goûte (et touche, pour faire les cinq). On a également ce qu'il ressent, d'un point de vue émotionnel ou physique (plaisir, appréhension, fatigue, douleur, etc.)
Mais à aucun moment on a la moindre info sur ce qu'il PENSE. Ni sur ce qu'il est. D'où vient-il ? Qui est-il ? Que fait-il ? Que pense t-il ? Est ce un homme bon ? Une ordure ? etc.

Autant de questions sans réponses et, là encore, ce n'est pas un reproche. Je suppose que tu voulais montrer que justement, dans ce genre de situation, la bestialité aveugle de la foule peut prendre le pas sur la personnalité de l'individu, indépendamment de qui il est dans la vie. (et ça aussi, c'est une bonne idée)

Mais du coup, cette absence complète de contexte sur le héros nuit à l'évolution de son comportement. On ne le voit pas basculer dans l'hystérie de la foule, vu qu'on ne sait pas vraiment d'où il part. Certes, il se pose quelques questions et on voit bien qu'il n'adhère pas forcément au début, mais je pense que ça aurait eu plus de force si on avait suivi une réelle évolution psychologique du héros, ce qui n'est pas le cas ici.

Et on en arrive à ce qui me chiffonne réellement dans la fin et ne m'a pas convaincu. A aucun moment je n'ai eu l'impression que le héros intégrait la foule. Il est au milieu, mais il n'en fait pas partie. Ce qui est fascinant dans "la foule" c'est qu'elle réagit comme une seule personne, comme une entité à part entière. Là, même à la fin quand notre héros se décide à lancer des pierres, j'ai eu l'impression qu'il le faisait pour ses raisons propres, motivées par sa propre réflexion, et non par "un mouvement de foule". Ca reste trop réfléchi, trop individuel. Il le fait par crainte, mais sous le coup d'une analyse : il faudrait peut être se battre, sinon ? Même s'il ne subissait pas le même sort, il ne pourrait pas rester se reposer ici...

Il y a certainement des gens qui réagissent comme ça dans une foule, mais le plus souvent (sauf si les gens adhèrent initialement à l'acte quel qu'il soit), on a plus l'impression que les gens ne savent pas vraiment expliquer pourquoi ils ont agi comme ça après coup. Bon, j'ai pas non plus étudié le phénomène, je me goure peut être. Toujours est-il que vu le contexte ça m'a semblé ne pas coller : le type ne connaît personne et vient à peine d'arriver. Je trouve qu'il aurait eu de nombreuses occasion de rebrousser chemin, sans se mettre en danger. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'un groupe d'amis et que, ne pas suivre était synonyme d'exclusion. Là, des centaines de gens inconnus (des "anonymes sans visage" comme tu le dis) ça ne justifiait pas qu'il les suive aussi loin. (en tout cas ça ne m'a pas convaincu.)

Même chose pour la justification. Il cherche à comprendre pourquoi ce type est lapidé. Hérétique ? Pédéraste ? Au final l'argument de l'hérétique semble le satisfaire (il porte lui même une croix, on peut imaginer qu'il est chrétien)... mais j'ai trouvé cette recherche de justification un peu dommage car elle traduit à nouveau cette idée de réflexion, que je trouve incompatible avec celle de l'effet de meute, propre à la foule, qui est beaucoup plus axée sur l'action.

J'aurai trouvé ta fin beaucoup plus percutante s'il était, là entouré de ces gens qui agissent, sans s'occuper de lui, et qu'il s'était retrouvé peu à peu submergé par ce sentiment, cette unité qui procure de la chaleur, du bien-être (que tu évoques au début de la foule), au point de se laisser guider, mécaniquement, et qu'à la fin il entre lui aussi dans une sorte de transe... pour en sortir les mains vides, et réaliser après coup qu'il a lancé sa pierre, sans trop savoir pourquoi....

Mais bon, là c'est mon avis, bien entendu. Je trouve juste que la situation que tu décris ne colle pas avec les sentiments de ton personnage. Je ne sais pas si tu as vu "Les accusés" avec Jodie Foster. Ton personnage réagit un peu comme le plus jeune des trois violeurs du film : ils sont pas très nombreux, et le type est désigné alors qu'il n'avait pas forcément envie de participer : "c'est toi le prochain !", les autres le regardent, il est désigné expressément... ça ne justifie rien, bien entendu, mais ça explique le passage à l'acte : on le désigne LUI , on l'interpelle. Refuser, c'est s'exclure. Et c'est un peu le cas de ton héros aussi. Sauf que pour lui, tout est anonyme. Personne ne le regarde réellement, il ne vit pas ici, personne ne le connaît... et, au pire, il aurait pu tout simplement faire mine de louper sa cible.

C'est le piège de la justification : tu cherches à légitimer son acte à ses propres yeux et aux nôtres (il est foutu, tout ça), ce qui rend le tout beaucoup trop réfléchi.

L'exercice était délicat, et tu t'en es tiré plus qu'honorablement. Mais je pense qu'il manque une réelle dimension psychologique qui rendrait le truc vraiment passionnant.

Un texte audacieux et plutôt bien écrit en tout cas... merci 'Cebo ;)

   Togna   
2/10/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le contraste entre l’arrivée euphorique et la conclusion dramatique est bien vue dans les proportions. Dans la première partie, on voit bien cet homme exténué, affamé, inquiet, trouvant enfin un havre de paix. C’est décrit avec parfois une recherche de style (par exemple une figure sans verbe : « La lumière du soleil, devant, sur la gauche ; une trouée dans les murs. » une douceur aussi : « Ses pieds semblaient enveloppés dans du papier de soie », mais qui peut manquer de poésie : « sa langue le propulsait entre ses dents et sa paroi buccale. »
Je n’ai pas compris cette phrase : « il avait obtenu son fromage ».

À partir de « il ressentait à nouveau la fatigue », le style s’emballe, et c’est bien. On vit la lâcheté et la fureur du bon peuple.
J’aurais écrit : sa faim « assouvie », plutôt que « étanchée »., mais bravo pour : l’air vibrait de la haine tendue.

Merci placebo, ce récit est agréable. Il m’a fait penser que parfois, comme ton personnage, nous participons lâchement au lynchage de telle ou tel en accordant notre attention à la folie médiatique actuelle. C’est peut-être ça la lapidation moderne. Elle fait moins mal au physique mais est psychologiquement redoutable.

   caillouq   
26/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien
J'y ai cru ! Bon, après coup, je me dis que dit que le moyen-âge irl ne devait pas être aussi riant (enfin, riant, pour ce qui concerne la première partie), que ça devait poquer sec au sein de la foule et pas être tout rutilant dans les coins, et que ç'aurait été encore plus convainquant d'en faire mention (et bien qu'il s'agisse de fond et pas de forme, ça aurait peut-être éloigné certains commentaires liés à la forme trop lisse). Mais malgré ça, je me suis senti bien en immersion à la lecture. Dommage que l'incipit mais tout de suite fait comprendre la fin dès que les paniers apparaissent, mais comme il ne s'agit pas d'une nouvelle à chute, ça ne fout pas tout en l'air, ça avance juste de quelques minutes le changement d'ambiance. Je trouve l'attitude de l'homme incité à participer tout à fait convaincante. Placebo, je t'avouerai que c'est la première nouvelle de toi que je lis depuis la toute première, dont je pense qu'elle n'est même plus dans le catalogue. Je ne me souviens que de l'effet qu'elle m'avait fait, et, clairement: ton style s'est beaucoup amélioré ! Go on !


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