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Science-fiction
VinceB : Sentence Compassionnelle (deuxième partie)
 Publié le 20/12/17  -  6 commentaires  -  53515 caractères  -  61 lectures    Autres textes du même auteur

Nous retrouvons Georges Slevski, délinquant sans envergure, confronté à un dilemme à la fin de sa désagréable entrevue avec le juge-officier Trévor. La première partie est accessible : http://www.oniris.be/nouvelle/vinceb-sentence-compassionnelle-4109.html


Sentence Compassionnelle (deuxième partie)


Chapitre I


Georges Slevski avance lentement la main vers le flacon de pilules rouges, le représentant de la Justice le recouvre de sa main.


– Un instant monsieur Slevski, assurons-nous que les formes sont respectées… Greffier avez-vous noté l’accord du prévenu pour une transaction de mise en sommeil ?

– La transaction est enregistrée, le procès-verbal est prêt, répond la voix sortant du mur.


D’un geste nonchalant, l’homme en noir pousse la tablette vers Georges sans cesser de le fixer.


– Vous avez fait le choix le plus raisonnable monsieur Slevski, il ne vous reste plus qu’à signer. Regardez la tablette bien en face, identifiez-vous puis dites : j’accepte la transaction de mise en sommeil.


Georges s’exécute. Toujours impassible, le juge-enquêteur range le flacon dans sa poche.


– Ne vous inquiétez pas, cela va se passer vite et bien. Je vous laisse aux bons soins des inspecteurs qui vont vous remettre aux Services de Préservation de l’Ordre Public. Adieu monsieur Slevski, ne faites pas cette tête, prenez conscience de la chance que vous avez ! Vous êtes le premier condamné à qui l’on souhaite de faire de beaux rêves. Vous êtes désormais l’homme le plus tranquille d’entre nous.


Il se lève ramasse son manteau et s’en va.

Dans la voiture embarquant Georges vers son destin, les inspecteurs sont silencieux. La voiture se dirige vers le quartier d’affaires, le lieu des entreprises internationales et des start-up à la mode. L’un des inspecteurs rompt le silence comme si Georges n’était pas là.


– Tu aurais choisi ça ?

– Pas sûr, c’est quand même bizarre comme vie.

– Ouais, j’dirais même que c’est plus une vie… tu t’rends compte, tout le temps dormir et pas savoir si tu clamseras avant de te réveiller !

– Ouais c’est sûr, ça m’ferait bizarre. D’un autre côté ça paraît pas mieux de croupir en taule…

– Mouais… tu sais quoi, c’est pas notre problème, nous on a fait notre job.


La voiture s’engage dans le parking souterrain d’une tour moderne de bureaux. Georges regarde cet environnement avec curiosité, il n’a jamais mis les pieds dans ce quartier, tout ce qui a de la valeur est à l’abri dans des ordinateurs à des centaines ou des milliers de kilomètres de là, une came réservée à des spécialistes, il n’y a rien à faire ici pour des types comme lui. La voiture s’arrête devant la borne d’entrée, l’inspecteur Bertrand compose un code, une voix féminine lui répond.


– Mindset Technology bonjour.

– Inspecteur Bertrand et Delouche du trente-deuxième commissariat, nous avons un dépôt.

– Bonjour inspecteurs, vous êtes attendus, veuillez-vous rendre au second sous-sol, la place deux cent-trente-trois vous est réservée.


La lourde porte métallique s’efface silencieusement, des points lumineux matérialisent le chemin que la voiture doit emprunter. Georges écarquille les yeux, le sous-sol ressemble à un décor de science-fiction, le véhicule glisse sans bruit. Ils arrivent dans un espace brillamment éclairé, un comité d’accueil d’une dizaine de personnes en blouses blanches les attend. Au milieu de ce petit groupe un fauteuil roulant vide.

La voiture se gare sur la place balisée, Bertrand descend, une femme d’une quarantaine d’années s’avance vers lui.


– Inspecteur Bertrand ?

– Oui madame.

– Je suis Barbara Brain, directrice du programme de sommeil pénitentiaire, nous allons prendre en charge votre prisonnier, est-il physiquement en état de nous être remis ?

– Oui madame.

– Alors veuillez le faire descendre.


La poigne de l’inspecteur Delouche extrait Georges du véhicule.


– Inutile de vous montrer désagréable inspecteur, intervient aussitôt la femme. L’anxiété du sujet est un facteur négatif de la procédure. Sally veuillez procéder à l’examen préliminaire.


Sally est une jolie blonde, elle s’avance vers Georges qui la regarde tremblant comme un chien sur la table du vétérinaire. Elle a un joli sourire et une voix hypnotique.


– Bonjour monsieur Slevski, je suis Sally Enfield nous allons d’abord nous assurer que vous allez bien, vous n’aurez à subir aucun désagrément avec nous. Pouvez-vous vous asseoir, dit-elle en désignant le fauteuil roulant, je vais prendre votre tension et faire quelques vérifications.


Georges s’exécute. Autour d’eux, l’équipe agit en silence, la directrice observe immobile ce ballet.


– Je place un scanner sur votre bras qui nous renseignera en permanence sur vos paramètres vitaux, dit doucement Sally. La loi nous oblige également à fixer à votre poignet un bracelet de contrôle qui garantisse une bonne coopération de votre part après le départ des policiers. Vous comprenez Georges ?


Georges tétanisé reste immobile, Sally continue de lui parler pendant qu’ils procèdent.


– Nous comprenons parfaitement que vous soyez un peu nerveux Georges, voulez-vous un décontractant, c’est un excellent whisky, vous aimez le whisky n’est-ce pas Georges ?


Un assistant lui tend un verre rempli d’un liquide ambré. Georges le prend et le vide d’un trait. Sally se retourne vers la directrice.


– Les paramètres sont dans les valeurs normales madame.

– Merci Sally, emmenez le sujet.


La directrice se tourne vers les inspecteurs.


– Merci messieurs, votre mission est terminée, quelque chose à signer ?


L’inspecteur Bertrand lui tend une tablette, dans le silence total qui écrase les lieux, elle lit soigneusement ce qui est écrit puis appose sa main et se détourne sans un regard pour les policiers. D’un pas rapide elle se dirige vers l’ascenseur, son équipe la suit en silence, deux hommes aux larges carrures poussent le fauteuil de Georges.

Ils montent à un étage élevé et vont dans une pièce aux cloisons de verre dépoli gravé du logo de Mindset Technology. Au centre, un confortable fauteuil de cuir blanc à l’armature chromée, à côté une table roulante métallique sur laquelle sont soigneusement rangés lanières, flacons, aiguilles et seringues. Georges se crispe sur les bras du fauteuil roulant. L’équipe se place en demi-cercle autour de Georges, Sally s’avance et tend la main à Georges,


– Venez, installez-vous Georges, dit-elle de sa voix enveloppante. Voulez-vous un autre verre pendant que je vous explique comment nous allons procéder ?

– Euh, oui, oui je veux bien.

– Très bien, venez.


À sa grande surprise Georges prend la main de Sally. En temps normal il aurait pris ses jambes à son coup, bracelet de contrôle ou pas. Sally le fascine, le fauteuil immaculé l’attire comme un doux précipice. Il se lève fait les deux pas le séparant du fauteuil et s’étend, il voit le plafond clair, tout semble parfait, le beau visage de la jeune femme apparaît au-dessus de lui, elle redresse le fauteuil et lui tend un second verre qu’il vide d’un trait. Il se rend à peine compte qu’un assistant lui immobilise le bras et pose une perfusion.


– Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il à Sally.

– Un calmant, vous allez vous sentir parfaitement détendu, toute votre anxiété va s’envoler. Notre but est de vous garder en pleine forme sans que vous ne subissiez le dégradant et inefficace traitement que la Justice réservait aux personnes dans votre situation. Vous comprenez Georges ?


Georges acquiesce mollement. Toute l’équipe s’affaire maintenant autour de lui. La directrice s’adresse à Georges d’un ton froid.


– Georges Slevski, tout recours ayant été abandonné, Mindset Technology a reçu mandat de la Justice d’exécuter à votre encontre la condamnation au sommeil pénitentiaire. Avez-vous quelque chose à dire ?


Georges la regarde en silence, elle reprend sèchement.


– Procédez à l’exécution de la sentence.


La directrice sort un chronomètre qu’elle met en marche. Sally s’est approchée de l’oreille de Georges.


– Comment vous sentez-vous Georges ?


Il regarde Sally, la félicité l’envahit, c’est un ange bienveillant, le monde ralentit, s’effiloche, ses yeux se ferment dans un merveilleux abandon.


– Excellente mise en condition Sally, il est déjà passé de l’autre côté, dit Barbara Brain.


Au bout de quelques instants, Sally lui fait un signe, Barbara Drain arrête le chronomètre.


– Huit minutes, c’est conforme au protocole. Vous pouvez le placer en silo Robert. Merci à tous, nous nous retrouvons demain à huit heures précises en salle de conférence pour un premier bilan, le représentant de la Justice sera là. Bonne nuit et faites de beaux rêves… vous aussi.


Chapitre II


– Monsieur Slevski… Monsieur Slevski….


Georges émerge lentement, il entend puis reconnaît son nom répété inlassablement. Qui peut bien l’interpeller avec une telle instance ? La lumière filtre sous ses paupières, il ouvre brusquement les yeux. Durant de longues minutes il ne comprend pas ce qu’il voit, puis il distingue une pièce blanche, des appareils et, à côté de lui, quelque chose est penché.


– Vous êtes en phase de réveil monsieur Slevski, votre esprit est encore un peu confus mais cela ne va pas durer.


La chose lui parle c’est certain. Il émane d’elle une légère lumière à travers sa peau translucide, et ce qui semble être des yeux sur un visage sans expression le regarde.


– Je suis Med-201 le médecin qui s’occupe de vous, votre réveil se termine, vous allez avoir de la visite.


La chose se lève souplement, elle est gracile, avec des mouvements élégants, elle s’affaire sur les appareils puis délicatement ôte une des perfusions plantée dans son bras.

La porte de la chambre s’ouvre laissant place à un homme et une femme habillés de noir.


– Bonjour monsieur Slevski, votre médecin nous a prévenu que vous êtes réveillé et en mesure de nous recevoir, dit la femme. Je me présente je suis le juge Henriet Parish et voici Philippe Carlin votre avocat, pouvons-nous avoir une petite conversation ?


Sans attendre la réponse de Georges ils prennent une chaise et s’assoient chacun d’un côté du lit.


– Vous avez été réveillé sur les instructions du procureur. Les choses ont quelque peu changé depuis que vous avez été mis en sommeil voici quarante-deux ans.

– Quarante-deux ans ? articule faiblement Georges.

– Oui c’est cela, quarante-deux ans, je suis heureuse que vous compreniez ce que je dis.

– Quarante-deux ans pour un cambriolage…

– Allons, allons, tout ceci est du passé, vous allez recouvrer votre liberté monsieur Slevski.

– Ma peine est purgée ?

– Pas du tout, la société a évolué, on n’attribue plus aux délinquants et criminels un libre arbitre les rendant entièrement responsables de leurs actes. Il est désormais admis qu’un individu normal peut parfaitement devenir un criminel du simple fait des circonstances. Par conséquent il ne peut plus être question de faire subir à des êtres humains la rigueur de la Justice telle qu’elle était conçue autrefois, c’est devenu moralement indéfendable.

– Je suis libre de partir ?

– Mais oui tout à fait !

– Mais… alors, tous les crimin… euh tous les condamnés se promènent librement ?

– Mais bien sûr !

– Euh, eh bien je ne crois pas que ce serait une très bonne idée de sortir, ce doit être dangereux.

– Rassurez-vous, tout se passe très bien, les implants s’assurent que personne ne puisse être agressé.

– Les implants ?

– Oui la technologie a progressé pendant que vous rêviez dans votre silo pénitentiaire. Fort heureusement car toute cette plaisanterie commençait à coûter fort cher. Les implants sont un système très simple qui aide les gens comme vous à s’intégrer harmonieusement dans la société. D’ailleurs, il n’y a pas que les… hum délinquants, qui y ont recours, ils aident des millions de bons citoyens à se sentir mieux dans leur vie. Les implants sont bien plus efficaces que toutes les drogues et médicaments autrefois si répandus. Vous verrez que, très vite vous ne pourrez plus vous en passer ! Voilà je crois que nous avons tout dit.

– L’avocat ne dit rien ? demande Georges.

– Que voulez-vous qu’il dise ? N’est-ce pas ce qui pouvait vous arriver de mieux ?

– C’est curieux, on m’a déjà dit ça.

– Vous ne souhaitez pas retourner en sommeil pénitentiaire ?

– Non.

– Bien ! L’avocat est juste là pour constater la régularité de la procédure, n’est-ce pas Philippe ?

– Tout à fait, et cette procédure est parfaitement régulière ! répond celui-ci.

– Vous voyez, vous êtes tiré d’affaire, n’est-ce pas formidable !

– Mais vous allez m’ouvrir le crâne pour me fourrer vos implants, je ne vous ai pas donné mon autorisation !

– Tututut, pas de mauvais esprit Georges Slevski. Il n’est pas question de vous ouvrir la tête, ce serait bien trop coûteux. Une simple gélule à avaler, un petit boîtier glissé sous votre peau par le médic et vous rejoindrez la liberté, la vraie celle où vous pourrez enfin maîtriser les pulsions qui faisaient de vous un vilain garçon. Eh bien, je crois que nous avons fait le tour de la question, toutes mes félicitations monsieur Slevski. Rien d’autre Philippe ?

– Rien d’autre, c’est absolument parfait, répond l’avocat tout sourire, comme d’habitude vous avez fait un superbe travail Henriett, je suis ravi que nous coopérions si étroitement et fassions revenir ces individus au sein de la collectivité, c’est enthousiasmant !


Ils se lèvent ensemble, mais Philippe se fige.


– Un instant médic, quels implants allez-vous implanter sur Georges ?

– Des Zlin 224.

– Impossible, cela fait trois mois que je cherche à m’en procurer !

– Leur mise au point n’est pas tout à fait achevée, c’est pour cela que leur diffusion est réservée pour l’instant à des C3… volontaires. Soyez patient, ils seront bientôt disponibles et vous n’aurez aucun des désagréments de leur mise au point.

– Vous avez raison, vous faites de l’excellent travail médic !

– Merci monsieur.


Ils quittent la chambre d’un pas alerte, Georges se retrouve seul avec le médic, qui pousse près du lit une table métallique sur laquelle Georges voit un appareillage qui ne lui dit rien qui vaille.


– Mais ils ont fumé quoi ces deux dingos ?

– Je vous demande pardon Georges ? Ces représentants de la loi ne fument rien je peux vous l’assurer, cette habitude déplorable a disparu depuis longtemps notamment grâce aux implants qui ont permis aux individus d’éliminer les addictions de votre époque.

– Ah bon ! Et ce sont vos foutus implants qui les rendent joyeux comme ça ? À mon époque ceux qui faisaient cela fumaient de la beuh !

– De la beuh, je pense que vous voulez parler de cette plante chargée d’alcaloïde, le haschisch ? C’est fini tout cela, les substances récréatives et hallucinogènes tout comme les médicaments antidépresseurs et psychotropes ont été remplacés par les stimulations intracrâniennes des implants. Ils sont mille fois plus efficaces et ne comportent aucun effet secondaire.

– Ah bon, vous êtes sûr, vous n’êtes pas difficile !

– Ce que vous prenez à tort, disons… pour des manifestations d’euphories font partie du comportement social normal. Le niveau de bien-être intérieur des individus n’a rien de commun avec ce que vous avez connu. L’étalon permettant de le mesurer est le potentiel neuronal de bonheur. Au moment où vous avez été mis en sommeil il y a quarante-deux ans, il était estimé pour un citadin à 15 %, ce qui signifie qu’un individu moyen n’était satisfait de son existence que pendant 15 % du temps. Aujourd’hui le PNB est très précisément mesuré en permanence grâce aux implants en surveillant l’activité des zones du plaisir du cerveau. Il est en moyenne de 60 %. Des individus doués atteignent 75 % et les serviteurs du culte atteignent au minimum 80 %. Tel que vous êtes votre PNB ne pas dépasser 5 % mais vous allez voir même en étant classé C3 vous allez ressentir une véritable délivrance !

– Il n’est pas question que vous mettiez ces implants dans mon cerveau, je ne vous ai pas donné mon autorisation !

– Tout va très bien se passer mon cher Georges, l’accord m’a été donné par la Justice, c’est une des conséquences de la petite visite que vous ont faite ses représentants. S’il vous plaît, pourriez-vous bouger les doigts de votre main droite ?

– Euh… voilà.

– Je n’ai rien vu bouger, pouvez-vous essayer encore ?

– J’essaie, qu’est-ce qu’il se passe, suis-je paralysé ?

– Rien de grave, c’est tout à fait normal après quarante-deux ans d’inactivité. Votre motricité ne se réveille que lentement, cela va s’arranger en quelques jours. Dites-moi maintenant comment vous pourriez m’empêcher de votre administrer ces implants ?

– Vous n’avez pas le droit, je vais vous casser la gueule !

– Tutuuut Georges ! Ne dites pas de bêtises, dès que vous les aurez reçus, toute cette peur que vous ne contrôlez pas va s’envoler comme par magie et vous allez devenir un merveilleux citoyen qui va enfin pouvoir développer ses dons harmonieusement dans une société heureuse. Leurs effets ne se limitent pas à assister le fonctionnement du cerveau, ils surveillent votre santé et remplacent des centaines de médicaments. Ils sont capables de déceler un problème cardiaque ou cérébral des semaines avant qu’il ne dégénère en accident. Médicalement ils sont une révolution aussi importante que la vaccination et les antibiotiques, ils ont sauvé la vie de centaines de millions de personnes.


Le médic prend l’instrument posé sur la tablette métallique et glisse une main sous la mâchoire de Georges, une légère pression de ses doigts et Georges ouvre la bouche en grand. Il glisse l’instrument métallique qui se déploie dans la gorge. Georges ressent une légère piqûre comme s’il avait avalé un petit éclat de verre puis le médic retire l’instrument.


– Et voilà Georges, vous allez devenir un homme nouveau doté du magnifique pouvoir de faire de votre vie une œuvre belle et bienfaisante pour vous et la société. Dans quelques heures les centaines de nano-implants que je vous ai injectés se seront fixés dans les régions de votre cerveau contrôlant les émotions. Ils seront orchestrés par le processeur principal que je viens de fixer contre l’os de votre mâchoire, toutes mes félicitations.


Chapitre III


Au bout de deux jours je suis sur pieds, Doc a débranché les câbles me reliant aux machines. La première chose dont j’ai autant d’envie que de crainte est de me voir dans un miroir. Doc m’aide à me redresser, j’ai la tête qui tourne un peu, mais mes muscles obéissent, je pose un pied par terre puis deux, c’est la première fois depuis quarante-deux ans ! Doc a passé fermement un bras autour de ma taille et l’autre sous mon bras, un premier pas hésitant, puis un autre, je claudique ainsi jusqu’à m’appuyer sur le lavabo et avec difficulté je redresse la tête, je sens mon cœur cogner dans la poitrine, ce n’est pas l’effort, c’est la peur de découvrir une épave. Ce que je vois est tout autre ; un homme mûr, en bonne santé. L’individu terne à l’expression maussade d’autrefois a cédé la place à un homme avenant. Je ne suis plus le jeune homme d’avant le long sommeil, mais les pattes d’oies aux coins de mes yeux ne sont pas sans charme. Je souris, un sourire que je n’avais jamais imaginé sur moi.


Après quelques jours de rééducation, Doc m’autorise de petites promenades seul. Je déambule dans les couloirs de l’hôpital, il n’y a pas beaucoup de pensionnaires, principalement des types comme moi qui sortent de sommeil pénitentiaire. Il y a une cour où l’on peut prendre le soleil avec un petit café, c’est pas désagréable du tout, cela permet de papoter entre collègues. Il y en a qui s’en sortent bien plus abîmés que moi, l’un d’eux m’a demandé si je pouvais lui procurer du shit, je me suis foutu de sa gueule et lui ai dit qu’il avait besoin de dormir encore quelques années, ça a fait marrer tous les collègues dans la cour, sauf lui, ce mec n’a aucun humour. À ce moment-là il s’est passé un truc bizarre dans ma tête, je me suis senti tout péteux et je me suis mis à réfléchir : je ne connais pas le CV de ce mec, c’est peut-être un ancien tueur et puis je me suis souvenu de la tête qu’il a fait, il me regardait fixement d’un air triste et ça c’est pas bon. Depuis j’ai commencé à angoisser et ça c’est pas mon genre. Le soir j’ai mis un temps fou à m’endormir, je me suis demandé en boucle ce qu’il se passerait si les implants de ce type ne fonctionnaient pas bien et qu’il décide de se pointer en douce dans ma chambre pour m’étouffer avec un oreiller, aucune porte ne ferme dans ce foutu hôpital et pas l’ombre d’un flic pour calmer les brutes qui sortent de sommeil les unes après les autres. Le lendemain, j’en parle au médic.


– Dites-moi Doc, comment vous êtes sûr que vos implants fonctionnent bien et qu’un de ces types ne va pas péter un plomb et tuer tout le monde ?

– Les implants vérifient eux-mêmes leur fonctionnement, au moindre incident ils préviennent l’équipe de maintenance, si l’hôte est potentiellement violent, ils stimulent les zones du sommeil.

– Le sommeil, toujours le sommeil…

– Hé oui, quelle merveilleuse invention de la vie !

– Et vous Doc, vous dormez ?

– Je ne suis pas un robot très perfectionné, je dispose d’un processus de nettoyage de ma mémoire mais c’est très primitif à côté du fonctionnement merveilleusement sophistiqué de votre cerveau.

– Ah oui, ça c’est vrai Doc, vous êtes même un peu primitif, pourquoi vous avez cette tête carrée et plate en plastique plutôt qu’une vraie tête de médecin ?

– Ce serait contre-productif, n’oubliez pas que, malgré le soin dont la société prend de vous, vous n’êtes que C3 et donc tout au bas de l’échelle sociale. La société vous donne le minimum de ce qu’elle considère être humainement acceptable, ce sera ensuite à vous de démontrer à la société que vous méritez de monter dans les échelons.

– Ah ben alors, les temps ont bien changé, avant personne ne se souciait de vous, on vous laissait dans le caniveau jusqu’à ce que vous creviez !

– Vous êtes très aimable de m’assimiler à un être sensible qui s’occupe de vous, mais remerciez surtout les fondateurs de la nouvelle société qui m’ont créé afin de faire de vous un citoyen normal.

– Tout ça c’est du blabla Doc, je vous assure que pour moi ça fait une vraie bonne différence de vous avoir auprès de moi et il ne change rien que vous soyez un tas de ferraille ou une bonne sœur.

– Je vous remercie Georges, bien que je sois une machine, mes circuits sont sensibles à votre marque de gratitude.

– Mais dites-moi Doc, vous dites que si vous ressemblez à un tas de boîtes de plastique branlantes c’est parce que je suis un pauvre type…

– Un citoyen en devenir si vous le permettez, corrige le médic.

– OK, OK, parce que je suis un citoyen machin-truc comme vous dites, ça veut dire que si je passe C2, alors vous allez vous faire belle pour moi ?

– Ce n’est plus moi qui m’occuperait de vous, mais un médic de classe C2.

– Et ainsi de suite jusqu’à être A1, c’est ça ?

– En quelque sorte, mais plus vous montez de classes plus vous serez libre de choisir les médics selon vos propres critères. Les classes supérieures, disons à partir de A3 n’évoquent jamais leur classe, c’est un aspect administratif qu’il est déplacé d’évoquer, en fait ils font ce qu’ils veulent, y compris de décider de l’apparence de leur médic.

– Et eux aussi ont des implants ?

– Ce n’est obligatoire que pour les classes C, mais une grande majorité de la population y recourt, même si personne ne le reconnaît ouvertement, un peu comme à votre époque personne ne se vantait des antidépresseurs ou des drogues qu’il prenait.

– Et on fait comment pour devenir A1 ?

– Cela semble passionner les humains mais je n’ai aucune connaissance sur un tel sujet, je ne suis qu’un modeste médic de classe 3 et pour mon confort psychologique je suis conçu pour n’avoir aucune envie de changer de classe. Par contre, rien ne vous empêche de vous y intéresser, tout le monde vous y encouragera, mais vous parlerez mieux de tout cela avec votre conseiller spirituel.

– Mon quoi ?

– C’est la prochaine étape, vous n’allez plus avoir besoin de moi que pour quelques contrôles de routine, il vous faut maintenant un guide pour vous aider à vous faire une place dans ce monde nouveau pour vous.

– Encore un robot de classe 3 ?

– Non, un prêtre.


Chapitre IV


Avant on appelait ça un agent de probation mais bon, le médic m’a assuré qu’il n’y avait plus de prisons alors pourquoi pas appeler ça un prêtre ! Le nouveau monde a au moins ceci de bien qu’on n’attend pas et qu’il n’y a pas de formalités, t’es C3, B2 ou A1 ça ne se discute pas. Doc m’a dit que je devais quitter l’hôpital et qu’une voiture m’attendait pour m’emmener, j’ai mis les vêtements neufs posés sur la table de ma chambre, je suis descendu et pouf, je suis parti sans que personne ne me demande quoi que ce soit. J’aurais très bien pu partir une semaine avant sans demander mon reste, foutre le feu à ma chambre et démonter un médic ou deux à coup de tabouret ou pousser dans l’escalier le mec qui n’a pas d’humour pour le plaisir mais cela ne m’a même pas traversé l’esprit, c’est cool la liberté.

Le trajet me permet de voir que le monde n’a pas beaucoup changé en apparence, toujours des routes, des trottoirs et des immeubles plus ou moins moches, bon d’accord, il n’y a pas de chauffeur dans la voiture ce qui ne l’empêche pas de me souhaiter la bienvenue et m’indiquer la durée du trajet, comment fait-elle pour savoir qui je suis ? Elle s’arrête devant un joli bâtiment neuf aux couleurs vives et m’indique que c’est là que l’on m’attend, elle me souhaite une bonne journée et souhaite me revoir prochainement à bord, une voiture pour les C3 ? Je ne sais pas si je dois la remercier, dans le doute je lui souhaite aussi une bonne journée, peut-être que c’est bien pour mon classement.

Sur la façade toute de verre et de couleurs une inscription dorée surmonte l’entrée : Temple de l’Absolue Félicité, j’entre. Une jolie musique règne à l’intérieur, genre ascenseur amélioré, il fait un peu sombre et je manque de me cogner à quelqu’un dans le passage.


– Monsieur Slevski ?


Je me fige, Georges Slevski 11 722 651 929 monsieur ! ça m’est sorti comme ça, automatiquement. Mon regard s’accoutume à la pénombre, c’est un jeune homme habillé d’un costume clair.


– Vos erreurs ont été pardonnées, ici vous êtes le citoyen Slevski.

– Classe 3 !

– Ça n’a pas d’importance, mon nom est Kim Cavon appelez-moi Père Kim si vous le voulez-bien, dit-il en me tendant la main.

– Euh, d’accord euh…. mon Père… dites-moi, c’est religieux ?

– Cela dépend de ce vous mettez dans ce mot, je suis là pour vous aider les nouveaux citoyens, c’est une mission de notre Église, mais je vous propose de nous installer pour en discuter plutôt que de rester debout dans cette entrée, n’est-ce pas ?


L’intérieur ressemble plus à une exposition photographique qu’à une église, je remarque tout de même quelques mecs avec des tuniques blanches qui traînent jusqu’aux pieds. Il m’emmène dans un petit salon. La pièce est nue à l’exception de deux sièges et de la photo grandeur nature d’un homme vêtu exactement comme lui. J’ai jamais vu ce type, il n’a rien de spécial, genre pas les yeux levés au ciel comme dans les églises que j’ai connues, il nous regarde d’un air profond et tient dans ses mains un livre ouvert un doigt pointé sur une page, c’est tout. Je sens que ce doit être le patron mais il n’y a rien d’écrit pour le confirmer, même pas son nom. Kim m’invite à m’asseoir, nous nous retrouvons face à face en silence, je suis un peu gêné, il se décide enfin à parler.


– Georges, me permettez-vous de vous appeler Georges ? La chose importante que vous devez savoir est que le monde que vous découvrez est bien plus différent de celui que vous avez quitté qu’il n’en a l’air.

– Ah oui, les robots, les voitures qui roulent toutes seules.

– C’est vrai mais ce genre de détails n’est pas le plus important. Il y a eu un changement assez radical de la vision de l’être humain, c’est cela le plus important.


Merde, je ne comprends déjà plus rien à ce qu’il raconte ! Je le vois marquer un temps d’arrêt et lever légèrement les sourcils. Il reprend.


– Disons que les principes qui vous ont fait condamner autrefois n’existent plus. Nous avons enfin trouvé une manière d’intégrer chaque citoyen sans violence. L’idée même de punir un être humain pour sa conduite paraît aujourd’hui barbare et totalement inefficace mais surtout moralement indéfendable et semble désormais incompréhensible à toute personne sensée.

– Ah… cool !

– Oui c’est bien pour vous mais aussi pour tout le monde. C’est la conséquence de ne plus considérer l’être humain comme une entité parfaitement libre de son destin.

– Mais ça doit être un peu le bord… le désordre le samedi soir dans la rue non ?

– L’être humain n’a pas changé, mais notre Église en a tiré les conséquences sans position moralisatrice. Elle s’est tournée vers la Science pour aider l’humain à maîtriser ses pulsions lorsqu’il en a besoin et avant que cela ne conduise à des conséquences regrettables.

– Autrement dit, lui donner un petit coup de main au bon moment avec… les implants ?

– Vous avez très bien compris, je vous félicite. Toutefois cela ne suffit pas à comprendre tout ce qui a changé. Je vais vous donner un petit livre fort agréable à consulter qui vous aidera à mieux comprendre tout cela. Lisez-le quelques minutes par jour, inutile de commencer à la première page, n’hésitez pas à relire plusieurs fois chacun des psaumes.

– C’est ce gars-là qui l’a écrit ? dis-je en indiquant la photo du pouce.

– Effectivement, c’est la parole de saint Ronald, vous lirez également son histoire dans le livre.


Il s’interrompt et me regarde en silence.


– Croyez-moi, lire ce livre va changer votre vie, je compte sur vous pour faire l’effort de le consulter régulièrement. Nous nous reverrons de temps en temps pour en parler, vous voulez-bien ?

– Heu, bien sûr mons… mon Père.


Il sort de sa poche un livre au format de poche et me le tend. Sur la couverture, la même photo qu’au mur et le titre en lettres d’or : Les Chemins de l’Absolue Félicité. Je remercie le Père et promet de bien le lire. Il sourit et se lève, l’entrevue est terminée. Une voiture m’attend et me conduit dans un foyer d’insertion où l’on me dit que je peux m’installer le temps qu’il faut pour trouver une activité.


J’ai du mal à le croire mais on me fiche une paix royale, je vais de temps en temps au TAF rencontrer le Père Kim et suis des cours, je me suis pris de passion pour la gastronomie. Ce joli petit monde a beau être bien propre et bien rangé, ils ont oublié comment on fait un bon pot au feu, c’est d’ailleurs quasiment impossible de trouver de la viande et des bons produits. Tout est bio, tout est sain, tout est fade. Je me débrouille comme je peux et à force d’expérience j’arrive à reconstituer des saveurs honorables, cela me vaut une petite notoriété dans le foyer. Le Père Kim semble heureux de cette soudaine passion et me pousse à ouvrir mon restaurant, ce que je finis par faire. À mon grand étonnement, ça marche plutôt bien, ça me change des petites combines au jour le jour. J’ai déménagé dans un petit appartement confortable. C’est pas cool tout ça !

J’ai une drôle de sensation qui émerge depuis quelque temps, la sensation bizarre d’être une personne toute neuve qui aurait hérité des souvenirs d’un petit loubard, mais bon… c’est quand même mieux que l’inverse ! Ma petite affaire me permet de rencontrer des gens sympas, pas le genre que je croisais à longueur de journée et qui me proposaient sans cesse un coup trop cool avec lequel tu vas te refaire, y compris quand j’étais en taule. J’ai rencontré une nana sympa, Judith. Elle est trop classe, j’ai pas encore compris ce qu’elle trouve à un mec comme moi, mais bon, ça fait du bien de voir quelqu’un venir vers moi pour autre chose que le blé ! On discute cuisine et parfois ça devient plus perso, je ne me suis pas jeté sur elle comme je l’aurais fait avant, heureusement sinon, une nana comme ça, elle m’aurait filé entre les doigts. Je me sens moins con qu’avant, ça doit être les implants, pas cons ces implants.

J’ai mis le nez dans le fameux bouquin, pas comme le prêtre me l’a dit en commençant n’importe où, j’ai déjà assez de mal à lire, alors si je ne comprends pas le début je vais bloquer. C’est écrit gros et les pages ne sont pas remplies, ça me va bien. La première page ne contient qu’une phrase en plein milieu : Tu n’as pas pêché. Ah bon ? La seconde page est du même genre : La truite croit choisir la mouche qu’elle attrape mais c’est la rivière qui la guide. Il devait aimer la pêche ce mec. La troisième page me paraît plus claire : Écoute ceux qui aiment la Vie et ainsi de suite sur des pages et des pages, de temps en temps il y a une petite histoire qui lui est arrivée avec ses amis, ça ne prend pas la tête et j’ai l’impression de comprendre certaines choses.

Ce soir c’est relâche au restaurant, la loi l’oblige au moins une fois par semaine. Judith m’a invité à prendre un verre. Je la retrouve à une terrasse, ça me rappelle le bon temps, du moins quand j’étais pas en taule. On prend une bière, on discute de rien de spécial, ça glisse tout seul, je me croyais pas capable de faire la conversation à une nana de cette classe, lire ça m’a fait du bien. Elle a une activité, on ne dit plus un travail, dans la danse, elle fait partie d’une troupe. Je lui ai promis d’assister à son spectacle. Je lui parle de ma lecture, peut-être qu’elle pourra m’expliquer certaines choses, je m’aperçois qu’elle n’a pas la même vision que le Père Kim.


– Tu sais Georges, malgré les implants, tout le monde ne pense pas que nous vivons dans un monde parfait.

– Il y a des délinquants ?

– Disons des gens qui ne s’en remettent pas qu’à leurs implants pour réfléchir.

– Et la police ne les arrête pas ?

– Il n’y a plus de police, elle a été remplacée par un service du ministère de la santé, quand il y a un problème des soigneurs interviennent pour vérifier et régler les implants, cela suffit à régler les problèmes. Il paraît que dans les cas les plus graves, il y a une classe spéciale de soigneurs, les régulateurs, mais personne n’en n’a jamais vu. Pourquoi voudrais-tu qu’il y ait encore une police ? Réfléchis Georges, la police est déjà dans nos têtes, les implants nous ont transformés en citoyens parfaits. Quand tu es malheureux les implants activent ta production d’endorphines, quand tu t’énerves ils réduisent la production de testostérone. Tes pulsions sont mises dans le droit chemin avant même que tu aies conscience de les avoir. Les implants et ceux qui les contrôlent nous tiennent en laisse. En manipulant nos émotions ils nous enseignent le bréviaire de la Félicité Absolue sans même que l’on en ait conscience, sans même avoir à lire leur propagande. Dans quelques mois ton cerveau n’aura même plus besoin des implants pour se conformer exactement au comportement du citoyen parfait, il sera formaté selon le plan qu’ils ont conçus. Les implants ne feront plus rien d’autre que de te surveiller et calmer tes crises d’angoisse quand tu penseras à l’inutilité de ta vie.

– Tu dis ils, mais de qui parles-tu ?

– Officiellement, ce sont les classes A1 du ministère de la santé qui surveillent la production des implants, ils sont censés être neutres, c’est écrit dans la Constitution, mais la notion de bonheur ne peut pas être neutre, elle est le fondement de toute idéologie. Il se dit, qu’en fait, ce sont les machines-apôtres de L’Église de l’Absolue Félicité qui contrôlent la programmation des implants.

– Les machines-apôtres ?

– L’Église met à la disposition de l’État ses centres de calcul, des milliers de machines intelligentes. l’Église les appelle les machines-apôtres car elles savent appliquer les commandements de l’Église à toutes les situations. Même si officiellement elle n’est qu’une association comme une autre, l’Église est sans concurrence, elle finance beaucoup de programmes de l’État notamment médicaux...

– Pourquoi me dis-tu tout ça Judith, tu n’es pas heureuse ?

– Tout le monde n’a pas envie de réduire sa vie à celle d’un rat de laboratoire appuyant sans fin sur le bouton qui active le centre du plaisir de son cerveau. Je n’ai pas envie d’être une machine qui avance sur des rails invisibles posés par je ne sais qui… Et tu sais… il est possible de désactiver les implants.

– Ah ouais ?!

– C’est d’autant plus facile qu’on le fait tôt… au bout de quelques années les gens supplient qu’on leur en réimplante immédiatement de nouveau si les leurs tombent en panne. C’est plus addictif que la plus puissante des drogues, sans les implants on devient incapable de gérer nos émotions, c’est comme ça que le système nous tient.

– Et toi tu as désactivé tes implants, ce n’est pas interdit ?


Judith hésite, elle a l’air mal à l’aise, serait-ce un péché ?


– C’est mal vu, mais ce n’est pas interdit… j’ai été libérée il y a quelques mois.

– Libérée ?

– En théorie je n’aurais pas dû supporter leur désactivation, j’en avais depuis l’âge de douze ans, mes parents avaient eu une autorisation thérapeutique, ils trouvaient mes résultats scolaires insuffisants. D’habitude on pose des implants à partir de seize ans et uniquement à ceux qui le demandent, c’est la loi.

– Ben alors comment tu as fait ?

– Il y a eu des failles de sécurité dans certaines mises à jour, des hackers savent les exploiter pour ajouter des procédures de désintoxication. Ça été très dur mais j’y suis arrivé après des dizaines de crises de déprime, j’ai trouvé des médicaments qui m’ont aidés.

– De la beuh ?

– De la quoi ?

– Un truc qu’on fumait à mon époque pour se sentir bien, et maintenant ça va, tu es plus contente ?

– … je suis plus libre.

– Ah.

– Pour toi ce serait facile, les implants n’ont pas eu le temps de reprogrammer ton cerveau.

– D’accord mais ça va m’apporter quoi ?

– Tu ne seras pas un robot.

– Ah ouais… ouais, bien sûr.

– Tu pourrais décider d’avoir des enfants.

– Ah bon, ça fait aussi contraception les implants ?

– En théorie non, mais les femmes n’ont plus autant envie d’avoir des enfants, la population a beaucoup diminué.

– Je me disais bien que je ne voyais pas beaucoup de gamins dans les rues, mais je croyais que c’était parce que j’étais dans le quartier des affaires… Et toi tu as envie d’avoir des enfants ?

– Oui, créer une famille n’est-ce pas la chose la plus merveilleuse ?

– Oui, oui, c’est sûr… et tu as trouvé quelqu’un ?

– Il y a encore très peu de gens libérés, il faut que je rencontre un homme dont ce soit aussi le projet…

– Humm, bien sûr… mais dis-moi, si tu avais des implants depuis très jeune, qu’est-ce qui t’a donné envie de les désactiver, tu n’étais pas heureuse ?

– Tout le monde ne réagit pas de la même façon aux implants, il y a parfois des rejets, c’est mon cas, les médics se sont penchés sur mon cas mais n’ont jamais pu résoudre totalement le problème. Quand les implants fonctionnaient mal, je me posais des questions auxquelles je ne n’avais jamais pensé, dont personne ne parle…


Elle a soudain une hésitation.


– Écoute Georges, je n’aurais peut-être pas dû être aussi franche, arrêtons de parler de ça. Si tu veux j’appelle des amis et je te présente. Ce sont mes jeunes voisins, ils sont très gentils mais parfois j’ai l’impression qu’il y a autour d’eux un mur invisible, rien ne les atteint.


Une demi-heure plus tard le jeune couple nous rejoint.


– Hello Cali, Tim, ça va comment ?

– Salut Judith !

– Je vous présente Georges.

– Salut Georges !


Ils s’assoient et un serveur vient prendre la commande. Je viens de prendre conscience que c’est étrange.


– Je croyais que tous les petits boulots étaient faits par des robots maintenant !


Cali me regarde surprise.


– Pas du tout ! Il y a pleins de gens qui veulent une activité quelques heures par jour en plus ça donne des points pour monter dans les classes, tu sors d’où toi ?

– De sommeil pénitentiaire.

– Non ! Incroyable ! Depuis combien de temps ?

– Quarante-deux ans.


Cali et Tim ont un sifflement.


– Non ! Tu avais tué pleins de gens ?

– Même pas, j’ai volé des téléphones et puis quelques autres bricoles.


Cali a l’air déçue mais retrouve vite son sourire.


– Non ! Quarante-deux ans pour des téléphones !

– Ben oui, c’était comme ça avant.

– Ça va être compliqué pour toi, maintenant il n’y a plus rien à voler et il n’y a plus de crimes, merci Ronald ! Qu’est-ce que tu vas faire ?

– Et vous êtes dans quelle classe ?

– B2 ça ne se voit pas ? dit Cali sincèrement étonnée.


Judith s’interpose.


– Et vous, comment ça va comment les petits loups ? Vous faites quoi en ce moment ?

– Tim travaille à la mairie pour la rénovation du quartier Nord.

– Ah oui c’est génial, dit Tim enthousiaste, ça va être comme un bois naturel avec un ruisseau, des mares, des clairières, des animaux.

– Et moi je participe à la chorale de l’Église, coupe Cali.

– Toujours pas de projet de bébé ? demande Judith.


Un léger silence et une ombre fugitive dans l’expression du jeune couple ponctuent la question de Judith puis ils répondent joyeusement en cœur.


– Mais si bien sûr, nous en parlons souvent mais nous avons tant de choses à faire, rien ne presse, la vie est si belle, merci Ronald !


La soirée ne s’est pas déroulée comme je l’espérais avec Judith. Moi qui croyais que tout ce petit monde tournait parfaitement rond ! Revenu dans mon appartement, les choses ne me semblent plus aussi claires qu’après avoir vu le Père Kim. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi Judith veut se débarrasser de ses implants, elle se pose des tas de questions qui ne vont certainement pas la rendre heureuse. D’accord, ses petits voisins ont l’air de gentils chiens-chiens à leur mémère, mais qu’est-ce qu’il y a de mal s’ils sont heureux comme ça ?

J’ouvre au hasard Les Chemins de l’Absolue Félicité et je tombe sur une parabole, hé oui ! maintenant je sais ce qu’est une parabole !

Un jour de doute je fis un rêve : j’étais assis dans un pré au sommet d’une colline, je voyais la rivière couler en bas, dans la fraîcheur du matin le soleil caressait agréablement ma nuque mais j’avais soif. Je me suis demandé ce qui serait le mieux ; quitter l’accueillante prairie et la douceur du soleil printanier ou bien descendre m’étancher à la rivière comme un animal ? Je me suis dit alors que j’avais d’autres choix que celui de l’animal assoiffé et décidais de ne plus avoir soif. À l’instant de ce renoncement je sentis la révélation de La Félicité grandir en moi.

Je me suis habitué à ces petites histoires, je ne comprends pas toujours où Ronald veut en venir mais j’ai le sentiment qu’elles touchent quelque chose en moi, je me sens toujours mieux après.

À la télévision c’est pareil, les émissions et les films me paraissaient étranges mais je m’y habitue, en m’endormant je regarde d’un œil l’histoire d’un jeune couple qui vient de se rencontrer. Après avoir baisé comme des lapins, c’est la partie que j’ai préférée, ils se posent de grandes questions du genre, tu es B2 alors comment vas-tu faire pour rejoindre ma classe A1 ? Je n’ai pas vu la fin, je plonge dans un profond sommeil après avoir fugitivement envisagé d’autres choses avec Judith que de papoter avec elle.

Je fais un drôle de rêve, je suis dans un bar un peu louche, un mec que je ne connais pas m’aborde :


– Hey mec, j’ai des implants hackés, ça te branche ?

– Des quoi ?

– Tu sais bien, les trucs que tu as dans la tête avec le prêchi-prêcha du gouvernement et de l’Église du machin-truc eh bien moi j’ai vachement mieux !

– Ah ouais ?

– Tu choisis qui t’as envie d’être et quand tu en as marre tu changes et tu télécharges une autre personnalité.

– Et c’est bien ?

– Ben oui mec, c’est comme tu veux, tu as envie de te prendre pour un roi de la combine plein aux as, tu télécharges, tu préfères être le séducteur de ces dames, genre petites copines bien allumées de cinq à sept, il y en a pour tous les goûts. J’ai même des programmes spéciaux, j’ai vendu à un écolo une personnalité où il élève des canards pour faire son foie gras en cachette, un truc de fou je te dis ! Hop tu télécharges ce qui te branche, ça coûte à peine cent crédits et la première est offerte.

– Ah ouais, merci mec, c’est cool ton truc, je vais y penser, laisse-moi ton numéro, je te rappellerai.

– Hé non mec pas de numéro, j’ai pas envie de me faire pincer par les Soigneurs !

– C’est quoi ça ?

– Fais gaffe à eux, évite-les comme la peste, ils te reprogramment les implants en moins de deux et tu te retrouves pendant des mois en pénitence à l’Église pour prier saint Ronald ! Si tu veux me revoir je repasse ici de temps en temps. Et si tu n’aimes pas les trucs destroy, j’ai aussi des choses plus calmes, genre super-propre sur toi avec plein d’amis qui adorent la façon dont tu tonds ta pelouse.

– Et tu as des implants autonomes ?

– Non je n’ai pas ce genre de merde en magasin, ça c’est réservé aux classes A1, laisse tomber ce genre de came mec si tu ne veux pas te retrouver avec un régulateur aux fesses.


Chapitre V


William Calder pose sa lourde arme de service sur son bureau à l’unité 217 de soins. Il se sent las, le prestige d’être un des très rares humains à être autorisé à porter une arme lui semble soudain écrasant et inutile, il y a très peu de gens qui le sachent. Officiellement il est un banal soigneur qui sermonne les petits contrevenants qui oublient de faire réviser leurs implants, tous ces crétins à la recherche de sensations nouvelles qui n’existent pas ! Il est bien content d’avoir été promu B1 il en avait assez de distribuer des pénitences qui aurait faire rire un gamin de huit ans au siècle précédent. L’arme n’est pas là pour impressionner, ni faire peur, quand il se déplace elle est toujours soigneusement dissimulée dans l’étui sous son aisselle, quand elle en sort la victime n’a pas le temps de comprendre ce qui arrive. L’arme sert à loger un projectile entre les omoplates ou dans le ventre d’un déviant en train d’infecter des personnes saines. C’est bien plus fréquent qu’il ne l’imaginait en intégrant le corps d’élite des régulateurs. La mort n’est pas douloureuse pour le contrevenant. Malgré la perforation de la fine fléchette d’acier, il ne sent quasiment rien, le projectile projette un puissant anesthésique autour de lui au moment de la perforation puis injecte un neurotoxique, c’est la phase une. Le manuel stipule que la phase deux est atteinte entre trois et dix secondes après l’impact. Porté par la circulation sanguine, le neurotoxique atteint le cerveau et stoppe net l’activité des centres végétatifs, le sujet tombe alors sur les genoux ou sur le dos, ses yeux sont grands ouverts et ses pupilles dilatées. L’arrêt cardiaque et respiratoire survient simultanément. Vingt secondes après l’impact le régulateur doit constater l’arrêt du pouls. Le fourgon sanitaire qui attend à distance prend alors en charge la dépouille et mille crédits de prime de risque sont versés au régulateur. La routine. Hier c’était la deux cent dix-septième routine, comme le numéro de son unité, une sacrée coïncidence mais qui devait forcément arriver un jour, est-ce pour cela qu’il se sent si las ?

Il sort de sa poche la petite télécommande et règle ses implants sur Récupération. En quelques secondes ça va mieux, il pense au voyage qu’il va s’offrir avec la prime. Mais il a encore du travail, le contrôleur d’implants placé dans son cou lui signale qu’il a une nouvelle affaire. Il met sa visière, la fiche du contrevenant apparaît, c’est une femme d’une trentaine d’années, elle a été piégée par un groupe de hackers et est parvenue à déconnecter ses implants avec leur aide. Maintenant elle en train de tenter de convertir un jeune type ; c’est la frontière qu’il ne fallait pas franchir. William examine soigneusement les recours, quatre tentatives de normalisation ont échoué, les réimplantations répétées ont provoqué chez elle des réactions de rejet des nouveaux implants les rendant inopérants. Pendant deux heures il étudie soigneusement chaque aspect du dossier à l’affût d’un vice de forme ou d’informations imprécises qui pourraient entacher sa décision d’accepter la mission, mais rien, le dossier est correct. Il donne mentalement son accord, aussitôt sur la visière les mots RÉGULATION VALIDÉE se superposent sur la fiche de la femme, puis son identité est révélée : Judith Black classe B3, suit son adresse, la liste de ses derniers déplacements ainsi que ses fréquentations. Jusque tard dans la soirée il explore la biographie et l’emploi du temps de la déviante, il n’a pas le droit à l’erreur, son boulot doit être net et exécuté en dehors de tout témoin. Le ou la déviante doit disparaître comme ça d’un coup, pfuitt. Les implants de sa famille et de ses connaissances auront tôt fait de les aider à oublier ça. La loi prévoit un délai de quarante-huit heures avant la régulation, le temps qu’un juge de la cour suprême signe le décret qui restera secret. Demain il va en profiter pour faire un peu de sport. Il va se coucher et s’endort tout de suite.


* * *


Judith se sent bien, la réunion de la cellule de libération l’a rassurée sur ses progrès, les doses de psychotropes seront réduites. Il est tard, les rues sont désertes, elle marche d’un pied léger, confiante dans sa capacité à affronter la fatigue sans l’aide de ses implants. Bien sûr dans sa poche il reste un paquet de cette substance qui l’aidera en cas de défaillance mais elle n’a pas envie d’y toucher. Une nouvelle vie semble s’ouvrir devant elle, chaque jour le sentiment de liberté grandit en elle. Tout en marchant sous les rangées d’arbres qui bordent la rue elle songe à Georges, elle s’est montrée maladroite mais ne désespère pas de le ramener vers elle. Plongée dans ses pensées elle n’a pas remarqué l’ombre qui se tient à distance d’elle. Arrivée chez elle, malgré la fatigue qui commence à peser, elle cède à son rituel de prendre une douche avant de s’endormir.

L’homme connaît ce détail, il ouvre sans difficulté la porte de l’appartement, avec son niveau de priorité, aucune serrure n’est verrouillée devant lui jusqu’à la classe A3.

Il referme tranquillement la porte, il sait qu’il n’y a personne d’autre que lui et elle dans l’appartement. Il entend l’eau couler abondamment, elle chantonne. Le micro-drone qui le précède pénètre sans bruit dans la salle de bain et lui donne l’image de la scène de régulation. Il la voit appuyée sur le mur de la douche dans un nuage de vapeur, tête baissée, épaule relâchée, elle laisse l’eau couler sur sa nuque. La paroi transparente de la douche n’offrira pas de résistance sérieuse au projectile, il l’a vérifié. Il sort son arme, enveloppe la crosse dans sa main, une vibration l’informe qu’elle est prête à tirer. Il entre dans la salle de bain l’arme pointée sur la douche, prend une légère inspiration et la bloque pour stabiliser sa visée puis tire posément un seul coup, il ne peut pas la rater. Judith tressaille, un, deux, trois… ses jambes fléchissent, elle s’effondre, fin de la phase une. Il entre dans la douche et ferme l’eau. Phase deux, il prend le pouls au niveau de l’artère jugulaire, plus rien. C’est beaucoup plus rapide qu’avec les déviants dont les implants tentent désespérément de maintenir les fonctions vitales dans l’attente de secours.

Il se redresse vivement, il a perçu un bruit derrière lui. Il masque son arme dans son blouson et se retourne.


– Tout va bien Judith ? Un de tes amis m’a prévenu que quelqu’un te suivait dans…


En face de lui l’homme suspend sa phrase, il le reconnaît, c’est Georges Slevski un condamné de l’ancien régime qui a été récemment gracié. Ce n’était pas prévu, que fait-il là ? Il sait ce qu’il doit faire, sans hésiter il dégaine et abat l’homme. Pas de témoins dit la procédure. Tendu il écoute le silence qui a suivi la chute de sa seconde victime. Il ordonne à son drone de faire le tour de l’appartement et attend l’arme au point. Le drone lui rend compte qu’il est désormais seul, il est soulagé. Il prévient l’équipe de nettoyage et sort tranquillement en les attendant. La fourgonnette est déjà en train de se garer, quelques minutes plus tard, les deux corps sont évacués, l’infirmier lui confirme le décès des deux déviants. Sa mission est terminée.



Assemblée ordinaire de l’Église de l’Absolue Félicité

Sud-Europe – 21 mars 2072


Examen de l’ordre du jour RS-A76233-C-4FE1


1 – Le déclin démographique de l’effectif régional A1 ne lui permet plus de remplir sa mission régulatrice, ses prérogatives sont transférées aux machines-apôtres.


2 – Le comité entérine à la région Sud-Europe l’application de la directive mondiale de ne plus promouvoir d’êtres humains à la classe A1.


3 – La démographie de la population déviante continue d’augmenter. L’Apôtre-Natalité confirme l’apparition d’une mutation anti-implants favorisant la multiplication de cette sous-classe, des individus de 3e génération sont récemment apparus. Le comité régional confirme l’urgence de créer des implants déviant-compatibles afin d’enrayer cette évolution.


4 – Le projet mondial de grand bond en avant du PNB est intégré dans les objectifs de la région Sud-Europe. Objectif est donné aux machines-apôtres de créer les conditions d’une augmentation de 7 % du PNB sur les cinq prochaines années.


5 – Le programme des prochaines élections a été entériné, les évolutions des implants proposées aux citoyens vont être publiées. Le vote aura lieu trente jours après par interrogation des implants des citoyens des classes A2 et supérieures.


 
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   Anonyme   
8/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je me rappelle très bien l'histoire précédente, qui introduit celle-ci, et je trouve que vous en avez fort bien extrapolé la logique ! J'ai aimé la cohérence de l'univers que vous présentez, et pour moi la présentation est à la hauteur aussi, didactique ce qu'il faut sans plus, sauf peut-être dans ce passage :
la police est déjà dans nos têtes, (...) l’inutilité de ta vie
car le lecteur, je crois, peut arriver par lui-même à cette conclusion.

J'ai apprécié que le narrateur, le malheureux Georges, ne soit qu'un pauvre gars dépassé. Je me dis que vous pourriez développer et approfondir cet univers dystopique assez classique, notamment l'aspect économique effleuré à la toute fin. Bien sûr, à vous de voir si vous en avez envie...

   Tadiou   
9/11/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
(Lu et commenté en EL)

Bonjour Vinceb. Cette 2ème partie représente un gros travail d’écriture!

Mais autant j’avais apprécié la 1ère partie, autant je n’ai pas accroché à celle-ci.

Ça me semble fade, lourd. La multiplication des dialogues finit par lasser ; tout est sur le même ton, tout est uniforme.

La description de ce monde ne me semble pas claire. On retrouve des situations « classiques » : boire un pot à une terrasse, avoir vis-à-vis de Judith des projets autres que le papotage…. Et des éléments nouveaux comme les implants, le livre « Les chemins de l’absolue félicité »… Tout cela ne me semble pas bien maîtrisé.

« L’Eglise de l’Absolue Félicité », qui semble tout prendre en mains à la fin, est une entité bien mystérieuse… Très peu d’informations la concernant comme sur ce « Saint Ronald » qui apparaît comme le « Grand Commandeur ». Qui est-il ? D’où vient-il ? Quel est l’origine de son influence ?

Pas de descriptions, pas d’analyses concernant les rapports et les conflits entre les individus de la classe A1, censés être des dirigeants, et l’Eglise. Pourquoi celle-ci semble prendre tout en mains à la fin au détriment de la classe A1 ? Pourquoi la dégénérescence de celle-ci ?

Dans ce contexte l’exécution de Georges m’apparaît bien artificielle, arrivant « comme un cheveu sur la soupe ». Comme m’apparaît bizarre cette notion d’élections apparaissant à la toute-fin.

Enfin il me semble qu’il manque une analyse et une description de la tension entre le libre-arbitre et l’assujettissement d’individus soumis à leurs implants. C’est un aspect occulté dans ce récit.

2 détails d’écriture :

**« Georges écarquille les yeux, le sous-sol ressemble à un décor de science-fiction, » : bizarre de faire référence à un décor de SF dans une nouvelle cataloguée comme telle.

**« Ma petite affaire me permet de rencontrer des gens sympas, pas le genre que je croisai à longueur de journée et qui me proposaient sans cesse un coup trop cool avec lequel tu vas te refaire, y compris quand j’étais en taule. » : je me perds dans ce labyrinthe des temps…

Encore bravo pour ce gros travail d’écriture. Désolé d’avoir été déçu après mon « J’aime beaucoup » de la 1ère partie.

Peut-être la prochaine fois…

A vous relire.

Tadiou

   Jean-Claude   
9/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Si je n'avais pas lu la première partie au préalable, il m'aurait manqué quelque chose.
Remarque : il me semble que, sur Oniris, il y a une procédure pour les textes en plusieurs parties dont le résumé de la partie précédente.
Et donc, il y a une comparaison qui s'établit d'office : il y a des paragraphes ou phrases moins soutenus que dans la première partie. Avec quelques soucis d'orthographe.
Peut-être quelques excès descriptifs et un ton parfois trop clinique (moins polar que le premier).
Le glissement vers la perte de contrôle de soi n'est perceptible que quand George se laisse faire. Peut-être un peu trop rapide.
Je crois que ça gagnerait à être condenser.
Le passage au "je" à partir du chapitre III est plus fluide ; néanmoins, il y a quelques ratés. Attention aux tirades à rallonge avec de virgules au lieu des points.
Le chapitre V est le meilleur. Je suis réservé sur l'ordre du jour même s'il est très bon.

Des détails entre <> :
"L’anxiété du sujet et un facteur négatif de la procédure."
"Sally est une jolie blonde, elle s’avance vers Georges qui la regarde tremblant comme un chien sur la table du vétérinaire. Elle a un joli sourire et une voix hypnotique"
"D'un pas rapide elle se dirige vers l’ascenseur, son équipe la suit en silence, deux hommes aux larges carrures poussent le fauteuil de Georges."
"Il regarde Sally, la félicité l’envahi, c’est un ange bienveillant, le monde ralenti, s’effiloche, ses yeux se ferment dans un merveilleux abandon."
"– Ah bon, vous êtes sûr, vous n’êtes pas difficile !"
"Tel que vous êtes votre PNB ne pas dépasser 5% mais vous allez voir même en étant classé C3 vous allez ressentir une véritable délivrance !"
"J’aurai très bien pu partir une semaine avant sans demander mon reste,"

J'allais oublier l'essentiel. J'ai aimé. La thématique n'est pas nouvelle mais elle bien menée et la fin est sans appel.

Au plaisir de vous (re)lire

   Asrya   
10/11/2017
 a aimé ce texte 
Pas ↓
Je suis allé lire le premier opus avant de commenter évidemment ; je ne commente généralement pas les textes lorsque je connais leur auteur mais... je vais faire une exception.
Bon... j'ai préféré la première partie.
Celle-ci ne m'a pas réellement emballé.
Les idées sont intéressantes, on ne peut pas le cacher. Cette histoire d'implant qui stimule directement les régions du cerveau afin qu'il produise les hormones nécessaires pour pallier les situations "excessives" ; c'est plutôt sympathique.

En soi, le développement ne m'a pas convaincu.
J'ai trouvé l'ensemble très fabriqué et vraiment pas naturel.
Pas fluide.
Les dialogues m'ont semblé poussifs, très orientés, calculés, sans faire place à des ressentis réels ou à des réactions "satisfaisantes" pour la crédibilité des événements.
J'ai préféré la partie de votre nouvelle où George est le narrateur ; je trouve que le rythme est plus agréable, on ressent davantage les ressentis de votre personnage, on s'intègre davantage dans l'ambiance. A partir du moment où vous vous centrez sur une narration avec "il" ; "ils" (etc.) ; je trouve que l'intérêt est moindre.

J'ai apprécié le passage où Judith fait appel à ses amis, on comprend ce que sous-entend Judith par rapport à ce bonheur qui n'en est pas un vraiment ;pas de liberté.
Toutefois, le passage de Judith et George à Judith, George et les deux amis de Judith est extrêmement court et... c'est un peu perturbant.
Ca sent la fabrication en fait.
Le composite nécessaire pour que le tout fonctionne.
Ca ne transpire pas l'écriture libre de l'auteur (c'est mon ressenti...).

La partie concernant l'assassinat de Judith est intéressante, bien écrite. On sait ce qu'il va se passer, pas de mystère, mais... c'est plutôt habile, sobre, sans éclat. Efficace.
Le fait que George arrive ensuite... que l'officier le reconnaisse... mouais... qu'est-ce que cela apporte ?

C'est dommage que la notion de "mutation anti-implant" arrive si tardivement car on pourrait apprécier de comprendre plus tôt comment certains individus peuvent réussir à se passer de ces implants.

Qu'apporte l'examen du jour de l'assemblée ordinaire de l'Eglise de l'Asbolue Félicité ?
Dans le genre "fin pas merveilleuse", ça ne rate pas !
Je n'ai vraiment pas compris l'intérêt ; quel message souhaitez-vous faire passer ?

Je trouve les idées intéressantes, à peaufiner, à améliorer ; dans la forme, je n'ai absolument pas été convaincu par les dialogues (et comme ils représentent les 3/4 de votre nouvelle, autant dire que cette dernière ne m'a pas convaincu), ni par l'enchaînement des événements, des situations, que j'ai trouvé assez brouillon ; manque de fluidité.

C'est dommage car... "Sentence compassionnelle" (partie 1) m'avait plutôt plu (pas merveilleusement non plus mais... j'avais adhéré) ; là... j'ai l'impression de voir un soufflé retomber.

Merci pour le partage ceci-dit,
Au plaisir de vous lire à nouveau,
Asrya.

   Shepard   
21/12/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Je ne me suis rappelé de la première partie qu'après l'avoir relue, les deux parties sont lisibles séparément et dans n'importe quel ordre au final, ce qui est un effort de construction narrative appréciable.

Ce texte est long, assez bavard, mais bizarrement on n'apprend pas grand chose sur cet univers dystopique, si ce n'est que tout le monde est forcé d'être 'heureux', un sentiment qui devient alors logiquement dénué de sens. Ce scénario a souvent été exploré par la SF (ou des cas très similaires), la teneur religieuse de cette société me fait penser à Equilibrium et son 'prozium' ainsi que ses ecclésiastiques militaires chargés de vérifier que tout le monde prend bien sa pilule. On marche donc en terrain connu ici, quel nouveau regard l'auteur apporte t-il ? A mon avis la partie la plus intéressante du récit réside dans son dernier paragraphe : le plan des machines apôtres cherchant à remplacer progressivement les dirigeants humains, 'for the greater good'. L'auteur mêle alors un nouveau classique de la dystopie (domination des machines) mais sous un angle beaucoup plus sournois que la traditionnelle guerre totale. Malheureusement pour moi, cela représente 5 lignes dans l'histoire.

Pourquoi je n'ai pas vraiment apprécié le reste du récit ? Parce que l'auteur, à mon avis, tombe dans le piège de l'explication à outrance, avec ces dialogues interminables qui sont juste là pour expliquer ce qui se passe dans cette nouvelle société (toute la partie dans l'hôpital... ennuyeuse, classe A, B... etc.... les différents types d'implants... dans un format court, erf). Montrer et ne pas dire, c'est ce qu'aurait dû faire ce texte, au travers de situations, qui aurait été bien plus illustratives et fortes que ces échanges plutôt... plats... Même si l'auteur tente d'y ajouter de l'humour, les ficelles sont trop grosses et l'histoire perd en rythme. Je pense également que la première partie est trop superflue, faisant appel à de nombreux figurants inutiles (Sally, les inspecteurs, Brain...) qui auraient pu être connectés d'une façon ou d'une autre à la suite mais qui sont rapidement délaissés et oubliés. Cette partie aurait pu être réduite pour rentrer directement dans le vif du sujet.

Je n'ai pas relevé de moment particulièrement bons ou mauvais dans l'écriture, qui est plutôt égale, peut-être un peu trop sobre mais le texte est déjà long. Peut-être après un ré-équilibrage des différentes parties, l'auteur pourrait se permettre plus de liberté si il le souhaite.

En conclusion, j'ai eu l'impression que l'auteur à trop voulu me présenter son univers plutôt que me raconter une véritable histoire. Ce qui est dommage, car je pense qu'il y a des idées intéressantes en fond, mais elles ne sont pas mises en valeurs. Maintenant, je sais que décrire un univers neuf au lecteur sans lourdeurs est un exercice très difficile, surtout dans un format court. Salutations à l'auteur et à une prochaine lecture...

   cherbiacuespe   
25/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Pauvre Georges qui n'aura pa pu profiter de sa nouvelle "liberté" très longtemps.

On sent bien, dès le début, que ce bonheur généralisé cache autre chose de plus pervers. Ici, comme dans le texte précédent, on s'attaque au bien-être dans la société, en apparence, car on retombe sur un autre problème au sujet des machines. C'est bien joué! L'auteur retourne la situation initiale pour tomber sur une autre affaire sous-jacente. Je trouve plutôt bien écrit, facile à lire et compréhensible pour tous, bien construit. Du premier opus au deuxième, on ne s'ennuie pas!


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