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Poésie libre
Marceau : Arrière-boutique
 Publié le 29/06/25  -  6 commentaires  -  2370 caractères  -  40 lectures    Autres textes du même auteur

Hommage à Piero Manzoni, délicieux commerçant du dérisoire.


Arrière-boutique



On constitue son stock de mots. Pour les hivers créatifs. On sait jamais. On griffonne de-ci, de-là. Puis on construit, brique après brique, un bric-à-brac poétique. Le peintre, en son arrière-boutique, conserve lignes et couleurs, en tient commerce. Piero Manzoni vendait des « lignes d’artiste » au détail. C’était facturé au centimètre. L’acheteur vérifiait, mètre en main. Fallait pas se faire rouler : c'était hors de prix. Et ça se vendait très bien, ça faisait chic dans les salons, il y avait concurrence sur les mesures. J’en ai une plus longue que la tienne, quoi. Manzoni vendait aussi, sur le modèle des boîtes de concentré de tomate, sa merde, au gramme. C’était très cher aussi. Mais il faut bien vivre. À défaut de vivre bien.

Dans l’bric-à-brac poétique
il faut qu’ça rime il faut qu’ça frime,
alors je sue alors je trime,
comme un bougnat en sa boutique,
au temps jadis marchand d’charbon,
je vends mes mots au plus offrant,
quelques centimes le mot tout con,
et des milliers, mes mots méchants.

Et qui qu’en veut quelques kilos,
j’peux faire des prix très dégressifs,
pour quelques tonnes de gros mots
j’offre le mot rose dépressif,
un grand bouquet du mot morphine,
des porte-clés en lettres fines,
des marque-pages en verbes rares
et qui n’en veut du mot bâtard ?

La poésie moi je la brade
sur le marché un peu chelou,
dont à dire vrai tout l’monde se fout,
dans l’bar du coin, ce piteux rade,
on dit qu’j’suis fou, un peu malade,
les mots ça ne vaut pas un clou
ou faut être mort pour qu’ça rapporte
comm’ Rutebeuf, que vent emporte.

J’aime bien trop mes héritiers
pour leur léguer poésie morte
et je leur ouvre grand ma porte,
mais faut pas me prendre pour un niais :
vu la lourdeur de mon fardeau
je veux plein d’sous, et illico,
car je sais bien qu’ma poésie,
c’est garanti, a peu de failles.

Certes elle périt.
Comme feu de paille.

Mon bric-à-brac poétique
vend l’octosyllabe en barrique
le déca s’brade au kilomètre
l’alexandrin est hors de prix,
passez commande, je suis le Maître,
ayez confiance, tout est compris,
mais pressez-vous y a un délai :
j’ai de la fuite,
dans les idées.


 
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   BlaseSaintLuc   
16/6/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
j'adore le chocolat Lanvin ! Et le texte sur parchemin et en rouleau exacompta,
Je vous en prendrais 36 kilos, c'est pour offrir, c'est mieux que des chandelles !
C'est exquis, comme une Pompadour en micro-short sur l'Adour, ça prend le vent dans les voiles de la mariée.
Du riz que j'en jette par poignées !

j'aime ,j'aime,j'aime ,sir pro aime !

   Raoul   
16/6/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour
J'aime beaucoup ce texte drôle et profond qui prolonge le débat de l'art pour l'art et son commerce. Le fond, même s'il est consensuel, est intéressant et la forme, très maîtrisée sous ses airs foutraques et volubiles, fait sautiller avec ironie le propos.
Le parallélisme développé entre l'art en boîte de Manzoni et la pouésie est assez provoc' et plutôt bien venu ; d'autant plus qu'un des problèmes des fameuses boîtes de Manzoni, avec le temps, ne s'avère plus très étanche... Et que l'on retrouve ce phénomène, induit dans les deux ultimes vers du poème.
Bien aimé la ref. au pauvre Rutebeuf également.
Ainsi que la grande quantité de M... ;)
Merci beaucoup pour cette lecture... vivifiante !

   Lebarde   
19/6/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Il est vrai qu'on peut vendre tout et n'importe quoi, pourvu que çà rapporte et de trouver le gogo pseudo intellectuel "influenceur" qui fera semblant de s'extasier devant un bidet cassé ou un urinoir sale pour faire monter les enchères.
Il parait que "Piero Manzoni" est à l'origine de l'"Arte povera"!( Merci wiki) J'y découvre un aperçu de ses œuvres tout aussi répugnantes les unes que les autres qui se vendent très cher au mètre, au gramme, au litre ou à l'odeur..
je veux bien; mais était il nécessaire de lui rendre hommage?

Alors pourquoi pas écrire des textes constitués à partir d'un bric-à-brac de mots stockés dans "l'arrière-boutique"...

Sur ce thème j'avais été étonné il y a quelques années par une exposition temporaire dans un musée qui présentait des toiles blanches grand format sur lesquelles l'artiste, dont je n'ai pas retenu le nom, mais il va s'en dire célèbre et sans doute encore jeune et plein de vigueur, avait projeté quelques jets de spermes ici ou là ( une signature ADN facile à authentifier j'imagine !!)

Si l'idée de l'auteur est de railler et s'offusquer de ces "choses" artistiques, ce poème plein de dérisions et d'ironie est réussi à défaut d'être poétique et me fait sourire.

Si cela n'était pas le cas, je me retirerai de la course avec fracas et colère..

   Provencao   
29/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Marceau,

"Mon bric-à-brac poétique
vend l’octosyllabe en barrique
le déca s’brade au kilomètre
l’alexandrin est hors de prix,
passez commande, je suis le Maître,
ayez confiance, tout est compris,
mais pressez-vous y a un délai :
j’ai de la fuite,
dans les idées."


Ce passage pour moi peut être mis à l’honneur ... quand l'ironie s'installe pour s'élever à la clarté et à la passion.

Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   papipoete   
29/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour Marceau
" si ça vous intéresse m'sieurs-dames, j'vend de tout ce que j'ai fait de mon vivant d'une valeur comme vous pouvez pas vous imaginez... alors ne tardez pas trop, y'en aura p'tète pas pour tout le monde !
d'la poésie au cm je la brade, alors approchez vos mirettes, y'en n'aura pas un millimètre au rabais !
NB voilà une affaire rondement menée, mais gare au vers enjambé, si sa suite se trouve sur le cm supérieur !
il y a du bon et moins non dans ce commerce, avec la dernière strophe mignonne.
moi, qui écrivais au " kilomètre ", avant de maîtriser le mètre poétique, j'aurais pu m'faire des cou... en or !
mais ce n'est pas vrai, ça eut payé...
à un collègue poète que je questionnais sur son oeuvre " peux-tu me prèter ce recueil ? - ben non, faut m'payer ! "
on sourit souvent à travers ces lignes

   Mokhtar   
30/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
En résumé, si l’on veut bien garnir son assiette, mieux vaut se lancer dans la légende des siècles que dans le Haïku. Quand je pense que dans une autre vie on me reprochait de faire trop long ! En fait, on jalousait le futur riche. Va peut-être falloir revoir la définition du mot « métrique ». Et, sur Oniris , accorder des plumes avec un décamètre.

Joyeuse bouffée d’air frais que ce texte enlevé, au ton de bateleur et au vocabulaire à l’emporte -pièce qui personnellement me ravit. Le camelot racole en débitant du slam. Suffirait de demander à Damy, il vous sortira une version « grand corps malade ».

Merci pour cette espièglerie tonique.

Au coût du mètre, c’est un coup de maitre.


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