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Réalisme/Historique
Donaldo75 : Titus Curiatius
 Publié le 31/01/23  -  10 commentaires  -  6026 caractères  -  59 lectures    Autres textes du même auteur

Les dés sont jetés.


Titus Curiatius


Des dizaines de croix en bois s’affichaient à l’horizon. Lourdement plantées dans le sol, elles supportaient le poids des crucifiés, certains déjà raides, d’autres agonisant sous d’atroces souffrances. Les soldats romains dispersaient les derniers curieux en mal de spectacle et les rares adorateurs de la congrégation pourchassée par la Légion. Le soleil commençait à baisser dans le ciel rougeoyant. L’horizon sentait le feu et la fureur, comme si les dieux s’étaient soudain emballés et ne souhaitaient pas décolérer. Le préfet Titus Curiatius marchait sans escorte dans les rues de Jérusalem ; il ne craignait pas les terroristes décimés par Rome, cela d’autant plus que leur chef venait juste de trépasser en place publique devant des milliers de suiveurs apeurés. Et puis, il avait déjà vécu pire situation, éprouvé la face sombre des hommes au cours de nombreuses campagnes à l’Est et à l’Ouest et même au Nord. De toutes manières, ce territoire ne faisait pas partie de ses attributions ; il était juste dépêché par le Sénat en tant qu’observateur, pour évaluer la contagion de cette croyance dans le reste de l’Empire. Pour cela, il devait qualifier le rapport de forces entre les puissants de la Judée et les contestataires émergents tels que ce défunt messie autoproclamé roi des Juifs. Il se remémora sa dernière discussion la veille avec Pontius Pilatus, le gouverneur de la province.


– En quoi ce Jésus-Christ est-il dangereux pour Rome, Pontius Pilatus ?

– En rien.

– Pourquoi une telle pression, alors ?

– Nous devons assurer nos arrières avec les autorités religieuses.

– On en est vraiment là, à se coucher devant eux ?

– Oui.


Titus Curiatius ne croyait pas en la menace d’un barbu et d’une poignée de fidèles, même si leur nombre réel avait augmenté durant ces dernières années. Pour lui, ce Jésus-Christ serait plus dangereux mort que vivant. Il n’avait jamais réellement défié Rome et ne constituait un problème qu’aux grands prêtres juifs à qui il faisait de l’ombre et dont il sapait le pouvoir aux yeux de milliers de plébéiens ignorants. Ici, en Judée, il ne faisait pas bon laisser le chien mordre la main qui le nourrissait. Et encore moins laisser le chien manger le chien, comme le préconisaient les nantis dont ce supposé prophète fustigeait les richesses, l’égoïsme et les mensonges à répétition. Pontius Pilatus ne comprenait pas tout ça, parce qu’il était faible, lâche, plus obsédé par sa carrière au sein de l’administration impériale que par le pouvoir politique ou la stratégie militaire. Créer un martyr, là résidait l’erreur des potentats locaux et du gouverneur romain. Personne ne savait maîtriser une idée dès lors que son messager était passé de vie à trépas dans des circonstances faciles à raconter de multiples façons. La rumeur devenait alors une légende, les faits se transformaient au goût du conteur, les esprits influençables prenaient pour argent comptant n’importe quelle affabulation allant dans le sens de leurs peurs ou de leurs fantasmes. Un mythe naissait ex nihilo.


L’Empereur lui-même n’avait pas conscience de ce risque. Il croyait encore en la puissance absolue de Rome alors que le souvenir du rebelle Spartacus restait fortement ancré dans les mémoires des sénateurs. Ce gladiateur avait défié l’Empire sur son sol. Les esclaves avaient tenté de renverser l’ordre établi et ils avaient failli réussir. Cependant, au sein du Sénat, des personnalités de premier plan ne partageaient pas cette vision optimiste et considéraient Tiberius Caesar comme dépassé, loin des réalités du terrain et des territoires immenses administrés par Rome.


Sur ces pensées, Titus Curiatius rejoignit son campement où l’attendaient ses suivants, de jeunes politiques désireux de modernité, la prochaine génération de sénateurs si d’ici là Rome ne subissait pas le feu des dieux ou la folie de son maître. Le plus prometteur d’entre eux, Lucius Caelius, vint à sa rencontre pour s’enquérir de son opinion sur la suite à donner aux événements.


– Quel message devons-nous délivrer à l’Empereur ?

– J’hésite encore.

– Quelles sont vos options ?

– Lui dire ce que je pense réellement ou lui donner une version satisfaisante pour son ego.


Titus Curiatus n’accordait pas facilement sa confiance ; déplaire à l’Empereur et à sa suite de flatteurs patentés pouvait s’avérer risqué voire dangereux. Et il ne comptait pas sur les sénateurs pour le soutenir si le vent tournait dans la mauvaise direction, si Tiberius Caesar écoutait un quelconque augure lui chanter les triomphes passés de Rome, lui prédire l’éternité de l’Empire et l’enjoindre de tuer le messager plutôt que d’écouter le message. La première option signifiait un courage politique de sa part, à l’inverse de Pontius Pilatus avec les grands prêtres juifs dont il avait suivi la requête en crucifixion. La seconde partie de l’alternative consistait en un retour laconique résumé à la mort du prophète et à la fin des troubles en Judée. Ce faisant, il enterrait le risque de voir un mythe devenir mortel pour la civilisation romaine, sous prétexte que ce n’était qu’une hypothèse et non un fait établi.


– Que pensez-vous ?

– Nous avons joué avec le feu, laissant des prêtres à la vue courte s’accrocher à leur bourse au lieu de se préoccuper du pouvoir. Le retour de bâton peut s’avérer fatal à l’Empire.

– En quoi ?

– Nous avons probablement créé un mythe, un martyr dont la mort nous sera imputée.

– Et alors ?

– Ses idées étaient puissantes, dans l’air du temps. Elles peuvent fleurir par-delà le sable et les montagnes, traverser la mer et déferler dans les têtes de notre peuple.

– Quel est l’autre choix ?

– Appuyer la décision de Pontius Pilatus et laisser aux dieux le sort de Rome et des Romains.


Titus Curiatus avait déjà décidé ; les sénateurs seraient assez grands pour circonscrire l’épidémie, sinon la civilisation changerait de paradigme. Alors le chien mangerait le chien et de ce festin naîtrait un monde meilleur. Le préfet déclara la discussion close et commanda le dîner.


 
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   Asrya   
12/1/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
Un récit qui se veut réaliste sur une période de l'Histoire.
Dans l'ambiance globale, on peut dire qu'il tend à s'ancrer dans un réalisme certain, en terme de finalité, je suis resté plus sceptique.
Les dialogues sont assez peu naturels. Cela manque de fluidité et de spontanéité. On sent trop la construction, et le travail artificiel derrière.
Je ne suis pas non plus un spécialiste de l'Histoire au sens large alors je ne jugerai pas la pertinence du récit.
Le choix des termes, de la syntaxe fait défaut à mon sens ; on ne se sent pas porter dans une époque passée. Cela paraît trop "contemporain" pour une nouvelle qui se veut réaliste.
Dans le fond, je ne vois pas vraiment ce qu'apporte ce texte. Ni ce qu'il souhaite porter comme message, ni sa plus value à être lu.
Je suis resté complètement extérieur à votre nouvelle, je n'ai pas réussi à me projeter, pas réussi à cerner la volonté de l'auteur derrière elle.

Quelques coquilles ça et là " il ne faisait pas bon laisser le chien mordre la main " ; " Et encore moins laisser le chien manger le chien" ; "- Quelle est l’autre choix ?" ; retour non exhaustif, j'en ai pris quelques unes rapidement.

Peut-être que je ne suis simplement pas la cible des récits historiques, désolé.
Au plaisir de vous lire à nouveau,
A.

(Lu et commenté en EL)

   Perle-Hingaud   
15/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Une réflexion qui peut être transposée à différentes époques, dont bien évidemment la nôtre. J'ai trouvé le texte agréable à lire, même si je me demande si "la seconde partie de l'alternative" n'est pas un pléonasme.
Sinon, si Jésus est déjà mort, je ne comprends pas vraiment l'enjeu: le martyr existe, quel que soit le message de Curiatus à l'empereur. Il s'agit donc uniquement de savoir s'il joue les Cassandre ou pas ?
Merci pour cette lecture.

   cherbiacuespe   
15/1/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Il est toujours très difficile d'évaluer l'importance d'événements hors de portée de temps. En y regardant de plus près, on se rend compte que l'impact de la parole du messie Juif fut surtout l’œuvre de ses successeurs et qu'elle eut fort à faire avec d'autres religions qui avaient un succès égal. Les ambitions politiques de Constantin furent pour beaucoup dans l'élimination de ces religions concurrentes.

Je salue ce joli texte historique et risqué. Il est bien écrit, repose sur des idées à la marge du religieux pour se placer sur le plan politique de Rome, trop souvent relégué au second plan. Une époque ou l'empire Romain est opposé frontalement dans la région à un autre empire, Parthe, tout aussi belliqueux, ambitieux et puissant.

Cherbi Acuéspè
En EL

   Vilmon   
17/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bonjour,
Intéressante analyse politique de la crucifixion de Jésus. Cependant, il ne faudrait pas oublier que Ponce Pilate avait offert au peuple de choisir entre Jésus et Barabas, les juifs ont choisi ce dernier. Pilate s’en ai lavé les mains. Je ne connais pas la version des historiens à savoir si Pilate était aussi peu visionnaire, je ne crois pas qu’il était négligeant. La réflexion de Titus est intéressante, mais le récit n’apporte pas beaucoup de coup d’éclat, si je peux dire, en sens que l’on suit tout ce raisonnement pour finalement aboutir à un laisser faire, il n’était pas si convaincu alors. Et que connaissaient les romains de Jésus ? Le clergé avait je crois une visée de pouvoir, ce Jésus leur volait des fidèles, apportait des idées peut-être même hérétiques, il défiait leur autorité, ce n’était pas que monétaire. Bon, en bref, intéressant, mais pas tout à fait convaincu.

   in-flight   
18/1/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
J'ignore l'historicité du personnage Titus Curiatius, mais le fait est que ce texte est intéressant pour mettre en perspective les enjeux géopolitiques et culturels de l'époque, notamment le rôle du sanhédrin qui voit son pouvoir remit en question par la nouvelle alliance proposée par le Christ.

Mais je me pose la question de l'intérêt de ce récit. Je sais que nous sommes dans le "réalisme-historique" (d'ailleurs je lis très peu dans ce registre), mais j'ignore les intentions de l'auteur. Je suis peut-être passé à côté de quelque chose... Sans doute, le rôle de du personnage clé qui donne le titre au texte.

"Personne ne savait maitriser une idée dès lors que son messager était passé de vie à trépas" --> très juste.

"autoproclamé Roi des Juifs" --> il me semblait que les romains l'avaient ironiquement baptisé ainsi (pas d'autoproclamation)

   Raoul   
19/1/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Bonjour,
Une courte nouvelle – dissertation ? – au sujet est intéressant, je trouve.
N'étant pas suffisamment instruit sur l'époque, je fais confiance à l'auteur pour ce qui est de la chronologie des faits relatés.
Le narrateur semblant omniscient, je me demande quel était le nom romain de Jérusalem et s'il ne serait pas le plus approprié dans le contexte.
Le style est plutôt maitrisé bien qu'un peu lourd (ça m'a rappelé Carcopino :).
Quelques erreurs d'usage ont gêné ma lecture et compliqué ma plongée dans l'atmosphère du récit comme par exemple et entre autres "croix en bois", "sous d'atroces...", "dont ce supposé prophète" ...
Le terme "civilisation romaine" m'à paru un peu trop "universitaire" et distancié dans cette prose rendue plutôt vivante par le truchement des dialogues.
...
Pour moi, l'auteur s'est laissé envahir par sa documentation, du coup, comme le sujet est complexe, certains paragraphes deviennent très, trop, théoriques, voir indigestes.
C'est un texte qui nécessite, à mon avis qui n'est que le mien, encore un travail de fluidification si je puis dire.
Merci pour cette lecture intéressante, en tous cas.

   papipoete   
1/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Donaldo
Et une nouvelle, une !
Celle-ci, dont l'histoire se déroule voilà 2023 ans, nous est narrée ici non point par Melle Le Long Bec du cathé, et on voudrait qu'il y ait une suite, enfin pas celle qu'on connait depuis que l'on roula cette pierre, et laissant le Christ s'envoler rejoindre Dieu le Père.
Plutôt, Jésus pour se venger monta une bande, genre Robin des Bois, hanter les rives du Jourdain et empêcher les sénateurs de dormir sur leurs deux oreilles...
NB j'aime bien cette façon de nous faire entrer dans ce péplum, et le rendre présent ( sachant très bien que l'histoire, depuis la nuit des temps, n'est qu'éternel recommencement... )

   Miguel   
3/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Evidemment, on pourrait dans un autre contexte débattre la question de l'écriture des Evangiles, etc. Mais la présentation des faits est juste, de même que la conclusion. Ce martyre d'une figure charismatique eut sur Rome et sur le monde les conséquences que l'on sait. Et il y a dans ces réflexions et préoccupations des politiques (et de la religion en tant qu'institution, je le reconnais), quelque chose d'intemporel. Le récit est bien mené.

   cfournier   
4/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Je ne sais pas trop quoi penser de ce texte. Trop académique à mon goût. J'ai eu parfois l'impression de lire une dissertation sur la religion que j'aurais pu donner à mes élèves lorsque j'étais prof.
Trop historique aussi. Je pense que seuls des férus d'histoire de l'époque sont capables de dire si cela s'est déroulé ainsi ou non. N'étant pas de ceux-là, je me suis senti un peu "exclus" de l'histoire et de l'Histoire.
L'écriture est par contre bien maîtrisée.
Petite précision : la Crucifixion est un nom propre qui correspond au crucifiement de Jésus Christ et ne s'applique qu'à lui (le crucifiement étant le fait de crucifier une personne, quelle qu'elle soit). Je l'ai découvert lors de l'écriture de mon premier roman publié chez Alter Réal où un personnage est crucifié (pour ceux que cela peut intéresser, il s'agit de MAD Crimes, sous mon nom de plume Alexis Deltour).

   Donaldo75   
4/2/2023


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