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Réalisme/Historique
Ninjavert : Le fils de pute [concours]
 Publié le 26/03/14  -  12 commentaires  -  24583 caractères  -  214 lectures    Autres textes du même auteur

Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de parents qu'on n'est le fils de personne.


Le fils de pute [concours]


Ce texte est une participation au concours n°17 : On connait la chanson ! (informations sur ce concours).




– Prison des Baumettes, Marseille, novembre 1975 –


Le chaouch lui lâcha l’épaule et le poussa jusqu’au guichet. L’homme derrière la grille releva la visière de sa casquette et posa sur lui un regard circonspect.


– Christian Bethouard… Alors, c’est le grand jour ?



Chris acquiesça d’un hochement de tête. Le maton lui tendit un sac contenant ses vêtements et saisit une cagette en plastique dont il énuméra le contenu en le posant devant lui.


– Une montre Citizen… une chaîne en or… une paire de chaussures de sport Adidas… une paire de lunettes de soleil… un porte-monnaie contenant 75 francs. Vous pouvez vous changer dans le coin là-bas.



Chris ramassa ses affaires et s’habilla, laissant derrière lui son uniforme de détenu. Lorsqu’il fut prêt, le gardien en faction à l’entrée lui fit signe d’approcher et déverrouilla la lourde porte. Il se retrouva sur le trottoir. De l’autre côté de la rue déserte, un type était adossé à la portière d’une 504 blanche. Il s’était imaginé qu’à sa libération, ses sens seraient saturés de fragrances plus exquises les unes que les autres, que la vie exploserait partout où se poserait son regard.


Avec une pointe de déception, il dut se rendre à l’évidence : les oiseaux ne chantaient pas et les arbres s’étaient déjà débarrassés de leur manteau mordoré. La ville ne sentait rien. Elle ne puait pas, contrairement à la prison ; c’était déjà beaucoup. Chris ferma les yeux et laissa le froid brûlant de la liberté envahir ses poumons. Il resta ainsi, immobile pendant de longues secondes, tournant le dos aux murs de Gaston Castel derrière lesquels il venait de passer les six derniers mois de sa vie. Le claquement d’une portière lui fit ouvrir les yeux : l’homme était remonté dans la 504 et avait mis le contact. Chris releva son col et prit la direction de Mazargues. Assad lui devait un service et de l’argent, deux bonnes raisons de commencer par lui. Le bruit de moteur se rapprocha. En tournant la tête Chris s’aperçut que la voiture avait fait demi-tour et se dirigeait vers lui. Elle ralentit à sa hauteur et le conducteur se pencha vers la fenêtre entrouverte.


– Christian ? Vous êtes bien Christian Bethouard ?



Chris s’arrêta et dévisagea l’homme qui l’interpellait. La cinquantaine, un visage rondelet sous des cheveux frisés grisonnants. Un regard pétillant se dissimulait sous des sourcils épais.


– Qu’est-ce que vous me voulez ?

– Je peux vous déposer, où allez-vous ?

– Non merci.

– Écoutez, il fait froid, vous n’allez pas traverser Marseille à pied…

– Je viens de passer six mois dans une cellule de neuf mètres carrés. Un peu de marche me fera du bien, croyez-moi.



L’homme descendit de voiture et contourna le capot pour s’approcher.


– Christian, je…

– La ferme ! Reste où tu es !



Menaçant, le poing de Chris avait jailli de sa poche, les tendons blanchis sous la peau. L’homme ralentit et s’approcha doucement, les mains ouvertes devant lui.


– Christian… Je m’appelle Michel… Michel Bethouard… Je suis ton père…



Chris prit le choc en pleine poitrine. Il sentit ses jambes fléchir et s’appuya contre la 504 pour ne pas tomber. Il n’avait pas de père ! Il n’avait jamais eu de famille ! Pour ce qu’il en savait, sa mère était une pute qui l’avait abandonné peu après sa naissance. Les seuls parents que Chris ait jamais connus étaient l’orphelinat Vitagliano et la Rue. Son père ! La tête lui tournait, les murs gris de la prison se désagrégeaient derrière une nuée de papillons blancs. Une main se posa sur son épaule. Chris tressaillit. Par réflexe, son poing fusa et heurta quelque chose de dur. Le choc le ramena à la réalité, l’inconnu avait reculé et se tenait la mâchoire.


– Je… je suppose que je ne l’ai pas volée, celle-là. Écoute… je sais que je débarque de nulle part et que tu ne m’attendais pas. Je ne te demande que quelques instants. On… on pourrait prendre un café quelque part ? Si après ça, tu ne veux pas me revoir, je sortirai de ta vie, pour toujours. Tu as ma parole.

– Va te faire foutre.



Chris plongea les mains dans ses poches et passa devant l’homme qui prétendait être son père. Ce simple mot avait déclenché un ouragan sous son crâne. Des images, des souvenirs qu’il pensait définitivement refoulés jaillissaient de toutes parts. Il revoyait cet adolescent, bouffé de haine et de colère envers ce type qui s’était contenté d’engrosser une putain et de l’abandonner à son triste sort. Il aurait pu le tuer à mains nues, tant il le tenait responsable de la vie merdique qui l’étouffait. Il revit ce petit garçon allongé sur son lit de fer, si différent de ce qu’il était devenu qu’il ne se reconnaissait pas, pleurant à chaudes larmes en appelant ce papa qu’il n’avait jamais vu. À l’époque, il aurait donné n’importe quoi pour le rencontrer, pour se blottir dans ses bras. Chris fut pris d’un hoquet qui le secoua des pieds à la tête. La fureur qu’il avait d’abord ressentie se transformait en colère sourde, bardée de questions. Ses pieds semblaient refuser d’avancer, il trébucha sur l’arête d’un pavé et s’arrêta.


Depuis plus de quinze ans, il croyait tout ça loin derrière lui. Le "père" n’était plus qu’un lointain concept, une valeur sociale qui ne le concernait pas et dont il ne parlait jamais. Mais l’arrivée de cet inconnu dans sa vie venait de faire voler en éclats toutes ses certitudes. Derrière lui, l’homme était resté immobile, les bras ballants. Chris fit demi-tour et rejoignit la voiture. Sans un mot, il ouvrit la portière et s’assit à la place du mort.


***


– J’étais étudiant en médecine, à Alger. C’est comme ça que j’avais rencontré José Aboulker. Il était membre d’un réseau de résistants avec son cousin et ils avaient noué je ne sais pas comment des liens avec des types de l’OSS pour préparer le débarquement allié en Afrique du Nord. Merde, c’était encore la France à l’époque ! On en parlait depuis plus d’un an, mais je me souviendrai toute ma vie du soir où il m’a annoncé qu’on y était, que les Américains étaient là. Le 7 novembre 1942… L’Histoire nous rebat les oreilles avec la Normandie… Tu le savais toi, que la libération de la France avait commencé au Maghreb ?



Chris haussa les épaules, les yeux perdus dans le noir de son café. Il soupira et détourna le regard vers la fenêtre, en prenant soin de ne pas croiser celui de son père.


– Bref. José n’était pas le genre de mec qui parle à la légère. Le lendemain, nous prenions possession de la ville, au nez et à la barbe de Vichy. Il nous aura suffi de quelques heures pendant la nuit pour occuper toutes les positions stratégiques et paralyser la ville le temps que les Américains prennent position. Darlan appelait ça le plan "MO". Cet abruti n’avait juste pas prévu qu’on le retourne contre eux…



Michel partit d’un grand rire, qu’il noya d’une gorgée de café.


– Maréchal, nous voilà ! Tu parles qu’il n’a rien vu venir, ce con.


***


– Michel ? Comment ça se passe à la Grande Poste ?



Les rafales éclatent à nouveau au dehors, les ricochets sifflent une mélopée lugubre sur les pavés. Michel rentre instinctivement la tête dans les épaules, réflexe reptilien qui ne lui sera pas d’une grande utilité si les balles des automitrailleuses viennent à traverser la façade. Sa main moite est crispée sur le combiné du téléphone.


– José, ils nous encerclent ! Ils ont des automitrailleuses !

– Calme-toi. Ils veulent vous impressionner pour vous forcer à vous rendre… Jean est là ?



Michel relève la tête. Dreyfus se tient dos au mur, son fusil entre les mains. Il est le seul militaire de réserve du groupe et, malgré le léger pli qui lui barre le front, il n’a pas l’air particulièrement inquiet. D’un revers de manche, Michel essuie la sueur qui lui ruisselle sur le front. Il envie le calme de l’officier. Bethouard émet un sifflement étranglé et fait signe à Dreyfus de s’approcher lorsqu’il tourne la tête. Le lieutenant pose son fusil contre la table et prend le téléphone.


– Jean Dreyfus.



Pendant de longues secondes, Michel observe le jeune militaire, attentif à ce que lui raconte Aboulker, qui a pris possession du commissariat central et supervise l’ensemble des opérations. Lorsqu’il a terminé, il retourne prendre place près de la fenêtre, impassible. Au dehors, le calme semble revenu. Les premières lueurs de l’aube soulignent des formes spectrales qui courent dans la rue et le long des murs de la cour intérieure. Une silhouette se découpe soudain dans la fumée des mitrailleuses. Sous le drapeau blanc, Michel reconnaît l’uniforme du 5° Chasseurs. Le parlementaire s’arrête au milieu de la cour. Dreyfus pose son fusil et se tourne vers ses camarades.


– Nous pouvons encore gagner du temps. Quoi qu’il arrive, n’oubliez pas : le sang français ne doit pas couler.



Il franchit la porte, les mains en évidence, et rejoint le messager qui l’entraîne jusqu’à l’entrée de la cour où l’attend l’adjudant-chef.


– Le bâtiment est cerné lieutenant, vous n’avez aucune chance. Rendez-vous.

– Ne vous trompez pas d’ennemi, adjudant : nous sommes tous encerclés par l’aigle allemand. Il est encore temps de rejoindre le camp de la liberté.



Dreyfus fait volte-face et, de la même allure nonchalante, retourne vers ses camarades. Au ralenti, Michel voit l’adjudant-chef Constant sortir son pistolet et lui tirer dans le dos. Le regard fixé sur la façade de la Grande Poste, Jean tombe sur les genoux, avant de s’affaisser sur le côté. Sans réfléchir, Michel jette son fusil et s’élance en hurlant vers le jeune homme, suivi de ses amis. Il lui tient la tête alors qu’il rend son dernier soupir, un filet de sang au coin des lèvres, tandis que les hommes du 5° Chasseurs reprennent la Grande Poste, sans autre coup de feu.



C’est le premier mort qu’il voit de près. Pauvre victime dont le regard se voile en silence. Mort pour la France. Tué par la France.



Chris regardait son "père", perdu dans ses souvenirs. Au bout de quelques minutes, il toussa légèrement, le faisant sursauter. Sans un mot, il attrapa le paquet de cigarettes que Michel avait posé sur la table en arrivant et s’alluma une clope.


– Sers-toi, je t’en prie. C’est à cette époque que j’ai commencé à fumer. C’est aussi à cette époque que j’ai rencontré ta mère.



Chris se figea.


– La pute ?



Un éclair traversa le regard bonhomme de Michel et ses yeux bleus devinrent froids comme de l’acier. Sa main cingla le visage de Chris, imprimant une marque rouge sur sa joue, tandis que sa cigarette allait rouler sur le carrelage sale du troquet.


– Tu peux me reprocher tout ce que tu veux, tu peux me maudire et souhaiter ma mort, je le mérite probablement. Mais je t’interdis de parler comme ça de ta mère.



Stupéfait, Chris ne réagit pas. Il resta assis de longues secondes, bouillonnant de colère, et finit par se lever pour aller ramasser sa cigarette. Il revint s’asseoir en face de son père, les yeux brûlants de haine.


– Parce que ce n’est pas ce qu’elle était ?

– Peut-être bien, si. Mais ça n’est pas tout ce qu’elle était.



Chris laissa échapper un petit rire mesquin.


– Ah ouais ? Et qu’est-ce que j’aurais dû répondre aux gamins qui me traitaient de fils de pute à l’orphelinat ? "Comment t’as deviné ?" Mais attention, ma pute de mère était quelqu’un de bien !

– Ta mère était quelqu’un de bien, oui. J’aurais voulu que tu la connaisses.



Michel saisit son portefeuille dans la poche revolver de son pantalon et en tira une photo jaunie qu’il tendit à son fils. Après quelques secondes d’hésitation, Chris s’en saisit, sans parvenir à maîtriser le tremblement de ses doigts. Une femme souriait sous une ombrelle, de longs cheveux bouclés cascadant sur les épaules de sa robe. Son sourire laissait entrevoir des dents blanches, qui rehaussaient l’éclat de ses grands yeux. Au dos, ces simples mots tracés au Bic : Marlène, juillet 1944. Absorbé dans la contemplation de cette mère qu’il n’avait fait qu’imaginer, Chris ne réalisa pas tout de suite que son père avait recommencé à parler.


– On avait été arrêtés après l’assassinat de Darlan, et envoyés en camp dans le sud algérien. C’est là qu’Aboulker nous avait fait rencontrer de Gaulle. Il n’avait encore qu’un seul pied dans l’Histoire, à ce moment-là… Quand José est parti pour Londres, en mai, je l’ai suivi et nous nous sommes engagés ensemble dans les FFI. On nous a renvoyés en France fin 43 pour planifier l’organisation sanitaire civile en prévision de la Libération. José avait l’âme d’un chef et nous finissions nos études de médecine, nous étions faits pour ce rôle. Mais rien dans mes études ne m’avait préparé à ce que nous allions voir, ni vivre.



Michel se replongea dans ses souvenirs pendant de longues secondes.


– En juin 44, José est reparti à Alger pour soutenir sa thèse. J’aurais dû rentrer avec lui, mais je suis resté… j’avais rencontré ta mère.



Chris releva la tête et fit signe à la serveuse de leur apporter deux autres cafés.


– Tu as raison. Ta mère faisait le tapin dans un bordel du Vieux-Port. Mais c’était une autre époque. Ces cinq années de guerre avaient transformé l’Europe en un gigantesque merdier, dont on n’avait pas encore découvert toutes les horreurs. Ces quelques mois passés en France avec José nous avaient réservé leur lot de saloperies. Il paraît qu’on s’habitue à tout… Je n’ai jamais réussi à me faire à ces membres arrachés, aux cris de ces soldats mutilés qu’on devait amputer avec une rasade d’alcool pour seul anesthésiant, quand ils ne devaient pas se contenter d’un bout de bois dans lequel mordre.



Chris haussa les épaules, mais il ne parvint pas à soutenir le regard de son père. Son regard fiévreux le mettait mal à l’aise.


– Je ne me plains pas… j’aurais pu faire partie de ceux qui ont découvert les camps… Mais sur la fin, je n’en pouvais plus. Aboulker s’en était aperçu. Il m’a laissé en charge de gérer le parachutage de matos chirurgical que nous envoyaient les Alliés. J’étais moins confronté aux horreurs de la guerre, au sang, aux cris… moins souvent, en tout cas.

– Ouais. Tu avais rencontré… ma mère – Chris avait sifflé ce mot comme s’il lui brûlait les lèvres – et tu n’as pas suivi ton ami quand il est reparti finir ses études. Peut-être était-ce aussi parce que tu n’avais pas ce qu’il fallait pour continuer ?



Michel ne réagit pas. Son fils l’écoutait, à ses yeux c’était plus important que tout le reste. Ses sarcasmes valaient mieux que l’indifférence qu’il avait tant redoutée en venant.


– Peut-être que l’excuse de l’amour m’a permis de ne pas affronter ma lâcheté en face. Mais je n’ai pas à rougir de mon comportement : José et moi avons accompli là-bas bien plus que bon nombre de "héros", qui se sont auto-proclamés résistants à la Libération. Ceci dit, je pense que même si je l’avais mieux supporté, je ne serais pas reparti. Pour les soldats qui rentraient du feu, pour les blessés qui finissaient infirmes, pour ceux qui avaient tout perdu et pour tous les autres comme moi, dont la guerre avait choisi d’estropier l’âme plutôt que la chair, ta mère était un îlot d’humanité dans ce déchaînement de folie. Une bouée à laquelle se raccrocher pour ne pas sombrer…

– La Putain sauveuse de l’humanité ! Tu parles d’un hommage.



La réponse de Michel mourut sur ses lèvres. Il se mura dans un silence pensif, tandis que Christian buvait son café en regardant passer les voitures. Il s’alluma une autre cigarette et s’absorba dans la contemplation des volutes de fumée.


– Une autre époque, ouais. C’était une autre époque.



Les yeux fermés, Marlène se laisse bercer par le chahut tapageur de l’assistance, dont le rideau dressé devant la scène improvisée peine à contenir l’impatience. Lentement, elle passe une main de nacre dans les boucles de ses cheveux blonds, qu’elle ramène sur sa nuque avec sensualité. Elle tire une cigarette de son étui et la porte à ses lèvres de ses doigts délicats. Elle n’a connu la guerre que de loin, par-delà le mur infranchissable de l’Atlantique, mais son aversion pour les nazis est telle qu’elle a l’impression de côtoyer ces jeunes hommes au front depuis des années. Pourtant, malgré ce lien qui les unit, elle mesure son dénuement. Sa présence ne les aidera pas à éviter les balles, demain, lorsqu’ils repartiront crever au combat. Elle ne ramènera pas non plus les amis ni les parents qu’ils ont perdus dans ce tourbillon de violence. Un haut-le-cœur lui retourne l’estomac. Elle connaît bien cette nausée, qui lui rappelle le jour où elle a décidé de couper les ponts avec l’Allemagne, devant la montée du nazisme. Cette impuissance face à la situation lui a toujours donné envie de vomir. À moins que ce ne soit la flasque de whisky qu’elle a descendue sans manger…


Une main se pose sur son épaule : il est temps d’y aller. Lentement, elle monte sur l’estrade. Quand le rideau s’écarte et que le vacarme explose, l’Ange Bleu étend les bras et s’avance vers le public. Sa voix s’élève dans le tumulte et rappelle les soldats au silence.


– Outside the barracks by the corner light, I'll always stand and wait for you at night…


***


– Steinbeck disait que Lili Marleen était la seule chose bien que les nazis aient apportée au monde. Marlène Dietrich offrait sa voix aux soldats… ta mère leur offrait son corps. Ça n’est pas si différent.

– Parle pour toi.



Chris se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il avait trop craché sur cette mère inconnue pour lui céder un peu de considération. Pas au premier rendez-vous, en tout cas. Même avec une pute.


– Chris, je… je sais que c’est difficile pour toi. J’aurais voulu que ça se passe autrement.

– Vraiment ? À quel moment ? Quand tu l’as engrossée ou quand vous avez décidé de m’abandonner ?

– Ni l’un ni l’autre. Je ne vais pas te mentir, tu n’étais pas désiré. Je veux dire… j’étais jeune, j’avais la vie devant moi et crois-moi, en 44, j’avais autre chose en tête que de fonder une famille. Mais que tu le croies ou non j’ai vraiment eu le coup de foudre pour ta mère. Nous avions prévu de partir ensemble quand la France aurait été libérée. Peut-être pour retourner à Alger, Aboulker m’avait dit qu’il m’y attendrait. Elle n’était pas née dans un bordel et elle ne comptait pas s’y éterniser.

– Bethouard, t’as pas un père, t’en as mille.

– Hein ?

– C’est juste une des phrases qui ont bercé mon enfance. Parce que moi tu vois, je n’avais que ça en tête, d’avoir une famille.



Michel sourit avec tendresse.


– Je me suis demandé à l’époque, comment ta mère pouvait être si sûre que c’était bien moi, ton père.

– Et alors ?

– Alors tout ce que je sais, c’est que soit j’étais vraiment ton père, soit j’étais à ses yeux le plus digne de l’être. Ça me suffisait. Je me suis mis à nous imaginer tous les trois. La paix n’allait plus tarder. Le contexte n’était plus si absurde, il allait tout falloir reconstruire.



Il s’interrompit et jeta un œil au dehors. Le ciel s’était couvert et la lumière décroissait rapidement. Il ralluma une cigarette et reprit à voix basse, comme s’il se parlait à lui-même :


– Mais ça ne s’est pas passé comme ça : ta mère est tombée malade, juste après ta naissance. Elle m’avait promis que la fin de la guerre serait la fin de sa carrière. Elle a tenu parole : elle est morte juste après la reddition de l’Allemagne… j’avais été son dernier client, près d’un an plus tôt.



Chris reprit la photo, la regarda quelques secondes et la laissa retomber sur la table en formica. Morte. Ce n’était pas une surprise. Malgré tout, la nouvelle le perturba plus qu’il ne l’aurait souhaité. À quoi bon entrer enfin dans sa vie, si c’était pour l’abandonner aussitôt ? Encore. La silhouette qui commençait à se dessiner dans son esprit s’effilocha et disparut sans un bruit.


– Elle ne t’a pas abandonné, Christian. C’est moi. J’avais rêvé notre vie à trois, mais j’ai paniqué en me retrouvant seul avec toi. J’ai rassemblé tout ce que je pouvais pour que tu ne manques de rien, et je t’ai laissé à l’orphelinat. J’ai pensé que ce serait une meilleure famille que ce que j’avais à t’offrir…

– Tu avais tort.



Chris se leva, ramassa la photo sur la table et la glissa dans sa poche. Sans un regard vers son père, il prit la direction de la porte. Michel se leva à son tour, le visage décomposé.


– Christian ! Je… nous nous reverrons ?

– Pourquoi ? Tu as autre chose à me dire ?

– Tu ne m’as même pas parlé de toi… je…



Le jeune homme haussa les épaules et sortit en silence. Il n’avait aucune envie de partager la merde dans laquelle il pataugeait depuis sa naissance. Pas pour l'instant en tout cas. Dans le fond du bistrot, la radio diffusait La ballade des gens heureux, qui passait en boucle depuis quelques semaines. Michel, encore planté au milieu du café, regarda la silhouette de son fils disparaître au coin de la vitrine.



Le souffle court, les jambes musclées de Marlène serrées autour de la taille, Michel se redresse sur les avant-bras et plonge son regard dans l’abîme de ses yeux. Il sent la jeune femme palpiter sous son corps, l’entourer de sa chaleur. Elle ferme les yeux et soupire. Le rouge de ses lèvres tranche sur le teint pâle de sa peau. Michel revoit son visage. Ce visage exsangue, dont seuls les yeux exorbités semblaient encore receler une once de vie.


– J’ai mal ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas !



Michel ferme les yeux, mais ses cris résonnent encore dans sa tête.


– Aidez-moi ! Ma sœur ? Où est ma petite sœur ?

– Calme-toi, ça va aller. Elle va bien.



Michel n’en sait rien, il n’a aucune idée d’où est sa sœur. Il sait par contre que ça ne va pas aller pour ce pauvre gamin. Il a pris une balle dans le ventre et perdu beaucoup de sang : sans intervention médicale dans les minutes qui viennent, il n’a aucune chance de s’en tirer.


N’y pense pas. N’y pense pas. N’y pense pas ! Il se redresse et s’agenouille entre les jambes de Marlène. Son corps est le plus doux des exutoires. Ses mains glissent sur ses épaules et suivent la courbe de ses seins jusqu’à son ventre brûlant. Du sang jaillit entre ses doigts. Il appuie sa deuxième main sur la plaie, mais il sait qu’il n’a aucune chance de faire un point de compression sur l’abdomen.


– Aaaaaah ! J’ai maaaaal !



Le gosse hurle et se tortille sur le sol. Quel âge a-t-il ? Douze ans ? Treize peut-être ?


– Calme-toi ! Essaie de ne pas bouger. Ça va aller, tu m’entends ? Serre ma main. Là, serre fort.



Fais quelque chose. Fais quelque chose, merde, fais quelque chose. Trempé de sueur, Michel scrute la pièce dévastée à la recherche de quelque chose. N’importe quoi qui pourrait l’aider à faire… quelque chose. Mais quoi ? Sa petite main se serre dans la sienne. Ses ongles s’enfoncent dans sa paume alors que la jeune femme se cambre de plaisir.



Michel sursaute, pris d’une nausée. Il ne sait plus où il est. Marlène voit que quelque chose ne va pas. Elle s’arrête essoufflée et s’assied face à lui.


– Michel ? Qu’est-ce qui se passe ?

– Excuse-moi. Je ne peux pas. Pas maintenant.



Michel se laisse tomber sur le flanc, à côté d’elle. La main sans vie du garçon retombe sur le sol.


– Je n’en peux plus, Marlène. Ce gamin n’avait même pas quinze ans. Je n’avais pas besoin de faire six ans d’études de médecine pour le regarder mourir…



La jeune femme se redresse sur le coude et passe son bras autour de ses épaules, laissant courir ses doigts dans ses cheveux trempés.


– La guerre ne sera pas éternelle, Michel. Il faudra bientôt laisser les morts derrière nous, et nous concentrer sur les vivants.



Il sourit. Il ne s’est jamais senti aussi bien que dans les bras de cette femme. Le cauchemar de la journée s’estompe peu à peu, le sang cesse de lui marteler les tempes. Il ferme les yeux et enfouit son visage dans le creux de son cou, ivre de son odeur, de sa chaleur.


– Michel ?

– Hmmm ?

– Il y a quelque chose d’important que je dois te dire.


FIN




À Léo, le plus fervent défenseur de la liberté que j’aie connu sur Oniris.



____________________

La nouvelle s'inspire de la chanson « Marlène » du groupe Noir Désir.


 
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   Anonyme   
20/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai été vraiment déroutée par la scène d'amour avec Marlène, mêlée de manière hallucinatoire au souvenir de la mort du jeune combattant que n'a pu sauver Michel ; une réussite, je ne savais plus où j'étais !

Sinon, j'ai aimé cette histoire qui se termine en queue de poisson, où aucune rédemption n'est offerte mais où l'amour est bien présent. Je trouve que cela sonne vrai. L'écriture manque peut-être un peu de relief à mon goût, n'évite pas les clichés (les yeux brûlants de haine, Michel ivre de l'odeur et de la chaleur de Marlène, le coup de foudre...), mais elle me paraît efficace.

   Mistinguette   
21/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une histoire grave à l’écriture irréprochable. Par contre, j’ai eu un peu de mal avec la construction.
En relisant, les événements ont fini par s’imbriquer chronologiquement dans mon esprit, mais il me reste quelques lacunes sans doute dues à mon manque de culture concernant la 2ème guerre mondiale.
Par exemple, je n’ai pas compris où se situait la grande poste, au Maghreb ou à Marseille ?
Pas saisi non plus pourquoi le lieutenant Dreyfus se fait tuer par un de ses compatriotes ?
L’âge de ce jeune militaire, aussi, m’a interpelée. C’était possible, à l’époque, d’être appelé ou de s’engager dans l’armée à quinze ans ?

Le passage avant que Marlène n’entre en scène : il s’agit bien de Marlène Dietrich et pas de la Marlène de Michel ?
Ce qui m’a mis le doute, à la deuxième lecture, c’est le fait qu’elle ait envie de vomir, ça m’a fait penser à des nausées de début de grossesse.

Pour la chanson, c’est bien sur : Lili Marlène

J’ai pris un grand plaisir à lire cette nouvelle dédicacée à Léo.
L’auteur met ces mots dans la bouche de Marlène : « La guerre ne sera pas éternelle, Michel. Il faudra bientôt laisser les morts derrière nous, et nous concentrer sur les vivants. »
C’est vrai qu’il faut se concentrer sur les vivants, mais certains disparus nous ont tant apporté que c’est bien difficile de continuer sans eux…

Merci beaucoup pour cette lecture et, bonne chance pour le concours !

   Anonyme   
26/3/2014
Salut Ninjavert

Une vraie histoire, très visuelle, avec des rebondissements et des flashbacks, comme au cinoche ou dans les bonnes séries télé (il y aurait d'ailleurs dans ce texte un sujet très porteur)

1975, la sortie des Baumettes, on s'attend à un polar comme on savait en faire à l'époque.
Et l'histoire prend une autre direction.

Le scénario est très riche. Les premiers combats de la libération (de la France) en Algérie, la vie des quartiers chauds de Marseille.
On commence à se demander tout de même le rapport avec le concours quand on apprend ravi, que "la pute" s'appelait Marlène.
Et l'on chantonne (en anglais) cette chanson "œcuménique" qui met d'accord les soldats de tous pays . C'est vrai qu'elle est chouette, surtout en allemand.
Marlène devient le personnage central (et lumineux) de la nouvelle (j'allais dire du film)

Il n'y a pas de happy end, et c'est très bien ainsi,
Le fils se barre - on imagine qu'il va reprendre ses occupations d'avant les Baumettes - et le père reste avec ses souvenirs douloureux.

Merci Ninjavert pour cette chouette histoire et bonne chance pour le concours.

   Anonyme   
26/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Ninjavert. Et oui, Lili Marleen, triste époque mais chanson qui prend toujours aux tripes... comme ce récit tout à fait plausible, une histoire d'homme qui s'appuie sur l'Histoire avec un grand H...
Tout ceci est bien mené et l'absence de chute est un plus dans ce genre de nouvelle... La vie continue, chacun de son côté, sans effusions ni émouvantes retrouvailles, chacun avec sa vérité et ses états d'âme...
Je sais que Léo aurait aimé. Merci

   Bidis   
26/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’ai trouvé que dans cette nouvelle passe un indéniable souffle épique qui emporte le lecteur.
Petites remarques néanmoins:
- « ses sens seraient saturés de fragrances… » : Le simple et brave mot d’« odeur » me semble plus indiqué. Un prisonnier rêve plutôt à de bonnes odeurs d’air frais, de fritures, de tabac et de parfum de femmes mais les fragrances, ce sont seulement des parfums et s’il n’y avait que cela, ce serait un peu écœurant. D’autant que le mot « odeur » n’est pas repris par la suite et ne peut donc pas faire répétition.
- « chaouch », « Gaston Castel », des notes explicatives en bas de page seraient tout-à-fait bienvenues. »
- « Menaçant, le poing de Chris avait jailli de sa poche, les tendons blanchis sous la peau » : J’aurais trouvé plus naturel de dire, par exemple : « Chris serra le poing, prêt à cogner. » Ici, je vois le personnage dans une attitude de boxeur prêt à l’attaque et cela me le rend un peu caricatural, comme un personnage de bande dessinée.
- Depuis « Des images, des souvenirs qu’il pensait définitivement refoulés… » jusqu’à « … s’assit à la place du mort » on parle tour à tour du passé et du présent. J’aurais trouvé plus judicieux de parler du passé puis du présent au lieu d’aller ainsi plusieurs fois de l’un à l’autre.
J’ai trouvé très réussie la scène finale où l’amour et la mort s’emmêle. Mais je ne sais pas si je trouve cette histoire d’amour bien réaliste. En tout cas, on ne sent pas vraiment, d’après ce texte, l’horreur que ce doit être d’être une fille à soldats…

   Pepito   
27/3/2014
Cher Ninjavert, bonjour !

Bon 5 commentaires seulement, quelque chose me dit que je suis pas le seul à être dans l'expectative.

J'ai du mal à le choper, ce texte, changement de rythme, de narrateur, de sujet,...

A la sortie de prison... j’hésite entre Austin Power et les Blues Brothers ;=)

Puis le "Je suis ton Pèèère" est vachement connoté aussi.

Bon, le père qui dégringole sans crier gare, se mange une poignée d'osselet, pour raconter sa version de la guerre (pardon, des Evènements) d'Algérie... difficile à croire.
Le vieux toubib qui gifle un petit délinquant sorti de prison sans représailles... hummm

La récupération de la photo de la mère m'a bien plu, la scène amour/à mort aussi.

"Alors tout ce que je sais, c’est que soit j’étais vraiment ton père, soit j’étais à ses yeux le plus digne de l’être. Ça me suffisait." c'est un truc que je ressent très bien, par contre 20 ans pour s'en rendre compte...

Voilà, j'en suis le premier désolé, mais je n'ai pas accroché plus que çà.

Pepito

   Anonyme   
28/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un récit franchement sympa, c'est ma première réaction. La seconde c'est: oui mais pourquoi user, parfois, de facilités ?

Explications (roulement de tambour): après l'avoir lu je suis allé voir le forum hier soir, et j'avais bon, c'était la Marlène de Noir Désir qui était présente ici. Bien entendu il y a Marlène Dietrich aussi. C'est ce qui rend ce récit très sympa, la relation 1975/1944, même si et c'est là que je tique un peu, le morceau des Noir Déz date des 90's. Il aurait peut être fallu décaler d'un poil non ?

Deuxième chose, l'aller retour présent-passé, j'aime bien, c'est simple, efficace, pas novateur, mais efficace. La seule chose qui me gêne c'est les italiques, c'est une facilité je trouve. Une façon de dire: regardez, on change d'époque ! C'est important ! Je n'aime pas ce procédé. Je me dis que l'auteur devrait être capable de nous amener dans le passé juste avec les mots, la mise en situation.

Troisième chose: le rapport au père. Parfois ça cloche. Déjà le fait que le gamin soit abordé directement à sa sortie de taule par un père que visiblement il ne connait pas, j'ai un peu de mal. Comment le père sait par exemple ? Comment le gamin se laisse convaincre ? (là ça fait quand même trop deus ex machina je trouve). Par contre ce que je trouve très bon c'est cette non-fin. Le fait que finalement on en saura pas plus. J'aime bien.

Voilà, ce ne sont que quelques petites remarques, rien de méchant, j'ai bien aimé ce texte, vraiment.

   Acratopege   
28/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Eh bien je ressors lessivé de cette lecture. Ça commence comme film policier français de série B., Gabin et les autres, et ça vire au drame sentimental et au roman historique sans crier gare. Je me suis senti chahuté de bout en bout, et la fin en queue de poisson n'arrange rien. En bref, texte magnifique, écriture irréprochable, mais j'ai un peu eu l'impression de lire le synopsis d'une œuvre plus conséquente. Trop de matériel narratif, dirais-je, pour un texte si court, mais le plaisir de la lecture n'en es pas altéré. Merci

   widjet   
1/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien
Fidèle lecteur de l’auteur, j’ai lu ce nouveau texte avec plaisir.

Ninjavert va assez vite à l’essentiel (mise en place rapide et efficace, les extérieurs – et les descriptions – n’ont guère d’importance, ça fait presque un peu huit-clos d’ailleurs). Même si on sent bien que l’auteur était davantage intéressé – et inspiré – sur (et par) le caractère historique (le texte se veut ancré dans l'authenticité de par les noms et les organisations cités), l’intrigue familiale (même si très classique) n’est pas négligée pour autant et les interactions entre le père et le fils sonnent plutôt justes (au même titre que la relation amoureuse certes en filigrane, mais plutôt subtile – notamment avec ce non-dit final, très bien senti – entre Michel et Marlène).

Bref, la plupart du temps, on y croit et croire à l’histoire (même le temps de la lecture), c’est important pour être embarqué. Et j’ai été embarqué (Ninjavert ne s’embarrasse pas trop de détails, mais s’évertue à maintenir un certain tempo).

Le flash-back s’imbrique pas trop mal, même si je pense qu’il avait moyen d’immerger encore plus le lecteur suscitant davantage nos sens vitaux (visuel, auditif et olfactif) ; mais je présume aussi que Ninj ne voulait pas faire un récit sur la guerre ou sur la Résistance (ce qui aurait densifié, mais aussi déséquilibré son récit au risque peut-être de diluer davantage ses autres intrigues, et puis aussi Ninj ne voulait sans doute pas faire une trop longue nouvelle).

En revanche, grosse maladresse (selon moi) sur la double scène (d’amour/et de mort) qui rappelle une scène cinématographique (qui m’a marqué par son flagrant manque de goût) dans Munich (Spielberg) où Eric Bana copule tout en étant envahi par des images des athlètes juifs exécutés. Je ne sais pas si tu vois à quelle scène je fais allusion, mais ce passage dans ton texte m’y a fait immédiatement pensé. C’est un pari osé que tu as pris là et même si je vois bien l’intention (confrontation vie et contre mort), je trouve le procédé maladroit ici et le rendu peu convaincant.

Contrairement aux autres commentateurs, je n’ai aucun doute sur le fait que ces deux là se reverront, mais si le dénouement ne le dit pas. C’est un premier pas vers cette quête rédemptrice et identitaire pour les deux hommes. Libre à nous lecteur d’y croire. Personnellement, j’y crois, preuve que l’auteur est parvenu à me toucher.

Même si globalement les dialogues sont bons, ça manque parfois de naturel par exemple le père est un peu trop verbeux (ce qui d’un autre côté est assez compréhensible compte tenu qu’il cherche un peu à se faire pardonner) à l’instar du « Je n’ai jamais réussi à me faire à ces membres arrachés, aux cris de ces soldats mutilés qu’on devait amputer avec une rasade d’alcool pour seul anesthésiant, quand ils ne devaient pas se contenter d’un bout de bois dans lequel mordre » qui, de mon point de vue n’est pas indispensable voire lyrique avec le « Pour les soldats qui rentraient du feu, pour les blessés qui finissaient infirmes, pour ceux qui avaient tout perdu et pour tous les autres comme moi, dont la guerre avait choisi d’estropier l’âme plutôt que la chair, ta mère était un îlot d’humanité dans ce déchaînement de folie ».

C’est un peu grandiloquent par moments, quand même.

Une ou deux bricolos sur la forme (le – Aaaaaah ! J’ai maaaaal ! – a tendance à me faire marrer alors que ce n’est pas le but), mais rien de méchant, Ninjavert n’a pas cherché (et c’est bien) a enjoliver un style qui se devait d’aller « straight to the point » pour maintenir son réalisme (à ce titre le choix de la catégorie n'est pas usurpé).

Pas du grand Ninjavert, mais c’est un texte efficace dont l’intérêt ne faiblit jamais.

Voilà ce que je pouvais dire à chaud.

Je retourne dans ma cabane.

Merci mister et bravo !

W

   Marguerite   
2/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Ninjavert,
Merci pour « Le fils de pute », texte vivant sur les sujets difficiles de l’abandon et de la guerre qui fait vivre la Marlène de Noir Désir de façon très crédible.
L’écriture est sûre, le texte fluide et l’histoire riche, attachante.
Certains passages offrent une vraie immersion dans la vie de Michel à l’époque de la guerre (« J’étais étudiant en médecine à Alger… » - passage rythmé qui pose le décor de l’histoire de Michel), d’autres m’ont un peu perdue en cours de route (« Les rafales éclatent à nouveau au dehors… »). Mais ce n’était que pour mieux me récupérer ensuite.
Un texte avec des vrais points forts qui transporte aisément le lecteur jusqu’à la dernière ligne.
M.

   Robot   
7/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai mis un peu de temps à découvrir "Lili Marlène" dans ce superbe récit en relation avec une époque noire et cependant héroïque" de l'histoire de France. Un fait de la petite histoire qui s'insère dans la grande et qui est écrit superbement.
Un déroulé sans heurt, une récit prenant, un style personnel: Que demander de plus à une nouvelle.

   Ninjavert   
8/4/2014


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